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06.01.2016

Y'a qu'à faire comme ça

rois mages.jpgFroid sur les rivières et les étangs, neige voltigeant dans l’air au menu de cette Epiphanie, jour férié en Pologne.
Et c’est bien normal dans un pays qui se veut respecter les traditions de la religion chrétienne.
On dira oui mais… On dit toujours oui mais quand on regarde chez les autres et qu’ils ne font pas exactement comme soi-même on fait.
Sans être personnellement pénétré du sens sacré de la religion, je crois que c’est  de bonne franchise, là comme partout ailleurs, de ne pas faire les choses à moitié.
Ou on les respecte, ou on les fout à la poubelle, les choses de la religion, mais il n’y a guère pire que cette demi mesure instaurée en France, calquée sur les besoins de l’organisation sociale. Du temporel légèrement saupoudré de spirituel. Un peu de miel dans du vinaigre.
Ainsi quand je lis sur mon almanach français des PTT que l’Epiphanie est inscrite au dimanche 4 janvier, je vois bien que cette pauvre France, le cul entre deux chaises, hésite entre la chèvre et le chou.
Elle finira comme l’âne de Buridan, mort de soif et de faim entre une botte de foin et un seau d’eau.
Je me demande par ailleurs si, pour les besoins de la cause travailleuse, on en viendra un jour, dans cette chère France, à prier gentiment les gens de confession musulmane de ne respecter le ramadan que le samedi et le dimanche.
Que d’hypocrisie ! Je le répète pour les obtus  : si les dehors de la religion partout présents en Pologne me gonflent, les singulières tergiversations de la France, pourtant construite, bâtie, solidifiée et culturellement nourrie sur le socle des traditions chrétiennes, m’énervent encore plus.
J’y vois comme une lâcheté à ne pas vouloir décliner sa véritable identité. Du louvoiement de clandestin. Du balbutiement de vierge effarouchée.
Le jour où on fera tomber forcément Noël un dimanche pour ne pas perturber les rythmes scolaires et les fluctuations financières de la bourse, on va bien rire. Les instituteurs de la gauche laïque  seront tous dans la rue, poussés au cul par des syndicats indignés !
Mieux encore : le jeudi de l’Ascension un samedi. Ça, ça aurait du cachet ! Finis les longs week-ends à la plage ou chez mémé !

11:41 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : écriture, littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

31.12.2015

A califourchon sur deux siècles - 11 -

coureur.jpgLa publicité est le nerf guerrier de toute ambition politique.
C’est par elle, et par elle seule, que l’ambitieux compte parvenir à ses fins et cette publicité use exactement des mêmes canons que ceux de la publicité chargée de promouvoir telle ou telle marque d’une marchandise au détriment de telle autre, avec des pôles inversés cependant : pour le politique, il s’agit en effet de vendre une idée - soit la juste réalité pensée avec justice - qui ait les allures d’un programme de gouvernement, pour l’industriel il s’agit de vendre un programme de production qui ressemblerait à une idée, soit la satisfaction d’un prétendu besoin.
Le fait est cependant tellement devenu évident, même dans la tête du plus obtus des citoyens, que cette politique marchande est nommée par les politiciens eux-mêmes « politique politicienne ». En voilà une trouvaille ! Une trouvaille qui constitue en même temps un affligeant pléonasme et un euphémisme tendancieux. Toujours selon le même principe énoncé plus haut, il s’agit de montrer la vérité toute crue avant tout le monde, pellicule à l’envers, sous un jour négatif, afin de la rendre inopérante dans la tête de chacun.
Car un politicien, ou un camp de politiciens, qui accuse un concurrent de « faire de la politique politicienne » sous-entend bien évidemment que, lui, il fait de la politique sacerdotale au seul service des citoyens. Ce dont il ne se rend pas bien compte, c’est que, par là-même, il use lui-même de la rhétorique de la politique marchande, dite « politicienne ». La fausse critique de la nature sournoise de la politique devient un des éléments constitutifs de cette sournoiserie.
Si un menteur s’accuse publiquement de mentir, comment ne pas le croire et le prendre alors pour un honnête homme ? C’est là tout l’art de savoir encore manier la vieille dialectique hégélienne.
Les électeurs, en fait, se déplacent donc pour élire un produit prêché par une publicité plutôt qu’un autre vanté par la concurrence. Tout comme, en matière de dentifrice par exemple, on préfèrera Signal qui affirme que son seul but est de prévenir les caries et que pour ce faire ses laboratoires ont mis au point une meilleure pâte antibactérienne que Colgate.
J’ai dès lors toujours dit qu’ils seraient mieux inspirés, ces électeurs, d’aller à la pêche ou au bordel les jours de grande convocation démocratique car, quel que soit le dentifrice sur lequel se sera porté leur choix, ils auront de toute façon toujours mal aux dents… De fait, l’isoloir du suffrage universel n’a jamais été aussi bien nommé : le citoyen y est voué à une exécrable solitude face à un jeu pipé, mille fois prouvé, dont il s’est mordu mille fois les doigts pour y avoir engagé sa voix et pourtant mille fois recommencé.
S’il n’y a pourtant qu’un seul moyen, non violent, pour virer une marchandise frelatée du marché, c’est bien de ne pas l’acheter. Ça tombe sous le sens. Participer à ce jeu de dupes, c’est donc souscrire à sa légitimité et c’est s’accepter soi-même comme éternel dindon de la farce.
Il n’y a rien de plus accablant !
Je dis « non violent » car s’il s’agit de changer un monde sanguinaire, violent, barbare, cruel, la subversion ne peut en aucun cas se proposer d’imiter ce monde dans sa perversion et de distribuer la mort.

Au royaume de la sémantique révolutionnée, toute cette mascarade s’appelle de «la communication ». Il est vrai qu’un monde qui ne se communique plus que par du faux vrai ou que par du vrai faux, ne mérite guère mieux et la tendance s’est d’ailleurs évidemment fort accentuée avec les progrès réalisés par les techniques et supports de la susdite « communication », lesquels sont devenus incontournables vers la dixième année  de ce siècle.
Les deux derniers présidents du XXe, Mitterrand et Chirac, n’ont jamais publié le moindre tweet. Or, un politicien qui n’aurait aujourd’hui pas de compte twitter pour déblatérer ses avis et sentences lapidaires à deux balles, à usage unique et en dix mots, serait comme un coureur du tour de France sans son vélo au pied de l’Alpe d’Huez sauf, quand même, que le spectateur féru de cyclisme applaudit le sportif, l’homme dans sa tentative de performance, alors que le spectateur-citoyen n’applaudit que le vélo.
C’est normal : il n’y a personne dessus.

Ceci étant dit, nous entamons, déjà et demain, la quinzième année de ce siècle.
Je vous souhaite de trouver en vous l’inspiration qui mène aux joies individuelles au milieu du charivari collectif.
Bonne année !

09:11 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, politique, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET

25.12.2015

A califourchon sur deux siècles - 10 -

images n.jpgA propos de  l'actuel président de la république de France, que dire qui n'ait déjà été dit ou pensé ?
Au risque, assumé, de lasser on peut d’abord affirmer, ou réaffirmer, qu’il est un président par inadvertance. Un président élu non pas pour ses qualités mais contre les défauts d’un autre et, aussi, détail vaudevillesque  que les historiens les plus minutieux retiendront peut-être en pouffant, candidat retenu à la candidature par la grâce d’une fellation inopinée et volée dans une chambre d'hôtel de New York par celui qui allait être «l'élu candidat » des hordes « socialisantes ».
C’est ce qui s’appelle rencontrer l’histoire  par le petit bout de la lorgnette. Ou bien encore avoir le cul bardé de nouilles.
Le voilà donc, notre ennemi de la finance,  installé par les financiers sur le trône républicain et projeté du même coup dans la cour des grands de ce monde, arpentant les tapis rouges de pays en pays, voyageant de capitales en capitales, serrant par-ci la main d’un roi religieux qui décapite régulièrement à tour de bras, donnant l’accolade par-là à un monarque républicain et semant partout sur son passage les stigmates d’une ignorance avérée, justement, des choses du monde.
Reçu au Mali en libérateur après y avoir porté ses armes, on retiendra qu’il s’écria tel un benêt devant son sapin de Noël : C’est le plus beau jour de toute ma vie politique !
C’est assez dire, et c’est effrayant, que sa vie politique se résumait finalement à un grand espoir de faire un jour la guerre !
Sauf qu’avec un fantasme aussi fantasque, il mettait le doigt dans un engrenage qui allait entrainer tout ce que l’on sait et sur quoi coulent encore les larmes sincères de tout un peuple et celles de crocodiles de tous ses « dirigeants ».
L’Histoire conjuguée au présent est vraiment grotesque. Cet homme qui, comme tous les autres avant lui, proposait le changement, ne voit sa cote de popularité faire quelques sauts capricieux de cabri qu’à la faveur d’ignobles massacres. Il n’y a que dans ces circonstances dramatiques que le peuple anesthésié veut bien l’admettre, de façon tout à fait éphémère, comme un chef crédible, un peu comme les moutons qui se regroupent un court instant autour du berger par panique soudaine du loup qui vient de se mettre à hurler aux lisières.
Espérons de tout cœur que la baraka qu’il l’a propulsé au début sur les devants de la scène ne s’exprime pas à la fin de sanglante façon, quelques mois seulement avant qu’il n’ose demander au peuple de le reconduire dans le non-exercice de ses fonctions !
Ce serait payer bien cher le prix d’une ambition minable.

Toutes ces lignes, j’en ai parfaitement conscience, ne sont que critiques ad hominem et, par là-même, fort suspectes ! Mais si c’est bien de François Hollande dont je parle, gardons bien à l’esprit que sans l’abominable Sarkozy comme prédécesseur et sans les obsessions sexuelles du sieur Strauss-Kahn, c'est-à-dire sans lui, le désastre eut été à peu près le même.
Il y a trop longtemps que les gens vivent par, pour et avec le mensonge, trop longtemps que, légitimée par les urnes, la bêtise a force de loi en France comme sur les trois quarts de la planète, trop longtemps que l'économie mondialisée a cloué les espérances de tous aux mêmes piloris, pour espérer qu’un jour les hommes prennent en mains la construction d’un destin en s’appuyant sur du réel enfin remis dans le bon sens, à l’endroit.
Dont acte.
Reste néanmoins que la sournoiserie, la tromperie, l’escroquerie sont plus criantes, plus visibles et plus blessantes encore, quand la publicité qui les mène au pouvoir s’appuie sur un discours humaniste, égalitaire et  volontariste en matière de justice sociale.
C’est là tout le fond de commerce des gens de gauche. Les gens d’en face, ceux de droite - permettez que je passe sous silence les différentes nuances de teinture, parfois subtiles,  qui saupoudrent l'un ou l'autre de ces deux pôles traditionnels de l’échiquier spectaculaire - au moins annoncent-ils plus crûment la couleur. Non pas qu’ils soient plus honnêtes ou plus compétents, mais parce que les sociétés où les vies sont uniquement financées par la banque et distraites par le besoin névrotisé de consommation de marchandises, sont forcément injustes et inhumaines et que, par conséquent, le discours de droite semble à chaque fois plus clairement annoncer la couleur de ses intentions et mieux coller au réel.
Cependant, par l'effet d’une impuissance en même temps accablée par le réel que dictée par l’idéologie, le résultat sera toujours le même, en parfait décalage avec tous les effets d’annonce.

18:50 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : histoire, politique, critique |  Facebook | Bertrand REDONNET

20.12.2015

A califourchon sur deux siècles - 9 -

pole-emploi-a-qui-le-tour.jpgInternationalisation des finances et des productions, mêmes stratégies d’intérêts et de contre-intérêts sur tous les territoires de la planète, mêmes accumulations de richesses et mêmes levains de pauvreté et de précarité des populations partout entretenus, mêmes marchandises frelatées, cancérigènes pour la plupart de celles proposées à l’alimentation, même culture au rabais partout dispensée, mêmes âmes nivelées par les mêmes désirs indésirables, mêmes corps déprimés de n’avoir plus conscience de s’appartenir vraiment, mêmes vies étiolées dans la représentation de la vie, tel est le lit sur lequel repose la solidité de la mondialisation.
En envahissant la planète d’une seule voix, le capital financier, s’il ne rencontre donc plus la contestation prolétarienne, ni même ne la craint plus, se heurte cependant à ses propres contradictions formulées par la géopolitique, tel un immonde serpent de cirque qui se mordrait la queue parce que sa cage serait devenue trop exigüe.
On l’a vu avec l’Ukraine et le coup de force, à ce jour à demi réussi seulement, de l‘Europe et des Etats-Unis pour mettre la main sur cet immense marché de 70 millions de consommateurs, trop profitable au capital russe. On le voit de façon encore plus dramatique avec tout le Moyen-Orient, ensanglanté, écartelé, démantelé, redécoupé.
Pourtant, la même masse financière fait ses choux gras, s’investit, calcule, voyage, mute, ordonne et s’échange, hydre aux mille têtes, aussi bien à Washington qu’à Moscou, que dans les capitales européennes, qu’à Pékin, New Dehli, Rio de Janeiro ou Ryad. Mais les grands stratèges de la haute finance, ceux qui alimentent l’économie mondiale, qui en règlent les rouages et en indiquent les grandes directions, ont, à un moment donné, plus d’intérêts ici qu’ailleurs, dans tel bloc géopolitique plutôt que dans tel autre, sur telles matières premières plutôt que sur telles autres, sur tels gisements d’énergie plutôt que sur tels autres.
S’ensuivent alors les frictions qui ne disent jamais leur nom. Nous n’en percevons que la partie haute, de surface - encore que contradictoirement brouillée par les différentes propagandes -, comme le marin ne voit que le sommet de l’iceberg noyé dans des brouillards lactescents.
Les discours fallacieux sont pourtant assez faciles à décoder pour qui veut bien encore s’en donner la peine. Les politiques de tous bords et de quelque nation qu’ils soient, dès qu’il s’agit de camoufler une inavouable sournoiserie à la populace, ont pour méthode de dévoiler tout de suite et crûment la vérité, mais en la niant fortement. Une vérité a contrario, en quelque sorte. Ils tentent ainsi de la désamorcer et des millions d’imbéciles heureux se croyant de la sorte justement et honnêtement éclairés adhèrent donc, très vite, à cette négation d’un vrai énoncé sans ambages, mais en ne retenant que la négation. Toujours ce principe qui dirige le monde : montrer le vrai dans un miroir, la tête à l’envers pour en faire du faux, et vice-versa.
C’est ainsi que, sitôt la réaction de Moscou entendue avec le retour de la Crimée dans le giron russe, Merkel, Obama, Hollande et toute la nébuleuse bruxelloise, fers de lance du coup d’Etat de Kiev, grands pompiers pyromanes, se sont indignés d’une seule voix de ce que Poutine " avait des façons et des visions d’un autre siècle en défendant des intérêts géopolitiques parce que le monde ne pouvait plus se penser, justement, en termes géopolitiques."
Il fallait comprendre l’exact contraire, sauf à vouloir être noyé sous des flots de contre-vérités logiquement construites à partir de ce faux postulat.
Et que n’a-t-on pas entendu pour camoufler la réalité ! ? En Pologne – je ne sais pas en France – on est même allé jusqu’à prétendre que Poutine agissait ainsi, en ringard guerrier des XIXe et XXe siècles, parce qu’il avait une tumeur au cerveau qui lui bouffait la raison ! On n’a évidemment évité de parler des nationalistes ukrainiens entrainés dans des camps militaires polonais à l’été 2013, ce que seul a révélé, photos à l’appui jamais officiellement contestées, le journal « Nie ».
Il faut, pour faire rapide et simple, imaginer des situations burlesques et penser l’impensable en usant de la fiction. Le mensonge occidental tombera alors de lui-même. Ainsi, imaginons que le Mexique, par exemple, ait décidé tout d’un coup de tourner ses intérêts économiques et financiers vers Moscou, et demandons-nous alors si Obama aurait juré tous ses grands dieux que les problèmes géopolitiques n’avaient plus cours en ce siècle moderne… C’en est presque ridicule et c’est là tout l’intérêt de cette illustration fantaisiste car le monde, dans les affirmations de ses dirigeants quand ils mentent – c’est-à-dire en permanence - est un monde ridicule.
S’il n’était pas fort compromettant pour l’avenir et nuisible à la vie présente, il en serait même hautement comique.
Il est, ce monde, le résultat de la défaite des peuples devant les pouvoirs financiers et leurs superstructures politiques.
Les grands de ce monde, fiers-à-bras des G20, G8, G7, conférences sur le climat et autres grandes messes organisées à coups de millions prélevés sur le confort des populations, ne sont en effet que les courtiers en assurance-vie de la finance et du grand capital, qui font au peuple sagement courber l’’échine.

