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22.12.2020

Le crépuscule des hommes

pobrany plik.jpgEn ces temps-là, depuis plusieurs décennies déjà, les hommes, tels leurs lointains cousins Arvernes aux blonds cheveux, craignaient que le ciel ne leur tombât un beau matin sur le coin de la figure.
Au début, disons dans les dernières années du XXème, ça n’avait été qu’une rumeur, très vague, qui mijotait à feu doux dans les milieux « autorisés », et que les autres, qui l’étaient beaucoup moins, eux, autorisés, moquaient joliment.
Petit à petit cependant, de jours en jours, de mois en mois, d’années en années, de petits mots en petits mots médiatiques, la rumeur enfla, gagna toutes les couches de la population, nourrit toutes les conversations, prit les allures obstinées du bruit de fond, de plus en plus inquiétant, pour se muer enfin en une véritable tambourinade.
Car la planète semblait vouloir tantôt s’abimer sous l’incandescence de son étoile. Les premiers stigmates apparaissaient à tous car les champs le long des routes se desséchaient, les fossés avaient soif et jaunissaient, les plantes s’étiolaient. D’autres, plus puissants, n’étaient constatés que par les spécialistes, tels que les glaciers qui fondaient, haut perchés dans la rocaille des montagnes, les calottes polaires et la banquise qui se diluaient, les grandes eaux de la mer et des vastes océans qui montaient, des animaux qui crevaient, disparaissaient, tandis que d’autres, pour survivre encore un peu, changeaient de morphologie, comme certains petits oiseaux migrateurs, raccourcissant leurs ailes.

Les étés caniculaires succédaient ainsi aux mortes saisons de plus en plus clémentes, tandis que palabraient et se perdaient en conjectures les hommes sur les humeurs comminatoires de leurs saisons ! Ils en supposaient, des tenants et des aboutissants, tant l’incertitude de leur avenir nourrissait sans relâche leurs débats ! Etait-ce là une ère nouvelle de la boule bleue, un avatar naturel de son voyage dans les firmaments, un effet pervers de son inclination qui changeait de degrés, ou bien le désastre annoncé était-il provoqué par leur façon d’habiter, et, surtout, par leur surnombre ?
Et tout ça, malgré l’urgence qui frappait à la porte des nuages, servait encore à faire de la politique. Parce qu’ils en faisaient depuis la nuit des temps, de la politique, les hommes, par instinct de domination des uns sur les autres. Alors certains qui se voyaient en fins stratèges, essayaient de piéger la foule des naïfs, à laquelle ils laissaient croire qu’ils avaient peut-être une solution pour adoucir la colère des cieux ! Ceci, évidemment, dans l’espoir que cette foule ne leur délègue le pouvoir de conduire sa destinée.
Tout le monde, ou presque, avait ainsi son mot à dire, ses vues à faire valoir, les maitres comme les esclaves, dans une dialectique ébouriffée d’angoisse, feinte ou réelle. Des gens qui n’avaient jamais regardé ni le reflet de l’eau sur les pierres des ruisseaux, ni flairé le parfum des vents accourant des quatre horizons, ni caressé la moindre fleur batifolant aux lisières d’un taillis, ni entendu les vrilles d’une alouette montant dans le ciel d’un matin d’été, s’éprenaient soudain d’un fol amour pour tout ce qui vivait, rampait, sautait, pépiait, rugissait, se promenait et chantait  sur terre.
J’ai reconnu mon bonheur au bruit qu’il a fait en partant, écrivit Prévert. C’était un peu ce qu’il leur advenait à présent, aux hommes. Après avoir, depuis l’aube des temps néolithiques, saccager à leur profit tout ce qui autour d’eux pouvait servir de pâture, haies, bois, forêts, rivières, oiseaux, mammifères petits et grands, fouillant et renversant les sous-sols profonds comme les terres de surface ;  après avoir inondé les océans de leurs détritus, rejeté dans l’air toutes les insanités de leur affaires besogneuses, ils déclaraient enfin leur amour à leur habitat, sans lequel – ils en prenaient enfin conscience - ils ne seraient rien et disparaitraient en fumée dans le néant des cosmos infinis.
Comme des dinosaures qu’ils n’avaient jamais été.
Cet amour soudain n’était donc, on le sait, que le désespoir de voir leur existence anéantie. A force de scier la branche sur laquelle reposait la condition humaine, ils se savaient  maintenant condamnés à tomber dans le vide sidéral, sauf à radicalement changer leurs façons de faire.
Tout le monde était ainsi d’accord pour sauver tout le monde... Mais pour y parvenir, les moyens contradictoires abondaient.
Certes, il y avait bien, c’est vrai, de-ci, de-là, sous des horizons divers, quelques énergumènes, aux motivations troubles, souvent des gens déséquilibrés portés au pouvoir par d’autres qui ne l’étaient pas moins, pour nier l’imminence du danger. L’humain est capable d’affirmer qu’il entend avec ses yeux, voit avec ses oreilles et sent avec ses pieds, si tout cela sert son intérêt immédiat. Ne consacrons donc pas une ligne de plus à ces imbéciles, dits aussi climato sceptiques, à l’époque principalement représentés par Trump aux Etats-Unis et Bolsanaro, au Brésil.

La boule bleue, terre des hommes, menaçait donc de passer ses habitants par les flammes. Il allait falloir, pour éviter le désastre, avancer désormais à reculons, revoir à la baisse tous les modes de vie, et s’inspirer des méthodes ancestrales.
On appelait ainsi de ses vœux l’avènement d’un monde nouveau, qui ne serait autre que le plus ancien des mondes.
En un mot comme en cent, on comprenait enfin qu'on était venu sur terre pour y tourner en rond pendant 600 000 ans !

15:45 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (4) |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

Droit devant en arrière l'avenir est notre passé
Droit derrière en avant, le passé est notre avenir
De toute façon, nous passons et l'à venir est un passé en devenir.
Salutations, depuis le temps...

Écrit par : cleanthe | 04.01.2021

Bonsoir Cléanthe,
Heureux de vous "revoir".
Oui, je ne viens plus guère ici... J'ai même bien failli ne plus revenir du tout parce que cette saloperie de virus m'a couché pendant deux mois sous oxygène.
Je récupère doucement, mais c'est vraiment une vacherie !
Restez prudent !

Écrit par : bertrand | 09.01.2021

Oulà !! Bonne convalescence ! Oui une vraie merde ! Courage...

Écrit par : hellin | 09.01.2021

Merci !

Écrit par : bertrand | 11.01.2021

Les commentaires sont fermés.