08.01.2016
Chansonnette
Destin contraire
Un soir d’intempérie
Les rues de La Rochelle
Étaient noires de pluie
Et pas une donzelle
Ne battait le pavé
De son talon usé.
Le vent rasait les murs
De la rue Réaumur...
Devant un p’tit bistrot
Dégueulasse, mal famé
Chantait un vieux poivrot
Sur l’mode improvisé
Une espèce de romance
Qui parlait d’son enfance.
Le vent rasait les murs
De la rue Réaumur.
Son soulier défoncé
Trainait dans le ruisseau :
« Même que j‘ai voyagé
Jadis j’étais mat’lot
Mon père a fait de moi
Le pauvre hère que voilà,
Pour m’avoir trop nourri
De sa philosophie.
Les roses de mon berceau
Étaient bardées d’épines
Il disait qu’cétait beau
De vivre de rapines,
Que de violer les lois
Écrites par les bourgeois,
C’était faire le bien
Pour les pauvres et les chiens !
J’ai suivi son chemin
De Damas en prison
Et c’est pas pour demain
Qu’jaurai plus mes haillons.
Que c’est triste de vivre
J’crois qu’jai lu tous les livres
Déférence gardée
Pour Stéphane Mallarmé. »
Mais bientôt il hurlait
Les mots de sa chanson
Plus qu’il ne les chantait,
C’était vraie déraison.
Attirés par le bruit
Du barde de l’ennui,
Surgirent des pandores
Pour le prendre à bras l'corps.
Ils furent accueillis
Par une volée d’injures.
Soudain le vieux débris
Perdant toute mesure
Planta un grand couteau
Dans le ventre du plus gros
Qui mourut aussitôt
La gueule dans l’caniveau.
Quelques années passées
J‘appris dans les journaux
Qu’on avait condamné
Sa tête à l’échafaud.
On y disait à tort
Qu’il n’eut jamais d’remords
D’avoir donné la mort
A ce pauvre pandore.
Car moi qui l’ai connu,
Je n’vous dirai pas où,
Lui qui avait tout lu
Il n’était pas voyou.
Terminant sa chanson,
Même de piètre façon,
Jamais n’aurait commis
C‘pourquoi il fut occis !
Paroles et musique mézigue
12:32 Publié dans Musique et poésie | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : musique, littérature, écriture, chanson | Facebook | Bertrand REDONNET