Mais, pour accéder aux sommets de cette hiérarchie des représentants de commerce internationaux, il faut d’abord avoir reçu délégation de ces différentes succursales de la mondialisation que sont les pays. Il faut en prendre la direction. Il faut en être le PDG, majoritairement soutenu par un conseil d’administration, qu’on appelle le parlement.
Aussi le premier art consiste-t-il à bien mentir chez soi avant d’être autorisé à mentir au monde entier.
J’en arrive ainsi plus spécifiquement à la félonie intérieure, de plus en plus sophistiquée donc de plus en plus perceptible, sur laquelle se font élire les chefs d’Etat et toutes leurs piétailles de soutiens nationaux et locaux, et ce, plus principalement en France, tout simplement et tout naturellement parce que, tout expatrié que je sois, c’est là mon pays.

11:08 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : histoire, politique, écriture, ukraine |  Facebook | Bertrand REDONNET

17.12.2015

A califourchon sur deux siècles - 8 -

affiche.jpgLa confusion explosive qui règne sur une bonne partie de la planète où les puissants affûtent leurs armes et avancent leurs pions, provient aussi, en même temps qu’elle en est la cause, de la confusion qui sévit dangereusement à l’intérieur des sociétés des pays de l’Occident et, in fine, dans la tête de chacun.
Confusion dans les rapports sociaux falsifiés et sacrifiés à des idéologies communautaires et égalitaires que les mouvements autonomes du réel viennent chaque jour contredire, confusion dans l’énoncé à tour de bras de valeurs surannées, pas claires du tout et même historiquement louches – je reviendrai sur ce point -, confusion totale dans les buts poursuivis par les États et confusion de  leurs discours politiques, confusion, en Europe surtout, sur la notion même de pays d’appartenance, confusion terrible entre des progrès technologiques de plus en plus pointus mais aux effets de moins en moins visibles sur le bien-être moral et matériel des individus, confusion d’une richesse qui s’accumule dans des proportions inversement proportionnelles à la demande de participation active des gens mais dans le même sens qu’une dette qui grossit à n’en plus finir, dont on nous rebat les oreilles, dette métaphysique, irréelle, nuage de chiffres indicibles, muets et, pour corollaires,  confusion dans les conditions faites à la vie individuelle et familiale vide de désirs souverains, d’idéaux enthousiasmants, exclusivement modulée sur des joies subordonnées à la masse de marchandises aussi frelatées qu’inutiles que chacun est en mesure de se procurer, confusion enfin dans l’usage quotidien que l’on fait de sa culture tout en s’efforçant, pour faire cultivé, de la nier.
Dans de telles conditions, nées de la complexité in-humaine du libéralisme mondial, aucun politique ne sait lui-même où il met les pieds quand il accède à un mandat suprême. Il improvise, il magouille du réel, il fait avec les moyens de plus en plus limités du bord et comme bien évidemment toute cette impuissance est inavouable quand on brigue les suffrages de gens perplexes qui attendent des solutions, il ment comme un arracheur de dents.
Mitterrand qui, en plus de savoir présenter des vessies en guise de lanternes, savait pertinemment que tel serait le lot du XXIe siècle en confiant : je serai le dernier Président. Entendez par là que les Présidents du XXIe ne seraient que Présidents de leur propagande et n’auraient aucun pouvoir sur le cours mondialisé des choses. Le roué socialiste savait d’autant mieux de quoi il parlait qu’il était un des fervents idéologues et premiers artisans de cette situation naissante dont le contrôle échapperait bientôt complètement aux politiques des uns et des autres.

Ainsi, candidat à l’impuissance en actes, quand Hollande s’époumone à hurler que "l’ennemi, c’est la finance", il ne ment pas. Il traduit la vérité toute crue, complexe, en un lapidaire slogan publicitaire. Il donne un nom au mal, il nomme l’angoisse du peuple.
Mais, toute honte bue, là où il fait œuvre d’innommable escroc,  c’est quand, par ce slogan, il laisse entendre qu’il va combattre et même abattre cet ennemi. Ça tombe sous le sens. Personne ne peut dire : je connais l’ennemi, mais il est plus fort que moi et, en plus, j’en ai besoin, alors...
La formule, même dans sa stricte réduction publicitaire et mensongère, était de toutes façons, vu l’état du monde, une idiotie de première classe. Imaginez un candidat de la fin du XIXe siècle qui se serait écrié : l’ennemi, ce sont les mines de charbon et les hauts fourneaux !
Car ce n’est pas la finance qui est l’ennemi et cause du malheur des gens, mais bien la façon dont le monde, qu'elle a assujetti,  s’articule autour d’elle et la façon dont elle redistribue ses acquits, de même que ce n’était pas les aciéries l’ennemi des ouvriers du XIXe mais bien les misérables conditions qu’elles imposaient à leur vie.
Si mon radeau sur une rivière se met à prendre l’eau et que je risque de m’y bientôt noyer, il sera plus intelligent de revoir l’état de mon radeau et ma façon de naviguer que de vouloir supprimer la rivière.

Cet exemple vaut pour tous les autres qui pourraient être donnés en matière de mensonge. La recette est toujours la même : on dit la vérité mais on la dit en mentant, c’est-à-dire en cachant soigneusement qu’on ne fera pas de cette vérité l’usage qu’en attendent ceux à qui on la dit.
Le vrai est donc un moment essentiel du faux, l’un et l’autre s’épaulent, l’un sans l’autre n’a aucun sens.
Marine Le Pen agit de même sorte. Elle a très bien identifié le mal dont souffrent les sociétés et, partant, les gens. Elle a très bien identifié les bourbiers économiques, intellectuels, moraux et culturels dans lesquels s’est enfoncé son pays. Là où elle ment, c’est qu’elle laisse accroire qu’elle a les armes qui assainiront le terrain.
Or, sauf à remettre les gens derrière une charrue tirée par de fiers chevaux – ce qui d’un point de vue sensible et littéraire ne serait pas pour me déplaire - et au jardin pour planter des poireaux et des patates, ses visions publicitaires seront balayées par les nécessités consuméristes de ses propres électeurs et, donc, par les exigences industrielles, commerciales et financières de la mondialisation avec, pour l’Europe, le maintien des espaces sans frontières.
Penser que les marchandises et les capitaux puissent être à nouveau taxés à chaque passage de frontières entre Varsovie et Madrid est tout simplement une idiotie qui n’irait pas dans le sens d’une amélioration de la vie des individus. Ne serait-ce que d’un point de vue strictement économique.
Il faut savoir dès lors que le capitalisme financier a renversé les exigences et idéaux des peuples, qu’il les a bien compris, qu’il les a récupérés à son profit et que c’est lui qui a réalisé ce que se proposaient de réaliser ces idéaux prolétariens : l’internationalisation. Il a pris l’histoire de vitesse et, pour ne pas être coincé dans le piège d’une contestation unanime et planétaire à laquelle il n’aurait assurément pas pu faire face, il a lui-même planifié, selon ses besoins et désirs, la vie et la survie de chacun d’un pôle à l’autre du monde.
Citoyens du monde, c’est ce qui s’appelle s’acheter un bâton pour se faire battre !
Et la raclée est sans doute irréversible.
Ce qui est certain en tout cas, c’est qu’il ne faut plus avoir le moindre bout de cerveau dans sa boîte crânienne pour penser encore que le salut pourrait sortir des urnes.

15.12.2015

A califourchon sur deux siècles - 7 -

872.jpgCe n’est pas de réelle gaité de cœur que je dois poursuivre par quelques exemples ce tableau de la falsification comme mode d’asservissement des esprits et de gouvernement des peuples.
J’en ressens même une espèce de dégoût nauséeux et je me sens de moins en moins complice avec cette espèce de bipèdes soi-disant douée de raison mais qui ne connaît, pour assurer sa pérennité, que la félonie et l’organisation des désastres criminels, et ce, pour des causes toujours présentées comme louables et justes alors qu’elles ne sont motivées que par une avidité perverse de pouvoir et de domination, que par une expression de volonté maladive de puissance et uniquement commandées par l"insatiable voracité des grands capitaux et des multinationales.
Par-delà les grandes affiches du spectacle qui prêtent leurs noms à toute cette débâcle, c’est aussi la multitude consentante qui me donne le vertige et l’envie de vomir. Tous ces gens, gens de peu, gens de la chaumière, vers lesquels allaient toujours ma sympathie et mon amitié, ont fini par me dégouter comme me dégoûte le crapaud vautré dans sa boue et s’y complaisant.
Car qui donne le pouvoir aux criminels et aux menteurs sinon cette multitude bêlante et consciencieusement votante ? La bêtise ne peut pas tout expliquer. Elle a ses limites, à moins qu’elle ne soit carrément de l’idiotie.
Car je ne suis pas un devin, ni un fin analyste, ni un génie clairvoyant. Ça se saurait. Je n’ai jamais cassé quatre pattes à un canard, je suis un être moyen, pas plus intelligent que la plupart des gens, alors ce que je dis là, forcément, tout le monde le sait peu ou prou. Seulement, nous ne sommes qu’une poignée à ne pas accepter le mensonge permanent qui régente nos vies et compromet notre avenir et nous ne sommes alors qu’une poignée de solitaires qui préférerions consacrer notre bonheur d’écrire à bien autre chose qu’à l’étalage de toute cette fange.
Donc les gens savent et se taisent, courbés sous un joug imaginaire, une représentation de joug, une idée, une condition imagée devenue, par effet d’une pensée assassinée, réelle et coercitive.
Ceux qui savent,  qui devinent mais se taisent par lassitude, par individualisme, par  préoccupations ou urgences autres, je peux encore leur pardonner quelque chose dans mon cœur…
Mais ceux qui sont l’objet de toute ma haine, ce sont les gens de la piétaille militante, les petits et minables salauds et salopes qui entretiennent le mensonge par veulerie et qui minaudent, courtisans aux intérêts misérables, dans les couloirs des différentes strates de l’autorité. Ceux-là sont la véritable garde prétorienne sur laquelle s’appuie toute la légitimité du pouvoir mystificateur, échelonné du hameau au village, du village au bourg, du bourg à la bourgade, de la bourgade à la ville, de la ville à la métropole et jusqu'au sommet de l’État.
Qu’ils crèvent !

Car en grande partie par la faute de cette lâche garde prétorienne, nous allons droit dans le mur. Nous allons tout droit à la guerre et aux cataclysmes. Je l’ai pressenti avec force dès le 21 février 2014, date du coup d’état de Kiev fomenté par nos dirigeants, ceux-là mêmes qui vous donnent chaque jour des leçons de citoyenneté, de républicanisme et de démocratie.
Depuis, ce pressentiment s’est changé en quasi certitude, hélas, mille fois hélas ! Avec à peu près les mêmes aux manettes, il y a eu les chaos syrien et irakien, d'où est né l’État islamique, puis les sanglants attentats partout dans le monde, puis les traitrises et duplicités de la Turquie et les grossières provocations de son protecteur, voire de son mentor, l’OTAN.
Il y eut ensuite l’intervention russe en Syrie.
Ce dernier point est certainement la cause de l’acharnement belliqueux de l’OTAN, des USA et de ses alliés européens : on se dispute déjà avec âpreté les cadavres de la Syrie et de l'Irak et, ce faisant, on se dirige tout droit vers un conflit de dimension planétaire.
Poutine a prévenu d’une de ses phrases lapidaires dont il est coutumier :  «  Il y a cinquante ans, j’ai appris dans les rues de Leningrad, que lorsque le combat est inévitable, il faut frapper le premier. »

La problématique est assez simple. Ce même Poutine s’étant cabré à la conférence de Munich de 2007 en refusant désormais un monde unipolaire et en  n’acceptant plus que son pays continue d’être humilié par les forces économiques, financières et militaires - dont les nôtres - dirigées par les USA, un premier test fut opéré par ces forces-là en 2008 en Géorgie, histoire de voir si Poutine allierait le geste à la parole.
Ce qui fut.
Le second, plus sérieux, en Ukraine, avec un coup d’état réussi par les phalanges les plus brutales du pays – et peut-être d’Europe - nostalgiques de Bandera et du IIIème Reich. Tout ce beau monde soutenu par la blanche Bruxelles, la sainte Pologne, les Pays Baltes, les USA, l’OTAN et, bien sûr, la France droit-de-l’hommiste de monsieur Hollande, lequel s’est empressé d’applaudir au retour - même maculé de sang et de honte - de la démocratie en Ukraine et qui fut le premier grand « républicain » à accueillir sur son perron les nouveaux « démocrates » putschistes.
Retour  de la démocratie ? Que je sache, Viktor Ianoukovytch avait été élu démocratiquement. Mais la démocratie, pour Hollande et ses complices, doit avoir une couleur : celle des multinationales et des grands marchés européens et c’est parce que Ianoukovytch se tournait vers Moscou plutôt que vers Bruxelles qu’il fallait le destituer, voire le tuer. Il ne trouva son salut que dans la fuite, présentée par ces putains qu’on appelle encore « les médias » comme une lâche dérobade.
Fabius était présent ce soir-là à Kiev. Fabius est de tous les coups fourrés, quand il s’agit de faire bonne mine, un poignard camouflé dans la manche. Il y avait aussi son compère polonais Sikorski, brillant diplomate qui, seulement quelques mois après, se faisait piéger dans une conversation privée au cours de laquelle il disait que l’amitié avec les États-Unis était une connerie, une boule de merde (sic), qui menait la Pologne à la catastrophe.
Ces gens-là ne disent la vérité que piégés. Chaque fois que vous les entendez, quels qu’ils soient et où que ce soit, prendre une parole publique, soyez assurés que la falsification est au rendez-vous.
Prenez vos décodeurs, sinon faites-vous leur esclave lobotomisé !
On vous a raconté que Ianoukovytch était corrompu. On ne vous a pas menti. Mais on vous a roulés dans la farine de démocrates en invoquant cette raison comme étant celle du soutien européen. La preuve : l’Europe était en train de négocier avec lui et se fût-il tourné in fine vers cette Europe, tout en restant consciencieusement corrompu, que personne n’aurait eu l'idée de lui faire la moindre remarque quant à sa moralité.
D’ailleurs, son remplaçant, Poro Porochenko, est archi-milliardaire et il est le seul capitaliste ukrainien à avoir continué à faire du profit pendant la guerre, alors que son pays est ravagé et que tous les autres capitalistes se sont écroulés. Beau Président, ma foi !
Ça n’a pas l’air de déranger ni d’interroger beaucoup Bruxelles, Merkel et le socialiste Hollande, tout ça.
Une corruption qui va dans le bon sens n’en est pas vraiment une, n’est-ce pas ?
C’est tout comme le mensonge. Il y en a de très mauvais qui peuvent même être durement réprimés - dire la vérité, par exemple - et de pieux, mentir pour raison de bonne gouvernance, par exemple itou.
N’attendez pas d’autre éthique du monde inversé.

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12.12.2015

A califourchon sur deux siècles - 6 -

7780533581_francois-hollande-a-versailles.jpgJe ne puis, hélas, faire l’économie de quelques exemples de cette pratique du faux, lequel par l’effet d’un miroir où se contemplent à loisir les peuples intellectuellement et culturellement soumis, devient le vrai, mais juste le temps nécessaire pour qu’il remplisse sa mission de désorganisation du sens critique.
Après, lui-même se renverse et redevient le faux, mais il est trop tard : la mémoire du vécu le retiendra désormais comme ayant été l’authentique. La vérité, tel un pétard mouillé, n’aura plus aucun impact sur le cours des choses et sur les consciences.
Là comme partout ailleurs cependant, l’exemple illustre mais ne prouve strictement rien. Bien au contraire, il présente ce danger d’être foncièrement limitatif et objet d’un choix arbitraire et, à ce titre, il dessert beaucoup plus qu’il ne sert une argumentation.
Il faudra donc garder à l’esprit que ces exemples pourraient être multipliés à l’envi, et ce, non seulement pour les grands évènements qui jalonnent les époques, mais aussi et peut-être surtout, dans la sphère de la vie quotidienne de chacun, faite d’images, de raccourcis tronqués et de représentations.

Le chaos que nous connaissons actuellement trouve son origine la plus contemporaine dans les bombardements occidentaux de l’Irak, en 1992 d’abord,  en 2003 ensuite.
L’homme moyen des pays de culture et de tradition chrétiennes, l’homme moyen des riches sociétés de l’Occident, a tremblé d’effroi quand, photos satellites et rapports circonstanciés des services de renseignements à l‘appui, on lui a présenté l’Irak comme détenteur de stocks d’armes de destruction massive et doté d’une armée redoutable, la troisième du monde. Comment ne pas le croire quand tous les affreux médias, de tous bords, et quand tous les dirigeants- ou presque (1) -clamaient d’une seule voix alarmiste qu’il fallait sauver le monde, détruire ce monstre irakien - comparé, comme tous ceux qu’on se propose d’éliminer, à Hitler - sinon c’était tout le Moyen-Orient qui subirait demain sa loi ?
Et le Moyen-Orient, voyez là, sur la carte, c’est là-bas que nous nous approvisionnons pour faire rouler vos voitures, chauffer vos maisons et faire voler vos avions…
Plus de dix ans après, ces mêmes dirigeants, au premier rang desquels Tony Blair, avouent que tout ça était faux, qu’en fait de troisième armée du monde, cette armée était relativement faible et qu’il n’y avait pas plus d’armes de destruction massive en Irak qu’il n’y a d’œufs en or dans le cul d’une poule. Mais peu importe à présent, l’objectif a été atteint, Saddam Hussein a été pendu haut et court sous les applaudissements d’un monde civilisé, résolument anti-peine de mort, et l’Irak a été détruit.
Personne ne pense plus que ce faux ait pu être réellement faux. Il fut vécu, donc il fut. Comme une image subliminale prise pour du réel. Au prix de milliers de morts.
Même scénario quelques années plus tard avec la Lybie et avec la Syrie. L’irréprochable Occident, les droits de l’homme cousus sur ses bannières flottantes, coupe tout ce qui dépasse, bombarde, tue, détruit, incendie et les peuples occidentaux applaudissent à la grandeur d’âme et à la force droit-de-l’hommiste qui partout fait régner le Bon et éradique le Mauvais.
On tue Kadhafi, on incendie son pays, on fait main basse sur ses puits de pétrole. La France et ses multinationales s’arrogent une part de marché de plus 30 pour cent.
Passons en Syrie : Assad est un tueur, un fou qui a massacré son peuple et usé contre lui des armes chimiques. Fabius le clame partout et, la gueule plus parfumée que jamais, annonce qu’il ne mérite pas de vivre, (sic) bref, qu’on lui réserve le sort de Saddam Hussein et de Kadhafi.
En l’occurrence, si les gens du réel inversé avaient eu encore un peu d’ordre dans leur façon de penser, ils se seraient quand même demandés comment un diplomate, le premier diplomate du pays des droits de l’homme, du droit tout court et de la présomption d’innocence, un diplomate dont la chafouinerie consiste essentiellement à partout sauver la paix, peut annoncer comme ça, avec autant d’émotion que s’il annonçait le prix du pigeon sur pieds, qu’il se propose de tuer un homme, aussi hideux puisse-t-il apparaître, sans aucune autre forme de procès, et simplement parce qu’il en a décidé ainsi.
Tant d’audace fait froid dans le dos et tant de silence devant cette audace pétrifie ! A ce stade, le mensonge est tellement acquis et tellement sûr de lui que toutes les extravagances lui sont permises : seule la vérité falsifiée a désormais droit de cité dans les appréciations des uns et des autres.
Hollande, chef de guerre incapable dans ses murs de procurer le moindre bien-être à ses concitoyens, saute sur l’occasion pour donner le change, fait donc chauffer ses avions, réunit ses généraux, compte ses bombes… Obama recule ses pions, Hollande recule les siens, renvoie ses généraux et se retrouve gros Jean comme devant. Pourquoi ? Parce que la falsification n’est pas assez bien préparée, que l’ONU s’en mêle, enquête, piétine, tousse, tergiverse, n’arrive pas à réunir les preuves et qu’il n’est donc plus si évident qu’on puisse faire gober à tous ces imbéciles qui peuplent le reste de la planète que ce soit Assad qui ait utilisé l’arme chimique. Ce serait plutôt « les rebelles », les mêmes que tout ce beau monde soutient et arme, dont Fabius dit qu’ils font du bon boulot, et parmi lesquels se trouvent ceux qui sont venus égorger et massacrer à Paris en Janvier et en novembre 2015.

Fabius annonce aujourd’hui qu’il pourra travailler avec le tueur qu’il se proposait de trucider hier. Juppé bouffe son chapeau et dit de même et que c'était une erreur de bombarder la Lybie quand il était ministre des Affaires étrangères. Les gens écoutent et opinent du chef, sans plus d’état d’âme…. Errare humanum est. Si demain la vérité doit être à nouveau renversée cul par-dessus tête et qu’on en revienne aux premiers mensonges, peu importe, ce qui est vrai c’est ce qui est présenté comme tel en vertu des nécessités du moment.
Et justement, nous atteignons le moment où tout cela commence à faire son chemin dans le désordre de la pensée qui risque de reprendre un peu ses esprits. Les massacres de Paris ont troublé, des voix s’élèvent ça et là, encore timides… Il faut vite asséner un dernier et lamentable mensonge qui resserrera le troupeau, le fera se sentir protégé et aimé afin qu’il ne pense pas à interroger plus scrupuleusement les causes réelles de ses malheurs.
Ce mensonge pétrifiant destiné à protéger tous les autres, ce mensonge qui aurait dû faire bondir d’indignation les gens et les dresser comme un seul homme contre le pouvoir socialiste et tous ses thuriféraires s’ils n’eussent été des ersatz d’humains, des succédanés de citoyens, des zombies et d’indécrottables crétins, voire des salauds, c’est : on nous a attaqués parce que nous aimons la vie, la joie, le football, la musique, la culture et le divertissement !
C’est ce qui s’appelle caresser l’imbécile dans le sens du poil.
Et c’est vrai que regardant les gens dans les grands cafés de Varsovie, heureux, détendus, souriants, main dans la main, ou sortir radieux de l’opéra, du cinéma ou du théâtre, ou encore entendant les supporters de football hurler leurs clameurs au Grand Stade, je les trouve tellement moroses et affligés tous ces Polonais que je comprends maintenant pourquoi personne ne songe à venir les massacrer !
Pour avoir osé proférer de telles fumisteries qui, peut-être le pense-t-il, vont le dédouaner de toute sa sinistre politique guerrière responsable du chaos, Hollande devrait à tout jamais être congédié et assigné à résidence dans le fin fond de la Corrèze.
Il n’en sera évidemment rien : La population préfère, et de très loin,  un odieux mensonge qui la flatte à une vérité qui la blesse.

(1) On doit sur ce point précis et majeur rendre honneur à Chirac, dernier Président du XXe siècle, d'avoir fait ce que jamais un président socialiste n'aurait fait : refuser de marcher dans la combine.

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09.12.2015

A califourchon sur deux siècles - 5 -

picasso_stalin_1953_354x406.jpgCe qui distingue fondamentalement le XXIe siècle du XXe, c’est l’insolence décomplexée du mensonge, celui-ci s’étant nourri du désordre général de la pensée autant qu’il a contribué - et continue de contribuer - à le générer, même si tout n’a évidemment pas pris forme du jour au lendemain mais s’est peu à peu glissé dans les pratiques des pouvoirs jusqu’à en devenir une exigence incontournable.
Certes, le mensonge est inhérent à toute politique, et ce depuis la nuit des temps antiques. Il n’est cependant devenu une force véritable de conquête du pouvoir que depuis la fin du XVIIIe, quand les peuples soi-disant souverains ont eu pour devoir de donner délégation à des représentants pour écrire le droit et agir en leur nom.
Les rois n’avaient pas cette pratique constante du mensonge, non pas qu’ils fussent plus bons ou plus honnêtes, mais tout simplement parce qu’ils n’en éprouvaient pas le besoin. Ils n’avaient pas le pouvoir, ils étaient le pouvoir, tant temporel que spirituel, légitimé par le sang et les cieux, et aucune vérité, aussi laide, aussi inique ou aussi grotesque fût-elle, ne pouvait dès lors atteindre à court terme leur puissance et remettre en question une autocratie dont ils avaient à jouir jusqu’à la mort.
Il en fut tout autrement quand il a fallu non plus être le pouvoir mais le devenir, uniquement légitimé par les sautes d’humeur d’un électorat diffus, autant parsemé d’individus lucides que d’abrutis de première classe. Convaincre une telle multitude qu’on est le meilleur et le mieux placé pour défendre ses intérêts n’a pu dès lors se faire qu’en falsifiant peu à peu la vérité, sinon des millions et des millions d’individus eussent été capables d’exercer le pouvoir au lieu des quelques centaines d’apparatchiks qui le détiennent régulièrement, tous toujours  issus du même tonneau depuis l’effroyable Robespierre, dont ils se réclament.
Il a donc fallu inventer une vérité de telle sorte qu’elle ne paraisse accessible qu’à certains. Et qui donc est plus compétent pour énoncer une vérité falsifiée que celui qui la falsifie ?

Les rouages, les enjeux et les structures des sociétés devenant cependant de plus en plus complexes au fur et à mesure des avancées morales, intellectuelles et techniques du monde, la falsification s’est vue dans l’obligation de peaufiner son art. Elle est devenue plus exigeante encore, elle a pris de plus en plus de place jusqu’à devenir, par l'effet d'un renversement accompli, le vrai faux.
Le grand inventeur du mensonge politique moderne, dans sa plus laide et sa plus sanguinaire expression, fut Staline. Sans cette arme redoutable maniée avec une dextérité diabolique, tout puissant qu’il ait été, il n’aurait jamais pu tenir l’immensité de l’Union Soviétique sous sa botte pendant plus de vingt ans. Sous sa dictature, la vérité était tellement blessée à mort que la soupçonner et tenter de lui donner quelque apparence apparaissait comme un crime – et était d’ailleurs puni comme tel – alors que la falsification admise du réel était le signe d’une honnêteté sans faille envers la construction du socialisme. Le citoyen russe, privé de toute vue sur la réalité, ne pouvait que baisser la tête et faire allégeance au petit père des peuples, véritable incarnation du vrai agissant. D’ailleurs, lors des grandes purges, les accusés eux-mêmes finissaient par tout confondre et toujours par s’accuser de crimes et forfaits qu’ils n’avaient jamais commis, avant d' aller crever dans les mouroirs congelés de Sibérie, en tant qu’indécrottables ennemis du socialisme.

L’odieux personnage fut un pionnier. Dans l’outrance, oui, on est bien d‘accord, mais un pionnier quand même. Aucun homme politique après lui, la démesure criminelle et psychopathe en moins, n’a en effet conquis le pouvoir et ne l’a exercé sans s’appuyer sur cette doctrine du réel inversé et dont la devise pourrait ainsi être synthétisée : si les faits me contredisent, je modifie les faits.
Dans les dernières décennies du XXe siècle, le monde était cependant moins complexe et ses objectifs et contradictions plus directement perceptibles. Chacun, en vertu de lui-même, de sa construction personnelle, ou, pour les moins fins, en s’appuyant sur ce que leur dictaient chaque soir la sacro-sainte télévision et chaque jour le journal, pouvait à peu près comprendre et, comme dans les westerns de série B, déterminer où étaient selon lui les méchants et où étaient les bons sur le vaste échiquier des tumultes de la planète.
Mais avec l’avènement des premiers aventuriers politiques du XXIe, qui n’ont appris et retenu de l’histoire des peuples, des cultures et des religions que ce qui peut être utile à l’accomplissement de leur aventure, nous sommes entrés dans l’ère du révisionnisme intégral et, par voie de conséquence, dans celle de l’ignorance savante et du désordre achevé de la pensée.

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07.12.2015

A califourchon sur deux siècles - 4 -

344286575_ebd6bce97c_z.jpgEn 1419, les Anglais du roi Henri V assiégèrent Paris et le prirent enfin après l’avoir ruiné et affamé. Jules Michelet raconte alors deux livres témoignant de cette époque, l’un d’un gars du populo et l’autre d’un moine de Saint-Denis :

«  Si l’on veut voir comment les longues misères abaissent et matérialisent l’esprit, il faut lire la chronique d’un Bourguignon de Paris qui écrivait jour par jour. Ce désolant petit livre fait sentir à la lecture quelque chose de la misère et de la brutalité des temps. Quand on vient de lire le placide et judicieux religieux de Saint Denis, et que de là on passe au journal de ce furieux Bourguignon, il semble qu’on change, non d’auteur seulement, mais de siècle. .. » 

Ce récit prouve qu'on ne peut dire l’histoire de son époque qu’à la lumière de ce qu’on en a vécu et qu'il n’y a d’histoire que la somme des histoires individuelles vivant contradictoirement, en phase ou dans un silence résigné, une même réalité. L’homme qui a fait tourner des entreprises en distribuant des salaires de misère, qui a amassé de l’argent et roulé carrosse toute sa vie retiendra de son époque qu’elle fut florissante. L’homme qui n’aura rien amassé du tout, sinon de quoi avoir le droit de survivre et de s’endetter jusqu’au cou, retiendra de son époque, à supposer qu’il ne soit pas trop con dans sa tête, qu’elle fut une époque de chiens errants. Un écrivain qui aura rencontré le succès avec des livres médiocres, n’écrira pas que son époque fut médiocre mais qu’elle fut raffinée et copieusement cultivée. Un autre qui n’aura jamais été lu que par quelques-uns autour de lui, affirmera que ce fut une époque d’affreux béotiens et et caetera, dans tous les cas de figure, dans toutes les couches de la géologie sociale et à toutes les époques.
C’est la raison pour laquelle l’histoire ne peut être écrite que par ceux qui ne l’ont pas vécue et qu’elle ne peut être éclairée que par la trainée de poudre qu’elle laisse derrière elle.
Je dis donc la trainée de poudre laissée derrière elle par ma propre histoire et non la trainée de poudre de l’histoire.

Quelques années après le retour terrible, accablant, de l’ennui des années 80/90 dans le ventre mou de la sociale-démocratie Mitterrandienne, vint le temps d'une intégration relative et de la résignation.
La quarantaine toute proche, l’impossibilité de continuer à vivre en marge, les coups reçus, l’érosion des armes critiques avec lesquelles nous nous étions crus forts, la lassitude, ont fait de moi un être tout à fait ordinaire dans des temps ordinaires jusqu’à l’écœurante insipidité.
Toute une époque qui avait demandé, concrètement ou de  façon diffuse, la fin de la politique, venait de signer des deux pattes le retour d’une espèce de front populaire à la gomme.
Des cendres de mes dernières illusions, il ne me restait rien. Que ce fond de l’être, silencieusement obstiné, car encore enclin à penser, malgré tous les dénis d’un réel courant sur près de vingt-cinq ans, que le monde devait être reconstruit de plus équitable façon.
Les erreurs d’appréciation – dont la plus grave, celle dont il est principalement question ici, c’est-à-dire de croire que les hommes s’acheminent forcément vers des sociétés plus humaines - ont la vie dure.
Jusqu’à la psychose et jusqu’à la foi du charbonnier.
On se marrait quand même bien encore en levant nos verres et en entendant – en lisant plutôt – la propagande socialiste du moment, carrément volée aux situationnistes : Changer la vie.
Il s’agissait pour les charognards de détruire l’essentiel en lui donnant un semblant d’apparence. Ces charognards-là faisaient la fête sur le cadavre décomposé de l’intelligence critique. Et même s’ils ont tour à tour changé de nom, de pelage et de plumage, ils n’ont jamais cessé, depuis, de se régaler des reliefs d’une fête humaine définitivement vaincue.
Tous ces vautours, leurs cours de chambellans et leurs piétailles repoussantes et ignares n’ont toujours eu à la bouche que le mot « réformes » ou « changement », afin de mieux décapiter les peuples en fouillant plus profondément dans ce qui leur reste de tripes.
D’ailleurs, le grotesque président que s’est offert, en France et en dernier lieu, la bêtise des urnes n’annonçait-il pas, faisant preuve en l’occurrence d’une originalité à faire se cabrer d’hilarité un cheval de bois : Le changement, c’est maintenant ?

Si être progressiste, être pour le changement qualitatif, c’est prêter le moindre crédit à ces immondices dignes des plus vilains caniveaux du Moyen-âge, alors, oui, enfin, je suis un réactionnaire !

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03.12.2015

A califourchon sur deux siècles - 3 -

littérature,politique,histoire,écriture[...] Ainsi, à l'époque, rares furent ceux qui ont su qui était l'auteur d’un livre publié au tout début des années 80, Protestation devant les libertaires du présent et du futur sur les capitulations de 1980, en référence, on l’aura compris, au titre d’un anonyme de la colonne Durruti, Protestation devant les libertaires du présent et du futur sur les capitulations de 1937,  réédité en 1979 et traduit par Guy Debord et son épouse, Alice Becker-Ho.
Les deux livres, celui de 1937 comme celui de 1980, étaient signés par Un incontrôlé.

Bien plus rares encore furent ceux qui eurent l’heur d’en débattre, au cours de longues discussions passionnées et dans des nuits sans fin, avec l’auteur quand le manuscrit était en cours d’élaboration.
Je fus une de ces trois ou quatre personnes qui eurent ce privilège.
Vingt ans après, en  2011, la fille de cet auteur, Marion, a réédité  le livre de son père, qui fut donc mon ami, mon grand et irremplaçable ami.
Jean-Claude était venu me voir en Pologne à l’été 2006. En septembre de la même année, je l’avais revu en France. C'est lui qui  nous avait conduits de bon matin à la gare de Surgères pour le retour… On s’était serrés dans les bras, comme de vieux frères.
Ce fut, sur ce quai de gare que la nuit brumeuse envahissait encore, la dernière fois.
Jean-Claude est mort en décembre. Nous étions amis depuis le début des années 70.

Son livre, donc, était une violente diatribe dirigée contre celui du situationniste italien Gianfranco Sanguinetti, Du terrorisme et de l’Etat, également traduit par Debord. Il précisait, point par point, avec une écriture affûtée telle une arme de précision, l’impasse dans laquelle s’étaient fourvoyés, selon lui, les théoriciens situationnistes du moment.
Pour illustration de ce que ces derniers avaient bel et bien perdu toute complicité avec ce qui se passait autour d’eux et sans eux, il fut rapporté à l’auteur - qui s’en confia à moi en rigolant comme un perdu - que Guy Debord aurait condamné ce pamphlet d’une flèche sans appel : Ce ne peut être là que l’œuvre d’un flic !
Ces oralités cependant n’ont jamais été vérifiées par qui que ce soit et ne peuvent dès lors prétendre à l’indéniable vérité. Je les cite simplement pour les avoir vécues et parce que tout ça me rappelle de grands et vrais moments d’amitié. Ce qui est absolument certain en revanche, c'est que Debord a lu le livre et l'a qualifié de "très louche".
Malgré toutes leurs indéniables qualités, les situationnistes en général et Debord en particulier avaient, eux, ça de profondément "louche" qu'ils considéraient que toute critique radicale ne pouvait émaner que de l'un d'entre eux et que ceux qui n'avaient pas encore renoncé à se battre directement étaient manipulés, voire carrément des flics !
Il faut cependant reconnaître que tout n’était pas faux dans le livre de Sanguinetti, loin de là. Il mettait au jour avec brio les implications de l’État italien, via ses services secrets, dans divers attentats sanglants attribués aux Brigades rouges, et nul n’a pensé, à l’époque - la bouche pleine d’une feinte sagesse et avec une modération de chien battu comme il est coutume de le faire aujourd’hui - à parler de «  théorie du complot » ou autres gros mots destinés à empêcher toute analyse honnête et perspicace de porter atteinte à la candeur et à la virginité des appareils d’État. C’est bien pratique. Comme tout ce qui est, d’ailleurs, de nos jours, ainsi emballé dans des formules à l’emporte-pièce et fourre-tout. Les formules clouage-de-bec de ceux qui ont l'art de faire soupçonner le plus là où ils savent le moins…
Ce qui était par contre condamnable et très fâcheux chez Sanguinetti et que dénonçait avec force la critique de notre ami, c’étaient les nombreux amalgames, parfois insultants et carrément mensongers à l’égard de certains anarchistes ayant mené combat de part et d’autre des Pyrénées et, pour certains, encore en lutte. Ce qui laissait d’ailleurs fortement à penser qu’à part avec la théorie, le situationniste italien ne s’était jamais directement confronté aux forces de l’état.

Si j’en parle longuement ici c'est que, pour moi, ce fut le signe tangible  d’une rupture entre les théoriciens, aussi brillants eussent-ils été, et les camarades encore engagés dans l’affrontement, quelque forme que puisse prendre cet affrontement.
Ce fut tout… Il n’y eut pas de suite, ni à l’affrontement, ni à la théorie. L’époque était morte et passait le relais à ce que les politiques appellent sans vergogne « les sociétés apaisées », même si le susdit apaisement est aujourd’hui en train de leur péter à la gueule, et par des voies dont ils n’auraient jamais soupçonné qu’elles puissent être dangereuses.
La fête promise était donc remise aux calendes grecques des illusions et le romantisme du non-travail écrivait le dernier vers de son dernier sonnet.
Les hommes de bonne volonté, un à un, se séparèrent et passèrent sous les fourches caudines du salariat. Sanguinetti se reconvertit dans les affaires immobilières, tous les copains trouvèrent un boulot et fondèrent une Rome à eux.
Je me fis dix ans durant marchand de bois avant de sombrer fonctionnaire et  d’attaquer le XXIe siècle loin des préoccupations subversives.
In fine, je ramassai quelques affaires et partit en exil...

Guy Debord, lui, se suicida en novembre 1994. Ses livres sont des livres difficiles. Georges Monti, avec lequel il eut des contacts pour l'édition d'un de ses livres, me disait il y a quelques années que peu, finalement, sont ceux qui ont compris, aujourd’hui encore, La Société du spectacle.  Debord, en dépit de quelques erreurs ponctuelles de jugement,  n’en reste et n’en restera pas moins un des penseurs les plus clairvoyants, les plus brillants de la fin du XXe et un des plus influents, tellement que ses pires ennemis ont été contraints d'utiliser ses travaux pour les détourner à leurs propres fins, en les séparant de la totalité sociale à laquelle ils s’attaquaient.
Tout cela peut sembler scandaleux mais il n’y a pourtant là rien qui ne soit du ressort de la logique historique. Debord a été dévoré par le monstre qu’il avait si bien identifié et fait sortir de sa cage : le mensonge spectaculaire, dont le rôle est de fabriquer le monde sur un mensonge global fait d’une infinie quantité de vérités partielles. Sa récupération participe donc de cette construction parcellarisée, de cette mosaïque de contre-vérités qui forme un Tout véritable, un peu comme les touches multiples de l'impressionniste donnent, en prenant deux pas de recul, un vrai paysage. Réifié, tout comme l'environnement vital où doit s'exercer notre pensée.
L’État a ainsi  racheté toutes les archives de Guy Debord et lui a consacré une exposition du meilleur genre en 2009, à lui qui avait écrit : 

Les auteurs à opinions politiques révolutionnaires, quand la critique littéraire bourgeoise les félicite, devraient chercher quelles fautes ils ont commises.

C'est donc dans ce monde que nous vivons, un monde où « mentir est superflu puisque le mensonge est devenu vrai » Günther Anders - L'obsolescence de l'homme, (1956) -
Et c'est, à mon sens, ce que nous devons toujours avoir à l'esprit pour comprendre les moments chaotiques que nous avons aujourd'hui à traverser.

*

Illustration du haut : Jean-Claude, mon frangin et mézigue en Pologne en juillet 2006... Commentaire acide de J.C quand il a vu la photo : Le Politburo ! :))

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02.12.2015

A califourchon sur deux siècles - 2 -

littérature, histoire, écritureLa part du comment on a été construit par rapport au comment on s’est construit, constitue un propos suranné, aussi vieux que le sont les œufs de Pâques, et, conséquemment, une bien vaine écriture.
Certes,  mais l’important n’est pas tant de dire des choses nouvelles que d’en dire d’anciennes sous un autre angle de vue et, surtout, pour de nouvelles et ponctuelles raisons.

C’est donc le désordre guerrier du monde, dont nul ne sait l’ampleur de la catastrophe qu’il nous réserve, à nous ou à nos enfants, et l’approche sensible et intellectuelle que j‘ai de ce désordre explosif, qui m’invite à m’interroger sur certaines de mes dispositions sensibles et cérébrales, si tant est qu’elles soient dissociables. Je n’en sais foutre rien et je m’en bats l’œil.
Toujours est-il que je pense et ressens aujourd’hui des choses qui n’avaient jamais encore fleuri dans mon jardin et force m’est alors de constater que ce que j’entends d’à-peu-près sain encore vient de sensibilités qui m’ont toujours été contraires. Peu importe le pourquoi et peu importe le degré de leur sincérité, dont je doute beaucoup. Pour l’heure, là n’est pas mon propos.
Alors de deux choses l’une : soit j’ai vécu la tête à l’envers, soit je ne comprends rien aux stratégies qui s’opèrent autour de la dégénérescence actuelle.
En tout cas il y a quelque chose qui ne colle pas et, à l’évidence, le XXIe siècle débutant ne peut en aucun cas se penser avec les armes intellectuelles du XXe. Beaucoup de rôles se sont inversés et ce ne sont pas les idées réactionnaires qui nous ont conduits au chaos - même si elles ne nous ont pas amené un monde plus juste et plus fraternel - , mais ce sont bien les idées progressistes, les idéologies du plus juste, les athéismes militants, les laïcités hurlées comme de derrière un étal de poissonnier, qui ont construit cet univers glauque, peu sûr, violent, inique, sans aucune culture ni poésie qui vaillent, et qui, j’en ai bien peur, nous mène tout droit à la guerre et à la mort.
J’y reviendrai dans le détail, après un rapide coup d’œil sur l’histoire de mes partis pris.

Le déterminisme n’existe pas, les déterminants si. Ce qui signifie que les mêmes causes ne produisent pas forcément les mêmes effets selon les individus. Chacun, avec les moyens du bord et les circonstances particulières de sa vie, fait de son bagage telle chose ou telle autre, parfois contraires avec un même bagage. De plus, dans un bagage, il y a mille et mille effets, insignifiants, à peine perceptibles. Il n’y a donc pas de science exacte pour expliquer le pourquoi d’un individu, sinon pour les psys, les juges, les travailleurs sociaux, les flics, les politiques de basse besogne et la piétaille bêlante qui les suit aux talons.
Chez moi, fort des courroux maternels à l’encontre du corps social et comprenant que j’étais né pauvre et que sans doute je le resterai, tout de suite, la défense de la veuve et de l’orphelin m’est devenue constitutive. Je me souviens très bien de la gueule des copains de collège quand je leur ai annoncé que je me sentais communiste. Ce qui voulait simplement dire contre les riches et, les riches, chez nous, c’étaient avant tout des commerçants. Or, pour la plupart, les parents de mes petits copains de collège avaient pignon sur rue !
Au lycée tout ça s’est confirmé mais, vers la terminale, en rejetant fermement les communistes avec la prise de conscience des ravages de l’idéologie et des politiques staliniennes. Je me suis alors affiché gauchiste, ai renversé les chaises et les tables au printemps 68 et participé activement aux Comités d’Action Lycéens. Je me suis même pendant quelques mois fourvoyé chez les trotskistes de la ligue communiste révolutionnaire. Mais déjà en rigolant, pas sérieusement du tout, en voici un élément de preuve : ces corniauds m’ayant expédié à Paris pour assister à une grand’ messe à la Mutualité, voilà que je rencontre en chemin une douce égérie, que je reste avec elle les deux nuits que j’aurais dû passer à prier pour la Révolution permanente et que je reviens en disant que l’auto-stop n’avait pas marché...
Mentant, donc, comme on ment à une autorité à qui l’on a désobéi. A vingt ans, la métaphysique d’une touffe de poils est bien plus convaincante et réjouissante que celle du Grand Soir, et il devrait, d’ailleurs, en être ainsi à tout âge…
Ce fut le déclic !
Tout cela m’est apparu comme une vaste mascarade. D’ailleurs, le monde idéal auquel rêvaient ces militants des différents groupuscules férus de centralisme démocratique, me semblait aussi moche, pire peut-être même, que celui dans lequel je pataugeais. On n’y parlait en effet que d’ouvriers, que d’usines, que du travail béni comme la vertu des vertus et, moi, j’abhorrais foncièrement tout ça. Je voulais être un joyeux fainéant, je voulais vivre la vie à fond, mais pas sur l’échelle mobile des salaires.
En plus, ayant été amené quelque temps à travailler en usine, je vis avec effroi que les gars là-dedans étaient heureux comme des papes, cons comme des paniers, jouaient avec passion au tiercé, votaient Pompidou et ne demandaient aucunement à ce qu’on vînt les tirer de leur « galère » !
Le rejet de toute cette extrême gauche politicarde fut cependant assez violent. Les gars avaient de la graine de Trotski dans le cerveau et ceux qui sortaient de chez eux en claquant la porte de gauche étaient forcément considérés comme des anars, honnis de leur mentor historique, le vieux et furieux Léon, qui planta son couteau déjà maculé de sang dans le dos de Nestor Makhno et de ses camarades.
Le reste du parcours, ce furent les turbulents et incisifs situationnistes, les anarchistes gais et brouillons, les amis, les vrais, les grands, les fraternels, mais déjà nous ne nous occupions plus guère des débats publics et ne fomentions plus de projets oiseux.
D’ailleurs, le sacro-saint prolétariat était en train de disparaître des paysages, au profit des chemises blanches des financiers et des fabricants d’images de l’existence. Lentement, tout doucement, d’imperceptible façon encore, le monde se dirigeait vers le XXIe siècle et c’est ce que même le rusé Debord n’avait su entrevoir.
Il avait bien défini l’image et la représentation dévorant le réel au point de se substituer bientôt totalement à lui, mais il n’avait pas vu que « la classe ouvrière » n’aurait pas sa place dans le monde du réel inversé et de la dictature de l'apparence, mouvements  qu’il avait pourtant si intelligemment théorisés.
En conciliant la critique du capitalisme héritée du mouvement ouvrier anti-bureaucratique et anti-stalinien et la critique de la vie quotidienne issue des avant-gardes de l’art, tel le lettrisme, les situationnistes faisaient encore la part trop belle au vieux concept de prolétariat, comme classe laborieuse, alors que celui-ci entonnait déjà les premières notes de son chant du cygne.
En un mot comme en cent, le XXIe siècle s’annonçait par murmures subtils et ils usaient encore des concepts du XIXe ! C’est, à mon sens, la raison pour laquelle, dès 1972, ils étaient épuisés et que nous fumes quelques-uns, quelques-années après, à nous en détourner, tout en conservant ce qui nous semblait la meilleure part de leur héritage.

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27.11.2015

A califourchon sur deux siècles - 1 -

02.gifPeut-être tout a-t-il commencé par ma mère qui n’aimait pas De Gaulle.
Dans Le Silence des chrysanthèmes, autobiographie impure, j’avais cependant forcé le trait, par goût et jeu littéraires. Car sans doute n’était-elle même pas de gauche. Elle devait se soucier d’ailleurs comme de Colin Tampon d’appartenir à tel ou tel système de pensée partisane ; de ces systèmes qui vous handicapent le cerveau au point qu’il ne peut plus faire semblant de tourner rond que soutenu par ces béquilles qu’on appelle par bêtise et orgueil, des idées.
Ma mère aimait la vie, elle aimait passionnément la vie, et cette vie ne lui donnait pas tout ce qu’elle eût désiré qu’elle lui donnât. Elle était donc, comme beaucoup en ce domaine, une amoureuse éconduite : l’argent manquait cruellement, la campagne devait lui sembler profondément ennuyeuse et habitée par des rustres qui ne connaissaient rien ni aux amours ni aux chansons, son mari avait pris la clef des champs, ses deux premiers fils étaient soldats, l’un dans l’armée de l’air, l’autre chez les fantassins, et menacés ainsi de s’aller faire tuer bientôt sur les sables maudits de l’Algérie.
Tout cela, pêle-mêle, ressenti directement et non passé au crible de la réflexion critique, suffisait amplement pour que la représentation suprême du pouvoir coercitif soit honnie.
A propos de la guerre d’Algérie, d’ailleurs, elle aurait dû, sur ce sujet majeur, en vouloir beaucoup plus à un certain Mitterrand, ministre des Affaires étrangères de la république précédente, qu’à De Gaulle. Comme quoi rien n’était clairement  défini et que tout était mal ciblé.
Au même titre, en descendant dans la hiérarchie où elle était directement confrontée aux prérogatives des diverses branches de l’organigramme social, elle n’aimait pas le maire, le juge de paix, le curé, les gendarmes, le garde-champêtre, le notaire, l'huissier de justice - le plus abhorré de tous -  et l’épicier. Il n’y avait guère que le facteur qui était à l’abri de ses foudres, sans doute parce qu’il apportait régulièrement dans sa sacoche de cuir les beaux billets tout neufs des allocations familiales.
L’instituteur également avait droit à son indulgence. Et ça, c’était peut-être pour deux raisons. D’abord parce qu’il n’était pas en excellents termes avec le curé et aussi parce que, elle, elle avait été reçue première du canton au certificat d’études, qu’elle aimait écrire de belles pages sans ratures, qu’elle avait une orthographe soignée et que ces différentes dispositions lui venaient pour partie d’un instituteur gardé intact dans sa mémoire. Idéalisé, à n'en pas douter.
Tout cela me tint donc lieu, en filigrane, de panneaux indicateurs posés sur la route de mes premiers pas et je me suis, je le crois aujourd’hui, dès lors retrouvé à marcher en m’appuyant sur eux comme sur les témoins d'une science exacte, alors qu’ils n’étaient que les réflexes particuliers du ressenti particulier d’un individu autre que moi-même.
Si j’ai très tôt balancé au fossé la plupart de ces panneaux, les plus simplistes, le fil directeur ne m’en est pas moins resté en profondeur et, par-dessus tout, la raison mal conceptualisée de leur raison d’être : cet amour surfait, irraisonné, naif, de la vie.
C’est avec ce genre de cadeau dans la musette qu’on marche forcément au-devant des grandes déconvenues et, donc, qu’on s’engouffre, par l’effet d’un miroir trompeur, vers une sympathie plus ou moins manifeste pour tel système de pensée et vers le rejet systématique d’un autre.
Ce sont les causes, du moins celles qui sont accessibles à mon entendement présent, de ces fourvoiements et de ces égarements - qui ne furent pas tous pénibles, loin s’en faut, beaucoup même ayant été vécus avec joie - que j’aimerais, pour ma délectation, mettre au jour.
Pour se raconter, il n’est jamais trop tard dans une vie, surtout dans un monde qui, de toute évidence, va tout droit au chaos parce que les idéologies - les idées - des uns comme des autres, qui semblaient irréconciliables,  ont fini par copuler dans le lit d'une ignoble dialectique, pour concevoir un mélange dévastateur, que nos propres idées, tout à leur orgueil d’idées, n’ont nulle part su voir venir.

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25.11.2015

Une personne digne et lucide dans la douleur

10984612_10153260414194067_5329350651434765136_n.jpg " La sœur d'une victime des attaques de Paris, tuée au Bataclan, explique pourquoi elle et sa famille ne participeront pas à l'hommage national qui aura lieu vendredi à Paris.
Emmanuelle Prévost est la sœur de François-Xavier, tombé sous les balles des terroristes alors qu'il assistait au concert des Eagles of Death Metal au Bataclan le 13 novembre.
Sur sa page Facebook, elle a publié lundi un long message expliquant pourquoi elle et sa famille ne participeront pas à l'hommage national qui sera rendu aux victimes le 27 novembre aux Invalides en présence de François Hollande. La jeune femme liste les raisons de ce boycott, parmi lesquelles:

- "Parce qu'en France, les attentats perpétrés du 7 au 9 janvier de cette année ont fait 17 victimes,

- Que depuis, rien n'a été fait"; "parce qu'en France, il est possible d'être en lien avec un réseau terroriste, de voyager en Syrie, et de revenir, librement";

- "Parce que les représentants de l'Etat français ont décidé de mener des raids aériens contre l'Etat Islamiste en Irak puis en Syrie sans se soucier de préserver, avant d'agir, la sécurité de leurs concitoyens".

 "Alors NON, merci Monsieur le Président, Messieurs les politiciens, mais votre main tendue, votre hommage, nous n'en voulons pas et vous portons comme partie responsable de ce qui nous arrive! C'est plus tôt qu'il fallait agir. Les attentats du mois de janvier auraient dû suffire!", déplore-t-elle.
Emmanuelle Prévost conclut en appelant au boycott de l'hommage national.

Son statut a été partagé plus de 10.000 fois à ce jour. "

                                                                                                                                                                              Source : 7 sur 7 (Belgique)

14:18 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (1) |  Facebook | Bertrand REDONNET

20.11.2015

La colère me laisse sans voix

Un de mes proches les plus proches grimpe tous les matins dans le métro parisien, sur une ligne des plus bondées, la peur au ventre, m’a-t-il confié au téléphone…
J’ai une peine immense pour lui.
Et je ne décolère pas d’entendre Hollande, entouré de flics, de policiers armés jusqu’aux dents, de soldats, de gardes du corps, d’agents du renseignement, ayant couche molle dans un palais blindé et protégé  telle une forteresse, s’en aller bêlant à tout vent : ne pas céder à la peur, pas faire d’amalgames, pas rajouter de clivages aux clivages, je veille sur Vous…
Cré nom de dieu d'bon dieu, qu’au moins il se taise et laisse les gens donner le nom qui sied à leur terrible angoisse !
Car qui les a conduits dans cette impasse criminelle, dans ce redoutable coupe-gorge, les gens ?

Nous marchons sur des braises… Et le plus terrible est que ce sont les incendiaires par incompétence, idéologie, irresponsabilité, mensonges intéressés, confusionnisme et désir de grandeur, qui ont en charge de veiller à ce que nous ne périssions pas tous cramés !
C’est la raison pour laquelle il n’y a rien à dire, sauf à vouloir ajouter de l'obscurité aux ténèbres. 

La seule question qui vaille et à laquelle il faudrait enfin répondre est : comment la France en est-elle arrivée à se faire haïr à ce point de non-retour par les enfants qu'elle était censée nourrir et qu'elle a accueillis en son sein ?
C'est aux Français de répondre. Pas à ceux à qui ils ont confié, depuis tant d'années,  par bêtise et aliénation, le droit de  parler en leur nom !

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14.11.2015

En deuil

                                                                                                                     

Par-delà l'épouvante et la compassion, la question :

Comment est-ce possible ?

ambassade de France.jpg

A1.jpg

 Devant l'ambassade de France à Varsovie.
Merci au peuple polonais...

13:32 | Lien permanent | Commentaires (11) |  Facebook | Bertrand REDONNET

10.11.2015

Un philosophe mort bien longtemps après la philosophie

néant.jpgDans quel abominable désert de la pensée vivons-nous donc ! Dans quelle idiotie lénifiante évoluons-nous ! Dans quel vide sidéral sommes-nous contraints de chercher à nous exprimer !
C’en est tout simplement effrayant !
Le « philosophe » André Glucksmann  est mort. Destin normal de tous les hommes en leur condition de mortel. La mort est en soi un drame. Une infinie tristesse.
Mais de grâce, qu’on se taise et qu’on n’encense pas celui-ci plus que n’importe quel quidam de mes campagnes ! En rien, il ne l’aura mérité.
Quand j’entends les éloges de Hollande, de Valls et de Macron, j’en frémis d’horreur et je mesure toute la pauvreté stéréotypée de ces gens de pouvoir ! Je vois quels étudiants besogneux et sérieux, premiers de la classe et lèche-cul pétant dans la soie, ils ont dû être, cherchant partout un modèle pour formater leur cerveau désespérément stérile de toute originalité et de toute initiative poétique.
Glucksmann anti-totalitaire !  Quelle belle affaire ! Quelle découverte et de quelle témérité il faut faire montre pour être un anti-totalitaire ! Quelle brillante et audacieuse personnalité !
Trouvez-moi un homme qui ne se dise pas contre le totalitarisme ! Si tous avaient alors la prétention d’être écrivains-philosophes et intellectuels engagés, il ne resterait plus grand monde pour faire autre chose !
Rappelons alors, en guise d’oraison funèbre, que Glucksmann tire sa première notoriété d’un livre où il dénonçait - fort tardivement car il était déjà à l’aube de la quarantaine - les crimes du Goulag et le totalitarisme des systèmes dits communistes, après avoir été pendant des décennies un maoïste pur et dur, intransigeant,  partout où il avait l’occasion de le faire savoir !
La cause du peuple, ça vous dit quelque chose ?
Nous qui ne sommes pas des philosophes, nous qui n’avons pas emmené Sartre et Aron la main dans la main chez Valéry Giscard D’Estaing, nous qu’on n’a jamais invités à venir s’exprimer sur un plateau de télé ou derrière le moindre micro de radio, nous que les grands éditeurs ont toujours refusé de transmettre, nous qui mouront sans un mot gentil jeté sur notre sort, nous avons dénoncé avec force et combats tous les stalinismes, sous quelque forme qu’ils se soient manifestés, de Staline, Mao, Trotski, Kamenev, Duclos, Geismard, à Sartre en passant par Aragon, et même Glucksmann et tutti quanti, alors que nous n’avions même pas encore vingt ans !
Nous nous sommes battus dur contre tous les groupuscules dits révolutionnaires et qui ne faisaient que chanter la messe marxiste-léniniste à une époque où Glucksmann en était un grand prêtre, voire un évêque, de cette grand’messe du mensonge collectiviste !
Nous lisions Debord et Vaneigem, crachions sur la Révolution permanente et levions, dans des tavernes obscures, à Barcelone, Amsterdam, Paris ou Hambourg, nos verres à la mémoire de Nestor Makhno, quand Glucksmann avait les yeux rivés sur Pékin, brandissait encore le petit livre rouge et décortiquait Lénine !
Nous servira-t-on après ça, ce genre de salades : que nous avons mis « notre formation intellectuelle au service d’engagement public pour la liberté »(Hollande),  que « nous guidions les consciences",  (Valls),  que « nous avons fait partie de ces philosophes courageux qui ont éclairé très tôt… et blabla blabla » (Macron) ?
Mon dieu, quelle horreur d’avoir passé sa vie dans l’erreur pour finir encensé par des menteurs aussi creux !
Nous, nous étions du côté de nous-mêmes, des vauriens, des loosers, de la racaille et des poètes enivrés…
Des anarchistes toujours trop en retard, mais arrivés partout avant tout le monde. C’est pour cela que nous ne méritons rien et  que nous ne sommes pas peu fiers du mépris formulé à notre adresse par les gens du pouvoir et leurs acolytes, les penseurs à la gomme.
Un seul de leurs compliments anéantirait tout ce que nous avons pu trouver de joie et de vérité sur le chaos de notre chemin !
Glucksmann aura passé sa "carrière", tout comme son compère Lévy, à énoncer des suites interminables d’erreurs lamentables et à contretemps – les Serbes,  le Kosovo, Poutine, le soutien à la guerre en Irak, le soutien à Sarkozy, etc – mais il aura réussi à faire passer ses apostasies intellectuelles successives pour autant de nouveaux chemins de Damas, soudainement ouverts sous ses pas !
Certes. Ils furent et sont encore des milliers  et des milliers comme ça !
Mais quelle tristesse puante que de voir les socialistes qui vous gouvernent, ceux qui vous font cracher l’impôt, lui lécher d'aussi indécente façon  le linceul !
La nullité d'esprit rendant hommage à l'esprit de nullité !

Ce monde est bien misérable et peu sont encore les hommes qui prennent la peine d’en souffrir !

 

14:51 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : littérature, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET

09.11.2015

D'une langue l'autre

littérature,écritureLa route accompagne la forêt, mais d’un côté seulement. De l’autre, s’étirent des prairies et des chaumes ravinés de pluie sur lesquels le vent bouscule des herbes folles, jusqu’aux lisières d’une autre forêt.
La même, en fait.
Nous ne savons même plus quand nous traversons des clairières. Nous ne savons même plus donner leur juste nom aux paysages. C'est que nous sommes trop grands pour ça ! Nous avons d’autres soucis. Nous sommes des gens sérieux !
C’est un bel endroit pourtant et le soleil, entrecoupé de gros nuages blancs, se balade au-dessus.


Il déboule sur ma droite. Il a surgi de la profondeur des pins. Il est impressionnant. Avec une couronne royale, superbe, large, qui s'étale sur sa tête. Et il court très vite, l’autre limite de la forêt en point de mire. La clairière doit lui sembler bien immense ! Comme si l'horizon reculait sans cesse. Comme dans les mauvais rêves.
C’est un cerf. Puissant, roux, les naseaux au vent.
Je m’arrête. Nous le suivons des yeux. Il disparait bientôt dans l’ombre des sous-bois lointains. Enfin chez lui.
La lumière arrosait sa robe.
Jeleń. Le cerf. Un faux ami. Pas l’animal, mais le mot qui le désigne aux hommes. Sa prononciation, yélègne, me l’a souvent fait confondre avec l’élan, autre grand cervidé parcourant ces forêts humides de la proche vallée du Bug. L’élan, c’est łoś. Rien à voir.
Et ce jeleń, ce cerf, est un mot qui n’est pas très gentil pour les Polonais. Car il désigne aussi, appliqué aux humains, celui qu’on peut rouler facilement ou qu’on se propose de rouler dans la farine.  L’ingénu. La proie facile des malfaisants.
Je cherche pourquoi. Sans résultat. Un équivalent peut-être en français ? Oui. Il faut, dans ce cas-là, traduire le cerf par pigeon.
J'illustre. Il y a quelques décennies, en virée quelque part dans le Lot avec trois copains de mon joyeux acabit, nous cherchons une auberge et nous la trouvons bientôt, douillettement ombragée par de vénérables arbres… Avec un ruisseau qui  gambade en son jardin. Charmant, tout ça. Exactement ce qu’il nous faut. Oui, mais l’’enseigne, qui se balance sous la brise d’été, grince : Aux quatre pigeons… Moues dubitatives. Ça tombe mal : nous sommes quatre et l’un de mes compagnons de marmonner, au moins, ils annoncent la couleur !
Ici, c’eût donc été Aux quatre cerfs. Aucun sens détourné, aucune évasion allégorique possible. Ou alors une auberge pour des cocus. Quatre cocus en vadrouille cherchant à noyer leur chagrin dans le fond des verres.

Et oui, je suis cocu, j’ai du cerf sur la tête, chantait Brassens…

Quel écart, donc, entre les images-raccourcis d’une langue à l’autre ! Une vision différente du monde. Une imagerie de l’imaginaire sans rapport l’une avec l’autre.
Mais j’insiste :
- Pourquoi un cerf ?
- Et pourquoi donc un pigeon ? me rétorque-t-on avec juste raison.
- Je n’en sais ma foi rien. Je consulterai les dictionnaires.

Et je n’apprendrai alors que d’insipides évidences. Plumer un pigeon, vieille expression du XVIe, pour dire duper. Rideau. Ces dictionnaires ne semblent pas en savoir plus long que moi. Sinon qu’il y a aussi le dindon. De la farce, le plus souvent. On peut aussi plumer un dindon, c'est bien vrai ; surtout si on se propose de le bouffer. C’est d'ailleurs fortement conseillé.
Plumer un cerf me semble plus délicat....
Tout cela ne me construit donc aucune passerelle entre le cerf polonais et le pigeon français. Chaque langue a-t-elle ses propres transpositions anthropomorphistes ? Sans doute.
J’en conclurai donc plaisamment que dans un couple franco-polonais - je dis ça au hasard, bien sûr - si on laisse se répandre l’ennui, par exemple, alors, le pigeon serait celui auquel on planterait du cerf sur la tête.
Mariant ainsi les deux langues dans l’infortune.

14:03 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET

07.11.2015

Les mouches à merde

littérature,écriture,politique,histoire,parti socialisteDes nuées de connards bêlant comme des moutons aiguillonnés au cul par des bergers qui leur tondent chaque jour un peu plus la laine sur le dos,  avaient clamé, il y a peu, qu’ils étaient Charlie, trop heureux d’avoir trouvé soudain une identité à se coller sur la poitrine et sur un chemin désespérément vidé de toute initiative individuelle.
Si les meurtres de janvier restent une abomination, ce qui s’en est suivi a toujours été pour moi, et pour beaucoup d’autres,  une macabre mise en scène de comédiens dégueulasses et pourris jusqu’à la moelle.
D’ailleurs, si les bourreaux m’écœurent, les victimes, elles, me dégoûtent comme me dégoûtent toutes les mouches à merde qui s’engraissent en permanence du jus dégoulinant des cadavres.
Liberté d’expression, que de saloperies commises en ton nom  par des gens fortement engagés dans une direction qui, elle,  ne veut justement pas dire son nom !
Tu veux la connaître cette direction, connard ? Alors reprends toutes les insultes proférées par ces manipulateurs de la dérision depuis une trentaine d’années et trouve qui manque à l’appel ; trouve qui n’a jamais été égratigné par la moindre virgule dans leurs colonnes mercenaires !
Aujourd’hui, ces mouches à merde s’en prennent au crash de l’avion russe et rigolent comme des monstres  sur plus de deux cents personnes lambda écrasées au sol !
Puisse leur rire les étouffer bientôt jusqu’au dernier !
Moscou s’insurge à juste titre et les mouches à merde d’ânonner, comme des machines bien huilées, c’est parce que vous êtes un pays totalitaire alors que nous, dans notre belle France, on a le droit de dire ce qui nous passe par la tête… Enfin, quand ils disent tête, il faut entendre, en fait, porte-monnaie…
Honte au gouvernement français, à son premier ministre, et à cet abominable président de n’avoir pas même un mot de réaction indignée et de compassion  pour les victimes du crash, salies par la bave de ces crapauds !
Liberté d’expression ? Mon cul !
C’est tout de même  répugnant que ce gouvernement  qui vient de faire adopter une loi sur la surveillance des communications venant de ou partant vers l’étranger – donc aussi les miennes a priori -  laisse ses suppôts dégueuler les pires insanités ! Salauds, va !
Un dernier mot pour rappel : lors du carnage de janvier, l’urgentiste pleurnichard, là, je ne me souviens plus de son nom d’merde, présent sur les lieux, avait téléphoné aussitôt à Hollande pour lui dire le désastre.
Vous en connaissez beaucoup, vous, qui ont le numéro de portable du président dans leur répertoire ?
Ces nécrophages rampants sont de lâches agents du pouvoir, porte parole, en autres, de la phobie anti-russe de ce gouvernement d’incapables et de sournois !
Tout comme leurs acolytes de France 2, eux œuvrant sur le registre sérieux et professionnel, qui programment un documentaire sur Staline et, aussitôt après, une émission sur Poutine.
Intérrogés, ces gens sans aveu de dire : pur hasard.
Imagine un peu un documentaire  sur Hitler, immédiatement suivi d'une émission sur Angela Merkel. Quel tollé indigné de ce nid de rats qu’on appelle encore « la présidence de la république ! »
Non, je déconne,  en fait. Ceci eût été impossible, la censure de la liberté d’expression aurait en amont veillé au grain…

03.11.2015

Aux frontières de l'absurde

Passeport, s’il vous plaît…Hum… Voyons voir…Quelle est votre profession ?
- Poète, monsieur. Comme indiqué sur le document.
- Poète ?!? Mais c’est pas un métier ça !
- Comment ça, c’est pas un métier ? C’est comme ça en tout cas que je gagne ma vie. Donc, c'est mon métier.
- Vous vendez vos poèmes ?
- Je les chante, plus exactement..
- Ah ! Je vois. Vous êtes un chanteur ?
- Disons que je suis un poète-chanteur
- Alors pourquoi n'en est-il pas fait mention sur votre passeport ?
- Parce que c’est plus important pour moi d’écrire que de chanter. Si je n’écrivais pas, je ne pourrais pas chanter,
Ça tombe sous le sens.
- Admettons. Et qu’écrivez-vous exactement ?
- Des poèmes, bien sûr.
- Mais ils disent quoi, vos poèmes ?
- Un poème ne dit jamais rien, monsieur. Il suggère.
- C’est curieux… Et ils suggèrent quoi, vos poèmes ?
- L’amour, l'égalité, la fraternité...
- Hahaha ! Ils  doivent être très courts !
- Ah, monsieur a de l’humour et s’y connaît un peu !
- Non, pas du tout. Je sais simplement qu’on en a vite fait le tour, de ces balivernes. Chez nous du moins.
- Charmant pays, ma foi !
- Tout autant que le vôtre, monsieur. La preuve, vous voulez y entrer.
- Pour chanter seulement.
- Pendant huit jours, si j’en crois votre  visa.
- Oui.
- Hé ben…
Ça n’intéressera pas beaucoup les gens, vos poèmes chantés.
- Comment pouvez-vous le savoir ?
- Parce qu’ici on ne chante pas le superflu. On célèbre le nécessaire.
- Vous trouvez que c’est superflu, l’amour et la fraternité ?
- Superflu de le chanter, oui.
- Et pourquoi donc ?
- Parce que les gens amoureux et fraternels ne le chantent pas. Ils le vivent.
- Tiens, c’est une façon de voir les choses. Un peu bizarre, mais bon…
- Mais, dîtes-moi, monsieur le troubadour : Un poète ne chante-t-il pas ce dont il est privé et qu’il espère ?
- Heu.. Si. Enfin... Oui, ça arrive, effectivement. Il sublime, disons.
- Ben alors, vous voyez bien ! Si vous aviez tout ça à vivre, votre égalité, votre fraternité, vous n'auriez nul besoin de le chanter ! Et les gens auraient encore bien moins besoin de vous écouter !
- Parce que chez vous les gens sont  fraternels, peut-être ? Hein ?
- Oui, bien sûr, qu'ils le sont. C’est la loi.
- La loi ?!!! Mais, la fraternité…
- Vous êtes un sauvage, mon brave homme. Vous rêvez à des hommes fraternels sans une loi pour les y contraindre ?
- Heu… Oui… C’est même exactement comme ça que je vois les choses.
- Hé ben ! Ils doivent être complètement idiots vos malheureux poèmes ! Chez nous, la dictature est fraternelle et solidaire.
- Je meurs ! Une dictature fraternelle !
- Votre démocratie l’est-elle plus ?
- Heureusement que oui ! Hahaha !! En tout cas, les hommes ont le droit de penser et d'écrire ce qui leur chante.
- De penser, ça, tout le monde peut le faire. Ici aussi, on a le droit de penser. Ça ne mange pas de pain, comme on dit chez vous. Mais de vivre leurs pensées, ils ont le droit, chez vous ?
-
Ça dépend.
- Ça dépend de la pensée, sans doute ?
- Oui, un peu quand même.
- Et qui détermine si les  pensées sont bonnes ou mauvaises à penser ? Si elles ont le droit de vivre ?
- Le bien commun, la tranquillité commune, le "vivre ensemble"...
- Et qui décide de tout ça  ? Qui donne forme à vos abstractions ? Parce que ce ne sont là que des abstractions, mon brave...
- La logique humaine.
- Ah, c’est un régime philosophique ?
- Non ! Enfin...C’est la majorité qui décide.
- Et la minorité, elle fait quoi ?
- Elle…Ben… Je ne sais pas. Elle se plie aux avis de la majorité.
- Elle se plie.. Tiens, tiens...En effet, vous avez bien besoin de chanter la fraternité, poète ! Parce que la vie ne doit pas être rose pour tout le monde chez vous-autres !
- Et alors ? Bon sang de bonsoir! C’est ça, la démocratie ! Chez vous, c’est une poignée qui décide, sans doute, qui décrète, qui…
- C’est une poignée qui est la majorité, oui. Tout le reste est la minorité. Pourquoi tenez-vous absolument à ce que la majorité soit plus nombreuse que la minorité ?
- Mais c’est absurde ! Ne serait-ce que dans les termes !
- C’est absurde, oui. Vous ne saviez pas que vous veniez chanter dans un pays absurde ?
- Non.
- Alors, je ne puis autoriser votre séjour, mon cher. Ici, l’absurde fait partie de notre fraternité solidaire.
- Ah ben ça alors !
- Qu'est-ce qui vous étonne ? Comme chez vous, mon brave !
- Comment ça ?
- Si je vais chanter chez vous que la majorité doit être éliminée et que la minorité doit être au pouvoir, ne m’expulsera-t-on pas pour subversion ? Du moins ne m'interdira-t-on pas de chanter, encore que sous un prétexte fallacieux ?
- Si. Peut-être. Enfin... En tout cas, on ne vous écoutera pas.
- Hé bien là non plus, on ne vous écoutera pas. Séjour inutile, donc. Veuillez repasser par là, monsieur. Tenez, votre passeport. Bon retour en démocratie! Et apprenez au moins à écrire des choses qui ont du sens, au lieu de réciter les messes de vos chefs majoritaires ! Au suivant !
- Ah ben ça, alors !

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29.10.2015

Le Progrès - D'après Georges Brassens -

Ce poème de Brassens, que je me suis permis d'amputer d'une strophe, a été publié à titre posthume et mis en musique par Jean Bertola.
Cette musique ne me plaisant pas outre mesure, je l'ai refaite à mon goût, qui n'a évidemment pas la prétention d'être celui de tout le monde...


Que le progrès soit salutaire,
C'est entendu, c'est entendu.
Mais ils feraient mieux de se taire,
Ceux qui dis'nt que le presbytère
De son charme du temps passé n'a rien perdu,
N'a rien perdu.

Entre les tours monumentales
Toujours croissant, toujours croissant,
Qui cherche sa maison natale
Se perd comme dans un dédale.
Au mal du pays, plus d’remède à présent,
Remède à présent.

 C'est de la malice certaine,
C'est inhumain ! c'est inhumain !
Ils ont asséché la fontaine
Où les belles samaritaines
Nous faisaient boire, l’été, l'eau fraîche dans leurs mains,
Fraîche dans leurs mains.

Ils ont abattu, les vandales,
Et sans remords, et sans remords,
L'arbre couvert en capitales
De noms d'amants : c'est un scandale !
Les amours mort's n'ont plus de monuments aux morts,
Monuments aux morts.

 L'a fait des affaires prospères,
Le ferrailleur, le ferrailleur,
En fauchant tous les réverbères.
Maintenant quand on désespère,
On est contraint, forcé d'aller se pendre ailleurs,
Se pendre ailleurs.


Et c'est ce que je fais sur l'heure,
Et sans délai, et sans délai.
Le coq du clocher est un leurre,
Une girouette de malheur(e).
Ingrate patrie, tu n'auras pas mes feux follets,
Mes feux follets !

26.10.2015

Pas grand' chose à dire...

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On aura peut-être remarqué, si tant est qu’on veuille bien prêter quelque attention à ce que je fais ici, que ce blog s’étiole comme une plante en déficit d’eau et que les textes s’y espacent de plus en plus.
Un blog se nourrit de ce que l’on porte vraiment, avec peine ou avec joie ; quelque chose de fort et que l’on juge, à tort ou à raison - là n’est pas le problème - digne d’être transmis.
L’écriture est un amical partage de soi ou n’est que muet bavardage.
Et il se trouve que je n’ai plus grand-chose à dire, depuis quelque temps déjà.
Non pas que je sois épuisé, tari, vidé, désertique, je ne me sens pas comme tel, mais parce que ce que je porte n’est même plus très clair pour moi-même.
Il faut d’abord comprendre le fond de ce qui est authentique en soi avant d’avoir la prétention d’en partager les fruits. Sauf à dire n’importe quoi, évidemment. Ou à ânonner des convictions divorcées depuis longtemps d’avec la réalité.
Mes joies de vivre se nourrissent toujours du bonheur d’une petite famille,  des paysages, d’une vie simple, des matins d’automne et du grand mouvement des choses qui fleurit, calcine ou frigorifie les campagnes… Mes joies de vivre vont toujours vers la lecture assidue des livres, quelques accords de guitare, quelques amitiés éparses et quelques occupations anodines.
Mais dès que je jette un regard sur le monde, je ne ressens que lassitude, incompréhension, dédain pour ces hommes qui se passent le relais des pouvoirs, dans l’endormissement général des consciences et à des années-lumière du comment "je" espérerais les choses.
Entre une Pologne qui se replie sur son identité, parce que les grandes salades de l'européanisme font peur,   et une France qui pue le rance des idées dites de gauche et du mensonge politique permanent, je ne sais plus trop vers lequel de ces deux pays va ma préférence.
Je ne suis pas de gauche et je ne suis pas de la droite catholique. Ces deux revers d’une même médaille, celle de la vanité du pouvoir et du plaisir pervers à rouler la populace dans la farine, ne m’inspirent que lassitude.
Un pays, fort heureusement, est beau et agréable à vivre bien au-delà des hommes qui ont la prétention démocratique de le représenter.
Vous me direz d'ailleurs qu’on peut faire de l’écriture, de la littérature, sans se soucier des environnements politiques et de la couleur des gens qui président aux destinées des pays.
Sans doute.
Mais si on peut aussi faire l'amour dans les chiottes , c’est quand même plus agréable – et ça risque d’être beaucoup  plus chantant –  sous les lumières et les parfums d’un chemin des sous-bois, par les deux amants choisis.

13:21 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET

13.10.2015

Adieu, frère humain !

escudero2.jpgTel Jehan l’advenu1, il est parti comme il était venu : sans tambours ni trompettes.
Depuis longtemps, «les hommes» l’avaient jeté aux oubliettes, si tant est qu’ils l’aient une fois rencontré au grand jour.
Pour tous les beaux parleurs, pour tous les prometteurs, pour tous ceux qui usurpent la parole et la falsifient, pour tous les grands menteurs de notre siècle naissant et qui flambent au pinacle de la misère morale, pour toutes ces innommables putains de la politique et des médias, un seul regard jeté sur sa vie eût pourtant suffi pour les faire pâlir de honte et pour les réduire à une plus juste dimension d’insectes méprisables.
Cet homme était authentique. Un déraciné, un anar de la nostalgie, un troubadour de la révolte profonde, jamais tapageuse.
Au sommet de la notoriété, les poches pleines d’argent facile, jugeant alors que toute cette mascarade jetait entre lui et la misère du monde un rideau trop opaque et trop lâche, il plaquait tout, il disparaissait et ce que cette société avait bien voulu lui octroyer pour qu’il chante de sa voix enrouée
par l'émotion et l'intimité du désespoir, il le redistribuait silencieusement à des œuvres humanitaires, partout de par le vaste monde.
Citez-moi un seul homme de notre époque capable en même temps de faire ça et de ne pas s’en venir
aussitôt vanter, vautré et gloussant devant les caméras du spectacle télévisé !
Émotion et respect.
Je dois à Escudero, au même titre qu’à Brassens,  mes premiers essais sur les six cordes… Je me souviens avec douceur de mon émerveillement quand je réussis à jouer Pour une amourette et Ballade à Sylvie…
J’éprouvais alors, pour ce chanteur en marge, avec ses cheveux longs et noirs d’espagnol expatrié, une tendresse toute fraternelle.
Je me souviens aussi avoir fait découvrir à tous les joyeux  potes toulousains de la mouvance anar, quelque vingt ans plus tard,  Mon voisin est mort et je me souviens de leur regard attristé.
Nous, on ne t’oubliera jamais, sinon à l’heure blême, quand nous passerons, à notre tour, à pas silencieux la porte de l’oubli.
Comme Nous tous, tu ne laisseras rien aux hommes, mon vieux Leny ! Ils sont depuis longtemps ailleurs, les hommes ! Ils sont à leur place, eux... Ils sont chez eux.  C’est sans doute nous autres qui nous sommes trompés de cieux.
Nos paroles, tes mots, tes simples mélodies d’où suintaient à la fois tristesse, mélancolie et espoir diffus, ils ne les comprennent pas.
Quand ils n’en haussent pas leurs épaules de chiens battus, au cou rongé par le collier d'attache !
Salut à Toi, Le Gitan !
Puissent ces quelques mots accompagner ta longue traversée des néants éternels : On t'a beaucoup aimé !

1 : Poème de Norge, mis en musique par G. Brassens


 



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02.10.2015

Plaudite, acta fabula est

ouragan.jpgJ’aimerais écrire l’automne, j'aimerais écrire le soleil d’équinoxe en déclin, la forêt qui chemine vers des léthargies hautes en couleur, la prairie qui s’enveloppe de brouillard, la première gelée sur les silences du matin, les grues qui traversent le ciel, le cou tendu vers la clémence de lointains horizons.
J’aimerais écrire cette joie de vivre qui toujours monte en puissance chez moi alors que, contradictoirement, les paysages et les choses de la terre entament leur longue somnolence.
J'aimerais
ainsi chanter la messe littéraire dans un monde de sourds, d’aveugles et de muets.
Mais mon esprit est tellement préoccupé du danger qui nous guette tous, que je ne le puis pour l’heure.
Honte à cet effronté qui peut chanter quand Rome brûle, disait le poète bourguignon. Ce à quoi le poète sétois avait répondu  : Est-ce à dire qu'il ne faut plus chanter ? Elle brûle tout le temps !

Certes. Mais elle brûle avec plus ou moins d’incandescence et de risques de propagation.
Le monde, je le crois, est à la croisée des chemins. Je le crois depuis ce texte-là.  Les hommes ont maintenant le choix entre des paix bâtardes, des paix de compromis plus ou moins lourds, des sournoiseries diplomatiques ou un cataclysme barbare.
Les pièces de l’échiquier fatal sont en branle. Chacun a avancé ses pions aussi loin qu’il le pouvait sans trop alerter la vigilance de son adversaire.
Un mauvais coup des uns ou des autres, une fausse manœuvre, un moment de distraction, un geste maladroit, et c’est le mat.
Dans ces conditions, écrire sur autre chose qu’un avenir qui peut basculer du jour au lendemain dans l’horreur, me semble tenir du pur bavardage.

Puissent les évènements à suivre venir me lourdement démentir !

13:23 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : littérature, histoire, politique, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET

29.09.2015

Rencontre en deux temps - 1 -

20121031211658-17-9.jpgJe ne l‘ai pas vu arriver et je n’ai donc pas entendu dans quelle langue il me saluait.
Car j’étais absorbé, colère, dans la lecture des affligeantes déclarations de Hollande à la grand’messe de l’ONU ; déclarations qui le font l’allié objectif des ennemis qu’il prétend vouloir combattre.
J’étais surtout très énervé de lire que ce saltimbanque répétait à l’envi, comme une vieille horloge montée à l’envers, qu’Assad était un tyran, comme si on avait besoin de sa science pour le savoir et comme si le roi d’Arabie Saoudite, chez qui il est allé faire le bouffon, qu’il caresse dans le sens du poil, à qui il vend des armes et des avions alors qu’il décapite à tour de bras ses opposants, n’était pas, lui, un sanguinaire. Apparemment, pour ce Président de plus en plus désastreux, il y a les bons tyrans et les mauvais tyrans. Une morale politique à tiroirs et à géométrie variable… Ou alors, il poursuit d'inavouables objectifs qui ne sont pas ceux du pays qu’il est censé représenter et il conduit tout le monde au désastre !
Donc, je n’ai pas entendu arriver mon visiteur et je lui ai  demandé, en polonais, en quoi je pouvais lui être utile.
C’était un tout petit pépé, frêle, au sourire sympathique, d'emblée attachant. Mais quand il m’a entendu parler polonais, son sourire s’est tout à coup effondré.
Il a baissé les bras, comme quelqu’un qui, décidément, n’y arrivera pas.
Il a demandé, dépité,  avec un fort accent : Vous… Vous ne parlez pas français ?
J’ai ri, si, si, bien sûr que si, puisque je suis français.
Il a poussé un long soupir de soulagement et il m’a demandé si je pouvais l’aider…
Avant même de savoir en quoi, j’ai dit oui, je peux vous aider.

Il était venu d’Italie, à la rencontre des lieux de sa propre archéologie ; il était à la recherche du passé de son père.
J'ai compris que, venant de lire les bruits de guerre du présent, j'allais me curieusement  plonger dans celle du passé.
Que le petit pépé était le messager impromptu de l’éternel recommencement des chaos.

 La suite bientôt...

14:31 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET

26.09.2015

Savoir et aimer Villon

Mettre en musique un des plus célèbres poèmes du patrimoine était  une prise de risques. Presque une outrecuidance.

 

 

Je le savais pertinemment et j’avais collé cette musique sur Les pendus pour mon plaisir personnel, solitaire, ne pensant nullement avoir à l'offrir un jour à un public.
Bien que ma traduction ait été appréciée, j’ai donc entendu une critique que je m’étais déjà faite, celle d’avoir interprété le poème sur un ton proche du pathétique, sans accentuer le côté sardonique, le deuxième degré, des prières adressées post mortem par les pendus aux frères humains.
Critique exacte car cette ballade est avant tout une mise en scène, une raillerie même, d’où le je de François Villon est d’ailleurs totalement - et volontairement - absent.
A la différence notoire de ce quatrain que tous ceux qui ont approché de près ou de loin François Villon,  connaissent sans doute :

 Je suis François, dont il me poise
Ne de Paris emprès Pontoise,
Et de la corde d’une toise
Saura mon col que mon cul poise.

Ces vers font à mon sens figure originale dans l’œuvre de Villon, en ce qu’ils sont, ou du moins semblent être, purement autobiographiques, écrits qu'ils ont été juste après sa dernière condamnation de 1462 à être étranglé et pendu ; condamnation dont il fera appel et qui sera commuée en dix ans d'interdiction de paraître sous les murs de Paris.
La prudence est toujours de mise quand on aborde la vie de Villon. Les indices les plus nombreux dont nous disposons sont ceux présents dans son œuvre et c’est une œuvre à tiroirs. Une œuvre impure, qui mêle fiction et réalité avec tant d'ingéniosité et de franchise qu’il n’a jamais été aisé de dissocier réellement celle-ci de celle-là.
Le génie du poète voyou - anarchiste avant l’heure comme on se plaît parfois à le dire- fut en effet de toujours jouer entre traits autobiographiques bien distillés, extrapolations, parodies, dérisions, et contradictions. A telle enseigne, qu’il compose même une Ballade des contradictions :

 Je meurs de seuf auprès de la fontaine,
Chault comme feu, et tremble dent à dent ;
en mon pays suis en terre loingtaine

 Villon s’applique toujours à déconstruire le réel par la caricature, le jeu de mots et la parodie, passant du ton grave et sensible à la raillerie la plus joyeuse, mais aussi en usant d’une langue compliquée, bigarrée, mariant archaïsmes, argot des voyous, vieux français de l’époque et mots et tournures annonçant la lente évolution de la langue vers le corpus contemporain. Nous sommes à la fin du Moyen-âge.
Le Testament, rédigé au sortir de sa captivité à Meung-sur-Loire, est donc un faux testament, cruel avec ses légataires et qui brocarde avec force ironie, justice, finances et autorités religieuses, dans un langage également accessible au lettré qu'au voyou de l'époque.
Rabelais - quoique fantaisiste sur le sujet - dira au  siècle suivant, que Villon était un homme de théâtre. Presque un metteur en scène.
Mais ses déboires avec la justice pour le meurtre commis sur un prêtre, Philipe Sermoise, le 5 juin 1455, le cambriolage du collège de Navarre et la rixe avec un notaire, Ferrebouc, lui valurent in fine ces fameux dix ans d’exil de la ville de Paris et sa disparition, nul n’a su dire où et quand.
Le poète disparu, sa poésie connaît la célébrité. C’est en effet à la faveur de cette disparition mystérieuse, non élucidée, que Villon entra dans la légende dès la fin du XVe siècle parce que son œuvre était profondément ancrée dans son temps et avait échafaudé une figure multiple, contradictoire et attachante :

 D’ung povre petit escollier,
Qui fut nommé Françoys Villon.

On le sait, Villon sombrera dans trois siècles d’oubli, de 1533 à 1832. Il sombrera dès que sa langue acrobatique et ses mœurs de jouisseur turbulent ne seront plus comprises de l’époque nouvelle, avant d’être remis au jour par des archéologues de la langue et de la poésie.

 Pour en revenir à ce fameux quatrain donc, où le cou éprouvera  bientôt  le poids du cul, il est indispensable de constater que Villon commence sur une ambiguïté, François désignant dans la prononciation en même temps le prénom et la nationalité.
Ce qui change tout. «Je suis Français et ça me fâche, ça m’emmerde ». En plus, Français de Paris. Ce qui est un comble.
Ce calembour est dirigé contre ceux qui l’ont condamné à Paris et surtout contre les protagonistes de l’affaire Ferrebouc dans laquelle son complice, Robin Dogis, bénéficia d’un jugement plus clément parce qu’il était savoyard.

 

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16.09.2015

Les bons et les méchants

Réfugiés-Syriens.jpgÉcrire sur ce drame de l’exode massif des populations syriennes et irakiennes que vit actuellement le monde - l’Europe, plus exactement – est malvenu et fort risqué car ce ne sera sans doute que rajouter une petite voix au brouhaha, à la cacophonie un son inaudible, aux erreurs d’appréciation une autre erreur.
Nonobstant, rester spectateur dans son coin et continuer à planter ses salades n’en est pas moins lâche. Presque indigne. Car le sujet est miné, explosif, et comporte tellement de contradictions, il offre le flanc à tellement d’idéologies et de réflexes primaires, que la plupart d’entre nous se contentent évidemment d’un prudent silence, voire, mieux, du détachement genre  philosophe revenu de tout.
Pour ne pas dire de conneries, se taire, donc. Pour vivre avec l’apparence de la propreté, rester cachés. Comme ça, si le drame vire à la tragédie, au cataclysme, et que nos enfants en payent plus tard le prix fort, on pourra dire qu’on savait et que et que… a contrario,  si tout cela se résorbe tranquillement, on pourra, sur le même ton, dire que bien sûr, qu’on s’en doutait et que et que...
Nous sommes en effet beaucoup à être habitués à penser les situations une fois qu’elles sont établies dans l’histoire et présentent un caractère presque irréversible ; sauf à tout casser et à refaire le monde. S’agissant de commenter, de prendre part, à la critique de leur développement quand elles ne sont pas encore entrées dans l’histoire accomplie, qu’elles sont en mouvement, en gestation,  et qu’il est donc difficile d’en prévoir les effets, nous sommes déjà beaucoup moins.
Parce que c’est un peu moins facile et qu’on risque fort de s’y compromettre.
Je me suis compromis il y a quelques années pour l’intervention française en Libye, pensant et écrivant qu’on ne pouvait laisser un peuple se faire massacrer par un tyran. Quel chérubin !
Et quel imbécile, surtout ! Mais ça ne me dérange pas de me traiter d’imbécile. D’ailleurs, je préfère le faire moi-même : ça évite aux autres d’avoir à le faire et c’est mieux fait. En plus.
Car il ne s’agissait évidemment nullement de cela. Il s’agissait de détruire toutes les structures politiques et sociales de tout le Moyen-Orient ; entreprise débutée avec fracas en 1991, en Irak.
Le résultat est aujourd’hui évident : guerres civiles, massacres, misères, fanatismes religieux, exodes, avec, en contrepoint,  balbutiements tardifs et humanitaires d’une Europe qui fait l’effondrée devant les incendies qu’elle a elle-même allumés avec ses indéfectibles amis d’outre-Atlantique.
Même scénario en Ukraine, avec, à la manœuvre principale, Hollande et Merkel.

Bon, d’accord, admettons, mais qu’est-ce qu’on fait, quand on sait ça ?
On écoute les inepties des uns et des autres. Des officiels.
Car c’est là que ça devient édifiant. Si je puis dire.
On assiste en effet à une définition géopolitique de l’Europe, une définition qui montre combien cette Europe n’existe qu’à coups de technocratie et de financement massif, sans aucune réalité historique, sociale et humaine. On a, d’un côté, l’Ouest qui, après avoir largué ses bombes sur tout ce qui bougeait, largue maintenant ses bons sentiments sur tout ce qui veut le contredire et, de l’autre côté, l’Europe Centrale qui ne veut pas entendre parler d’une quelconque participation à la réparation de la casse.
On en pense ce qu’on en peut, partagé entre une vague, très vague idée de devoir de solidarité et une inavouable peur…
Ce n'est pas une émotion humaniste, la peur. Voyons ! C'est un truc réactionnaire de poule mouillée !
Alors, j’écoute les Polonais et ils disent : accueillir des gens, oui, bien sûr, on ne laisse pas des milliers d’enfants, de femmes et d’hommes à la rue.
Nous sommes aussi des gens solidaires. Mais après ? Quelle intégration ? Quel avenir pour ces gens déracinés sous d’autres cieux, sous un autre dieu ? Quel mode de vie ? Quels moyens de vie ? Quels espoirs ?  En un mot comme en cent, quel bonheur à court, moyen et long terme ?
La vie d'un homme ne se résout  pas à avoir un bout de pain dans l’estomac et un bout de toit sur la tête. Sinon dans le moment même de l’urgence.
Les gens de l’Ouest, eux, ne posent même pas la question. Accueillir, c’est mettre des gens dans des locaux et leur  distribuer de la nourriture. Point.
Pourquoi donc ce manque de vision, cette lâcheté à ne pas vouloir voir plus loin que le bout du nez ? Pourquoi cette différence fondamentale de point de vue qu’on vous résume – on n’est plus à une immondice verbale prêt -  à une différence entre les bons solidaires latins et les sales égoïstes de slaves ?
J’ai ma réponse, vécue de près, compromettante ou pas, peu importe : parce que l’Europe Centrale se sent exister encore en tant que telle - surtout qu’il n’y a guère que 25 ans qu’elle a retrouvé ses marques -, alors que l’Ouest, lui, depuis longtemps, n’existe plus, n’a plus de repères auxquels il tienne, n’a plus de culture à faire valoir et dont son esprit se régalerait.
Sa solution est donc dans la dissolution.

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14.09.2015

Fin d'été

littérature,écritureJ’ai traversé, messieurs, des prairies que massacrait le soleil.
Et je vous le dis : pas un oiseau, pas un animal des champs, pas un mouvement, nul être vivant, n’apparaissait alors sur ces espaces jaunâtres, tétanisés par le feu tombant dru sur leur échine accablée.
La petite route pourtant, souvent, taillait dans la forêt. Mais c’était là une forêt sans ombrage. Les feuillages calcinés pendaient au bout des banches et, déjà, juillet à peine rayé du calendrier, ils se laissaient tomber au sol, vaincus, trompés, abusés, déboussolés par cette trop longue fantaisie du climat.
La lumière caniculaire pénétrait ainsi avec force par les trouées de la voûte, en déchirait le voile, en violait l’écrin, assassinant du même coup les petites plantes des sous-bois qui, d’ordinaire, vivent de la fraîcheur de sa pénombre.
Asphyxiés dans une poussière brûlante qui, partout, sortait des entrailles terrestres, les paysages chétifs se mouraient de soif et les herbes des champs, des talus, des bois et des jardins, les hommes des hameaux, des bourgs, des villages et des villes, les animaux sauvages tout comme ceux des fermes éparpillées, tous, unanimes, réclamaient la trêve et imploraient clémence.
En pure perte cependant. D’interminables mois durant, les cieux sont demeurés impassibles, sourds aux souffrances et aux supplications, purs et durs dans leur obstination à détruire. Nul nuage, nul souffle salvateur, nulle ombre passagère, n’osait venir troubler l’austérité bleutée, chauffée à blanc.
Au matin, l'air puait la fumée d'un invisible désastre, rajoutant à la tristesse du jour qui s'annonçait la touche d'une impalpable angoisse
. Des tourbières, nous a-t-on dit, brûlaient en Biélorussie et en Ukraine, de l'autre côté du fleuve.

Et puis… Et puis, quelque chose a frémi aux pendules du jour et de la nuit, inversant l’autorité meurtrière de celui-là sur celle-ci. Un matin de septembre enfin, le souffle d'un vent levé des horizons multiples, a gommé lentement ce grand tableau d’azur et sur sa toile immaculée a dessiné le blanc et le gris des premières nuées, que saluait un arc-en-ciel.
Des larmes éparses et chaudes ont giclé sur les sols crevassés, maladroites, désordonnées, lourdes et pataudes, comme si le ciel  ne savait plus pleuvoir. C’étaient là quelques pleurs de remords, avant que ne jaillissent soudain les grands sanglots du pardon et que la terre ne les boive avec tout le désespoir d’une rescapée des sables.
Un peu tard seulement.
Cicatrices et brûlures restent inscrites sur la morosité des arbres
recroquevillés par la peur, déjà marron, déjà jaunes, sans l’éclat joyeux des pourpres sanguins de l’automne, comme s’ils étaient pressés à présent d’en finir avec ce cycle-là et de rejoindre les silencieuses nudités de l’hiver.
Pour recommencer bientôt un vrai et grand mouvement des choses, qu’ils espéreraient, cette fois-ci, conforme et doux à la fuite éternelle des saisons.

Court extrait d'un roman en chantier

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11.09.2015

Mini revue de presse

d9b7a6c5ff6f4e0bcfc76c0ce339a5e9.jpg.gif- Un site d’infos me met dans l’embarras.  S’appuyant en effet sur un énième rapport de la Cour des comptes, il pose la vieille, la lancinante, l’éculée et récurrente question : Les fonctionnaires doivent-ils travailler plus ?
Je ne sais que dire, ma foi.
Bon, mais si je prends la posture sociale-gauche, chafouine de candeur feinte et  généreuse, ouverte, bien dans sa peau et qui a réponse à tout et à rien  parce que ce n’est pas une pensée mais un disque de jukebox, je dis : qu’est-ce que c’est encore que ces salades de droite, toujours à agresser la pauvre fonction publique ?
D’accord. Mais si, au lieu de prendre une posture bien-pensante, je m’en réfère à quinze ans de mon propre vécu ;  si je suis donc un homme d’opinion empirique, voilà que je rigole comme un perdu et que je réponds :
- J’en sais rien… Je m’en fous, à vrai dire.  Je ne sais pas s’il faut que les fonctionnaires travaillent plus. En revanche, ce que je sais avec certitude, c’est qu’il est absolument impossible qu’ils travaillent moins. Sauf à rester chez eux…

- Un autre titre attire mon œil avide : Une nouvelle espèce d’humains découverte.
Je me jette ! Depuis le temps que j’attends des hommes nouveaux, des mutants !
Et je lis : Une ancienne espèce du genre humain inconnue jusqu'à présent a été présentée par une équipe de scientifiques internationale jeudi.
Faudrait savoir ! On s'fout vraiment de nous !

- Beaucoup plus inquiétant et très éloquent : Les Russes renforcent  leur présence militaire en Syrie et  « ça inquiète Fabius.»
Ben moi, c’est l’inquiétude de Fabius qui m’inquiète. Beaucoup. 

12:51 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET

10.09.2015

Détournement

C'est à fredonner - ou, mieux, à jouer - sur la musique de Celui qui a mal tourné, Georges Brassens, titre lui-même inspiré par La Chanson du gâs qui a mal tourné, de Gaston Couté.


CELUI QUI A MAL PENSÉ

 Il y‘avait au fond d’mon village,
Un p’tit gars qu’était pas très sage,
Qui trainait les bois, les prairies,
Galopant derrière ses rêveries.
Les gens du crû, d’un même tonneau,
Des taiseux et de rudes péqu’nots,
Clouèrent tantôt au pilori
Cette graine de malappris !

 Il avait dans le ciboulot
Des idées contr’ tous les boulots
Des champs, des bureaux, des usines
Qui font aux hommes courber l’échine.
Ainsi doté pour faire sa vie,
Il trouva tous les ponts-levis
Devant lui toujours haut levés,
Dans quelque place qu’il veuille entrer.

 Il connut l’ombre des cachots,
S’embarqua vers les pays chauds,
Traversa des contrées sauvages
Atteignit à bien des rivages.
Mais jamais sur ce long chemin
Ne vit vers lui se tendr’ une main…
Alors, aux abords d’l’heure fatale,
Il revint au pays natal.

 Les gens du crû, d’un même tonneau,
Dormaient tous au fond d’leur caveau
Leurs maisons croulaient sous les lierres,
La vermine en rongeait la pierre.
Lors, écroulant son cul par terre,
Le vieil homme contestataire
Déversa sur leur triste sort
Toutes les larmes de son corps !

 2359.jpg

 

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08.09.2015

Invasion barbare

P7080730.JPG...Et je saute une page, puis une autre, puis deux ou trois, et je feuillette, je zappe, je baîlle, je m'étire, je me dis que le papier est glacé et ne me servira même pas pour allumer mon poêle. Quant à  s'essuyer l'derche avec ça, même pas la peine d'y penser !
Je m'apprête donc à balancer la revue par terre, quand enfin, je lis, pris d'un vertige, les yeux écarquillés  :
« ...Pour remonter si loin  au Nord, il faut bien que les (....) en tirent un bénéfice substantiel. Car le coût de l'investissement est considérable en termes de dépenses énergétiques. Le retour sur cet investissement est donc, chez ces (...-là) un gain supplémentaire au niveau de la ... »
Sur le cas de qui croyez-vous que se penche cet article tiré d'un magazine de vulgarisation et de sciences, qui m'était par hasard échu entre les mains ?
Vous avez deviné. Il parle d'entrepreneurs audacieux qui n'ont pas peur de prendre des risques pour faire juter du profit.
Hé ben vous avez deviné tout faux, avec votre esprit prosaïquement libéral ! Vous ne savez pas lire "moderne"!
Enfin... Réfléchissez un peu, m'ssieurs-dames. Détendez-vous... Envolez-vous bien loin de ces miasmes morbides, allez vous purifier dans l'air supérieur et buvez, comme une pure et divine liqueur, le feu clair qui remplit les espaces limpides !
Citoyen, citoyenne, baudelairisez un peu votre lecture !
Car c'est là un article sur la migration des...
-
Chefs d'entreprise ?
- Non ! Il s'agit d'un article sur... la migration des oiseaux ! Si, si....

Alors là, les carottes sont définitivement cuites, que je me dis, affalé sur ma banquette. Désintégrées même, les carottes ! Le langage est colonisé dans toutes ses évocations, tous ses termes, vidé de tous ses sens. Il est à sens unique. Une redoutable impasse. Un coupe-gorge.
À ce stade répugnant de l'aliénation de la parole, y'a plus grand chose à faire.
Il n'y a surtout plus grand' chose à dire.

13:14 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET