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16.02.2022

L'Effondrement

eff3.png« Les hommes pensaient habiter la lune, voyager parmi les étoiles du ciel, peut-être même construire des ponts entre la boule bleue et ses voisines du cosmos les plus proches, et ils en sont à réapprendre à se laver régulièrement les mains ! Ils envisageaient d’ingénieuses trouvailles pour ne plus maculer de leurs détritus les mers, les océans, les forêts, l’air, et ils en sont à étudier comment on s’ajuste un bout de tissu sur le coin de la figure pour ne pas être exposés aux miasmes des congénères ! Ils pensaient s’être battus tout au long de leur histoire, par la force, par l’intelligence, par la culture et par l’instruction, pour s’accomplir enfin, libres et forts, dans un monde parfaitement géré, et ils en sont réduits à se terrer pendant des mois chez eux, tels des rats et tels leurs lointains ancêtres des grandes épidémies du Moyen-âge ! » 

 C’est là le livre que je n’aurais sans doute jamais voulu écrire.
Car il est le récit d’une souffrance, après que celle-ci se fut quelque peu éloignée, entrouvrant ainsi la porte à l’espoir et à la renaissance.
D’ailleurs, il en va toujours de même avec l’écriture : Elle est au vécu ce que la queue est à la comète, zébrant la nuit dans son sillage. C’est sans doute  la raison pour laquelle on se souvient surtout de cette queue, plutôt que de la comète elle-même.
Par métonymie.                                                                                    

Ce récit est donc celui d’une cicatrise, plus que celui de la plaie ouverte en novembre 2020.
Je voulais en témoigner.
Pour ceux qui m’ont vu sur le point de partir et pour ces gens tout habillés de blanc qui se sont penchés sur ma misère pour tenter de m’en soulager.
Pour ceux, aussi, que j’ai vu partir, tout près de moi, emportés par un tueur invisible, tout comme pour les millions d’autres que je n’ai pas croisés.
Que leur souvenir toujours m’accompagne sur ce qu’il me reste de route à faire, couvrant ainsi d’opprobre tous les négationnistes du réel et les complotistes semeurs d’une mortelle confusion !

Lire ICI

 

 

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07.02.2021

Les mots savants des ignorants

littératureDes mots que snobe le sérieux des dictionnaires, traînent dans ma mémoire.
De vieux mots dont il semblerait que la seule fonction ait été de dire le monde autrement que dans sa version officielle, et qui ignoraient totalement la façon dont ils avaient été transmis et, donc,  leurs racines.
Ainsi le buis.
Oui, cet arbuste généreux, à feuilles persistantes, et qui pousse librement le long des murailles ou alors qu’on entretient artificiellement dans son jardin.
En  Charente-Maritime, le  château du Douhet, qui se trouve à mi-distance environ de Saintes et de Saint-Jean-d’Angely, peut s’enorgueillir d’une antique forêt entièrement composée de buis, aux troncs torsadés, rugueux et épais.
Je me suis laissé dire qu'elle avait été plantée par Charlemagne, cette forêt singulière.
Le long du chemin qui montait chez Zozo, là où il s’était assis en revenant de chez Bertin, l’éleveur de chèvres, souvenez-vous, il y avait un épais buisson de buis dans lequel se chamaillaient des moineaux.
Nos chemins d’école étaient également bordés de très vieilles haies de buis. Nous en récoltions les fruits, en forme de petites marmites,  pour jouer, pour le plaisir de les aligner sur des fils.

Mais jamais nous n’aurions appelé ce buis du buis… et la plante n’était guère en odeur de sainteté, c'est le cas de le dire, au foyer familial. Ma mère n’aimait pas le buis… C’était là une plante de bigot, une chafouine qui aimait à se faire bénir.
Et justement… Il eût alors mieux valu, pour être cohérents, que nous la nommions par son vrai nom, cette plante cabotine !
Or, nous l’appelions, nous les païens, athées, mécréants, d’un nom que je ne saurai orthographier correctement, hosanne ou ausanne… Comme on veut. Comme on l'entend.
Nous causions. Nous n'écrivions pas.
Une palisse d’hosanne, disions-nous, et le mot, transmis de bouche à oreille, de chemins creux en chemins creux, le mot oral, que seul porte le vent des conversations à travers les âges, venait donc directement d’Hosanna, ce chant, ou cette interjection de joie, qui  célèbre l'entrée de Jésus perché sur un âne à Jérusalem, le jour des rameaux, le sol étant alors jonché de branches de buis, jetées par la foule.
Hosanna, mot hébreux, signifiant Sauve-nous, s’il te plaît !
Avec notre patois, nous disions donc le buis dans toute sa symbolique chrétienne et notre ignorance spontanée n'avait alors d'égal que la justesse de nos étymologies.

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09.01.2021

Brassens, laudateur de la littérature

"La P'tite Hélène éditions" republie sous un nouveau titre mon Brassens, poète érudit, retravaillé et enrichi.
Il est d'ores et déjà en prévente ICI

 

PREFACE

littératureEn 1962, peut-être en 1963, mon frère aîné, menuisier-ébéniste de son état, poussa un beau jour la porte de la maison, portant fièrement dans ses bras une guitare qu’il avait eu la curieuse idée de fabriquer lui-même.
C’était une guitare énorme, lourde et rustique. Au-delà de la troisième case, les cordes s’éloignaient tellement du manche que le doigt, meurtri, n’avait plus assez de puissance pour prétendre produire une note digne de ce nom.
Mais ça n’en restait pas moins une guitare.
J’en fis la première confidente de mes émotions de préadolescent.
Je me l’appropriai.
Car les premiers effets de surprise retombés, ma mère fit accrocher au mur le rudimentaire instrument. En fait, mon frère avait plus confectionné un gros bibelot décoratif qu’un instrument de musique.
Faut dire que dans une maison de dix rejetons conduite par une femme seule, le superflu n’avait guère droit d’asile. Mais c’est une autre histoire…
Ce fut donc sur cette guitare artisanale que j’appris, les doigts torturés et bleuis par l’inconfort, les deux accords d’une chanson qui nous écroulait de rire et que nous chantions clandestinement dans les couloirs et les dortoirs du collège où j’étais alors interne, Le Gorille.
Dans cette ambiance sévère, faite de rudes blouses grises, d’interdits et de discipline, de versions latines et de coupures à l’hémistiche, Le Gorille tenait lieu de véritable subversion.
Avec ce texte, qui allait bientôt ouvrir sur d’autres textes, est née alors une passion qui ne me quitta plus pour une œuvre différente, une œuvre frondeuse et qui me parlait enfin de la vie, de mes émois, de mes espoirs, de mes doutes, de mes colères, tel que j’avais moi-même envie d’en parler, sans avoir pour ce faire les bons mots à ma disposition.
Avec Brassens, la poésie vivait enfin, elle avait enfin une voix hors des livres obligatoires et elle collait véritablement au monde. Aucun autre poète n’a rendu à cette poésie l’incomparable service de l’introduire partout, dans les rues, les cafés, les trains, les autobus, sous l’apparente frivolité d’une chanson.
Bien que j’aie eu la chance de connaître au cours de ma scolarité des professeurs de français passionnants et passionnés - et dont je salue au passage la mémoire - sans Brassens et sans cette guitare tout à fait primaire, je ne me serais sans doute pas penché sur Hugo, Villon, Baudelaire, Rabelais, Rimbaud et tous les grands de la littérature avec autant de délices.
Brassens fut pour moi une clef. Tout le monde trouve un jour sa clef pour dire le monde. Moi, c’est chez le poète sétois que je l’ai trouvée.
Le temps a passé. Des saisons ont chassé des saisons, d’autres guitares, plus souples, sont venues sous mes doigts chanter une œuvre qui, elle, n’a jamais pris une ride.
Je me suis donc inscrit en faux contre les pédants de la quintessence littéraire qui prétendent qu’on ne lit pas Brassens, au seul prétexte, peut-être,  qu’eux-mêmes ne savent pas lire. J’ai lu et me suis arrêté sur les expressions et tournures particulières. Je les ai soulevées et ai regardé derrière la moustache du poète. Cette curiosité m’a embarqué dans un insoupçonnable voyage au pays de la littérature, de l’histoire, de la mythologie et de la philosophie.
Oui. Mais c’était il y a vingt ans.
A l’époque, avant d’entamer la rédaction proprement dite de cet ouvrage, j’avais pris des notes, consulté des livres, des dictionnaires et des encyclopédies pendant un an, de janvier 1999 à décembre. Cette recherche m‘avait passionné. Il en résulta quelque 300 pages de notes.
Pour plus de clarté, la bibliographie est jointe en annexe.
Aujourd’hui, mesdames et messieurs, un  petit coup de clic sur Wikipédia, sur Google ou ailleurs, et hop ! On survole, on choisit… On ne feuillette plus. On clique. Nul besoin de carnet, nul besoin de stylo. Un rapide copier/coller, et l’affaire est arrêtée.
Aujourd’hui, donc, je mettrais peut-être un mois à rechercher et à noter ce que j’ai recherché et noté pendant un an.
J’en éprouve un sentiment mitigé. Une sorte de découragement peut-être.
Passéiste ? Je ne le pense pas. Car si je sais Internet être un outil performant, incontournable pour beaucoup de choses de la vie quotidienne, intelligent même, je sais aussi qu’il peut être l'outil des ignorants pressés de passer pour savants à bon compte.
Des Bouvard et Pécuchet du « touche-à-tout » qui ne s’arrêtent sur rien.
Ne parlons pas ici du désastre des réseaux sociaux, où la fange aime à se mêler à la fange.
Reste, lecteurs, que si je peux vous procurer quelque plaisir en republiant aujourd’hui ce texte, complété et retravaillé,  qu’avait publié en 2001 et 2003, le très regretté Patrick Clémence sous le titre Brassens, poète érudit, j’en serai tout à fait heureux.
Surtout si, même très partiellement, je pouvais faire écho à Alphonse Bonnafé * qui, dans une préface d’un livre édité en 1964 chez Seghers et consacré aux poésies de Brassens disait :

«Celui qui prendra le temps d’étudier méthodiquement tout le travail de nettoyage accompli par Brassens, rendra un grand service à son époque; car le plaisir que nous prenons aux chansons nous en cache trop souvent la portée intellectuelle et morale.
S’il y a un homme du XXIe siècle, un peu plus heureux, un peu plus libre que nous, Brassens aura grandement contribué à en préparer la venue

 *Alphonse Bonnafé fut le professeur de français du jeune Brassens,  à Sète

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22.12.2020

Le crépuscule des hommes

pobrany plik.jpgEn ces temps-là, depuis plusieurs décennies déjà, les hommes, tels leurs lointains cousins Arvernes aux blonds cheveux, craignaient que le ciel ne leur tombât un beau matin sur le coin de la figure.
Au début, disons dans les dernières années du XXème, ça n’avait été qu’une rumeur, très vague, qui mijotait à feu doux dans les milieux « autorisés », et que les autres, qui l’étaient beaucoup moins, eux, autorisés, moquaient joliment.
Petit à petit cependant, de jours en jours, de mois en mois, d’années en années, de petits mots en petits mots médiatiques, la rumeur enfla, gagna toutes les couches de la population, nourrit toutes les conversations, prit les allures obstinées du bruit de fond, de plus en plus inquiétant, pour se muer enfin en une véritable tambourinade.
Car la planète semblait vouloir tantôt s’abimer sous l’incandescence de son étoile. Les premiers stigmates apparaissaient à tous car les champs le long des routes se desséchaient, les fossés avaient soif et jaunissaient, les plantes s’étiolaient. D’autres, plus puissants, n’étaient constatés que par les spécialistes, tels que les glaciers qui fondaient, haut perchés dans la rocaille des montagnes, les calottes polaires et la banquise qui se diluaient, les grandes eaux de la mer et des vastes océans qui montaient, des animaux qui crevaient, disparaissaient, tandis que d’autres, pour survivre encore un peu, changeaient de morphologie, comme certains petits oiseaux migrateurs, raccourcissant leurs ailes.

Les étés caniculaires succédaient ainsi aux mortes saisons de plus en plus clémentes, tandis que palabraient et se perdaient en conjectures les hommes sur les humeurs comminatoires de leurs saisons ! Ils en supposaient, des tenants et des aboutissants, tant l’incertitude de leur avenir nourrissait sans relâche leurs débats ! Etait-ce là une ère nouvelle de la boule bleue, un avatar naturel de son voyage dans les firmaments, un effet pervers de son inclination qui changeait de degrés, ou bien le désastre annoncé était-il provoqué par leur façon d’habiter, et, surtout, par leur surnombre ?
Et tout ça, malgré l’urgence qui frappait à la porte des nuages, servait encore à faire de la politique. Parce qu’ils en faisaient depuis la nuit des temps, de la politique, les hommes, par instinct de domination des uns sur les autres. Alors certains qui se voyaient en fins stratèges, essayaient de piéger la foule des naïfs, à laquelle ils laissaient croire qu’ils avaient peut-être une solution pour adoucir la colère des cieux ! Ceci, évidemment, dans l’espoir que cette foule ne leur délègue le pouvoir de conduire sa destinée.
Tout le monde, ou presque, avait ainsi son mot à dire, ses vues à faire valoir, les maitres comme les esclaves, dans une dialectique ébouriffée d’angoisse, feinte ou réelle. Des gens qui n’avaient jamais regardé ni le reflet de l’eau sur les pierres des ruisseaux, ni flairé le parfum des vents accourant des quatre horizons, ni caressé la moindre fleur batifolant aux lisières d’un taillis, ni entendu les vrilles d’une alouette montant dans le ciel d’un matin d’été, s’éprenaient soudain d’un fol amour pour tout ce qui vivait, rampait, sautait, pépiait, rugissait, se promenait et chantait  sur terre.
J’ai reconnu mon bonheur au bruit qu’il a fait en partant, écrivit Prévert. C’était un peu ce qu’il leur advenait à présent, aux hommes. Après avoir, depuis l’aube des temps néolithiques, saccager à leur profit tout ce qui autour d’eux pouvait servir de pâture, haies, bois, forêts, rivières, oiseaux, mammifères petits et grands, fouillant et renversant les sous-sols profonds comme les terres de surface ;  après avoir inondé les océans de leurs détritus, rejeté dans l’air toutes les insanités de leur affaires besogneuses, ils déclaraient enfin leur amour à leur habitat, sans lequel – ils en prenaient enfin conscience - ils ne seraient rien et disparaitraient en fumée dans le néant des cosmos infinis.
Comme des dinosaures qu’ils n’avaient jamais été.
Cet amour soudain n’était donc, on le sait, que le désespoir de voir leur existence anéantie. A force de scier la branche sur laquelle reposait la condition humaine, ils se savaient  maintenant condamnés à tomber dans le vide sidéral, sauf à radicalement changer leurs façons de faire.
Tout le monde était ainsi d’accord pour sauver tout le monde... Mais pour y parvenir, les moyens contradictoires abondaient.
Certes, il y avait bien, c’est vrai, de-ci, de-là, sous des horizons divers, quelques énergumènes, aux motivations troubles, souvent des gens déséquilibrés portés au pouvoir par d’autres qui ne l’étaient pas moins, pour nier l’imminence du danger. L’humain est capable d’affirmer qu’il entend avec ses yeux, voit avec ses oreilles et sent avec ses pieds, si tout cela sert son intérêt immédiat. Ne consacrons donc pas une ligne de plus à ces imbéciles, dits aussi climato sceptiques, à l’époque principalement représentés par Trump aux Etats-Unis et Bolsanaro, au Brésil.

La boule bleue, terre des hommes, menaçait donc de passer ses habitants par les flammes. Il allait falloir, pour éviter le désastre, avancer désormais à reculons, revoir à la baisse tous les modes de vie, et s’inspirer des méthodes ancestrales.
On appelait ainsi de ses vœux l’avènement d’un monde nouveau, qui ne serait autre que le plus ancien des mondes.
En un mot comme en cent, on comprenait enfin qu'on était venu sur terre pour y tourner en rond pendant 600 000 ans !

15:45 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (4) |  Facebook | Bertrand REDONNET

09.02.2020

Climat

20180719_095910.jpgIl serait temps pour moi de reprendre enfin la plume, au risque qu’elle ne se meurt définitivement.
Une plume qui, fin septembre 2016, s’était arrêtée brusquement de vagabonder de par les mots, les pages et les phrases.
Je ne sais pas écrire dans la tourmente et la peur.
Aujourd’hui, même s’il conserve des stigmates, le ciel semble vouloir s’éclaircir dans ma tête. Un ciel de traine, comme ils disent. 

Mais, pendant que je me soignais, à l’ombre du monde, il a changé, le monde !
Si la France est déchirée par les cris des émeutiers, mêlés aux vociférations de ceux qui, à l’abri, voudraient bien profiter de l’émeute pour asseoir leur sale cul sur les chaises du pouvoir, cela n’est pas nouveau.
L’Histoire a toujours ainsi fonctionné : de véritables acteurs qu’on oublie et des profiteurs qu’on fait entrer dans les livres.
Non, ce qui a changé, c’est la quasi-certitude que l’humanité peut maintenant atteindre très vite ses limites et s’éteindre, comme il y a des millions d’années s’éteignirent les dinosaures. Nous avons dépassé le stade du fantasme alarmiste et de bon aloi.
Là où je vis, on n’a jamais vu ça de mémoire de Polonais : un hiver sans un flocon et des gels, rares, sporadiques, ne descendant pas en-dessous des moins 4.
Des fossés secs, un manque d’eau criant. La Pologne, comme toute la planète, reçoit les signes avant-coureurs de la catastrophe.
Inclinaison de la terre ? Phénomène naturel et récurrent au cours des ères ? Activité des hommes ? Surpopulation ?
Nul n’a la réponse, quand tout le monde prétend l’avoir. Comme toujours.
Mais je ne sais pas écrire dans la peur et la tourmente, disais-je.
Alors peut-être, cette fois-ci, n’ai-je pas peur que pour moi.
Mais pour les enfants à qui nous n’aurons pas offert le droit fondamental de vivre, parce que, peut-être, nous aurons grillé leur chance pour notre propre usage.

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02.12.2019

Les Champs du crépuscule

BAT COUV 1806 REDONNET-1.jpg" J’ai donc fini de lire vos Champs du crépuscule, avec le sentiment d’être devant une belle unité entre l’auteur et son sujet. Vous parlez admirablement bien de ce grand bouleversement des campagnes et du rapport à la terre et savez le faire incarner par des personnages bien typés, en même temps pleins de contradictions souvent cachées.
Je crois vous l’avoir dit pour un précédent ouvrage, mais je vous situe volontiers dans la lignée d’un Pérochon. Un Pérochon du début du XXIe siècle, revenu de pas mal de choses, d’expériences et d’utopies. Et on sent chez vous une sensibilité vraiment charnelle aux paysages. Vos personnages ont quelque chose des paysages ; et vos paysages ont quelque chose des personnages. Une piste de lecture parmi bien d’autres… mais comme je ne suis pas grand amateur des analyses emberlificotées, je m’en tiens à vous dire tout le plaisir que j’ai eu à vous lire et le regard sur ce grand bouleversement que votre livre a renouvelé en moi.
Comme je fais ma généalogie depuis 30 ans et que j’essaie de reconstituer, par-delà la sécheresse de l’état civil, le quotidien, les parcours de vies et l’enchaînement des générations, je suis sensible à la préhistoire de ce grand bouleversement. Ces changements étaient plus ou moins visibles, du XVIIe au XIXe déjà. J’avais de nombreux ancêtres tisserands à domicile, dès la fin du XVIIe, dans les marches du Poitou et de la Bretagne, pourvoyeurs de flanelle et d’indigènes pour les négociants nantais, qui les envoyaient aux quatre coins du monde. Une certaine mondialisation déjà, où le passage du travail à la terre vers un travail de manufacture a sans doute provoqué bien des interrogations, des espoirs, des inquiétudes et des remords.
Voilà donc, à chaud, les quelques réflexions nées de la lecture de votre ouvrage."

Frédéric Constant
Directeur de la Médiathèque de l'Institut français de Varsovie

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26.11.2019

Malins, les renards !

littérature,écritureTrois grandes sources président à l’autorité du droit : l’écrit, la coutume et la jurisprudence, ces trois sources étant, selon les États et les époques, plus ou moins panachées.
En Angleterre, par exemple, le droit est comme la connerie : il est coutumier.

En France, le droit est surtout écrit et jurisprudentiel.

Mais  si on en vient à avoir besoin d’un renseignement sur tel ou tel de ses droits ou devoirs et qu’on a la prétention de savoir lire,  il faut minutieusement fouiller dans le casse-tête chinois que constitue alors le droit écrit où une loi renvoie à une autre qui l’a subrepticement modifiée, laquelle modifiée oriente le citoyen vers un décret d’application qui ne se gêne pas pour botter en touche en évoquant une ordonnance, une jurisprudence, voire un autre décret facétieux qui aurait précisé et remplacé l'alinéa 4 de l'article 8, encore qu’il faille bien prendre en compte, attention, attention ! que le susdit alinéa avait quand même fait jurisprudence en l’an de grâce 20… et que, ma foi, on ne sait plus trop.
L’honnête homme - l’homme normal, disons - contraint d’avaler un tube d’aspirine pour faire taire son mal à la tête et s’épongeant le front, découvre alors une quatrième source du droit, branche-sœur du droit écrit : la coutume non écrite de rouler les pauvres bougres dans la farine et de les prendre joliment pour des cons...

L’État annonce : nul n’est censé ignorer la loi ! Bien. Mais quand il a dit ça, il peut aller se coucher, l’État. Il a tout dit de lui et rien des autres. Car, en fait, nul n’est censé être capable de comprendre la loi, à moins d’être un génie de la virgule, du renvoi, de la phraséologie et du jargon juridiques qui cryptent des millions et des millions de textes publiés en pattes de mouches.
En plus.
Un exemple :
Monsieur Dupont, brave homme s'il en est ! Pas "chéti" pour un sou !
Bien, mais ce Monsieur Dupont, il a un projet fort louable et il s’adresse à une administration décentralisée car il a ouï dire, oui, oui, que cette administration-là avait compétence pour lui donner un p’tit coup de pouce dans la conduite du susdit projet.

Il s’applique, monsieur Dupont, il expose en long en large et en travers les tenants et les aboutissants de son dossier, et, content de lui, il termine par de suaves salutations longues comme le bras…
Et il attend.
Il attend une semaine, deux semaines, trois semaines, un mois. Ben merde, alors, personne ne fait écho à son beau courrier et il commence à s’énerver, le brave homme  !
Bon, allez, encore un peu de patience. Il sait que les politiciens locaux sont surchargés et qu’il faut les comprendre, hein, les pauvres… Il attend encore, rien ne vient, alors il fouille dans les textes pour voir si, quand même, cette foutue administration ne serait pas, par hasard, tenue de lui répondre, ne serait-ce que « merde ! »
Et il trouve ! J’te tiens, saligaud,  qu’il dit ! Ah, malotru, mal élevé !
Il lit, Dupont,  le Décret n°2001-492 du 6 juin 2001 pris pour l'application du chapitre II du titre IV de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 et relatif à l'accusé de réception des demandes présentées aux autorités administratives.
Vous avez bien lu ? Déjà rien que pour le titre, il faut bien dix minutes pour reprendre son souffle et son esprit... Mais bon, c’est  un décret  d’application, certes,  mais qui ne s’applique qu’à un sous-chapitre d’un chapitre d’une loi… Hé ben !
Dupont comprend tout de même que déjà, on aurait dû lui accuser réception. Grand seigneur, il passe outre et fouille dans la loi, les décrets, les ordonnances… Et il en découvre des choses, dans ces poubelles de la littérature d’État!
Il découvre d'abord, émerveillé, que si l’administration ne lui a pas répondu dans les deux mois, ça vaut acceptation de sa demande…
Youpi, qu’il dit !
Il va plus loin et il ravale, abattu, son « youpi !». Un p’tit paragraphe de rien du tout annonce soudain  tout le contraire, à savoir que si l’administration ne lui a pas répondu dans les deux mois, ça vaut un rejet.
Ah bon ? Pourquoi donc, nom de dieu d'bon dieu de texte de rin ? Tu viens de me dire le contraire !
Parce que dans ta demande, mon bon Dupont, il y avait des éléments financiers…

Futé, hein, le législateur ?! Il ne se mouille pas comme ça. Il t'annonce pendant dix lignes une bonne nouvelle qui te fait bien voir qu'il s'occupe de Toi et qu'il est de ton côté, et, hop, juste une petite ligne insignifiante pour te dire que ce que tu viens de lire, mon gars, ça ne vaut pas pour Toué. C'est du vent, de la messe de démocrate. Du pet de rédacteur en chef.
Car toute demande à une administration, si elle n’est pas une demande de rendez-vous galant avec une ou un chef de cabinet – ou, beaucoup plus réaliste et probable, une lettre d’insultes - comporte forcément un élément financier. Ne serait-ce que le prix de l’enveloppe payée par le contribuable, pour la réponse normalement obligatoire. Ou le temps que va passer- disons au bas mot une semaine de 35 heures moins les pauses-café, la pause-déjeuner, les pauses-pipi, les courses en ligne, la causette à la photocopieuse et la lecture du journal - un obscur fonctionnaire pour rédiger cette foutue réponse d'une cinquantaine de mots au moins !
Plus sérieusement : supposez un gars qui demande au maire qu’il veuille bien émonder des arbres appartenant à la commune parce qu’ils sont vieux, bancals et menacent ainsi sa sécurité ou alors qu'ils ombragent fâcheusement son jardin, son toit de maison, son balcon...
Émonder des arbres ? Oh la la ! C’est au moins deux jours de travail pour mes employés communaux, ça… C’est cher ! Éléments financiers dans la demande de cet emmerdant. Je ne réponds pas. Rejet.
Même, poussons à l’extrême : un pauvre hère fait une demande d’emploi… Non fictif, s'entend. Autrement il écrirait à Mélenchon ou à Le Pen et le tour serait joué. Non, il veut travailler, le gars, payer son loyer, acheter du lait et des couches pour son bambin...
Là, c’est vraiment financier, du coup ! Parce qu’il ne fait pas une demande de bénévolat, le loustic… I veut gagner sa croûte.
Mais la masse salariale, les charges et tout…
Pas de réponse = rejet. Point. Qu’il aille se faire f… C'est la loi !

Ben moi je dis que des législateurs pareils, avec leurs gueules pleines de promesses et de bonnes intentions, sont tout simplement des voyous de haut vol dont les innombrables délits tardent, tardent, tardent, mais tardent comme ce n’est pas possible,  à être sanctionnés.
Et quand je pense itou  que des millions et des millions d'électeurs de merde se préparent à aller leur donner le droit d'écrire le droit, hé ben je dis que les hommes tardent, tardent, tardent, mais tardent comme ce n'est pas possible,  à devenir intelligents.

16:12 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET

24.10.2019

Le traducteur et le bilingue

P9180021.JPGLes "quatre horizons crucifient le monde", écrivit Francis Jammes.... L’image est belle, certes...
Un peu difficile tout de même, la crucifixion étant lourde, très lourde, de sens et d'histoire.

Reste que ces quatre horizons servent à l'orientation et sont désignés dans toutes les langues. En français et en langue géographique : nord, sud, ouest, est. En langue plus poétique, le midi, le couchant, l’orient ou le levant.

Le midi… C’est le plus souvent ainsi que disaient les paysans quand ils étaient encore des paysans… Les gens du midi, la route du midi, le vent du midi, les gens vont en vacances dans le midi… Mot qui colle au plus près du grand mouvement des choses, mot de l’observation atavique du ciel quand l’étoile du jour, à la moitié de sa course, à midi, milieu du jour exactement, désigne la direction du sud au solstice de l’été.
Une évidence. Oui, une évidence. De celles qu’on pratique quasiment au quotidien à tel point qu’on en oublie la beauté ancestrale. Qu’on en oublie le pourquoi, le comment, et surtout l’origine, qui est celle de l’observation du monde, avant même l’écriture. Ils sont rares, les mots antérieurs à l’écriture. Le plus souvent, ce sont les mots qui sont en dette vis-à-vis de l’écriture car c’est elle qui, en les faisant les porte- parole de son art, leur a donné leurs lettres de noblesse. Mais parfois, c’est le contraire ; quand l’écriture a puisé au plus profond de la conceptualisation, de cette conscience parlée, que l'on nomme "le langage".

Ainsi la langue polonaise n’a pas d’autres mots que "le couchant" et "le levant" pour dire l’ouest et l’est , "zachód" et "wschód". La langue, là, est restée au plus près du mot que lui a soufflé la course du soleil. De même, pour le sud, le polonais n’a que "południe", littéralement la moitié du jour, le midi.
Mais ce qui me trouble, c’est le nord. J’en perds le nord, si on veut... La langue le désigne avec un mot qui est l’exacte contraire de midi, "Północ", la moitié de la nuit. Mi-nuit. Le même mot que l’on dira pour dire l’heure fatidique inscrite à la pendule.
Ainsi la conceptualisation s’est-elle faite là par antinomie. Sans doute. Sinon quelle étoile, quel satellite, quel habitant du ciel, quel mouvement peut faire désigner le nord comme étant minuit à la pendule des hommes ?
Très beau. Je trouve que ce mot en dit très long sur la langue polonaise et comment elle sait coller au réel antédiluvien de la planète.
Alors un traducteur qui aura à traduire que le vent venait du nord, s’il butte sur le mot "Północ", prendra son dictionnaire et verra que le mot dans son contexte forcément en appelle au nord et non à minuit. Et il traduira bien. Il ne traduira pas "le vent venait de minuit." Enfin, j'espère... Surtout si la phrase dit Wczoraj w po
łudnie był północny wiatr qui signifie "hier à midi, le vent venait du nord"...
Mais s’il traduit sans sentir le reste, sans sentir que dans cette langue "les quatre horizons qui crucifient le monde" épousent au plus près le grand mouvement des choses - comme le nom des mois, juillet, le tilleul, juin, les cerises, novembre, la feuille qui tombe, etc -  alors, il ne sera pas un traducteur mais un simple technicien.

Et même bon, un technicien ne sera jamais qu’un technicien. Un artiste, l’âme en moins ou, en amour, un amant sans amour.

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11.08.2019

Il est disponible

Merci, pour l'heure, aux lecteurs qui l'ont déjà adopté, comme à ceux qui l'ont commandé.
A tous, je souhaite évidemment une lecture qui leur poserait question, non pas sur le monde pris pour objet dans ces pages, mais bien sur celui dont il a accouché !

Un monde de merde, fait par des merdes, pour des merdes, et vécu par des merdes...

 

BAT COUV 1806 REDONNET-1&.jpg

 

Quatrième de couverture

Vers la fin des  années 60 du siècle dernier, tordant le cou à leurs dernières velléités paysannes, les hommes achevaient leur longue procédure de divorce d’avec la terre, ses paysages et ses fruits. Ils ouvraient ainsi la voie à la production de masse de l’agriculture industrielle, aujourd’hui tellement honnie mais toujours grandement pratiquée, au grand préjudice de leur santé et de la qualité de leur vie.
Le récit qui nous est proposé ici est celui de cette rupture au sein d’une petite communauté villageoise de la Vienne. Nous assistons alors à l’assassinat d’un vieillard, sans que nous soit pour autant livrée l’identité de l’assassin.
Tous les protagonistes avaient en effet au moins une bonne raison de supprimer cet empêcheur de cultiver en rond, même si tous n’étaient pas disposés à faire allégeance à la nouvelle époque qui s’annonçait.

 

Auteur de romans, de nouvelles et d’un essai sur Georges Brassens, qui lui valut au début des années 2000 l’amitié des derniers compagnons du poète sétois, Bertrand Redonnet vit depuis 2005 en Pologne, au confluent des frontières biélorusse et ukrainienne.
Les Champs du crépuscule est son dixième ouvrage.

 

La photo de couverture est celle de La Bouleure, petite rivière de mon village natal.
Cadeau d'un ami d'enfance.

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03.05.2019

Nouvelles

20171228_071020.jpgComplètement inutile de brasser l’évidence : je ne viens plus guère alimenter ce blog.
L’envie s’en est allée, tout simplement, après douze ans de présence assidue et de textes éparpillés. Et il faut dire aussi qu'il y avait  ici, avant, de l’amitié, de la complicité, des échanges sympathiques avec d’autres blogueurs ou des lecteurs, qu’on avait fini par connaître et aimer.
Tout ça a disparu. Evaporé. Nous vivons des temps bien singuliers.
Mais il est vrai également que ce qui se passe en France depuis maintenant six mois, est tellement chaotique, tellement difforme, dans tous les camps de l’affrontement, que je grille le plus clair de mon temps libre – et j’en ai beaucoup – à discuter sur les réseaux sociaux.
« Discuter », je vous le concède, n’est peut-être pas le terme approprié. Plutôt dire mon point de vue, avec d’autres gens qui ont sensiblement le même. Car essayer, sur ces canevas où l’on ne brode courageusement qu’avec des doigts lointains, de confronter ses avis, vire aussitôt à l’insulte et à l’injure, surtout avec les p’tits soldats de Le Pen, de la Bécassine Autain ou de Mélenchon.
C’est marrant cinq minutes, pas plus. Après, ça tombe dans le convenu inconvenant.

Pendant ce temps-là, donc, plus que jamais, passent le temps et ses saisons. Sans tristesse. Comme ça, comme des parallèlles bienveillantes.
Je me demande souvent, hanté par les vieux amis partis, avec leurs illusions de fraternité, au panthéon des inconnus, ce qu’ils auraient pensé et dit de ce brouillon révolutionnaire, né sur un taux de CSG et le prix d'un bidon d'essence pourrie, fait d’approximations et, aussi, il faut bien le dire, de trucs dégueulasses.


J’écris à mes heures les plus riches. Je ne sais ni pourquoi ni pour quoi. Pour faire un livre, peut-être.
Mon livre, l'autre, le dernier, écrit il y a longtemps, déjà du passé, est toujours en prévente ICI.
A plus tard, donc, bien hypothétique lecteur ! 

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27.02.2019

Les Champs du crépuscule

redonnet.pngEn littérature, il n’y a pas, dit-on, mille terrains où promener la plume : La vie, l’amour, la difficulté d’être, la fuite du temps et la mort…
La « qualité » d’un livre dépendrait donc de la façon dont son sujet est traité ; du travail littéraire effectué pour dire, voire transmettre.
Dans Les Champs du crépuscule, j’ai ainsi voulu dire la fuite du temps historique, qui change les hommes et les rapports qu’ils entretiennent entre eux. J’ai pris pour ce faire un moment, un point de basculement, que je situe à la fin des années 60 du siècle dernier, dans les campagnes françaises.
C’est là en effet que je vois la véritable fin du néolithique, quand les hommes achevèrent leur longue procédure de divorce d’avec la terre et d’avec les fruits de la terre ; quand ils tordirent définitivement le cou au cueilleur-chasseur qui survivait en eux, pour se tourner vers la production de masse et l’agriculture industrialisée. 
Quand ils furent contraints, par les nécessités des temps nouveaux, de travailler la terre sans plus la voir ni la toucher, jusqu'à la tuer.

J’ai pris comme échantillon géographique une commune de la Vienne, où je suis né et où j’ai passé mon enfance, et comme symbole humain du point de basculement, de la charnière, l’assassinat d’un vieillard.
Alors qu’il est en train d’élaguer des merisiers, ce vieil homme est sauvagement assassiné. Le lecteur assiste à la scène sans que lui soit pour autant livrée l’identité de l’assassin. Tout ce qu’il comprend, c’est que la victime connaît son agresseur.
Tous les personnages du roman, ou presque, avaient une raison de supprimer cet homme. Comme on supprime une époque pour aller de l’avant. Le lecteur désignera donc, in petto, si ça lui chante, son coupable.

Le manuscrit avait trouvé trois preneurs chez différents éditeurs, dont Luc Eyraud, qui préside aux  destinées des Editions La p’tite Hélène.
La photo de couverture est celle d’une petite rivière totalement méconnue des géographes, La Bouleure, très présente dans le roman, et qui promenait ses méandres à Senillé, le petit hameau où je suis né. C'est à mon ami d’enfance, Christian, qui coule aujourd’hui ses jours près de Bordeaux, que je dois ce clin d'oeil amical.

Le livre est donc actuellement en prévente, pendant deux mois, sur le site de l’éditeur. Aux dernières nouvelles, c’est bien parti.
Je compte donc sur Vous, amis lecteurs !

 

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13.02.2019

Je ne serai jamais des leurs !

3133093500007WEB01.jpgToute ma vie, il m’a fallu ruser avec le manque d’argent. Comme tous les pauvres de la planète.
Et toute ma vie, j’ai honni ce système injuste et menteur, où il te faut jouer des coudes pour voir un peu de ciel bleu.
C’est pourquoi, aujourd’hui que les soi-disant pauvres, vêtus de jaune, prétendent vouloir renverser le monde, je me demande souvent pourquoi ils ne m’inspirent aucune confiance et même me révulsent.
Ils ne sont pas mes frères, ces gens-là ! Le monde qu’ils proposent d’échafauder serait pour moi un monde ennemi, pire que celui dans lequel j’ai passé mon existence. Un monde sans l'inutile beauté de l'idéal. Un monde au langage unique.
Car ils sont des pauvres qui envient la richesse et il n’y a rien de pire au monde que d'envier celui qu’on méprise et qu’on fait mine de vouloir combattre !
Et ils sont pauvres de quoi, en fait, ces « bruants jaunes » ? Pauvres de ne pouvoir acheter toutes les brillantes ordures, souvent inutiles et malsaines, qui inondent tous les secteurs de la vie ?
Allons, allons… Un pauvre qui refuse de prostituer sa dignité, trouvera toujours, sans pour autant faire la manche ni les poubelles, quelque chose à croûter, à boire ou, surtout, à lire, s’il est assez démerdard dans son  genre. Bref...
Et puis, il y a cela aussi : moi, si j'ai vécu une vie de misère, je sais y être pour quelque chose. Pour beaucoup même. Je n'ai pas voulu m'ennuyer à gagner des sous. Rester près du feu à réciter des certitudes.  J'ai pris des chemins de traverse, j'ai trébuché, je suis tombé, je me suis relevé et ainsi de suite, jusqu'au bout de la piste, la gueule au vent, le soulier crotté !
J'ai voulu écrire et chanter, écrire pour être un auteur... On n'écrit pas bien le cul bien au chaud dans un fauteuil ! Ce qui ne signifie en rien que le talent sort forcément du caniveau.
J'ai écrit, j'écris. Sans les résultats dont je rêvais, certes, mais je porte ainsi "mon maillon d'une chaine éternelle."
Et je me souviens dès lors de ce que j’écrivais, en 20o3.
Je n’ai pas dévié d’un iota. C’est donc que la révolte des jaunes n’est pas la mienne. Je l’aurais reconnue, tant je l’ai convoquée de fois pour m’opposer aux aliénations les plus cuisantes. 
Et j’invite ainsi tous les pauvres, ceux qui le sont vraiment et qui veulent un monde plus juste et plus fraternel autrement que pour se goinfrer de ses cochonneries, à ne pas rejoindre leurs rangs d’envieux frustrés.
Comme le précisait Hans Ryner : Le sage sait trop que l’opprimé qui se plaint aspire à devenir oppresseur.

Voici donc ce texte de 2013, juste pour dire aux "révoltés" d'aujourd'hui que je n'ai pas attendu leur violence aveugle pour savoir dans quel monde je vivais :


" Ce qui est grave,  très grave même, c’est que, quand tu es pauvre, tu en arrives à être taxé sur ta pauvreté. Et ça, c’est insupportable. Car il n’y a guère d’évasions fiscales possibles pour s’en sortir. Si on peut en effet facilement dissimuler qu’on est riche à crever, trouver des combines, soudoyer un fonctionnaire moitié pauvre, un homme de paille, on ne peut en revanche guère abuser le monde sur sa pauvreté. Aucun coffre-fort, surtout suisse, n’acceptera de prendre tes haillons en consigne.  Sous un faux nom, en plus. 
La pauvreté offshore, ça n’existe pas.
Donc, t’es pauvre et ça se paye, ça, mon gars ! D’abord, si tu veux t’élever jusqu’au nécessaire un  peu superflu, avoir une bagnole par exemple, qu'est-ce que tu fais ? T’empruntes.
-  Bonjour monsieur, j’voudrais bien m’acheter une automobile
-  Vous voulez mettre combien pour rouler carrosse, cher monsieur ?
-  Heu… Ben, c’est-à-dire que j’en sais rien encore. Je n’ai pas la queue d’un.
-  Ah, ah, je vois ! Monsieur est un pauvre !
-  Ben.  Oui, en quelque sorte… On peut dire ça comme ça.
-  C’est très bien, monsieur. J’adore les pauvres. Dans mon métier, on est friand de pauvres. On ne se lasse pas d’en bouffer.
-   Ah ! Très bien. Donc, j’avoue sans ambages : je suis pauvre.
-   Ça me convient. Alors, combien ?
-   ….
-  Blabla, Bla, Bla, une signature ici, une autre là, deux ou trois  paraphes par ci, par là, voilà, cet exemplaire écrit tout petit, tout petit, petit, petit, c’est pour vous. Allez ! Ite missa est !  Courez vite acheter votre auto, monsieur…

Tu parles si t’es content !  T’es tombé sur un philanthrope, dis-donc ! T’as acheté une merde à 5000 euros et tu vas la payer 8000 ! Trois mille euros, rien que parce que t’as avoué que t’étais pauvre. Tu en connais, toi, des riches, qui sont taxés à cette hauteur ? Et en plus, ils s’évadent, les cons !
Mais c’est pas tout. C’est que c’est cher, un crédit tous les mois ! Alors, tu n’arrives plus à joindre les deux bouts.  Tu t’essouffles.
- Bonjour monsieur, je n’arrive plus à joindre les deux bouts !
- Ah ! Je vois…Toujours aussi pauvre ?
-  De plus en plus, mon brave monsieur !
Ça me convient toujours. Tenez, signez là. Je vous offre un découvert de 600 euros par mois.
- Ah, merci, vous êtes vraiment trop bon !
Tu parles si t’es encore content ! T’as 600 euros qui te tombent du ciel, que t’arriveras jamais à remonter et qui vont te coûter encore 150 euros d’agios par trimestre ! Bingo, voilà encore une taxe ! Plus t’as la tête sous l’eau, plus le philanthrope appuie dessus.
Ce doit être un maladroit.

Alors, zut, tiens ! je sais plus où j’en suis, j’étouffe ; je me paye de l’essence avec un chèque en bois. Parce que à quoi ça sert, tout ça, hein, si je peux même pas me servir de mon automobile ?
- Bonjour monsieur, vous m’avez convoqué ?
- Bien oui, corniaud  de pauvre ! T’as payé en monnaie de singe !
- Ben…
- Bon, on va rattraper le coup. Mais ça va faire des frais, tout ça !
Bref, t’as fait un truc en bois de 15 euros, qui va t’en coûter  60 ! Et comme, dans la lancée, t’en as fait un autre au bistro, un autre au bureau de tabac et encore un autre pour du pinard, puis au supermarché, t’as englouti une fortune que tu n’auras jamais, sinon en négatif, dans la zone rouge. 
T’es fait comme un rat. T'as vécu une survie qui n'était pas à Toi... T'es pendu, on ne joue plus !

C’est un exemple. Il y en a des milliers comme ça. Tiens, le gars qui s’achète une maison pour mettre à l’abri sa petite famille. Une maison, mettons, allez, pas chère, à 40 000 euros. Un boulet au pied. Une rame de galère plantée dans la paume ! Un truc qui va lui couper les ailes définitivement, jusqu’au cimetière. Il sue sang et eau pour la payer, il rogne sur ses plaisirs, se fait du souci, gueule, oublie d’honorer sa femme, devient aigri, et, quand il a fini, il l’a payée 120 000 euros, la mansarde ! Il a ruiné sa vie pour payer du vide ! 80 000 euros parce qu'il est un pauvre ! Une fortune qui prend les allures d'un sceau d'infamie, sur son front gravé au fer rouge.
Et comme c’était du bas de gamme, une gamme de pauvres, après 25 ans d’intempéries, elle est tout de guingois, la bicoque ! Les volets sont déchirés, les murs lépreux, le toit pisse la pluie, reste plus qu’à réparer tout ça pour ne pas mourir dehors, quand même, et, pour ce faire, qu'à aller voir le philanthrope pour un nouveau coup d'assommoir qui va estourbir pendant dix ans...

On le voit donc : la pauvreté, c’est une richesse, un puits inépuisable où s'abreuve le cynisme de misérables salopards. Et tu crèves un jour, pauvre bête de somme usée pour les beaux yeux de la banque !
Moralité : adoptons la stratégie de nos ennemis. Dissimulons notre pauvreté, planquons tout ça dans les ruelles, les égouts, les bas-fonds. Soyons les escamoteurs du dénuement et cessons de confondre lamentablement confort frelaté et masque social, pouvoir d'achat et achat d'un peu de pouvoir ! 
S’ils ne la voient pas, notre pauvreté, ils ne s’en nourriront pas, s’ils ne s’en nourrissent pas, ils s’affaibliront et, peut-être, un jour, ou une nuit, c’est nous qui les mangerons ainsi.

Si toutefois nous avons encore la force de remuer les mandibules..."

 

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25.01.2019

Rencontre

littérature,écritureQuelque chose que nous ne percevons pas, que nous ne concevons pas même, présiderait-il aux surprenants clins d’œil que nous concède parfois le hasard ?
Je ne sais pas, moi, l’alignement des planètes, une distorsion de l’espace-temps, la marche millimétrée du vaste monde, un caprice quantique, la vitesse du vent dans les barreaux de chaise ...
Toujours est-il que, récemment, je suis resté perplexe devant un de ces clins d’œil…
Et pourtant, le hasard, c’est comme le néant, ça n’existe pas. En concevoir l’existence, c’est déjà en nier la définition.
Mais commençons plutôt par le début…

Les campagnes de l’Est polonais sont désertes et dorment sous la neige et les silences transis.
Comme chaque jour, j’ai pris mon vieux bâton d’acacia et je suis parti marcher sur la route de la forêt. Six kilomètres, c’est là ma distance. D’habitude, il me faut environ une heure, mais, depuis quelques jours, je dois ralentir le pas, calculer où je le pose, car la glace est traître et les lois de la pesanteur douloureuses. 
Mes pensées divaguent, des bonnes, des tristes et des insipides…
Je me suis habitué finalement à ce rude climat, jusqu’à l’aimer, même.
Les copains avec lesquels «je discute» par mails ou messagerie, là-bas, du côté des rives océanes, à l’autre bout du continent, s’émerveillent parfois d’un flocon égaré sous la brise de leur latitude. Rarement, il est vrai. Ce qui en fait tout le charme…
Un grand corbeau promène son ombre désolée par-delà la cime des grands pins. J’entends son aile qui chuinte  sur le gris du ciel. Là-bas, d’où je suis venu, tout près de Mauzé-sur-le-Mignon, une petite bourgade de deux mille âmes chère au Cochon de Morin de Maupassant,  il n’y a plus de corbeaux depuis fort longtemps. Que des vols de corneilles mêlés aux freux et aux choucas. Lacus duorum corvorum est pourtant tout près, à quelques chemins de halage seulement, qui garde la légende du grand oiseau noir.

Une voiture cependant, que je n’ai pas entendue venir, s’arrête à ma hauteur. Le vagabondage de mes pensées en est évidemment interrompu tout net.
L’homme est jeune, une quarantaine d’années à peine. Il me sourit, son visage a quelque chose de poupin et de bienveillant.
Sans doute pense-t-il que je vais au  bourg de la commune, Łomazy, situé à dix kilomètres de là, car il propose fort gentiment de me prendre à son bord.
Je le remercie, je lui explique que je fais de la marche pour ma santé, pratiquement tous les jours, une sorte de sport. Pour le plaisir aussi.
Il sourit encore : à mon fort accent, il vient de comprendre que je n’étais pas Polonais.
Effectivement, lui dis-je, je suis Français. J’habite tout près, au village que vous venez de passer…
Français ? Ah, il garde un très bon souvenir de la France ! Il y est allé, il y a de ça une vingtaine d’années.
Je ne suis pas étonné, beaucoup de Polonais, même ici, dans l’Est, sont allés en France. Je lui demande alors où et je m’attends à Paris, Lille, Rennes, Lyon ou Bordeaux…

 - Une toute petite ville, me dit-il, Mauzé-sur-le-Mignon.

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18.01.2019

Niort et Houellebecq

240px-Panorama_Niort.jpg " La troisième journée de voyage fut interminable, l’autoroute A10 semblait presque entièrement en travaux, et il y eut deux heures de bouchons à la sortie de Bordeaux. C’est dans un état d’exaspération avancée que j’arrivai à Niort, une des villes les plus laides qu’il m’ait été donné de voir. Yuzu ne put réprimer… etc. et etc.…" 

Michel Houellebecq - Sérotonine -

Houellebecq ne m’intéresse pas. Il fait son bisness littéraire, il tisse toujours la même toile, il rabâche ses angoisses, ausculte son nombril ; cela ne nous regarde pas. Il a du succès, la critique se pâme, grand bien lui fasse, et, franchement, tant mieux pour le bonhomme !
Les livres que j’ai lus de lui, le dernier en date étant La Carte et le territoire, ne m’ont pourtant pas laissé cette empreinte indélébile, cette sorte de désarroi jubilatoire que vous laissent les grands livres, une fois le dernier mot refermé…
Mais, vivant à l'autre bout de l'Europe et venant de la région de Niort, ayant même « travaillé » pendant quinze ans dans ses murs, je me suis forcément intéressé à la polémique suscitée par une phrase de l’écrivain à propos de cette ville.
Et une fois encore, s'il en était besoin, preuve m’a été donnée que tous les braillards du monde, quel que soit le propos incriminé, ne savent brailler que sur des bribes sans contexte, tout os étant bon à ronger pour le braillard.
Je me fous  en effet comme de ma première chemise bleue que Niort soit laid ou beau, mais je trouve que Houellebecq, sur ce coup-là, a été très perspicace, très proche du réel, très « écrivain ».
Car -  je le dis souvent - tous les endroits sont beaux ou laids selon ce qu’on y vit. Or le narrateur arrive dans la ville dans un  état d’exaspération  avancée.
Rien n’est plus vrai : dans cette disposition d’esprit, tout est moche.
Je me souviens de promenades dans le cirque de Gavarnie alors que je n’étais pas bien du tout dans ma tête. J’aurais pu écrire que ce site était moche comme le cul des chiens !

Imaginez un instant la phrase : "C’est dans un état d’exaspération avancée que j’arrivai à Niort, une des villes les plus chatoyantes qu’il m’ait été donné de voir."
Ridicule !
Donc, bravo Houellebecq.  Niort est ici hors sujet… 

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16.01.2019

Le génie de Balzac

sapins.jpgRelevé chez Balzac* :

" Les parvenus sont comme les singes desquels ils ont l'adresse : on les voit en hauteur, on admire leur agilité pendant l'escalade ; mais, arrivés à la cime, on n'aperçoit plus que leurs côtés honteux."

Et me suis dit que, certainement, c'était ça le génie littéraire : être capable  d'écrire quatre pages sur un bouquet de fleurs* et dire en deux lignes des milliers et des milliers de gens, intemporels, de tous les milieux et de toutes les conditions.

* Le Lys dans la vallée, édition de poche 1995, page 95

* Félix glanant  sur les champs de la vallée de l'Indre un bouquet pour Mme de Mortsauf

 

Image  : Philip Seelen

18:08 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

08.01.2019

Quand rampe l'indicible

Crocodile_egouts_Paris_inondation_zoo_vincennes.jpgCe matin, je n’ai pas les mots pour dire mon écœurement, jusqu’au vertige, devant les termes d’une lettre anonyme adressée à la députée Aurore Bergé.
Ce genre de lettres, certes, n’est jamais reluisant mais depuis quelque temps, depuis les alentours du 17 novembre pour être bien clair, elles sont légion et ne sont même plus celles de corbeaux croassant, mais bien celles de monstres indéfinis, surgis des entrailles les plus putrides de la terre.
Et qu’on ne me chante pas la messe sur fond d'orgues lénifiantes : ce n’est pas ça, les gilets jaunes, eux, ils sont gentils, ils sont pacifiques et gnagnagna et  amen et amen encore !
J’affirme haut et fort qu’un mouvement sain, même violent, un mouvement humain, dressé le poing levé face au pouvoir pour la justice sociale et la fraternité, n’aurait jamais drainé dans son sillage de telles immondices, une telle abjection et un tel relâchement des fantasmes les plus sordides.
Et la responsabilité de ce cloporte de Mélenchon, moitié aliéné, est complètement engagée. Depuis le début ce petit homme, ce minable apprenti bolchevique aux coffres ruisselants d'or, montre, éructant et bavant, le chemin à emprunter pour repousser de plus en plus loin les limites. Voir un voyou pareil siéger à l'Assemblée c'est voir un furoncle purulent grossir sur le visage de tout le pays !
Même Marine Le Pen est plus décente que lui !
Honte imprescriptible à lui ! Honte à tous ces politiques impuissants ! Honte à ces gilets jaunes aux louches aspirations ! Honte à la France entière et aux Français, où qu'ils soient dans le monde, de laisser ainsi salir la mémoire de leurs ancêtres comme de compromettre un peu plus chaque jour l'avenir de leurs enfants  !
Soutenir un mouvement, c’est soutenir ses dérives latentes et réelles.
Quoi qu’en disent tous les mi-figues, mi raisins, tous les cueilleurs de choux flatteurs de chèvres, tous les faiseurs d’omelettes aux œufs durs et tous les culs complaisamment assis entre deux chaises.

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31.12.2018

Archéologie animale, forêt primaire de Białowieża

IMG_20170611_142029.jpgLa découverte, l'étude et l’interprétation des traces tangibles de la mémoire, l’archéologie, permet aux scientifiques de la discipline de reconstituer, tessons après tessons, outils après outils, l’histoire.
L’histoire des hommes. Mais qu’en est-il de celle des champs, des forêts et des chemins ? Cette histoire "naturelle", on le sait, est toujours fonction de celle des humains, la conquête de l’environnement et de la matière ayant été le moteur principal de leur évolution, jusqu’à l’atome et, après nous…comme disait le despote éclairé.
Faire l’archéologie de la forêt, par exemple, c’est faire l’archéologie des rapports entre cette forêt et l’homme, de la grande forêt hercynienne jusqu’à la forêt d’aujourd’hui, parcellarisée, démantelée, hachée plus ou moins menue selon les pays et les régions, et si on voulait ouvrir un chapitre nouveau (j’ignore s’il existe) de l’archéologie en investissant la mémoire des choses de l’environnement, ce chapitre ne serait bien évidemment qu’un sous-chapitre, car il faudrait alors considérer l’environnement, hors évolution naturelle et climatologique, en tant qu’outil utilisé par l’intelligence humaine.

C’est bien une des grandes questions sur laquelle achoppent actuellement les hommes devant l’épuisement manifeste, l’usure visible, de l’outil  : les uns sont préoccupés par la sauvegarde de l’idéologie de la croissance et donc par la sauvegarde de l’exploitation forcenée de cet outil, les autres sont soucieux de la sauvegarde de l’outil lui-même- ce qui est un non-sens métonymique car il s’agit en fait de la sauvegarde de la vie humaine en tant qu’utilisatrice de l’outil -, les uns attribuant donc les changements climatiques à une logique autonome de l’individu cosmique "terre", les autres l’attribuant à une utilisation anarchique et abusive. Tous cependant sont des archéologues du futur, en ce qu’ils projettent leurs idées et leur comportement sur une utilisation future et un devenir de l’environnement-outil.
Vaste débat sur lequel je suis bien trop incompétent pour mettre mon grain de sel, même si je déteste au plus haut point l’idéologie de la croissance lamentablement amalgamée, pour cause de profit, avec le bonheur humain.

Il en va des animaux comme de la forêt. Faire l’archéologie du cheval, autre exemple, commanderait que l’on parte de son état initial, sauvage, pour aller vers sa domestication, comment et pourquoi. Puis qu'on analyse le cheval à travers les guerres, l’histoire du déplacement, l’histoire de l’agriculture, l’histoire des transports, l’histoire de la poste, jusqu’au…PMU !
Et les petits animaux ? Les insectes, par exemple. Et, parmi ces insectes, ceux que nous avons domestiqués, transformés en outils, les abeilles ?
L’élevage proprement dit de ces insectes pour en tirer le maximum de miel, ne date en fait que du XVIIIe siècle. C’est donc assez récent. Une archéologie de l’outil "abeilles" devrait donc comporter deux grands chapitres : les abeilles et le miel avant et après ce XVIIIe siècle.
Car la récolte du miel, elle, est vieille de 12 000 ans environ… La récolte en ruches sauvages, dans les troncs d’arbre. C’est donc la très longue époque d’avant la révolution néolithique, l’époque du prélèvem
ent simple, de la cueillette.
Plus tard, avec le néolithique, partout en agriculture l’élevage, l'ensemencement et la plantation se substituèrent à la cueillette et c’est ainsi que naquit l’apiculture primaire, qui connut son essor dans l’antiquité, notamment dans la Grèce Antique.
Pline l’Ancien écrivit un véritable traité d’apiculture, comment transporter le tronc renfermant l’essaim, comment le conserver, comment en extraire le miel sans détruire la colonie, etc. Virgile également consacra un chant des Géorgiques à l’apiculture.
Voilà, succinctement, très succinctement, l’archéologie de l'abeille, qui ne serait qu’un sous-sous-sous-chapitre, un paragraphe, que dis-je ? à peine une demi-ligne, de l’histoire de la conquête environnementale. 


Ces quelques réflexions, qui vous semblent peut-être quelque peu amphigouriques, m’ont été inspirées par les ruches sauvages conservées en l’état dans la forêt primaire de Białowieża, et qui sont devenues une curiosité mondiale.
La récolte du miel constituait une des ressources de la forêt. L’apiculteur de l’époque et de ces lieux - forêt de
 Białowieża du XVIe siècle - ignorait encore qu’on pouvait transporter la ruche naturelle et en construire même la réplique. Ne s'étant pas encore dissocié totalement de sa terre, il considérait que la récolte du miel était l’exclusivité de la forêt profonde et, plus encore, qu’elle ne pouvait se faire que sur des arbres très élevés, principalement des pins. Cette façon de concevoir l’outil environnemental, façon néolithique, a perduré jusqu’au XIXe siècle, alors qu’en Europe de l’ouest l’apiculture sauvage avait disparu dès le Xe siècle  !
Mais l’homme néolithique, de cette époque pourtant moderne, avait un redoutable concurrent, l’ours. Il lui fallut donc inventer un outil qui l'en préserverait. Il plaça devant l’entrée de la ruche sauvage un énorme balancier, un tronc d’arbre entier verticalement suspendu aux branches les plus hautes. L’ours gourmand et rageur repoussait alors ce balancier d’un violent coup de patte et le tronc revenait, par effet de boomrang, le frapper. Souvent même, le choc le faisait chuter de l’arbre et, dans ces cas-là,  il venait s’empaller sur des pieux aigus prélablement installés au sol.
D’une pierre deux coups : l’homme sauvegardait le miel et récoltait la peau de l’ours...après l’avoir tué !
Cet ingénieux balancier est donc un outil dans l’outil de l'outil. Un mot de l’archéologie devant lequel je suis un instant resté pantois, mesurant l’ingéniosité des hommes lointains face à la complexité environnementale.
Ces lieux intacts, les derniers de la forêt qui recouvrait toute la plaine européenne, sont de véritables sanctuaires.
 

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24.12.2018

Un conte de noël polonais

PC080964.JPG

C’est noël. La nuit des étoiles magiques, la nuit au cours de laquelle parlent même les oiseaux et toutes les créatures de la terre.
Une vieille dame me confie
cependant qu’elle ne fête plus Wigilia1, que c’est pour elle jour d’une affligeante tristesse.
Je m’en étonne. Je la sais en effet fort dévote. Alors je dis que c’est quand même la nuit où son dieu est né et que… Oui, m’interrompt-elle en posant doucement sa main ridée sur mon avant-bras, mais c’est aussi la nuit où mon pauvre mari est mort !
- Ah ! que je fais, décontenancé.
- Oui, soupire-t-elle. Je voulais pour notre réveillon faire des bliny, vous savez, ces bonnes crêpes traditionnelles faites avec de la farine de sarrasin. Je lui ai alors demandé d’aller au grenier me chercher un peu de cette farine que je gardais là-haut bien au sec et…
Sa voix s’étrangle.
- Il a glissé de l’échelle et s’est tué là, le pauvre homme, devant moi.
Je m’étrangle aussi, ému jusqu’aux larmes :
- Et qu’avez-vous fait, ma pauvre Madame ?
- J’ai fait une soupe de betteraves.

1 : Littéralement la Veille, c'est-à-dire le 24 décembre

 

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09.12.2018

Perplexité déroutante

Bez tytułu.pngL’exilé jette chaque jour un œil attentif sur les actualités de son pays. En triant, en pesant, en décodant le plus possible avec ce qu’il sait de ce pays.
Ce clin d’œil est sans doute indispensable pour ne pas désolidariser fondamentalement l’arbre de sa racine et j’imagine qu’il en va de même pour tous les expatriés du monde, où qu’ils soient et d’où qu’ils viennent.
Si l’exilé agit ainsi, c’est pour son plaisir, pour entendre la respiration de sa lointaine patrie, même si ce qu’il lit ou voit ne l’agrée pas toujours.
Hélas me voilà contraint – momentanément,  j’espère -  de tordre le cou à cette habitude, tant ce que je lis et entends me dégoute. Partout. Sur les sites d’infos comme sur les réseaux sociaux, hauts lieux des ego malades d’acrimonie et des paranoïas suraigües. Là où la bêtise la plus crasse est déguisée en perspicacité et la mièvrerie de la parole en saillies fort avisées.
La palme du nauséabond revient à n’en pas douter à Mélenchon, capable de dire le contraire de ce qu’il a dit deux heures auparavant, sans vergogne, comme s’il était fou. Ce qu’il est sans doute de plus en plus.
Dégoût des idéaux sans idéal, des malversations, des inversions, du confusionnisme, de la haine, du langage de charretier. De tout.
La Pologne me semble, à côté, un havre d’intelligence et de paix.
Et je me demande comment 120 000 personnes sur tout le territoire français peuvent semer ainsi la pagaille et distribuer le chaos, quand ils étaient 250 000 à Varsovie intra muros le 11 novembre dernier pour célébrer le centenaire de la renaissance de ce beau pays, avec des éléments ultranationalistes  mêlés à la foule…
Pas un heurt, pas une casse, pas une bagarre, pas la moindre égratignure à la moindre voiture.
Perplexité
De la singularité d’être français, écrivait Roger Vailland.
Singularité désastreuse !

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14.11.2018

Car tel est notre bon plaisir

littérature

Il y a quelques années déjà, j'avais lu avec délectation le Roman de Renart.
Je n'en avais jusqu'alors lu que des extraits, assez larges tout de même, et l’envie m’avait donc pris de lire ce maître-livre du Moyen-âge, d’un seul trait, dans sa totalité.
Car voilà bien un roman - au sens où il fut rédigé en langue romane - qui a bercé notre apprentissage littéraire sur les bancs de bois de la prime école et dont les célèbres animaux-personnages ont longtemps hanté notre imaginaire.


On y apprend beaucoup sur la langue et, en filigrane, sur une certaine société des XIIe et XIIIe siècles.
Bref, voyez comme, sur les susdits bancs de bois des écoles de notre enfance, on nous a gentiment gavés d’erreurs qui, par la suite, se sont accrochées à notre âme comme le chapeau chinois à son rocher.
Je me suis donc souvenu de cette phrase avec laquelle, selon nos bons vieux instituteurs républicains, les méchants rois de France motivaient leurs ordonnances et expédiaient leurs sujets sur la paille humide des cachots : Car tel est notre bon plaisir.
On nous la rabâchait, cette phrase de l'arbitraire motivé,  pour nous bien montrer la cruauté des despotismes d'antan et, par contraste, pour nous éclairer sans doute sur cette belle République à la lumière de laquelle nous avions la chance de nous épanouir.
Je me souviens aussi du sentiment de révolte qui sourdait alors en mes juvéniles tripes devant ces dictateurs "emperruqués" qui, par plaisir, par jouissance perverse, se plaisaient à faire la pluie ou le beau temps.

Il en était peut-être un peu ainsi. Certes. Mais l’exemple qu’on nous donnait pour faire entrer dans nos jeunes caboches les abus de l’Ancien Régime, n’en était pas moins traîtreusement falsifié.
Dans le procès de Renart, deuxième livre, le chien Rooniaus est désigné comme justice. C’est-à-dire comme juge. Les Anglais ont d’ailleurs gardé ce sens primitif et désignent sous le nom de justice le Président d’un tribunal. Le plaids, c’est l’enquête, l’instruction, en même temps que la décision du juge motivée par cette enquête et cette instruction.
Et ce plaids-là apparaissait en latin dans le tale placitum, soit " telle est la décision prise par la cour."
Voilà la traduction exacte de notre fameux tel est notre plaisir.
Ne nous a donc pas dès lors enseigné un véritable contresens, la décision d’une cour après instruction étant censée être l’exact contraire de l’arbitraire et du plaisir pris à punir ?
Ah, combien de mots et combien de formules employons-nous ainsi, dans nos paroles comme dans nos écrits, à l'envers de leur véritable mission ?
J'en suis presque effrayé.

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23.09.2018

Automne venu

IMAG0386.jpgLe vent de l’équinoxe bouscule les grands bouleaux déjà jaunes et les tilleuls qui s’ébouriffent. Entre deux sautes, la chute des feuilles frôle l’inertie silencieuse de l’après-midi.
Je regarde par la fenêtre. Depuis des lustres, aucun voyageur n’accoste plus à mes rivages, c’est pourquoi je regarde, simplement.
Je n’interroge plus l’horizon.
Regarder sans attendre est pur plaisir.
D’ailleurs, ce serait chimère que d’interroger un horizon que délimite une forêt. De là, nul ne peut arriver. On ne peut qu’en surgir.
Comme ce loup d’un matin de décembre.
Un éclair fauve qui ne m’avait laissé que le dessin de ses griffes sur la neige du talus. Pour me signifier sans doute que jamais plus je ne le reverrais. La trace, l’empreinte, le vestige, donnent toujours cette impression du jamais plus, cette odeur de fuite et de disparition. La trace gravée sur un passage, c’est un peu la mort qui survit. La comète du fouilleur. Qui la questionne, s’évertue à la faire parler, qu’elle dise son nom, qu’elle murmure son âge et pourquoi elle s’est fossilisée là, précisément. Il la veut humaine, sans doute pour qu’elle le ramène à sa place à lui, dans la sempiternelle ronde des mondes qui succèdent aux mondes.
Je m’étais agenouillé ce matin-là sur la neige et j’avais tenté de lire pourquoi ce loup, là, sans meute, errant sur mes lisières ; pourquoi cette apparition fuyarde du mythe honni des contes et des légendes.
La bête avait la beauté farouche des dieux anciens. Des dieux scandinaves qui dévorent les étoiles et les nuages.
Le stigmate m’avait confié alors la solitude errante d’un vieux voyageur, de ces voyageurs qui ne suivent jamais votre route, mais la traversent. Juste le temps de vous couper le souffle et que renaissent dans votre tête les vestiges ataviques de rêves mal formulés.
C’est ce langage-là que j’avais entendu.

Je m’étais relevé. Comme pour tenter de freiner la fuite du sauvage, j’avais encore scruté la pénombre blanche des sous-bois où de menus flocons gelés et tombant en averse crépitaient sur les aiguilles des pins.
Puis j’avais regagné ma maison ; mon temps à moi dans la sempiternelle ronde des mondes qui succèdent aux mondes.
Je regarde par la fenêtre.
Le ciel épais est gris. C’est une couleur qui côtoie sans crier toutes les autres. C’est lui qui domine aujourd’hui et c’est lui qui donne aux verts sombres des pins, aux jaunes des bouleaux, aux marrons des tilleuls, aux rouges fanés des dernières fleurs de mon parterre, toute l’opportunité de leur présence dans le paysage. Au service des autres teintes, le gris n’existe pas en tant que tel. Sans elles il est triste et laid, sans lui elles sont fades, comme elles le sont toujours sous un ciel céruléen. Même le silence prend toute sa force avec le gris. Un silence lumineux m’est toujours apparu comme une anomalie tapageuse.
Mais le temps me pousse, nous pousse, inexorablement vers les ultimes ténèbres et ce ciel bas sur le monde, ce souffle qui déplume les arbres, ce mutisme tranquille du village... comme un prélude.

16:19 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : littérature, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET

25.08.2018

Toponymie, entre lisière et prairie

indeks.jpgJe me souviens d’un différend qui opposait fermement deux hommes qui se prétendaient également propriétaire d’une même parcelle de terrain.
Et je me souviens dès lors que le susdit différend eût trouvé son aboutissement devant l’austérité d’un juge de tribunal d’instance si, chaussant leurs bottes et ayant empoché les photocopies du cadastre, les deux protagonistes ne s’étaient rencontrés sur le terrain et ne s’étaient alors l’un
et l’autre subitement piqués de toponymie.
C’était en région saintongeaise.

La  parcelle, longue de deux cent cinquante mètres au moins et large de six mètres seulement, était située à l’orée d’une petite forêt de chênes.
Pour l’un elle constituait l’extrémité des prairies qui vallonnaient jusque là depuis la rivière en contrebas, pour l’autre elle était au contraire la lisière des bois, qu’il se proposait d’ailleurs de raser pour sa provision de chauffage.
Il y avait là de beaux fûts de chênes noirs.
On était en novembre et le vent de l’ouest se balançait doucement dans les feuilles bigarrées. Une à une, elles venaient se poser délicatement sur les chemins fangeux, comme pour ne pas y mourir trop brutalement.
Les deux hommes possédaient des actes en bonne et due forme et arpentant, mesurant, multipliant par l’échelle du plan cadastral, ils tombaient invariablement sur la même bande de terre, trois mètres de pré, trois mètres de chênaie.
Ils en juraient tous leurs saints dieux.
L’un tenait cette parcelle de son père qui la tenait de son grand-père maternel qui la tenait lui-même d’une dame Vrignon née Drahoney et de…
Les noms changeaient, on se perdait dans la généalogie.
L’autre prétendait aux mêmes héritages sauf que, léger avantage, le grand-père était paternel et que donc le patronyme voyageait beaucoup plus loin dans le temps.
Erreur de bornage, de cadastre, de successions, d’inscriptions ? Ce bout de terrain, moitié pacage, moitié taillis, appartenait bel et bien à l’un et à l’autre, et il faudrait sans doute finir par en appeler à la sagesse d'un jugement public.
On se désolait de part et d’autre de la longueur de la procédure et surtout des frais dans lesquels entraînerait forcément un procès.
On se toisait, on se jetait des regards torves car lesdits frais, on le savait trop bien, seraient réclamés au perdant.
Etait-ce bien raisonnable ?
L’un dit qu’il avait entendu son grand-père nommer l’endroit le Bois des Essarts.
L’autre contesta. Chez lui, on appelait ce terrain Les Renfermis.
On s’agrippa, on s’énerva. On se traita de menteur et de sacré voleur et, la fantaisie de faire les érudits ne les eût-elle pris, qu’ils en seraient certainement venus aux mains.
Les Renfermis, rin de tout ça dans la mémoire de notre famille !
Les Essarts, que ça veut dire quoi Les Essarts, pour dire un bois ?
Une prairie !
Non ! Un bois !
Les Essarts, ignorant que tu es, ça veut dire un endroit qui a été défriché.
Les Renfermis, ignorant toi-même, ça veut dire un champ entouré de bois, naturellement clos, tellement qu’on peut y mettre les bêtes à paître sans surveillance.
De lourds dictionnaires ayant été consultés derechef au détriment des minces actes notariés, on en vint à dire que l’endroit avait été travaillé jadis par deux ancêtres peu scrupuleux, l’un ayant fait reculer le bois des Essarts et l’autre, au contraire, l’ayant laissé gagner sur Les Renfermis.
La bande de ce minuscule coin de la planète appartenait bel et bien aux deux compères.
On calcula des heures et des heures, on griffonna, on ratura, on se prit presque par le colbach avant d’arriver à un certain nombre de litres de lait à fournir à l’année en échange d’un cubage de bois de chauffage, de valeur équivalente.

Ce après quoi, on trinqua abondamment à la santé des dictionnaires et, se tapant fort sur les cuisses, on dit que nom de dieu, on avait bien fait de ne pas s’aller fourrer entre les pattes des chats fourrés !

 

15:44 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET

15.08.2018

Déjà...

20180808_150340(1).jpgDans l’air, pourtant toujours rassasié de lumière et de touffeur, y aurait-il déjà quelque chose de l’automne que nous, les hommes, ne percevrions pas mais que verraient, sentiraient et respireraient les grands oiseaux du ciel ?
Ou alors, ce pressentiment de la lente disgrâce de l’été leur serait-il donné par une carte que nous ne savons lire que très approximativement, celle des étoiles, des planètes et des galaxies ?
Mais il est vrai qu’il y a aussi, tout près de nous, sous nos yeux, les ombres qui s’allongent aux lisières des bois et des forêts et les fruits de plus en plus lourds aux branches des arbustes.
Toujours est-il que les cigognes, d’ordinaire plutôt solitaires, se sont regroupées sur les chaumes et la poussière des prairies.
Et, au loin, depuis les clairières humides, encombrées d’ajoncs et de broussailles, les grues jettent leurs cris discordants, qu’on a peine à imaginer être ceux d’un oiseau.
Bientôt, tout ce beau monde prendra donc le ciel ; à grands coups d’ailes, vers d’autres ciels, d’autres horizons, toujours les mêmes…
Et passent ainsi les humeurs des saisons, toujours les mêmes, mais qui, chaque fois, nous trouvent plus fragiles et plus démunis, tant ce va-et-vient, nous le savons bien, n’a d’éternel que notre brièveté.

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27.07.2018

L'os des nécrophages

kruger-national-park.jpgLa France est loin de moi mais je ne suis jamais loin d’elle…
En un mot comme en cent, ce qui la touche touche mon cœur d’exilé.
Il n’est dès lors pas besoin d’être Jérémie pour deviner que depuis quelques jours le lamentable feuilleton de l’été, joliment sous-titré l’affaire Benalla, m’afflige à tout point de vue.
Que les faits reprochés au collaborateur du Président soient fortement répréhensibles, certes, il n’y a pas grand monde pour en disconvenir, même  pas l’intéressé lui-même.
Mais les cris de vierges effarouchées des Le Pen et consorts et des comédiens cabotins de la France qui se dit insoumise ne sont guère plus brillants. Peut-être même pires...
Entendre en effet éructer à l’unisson les apprentis bolcheviques, les nostalgiques atrabilaires du fascisme et les imbéciles meurtris de la droite naufragée - le tout pour tenter de se refaire une santé politique à pas trop cher après les cuisants échecs des uns et des autres -  a quelque chose de profondément répugnant et le tableau dépasse en turpitude celui d’un aventurier proche du Président et malmenant un gars dans une manifestation où, soit dit en passant, tout le monde est là pour malmener tout le monde.
Ce qui n’excuse rien à l'ignominie des actes du susdit aventurier, je m’empresse de le dire avant que les imbéciles bêlants ne s'empressent de me le faire remarquer.

J’ai donc relevé deux réflexions à mourir de rire pour ne pas avoir à en chialer de honte.
La première, c’est Marine Le Pen qui accuse le Président Macron de se conduire en chef de clan. Ça n’est tout de même pas banal  d’entendre ça d’une admiratrice de la Milice, thuriféraire de la Phalange espagnole  et complice idéologique de la ligue du Nord italienne….
Comme « clans » , difficile de trouver plus sordides, coco !
Mais le pompon appartient quand même à la deuxième, soit à l’excité moitié gauchiste, moitié artiste, moitié député de la gouaille, qu’est Ruffin. Seule la police a le privilège de la violence légale, qu’il déclare sans vergogne, le bonhomme.
Oui, Ruffin, gars de rin ! T’as malheureusement raison.
Le problème c'est que de Lénine à Pinochet toutes les crapules sanguinaires de la terre n'ont jamais dit autre chose…

Alors, pour faire chier toute cette clique, je dis : Vive le Président Macron ! Hahahaha !

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07.07.2018

Un copain de jadis

ibridi-mais-2016-890x395_c.jpgLes champs sont immobiles sous les torpeurs de l’été. Tant qu'on dirait que personne ne viendra plus les éventrer ni les bousculer.
Ils sont comme des trapèzes, et ça n’est pas facile à circonscrire, un trapèze. Ils sont comme des triangles, ça a des angles aigus difficiles à investir, les triangles.

A des quadrilatères difformes et sans angles droits, qu’ils ressemblent, ces champs de misère !  Rarement, très rarement, ils sont ces rectangles pragmatiques des grandes cultures de l’ouest et qui, vus d’avion, dessinent si bien la terre en un jardin impeccablement entretenu mais sans âme vagabonde ; un jardin à la Française.
Par association d’idées contraires, un vieux copain oublié depuis quelque trente années déjà, surgit dans ma mémoire tandis que je regarde ces champs silencieux qu’on dirait bien que ce sont les grands pins et les bouleaux qui commandent ici.
Les lisières des bois dessinent celles des cultures. Pas l’inverse.
Mon copain un peu agriculteur, raisonnablement écolo, viscéralement anar, résolument fêtard, superbement enjoué et terriblement humain, c’est au sud qu’il habitait, sur la plaine toulousaine bousculée par le vent d’autan, le vent qui, soi-disant, rend fou.
Il racontait, mon copain, qu’au Moyen-âge, des crimes étaient pardonnés s’ils avaient été commis alors que soufflait ce satané vent d’autan. Parce que c’était lui, in fine, le vent, qui était jugé responsable du dérèglement intempestif des passions.
Je ne sais pas si c’est vrai. Jamais vérifié… L’histoire est belle et c’est suffisant pour ne pas aller lui chercher des poux dans les mots… Il aimait ça, mon copain, raconter des histoires de vent d’autan… Autant, oui, en emportait le vent, en ces temps-là !
Quand il ne racontait pas d’histoires, l’ami, il cultivait le maïs sur des terres qu’il avait en location. Mais tout le monde là-bas cultivait du maïs ! La plaine immense n’était qu’un affligeant tapis de maïs. Alors je lui demandai un jour – une nuit plutôt - comment il faisait pour retrouver ses billes dans cet océan monocorde, monochrome, monopoliste, monozygote, monotone, mono tout de maïs.
Il dit que c’était simple : il semait et récoltait toujours le dernier. Quand tout le monde en avait terminé, quand cette vaste étendue enfin mise à nue sous les désolations de novembre ne présentait plus qu’une parcelle ridiculement isolée en son beau milieu, c’est que c’était forcément à lui.
Ce qui restait.
Je crois qu’il a fait faillite.

C’est ce que font toujours les hommes qui, sous nos cieux, n’entendent rien à l’hégémonie destructrice des grands espaces...

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01.07.2018

Une étrange prison

cigogne.blanche.redu.5p.jpgLes cigognes blanches se rencontrent toujours en milieu ouvert, sur les champs, sur les plaines et les prairies humides.
Ou alors dans les villages, leurs gros nids alignés le long de l'unique rue, de poteau en poteau.
Aussi ai-je été bien surpris d’en croiser une en forêt, errant sur le bas-côté de la route, du haut de ses longues pattes maladroites.
Pourtant, de prime abord, je n’y ai prêté qu’une attention distraite. Des cigognes, j’en vois tous les jours, de la fin mars à la mi-août…
Puis, quelque chose m’a soudain semblé étrange, quelque chose d’inhabituel, pas à sa place dans le décor.
C’était précisément parce que je n’avais jamais vu de cigogne sur une route de forêt.
L’oiseau s’est envolé ; pas loin ni haut, en suivant la route…
J’ai filé la mienne, de route. J’ai pensé à autre chose.
Je ne sais évidemment plus à quoi j’ai pensé, tant je pense à une foule de choses ces derniers temps, toutes plus insignifiantes les unes que les autres, d’ailleurs.
Mais le lendemain, je l’ai retrouvée, ma cigogne, à un kilomètre de distance de la veille, toujours en forêt.
Et le jour suivant aussi.
Je me suis arrêté.
Le grand oiseau s’est élancé, a volé un peu, a essayé de prendre de la hauteur et n’a pas pu dépasser la cime des arbres.
Elle s’est posée un peu plus loin et j’ai compris.
J’ai compris qu’elle était handicapée, pour une raison ou pour une autre, qu’elle ne pouvait pas s’élever dans les airs et avait donc perdu tous ses repères d’oiseau des grands espaces.
Plus d’orientation, au milieu de ces rideaux d’arbres masquant d’autres rideaux d’arbres, tous identiques, tous fermés, tous sombres.
Prisonnière d’un environnement où, depuis que le monde est monde, tous les animaux sont libres… Presque par définition.
Et une nuit, sans doute, elle sera endormie sur ce territoire étranger, la grande cigogne blanche ; sur ce territoire d’exil où elle s’est par malheur fourvoyée, quand un prédateur sylvestre se présentera pour mettre fin à son cauchemar.

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08.06.2018

Pénombres

merle.jpgA pas de loup s’en va la nuit et j’ouvre un premier œil sur sa dérobade.
Le contour des livres de la bibliothèque est déjà perceptible, quoique encore fort incertain.
La première grive n’a cependant pas sifflé dans les halliers qui bordent ma fenêtre. Alors, je sais à peu près l’heure aux pendules du temps qui passe : silhouettes des livres et silence des oiseaux, vers trois heures et demie.
Je referme l’œil sur le jour qui revient. Je m’en vais un peu, très peu, vers des pensées comme le dos des livres, diffuses, mal définies… Je reviens bientôt et je perçois déjà mieux les dictionnaires, en face de moi. Ce gros, là, en trois volumes, c’est celui des traductions de D. Son voisin, en trois volumes également, c’est celui que j’ai ramené de France, Le Dictionnaire historique de la langue française.
La mélodie de l’oiseau chanteur se coule soudain dans la pénombre, d’abord timide, puis fière et joyeuse.
Il est peu avant quatre heures.
On est demain.
Car le merle s’en mêle, puis l’étourneau, puis tout le petit peuple gazouilleur des passereaux. La lumière qui pend aux rideaux est grise ? Le temps est couvert. La lumière qui pend aux rideaux est bleutée ? Il fait beau.
Aux alentours de quatre heures et demie sans doute. Allons ! Il est temps d’aller saluer ce jour nouveau. Il est temps d’ouvrir les portes, de respirer le vent sur la pelouse fraîchement tondue et d’offrir à la lumière diaphane sa première tasse de café.
Matins de l’est. Matins matinaux.
Encore quelques semaines et la grive aux halliers déploiera son gosier vers trois heures.
Les livres aussi se réveilleront bien plus tôt.
En parfaite harmonie avec l’oiseau des bois et le grand mouvement des choses de la terre.

Savoir, toujours, être un naïf. Là demeure une once du plaisir d'exister.

Crédit photographique : Adrien Wehrlé

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19.05.2018

Hors sujet en plein dans le mille

dumaurier460.jpgDans la maison  familiale, il n’y avait guère de livres.
Pas de place, pas trop l’endroit non plus où on lisait beaucoup, si ce n’est, pour la chef de famille, les incontournables, hebdomadaires et glamoureux
Nous Deux, sur lesquels mes sœurs, l’adolescence frappant à leurs portes secrètes, tentaient subrepticement de jeter un œil gourmand.
Tous les livres que je lisais alors étaient empruntés à la bibliothèque ou prêtés par des camarades.
Je me souviens pourtant d’une toute petite étagère
au-dessus d’une porte étroite, dans la pénombre, sur laquelle se languissaient trois ou quatre livres. Ils paraissaient tout à fait incongrus en cette demeure où tout ustensile avait son utilité immédiate et prosaïque.
Ils étaient haut perchés, on ne les ouvrait jamais.
Un jour, je pris une chaise, grimpai dessus et accédai à ces quelques livres inutiles. J’en descendis un. Il appartenait à une de mes sœurs, un prix d’école peut-être. Je ne sais pas. Il était déjà vieux, jaune, la couverture renfrognée. Il sentait le moisi des objets mis au rebut.
Ce fut pour moi un livre merveilleux. Je l’ai relu trois, quatre, cinq fois peut-être. Subjugué. Surtout par la première nouvelle.
Et puis, le vieux livre est retourné à sa poussière et à son oubli. Le temps a passé, ce fut pour moi le collège, le lycée, la fac, la dérive sous des cieux de plus en plus turbulents. D’autres livres, nombreux, sont venus, effaçant celui-ci.

Et puis... Longtemps après... Une nuit, dans un café, les étudiants avec qui j’étais attablé parlaient de cinéma, d’école, de style, d’auteurs. Je ne participais pas à la conversation : j’ai toujours été ignorant en cinéma et seulement féru des westerns de série B, avec des bons et des méchants qui se canardent à qui mieux mieux pour des histoires de vengeance...
A l’époque, on me moquait beaucoup et on essayait de faire rentrer dans ma caboche obstinée que le cinéma était un grand art, l’égal de la peinture, de la littérature et de tout autre.
C’est sans doute avec grand tort que je me suis toujours refusé de l’admettre. De très grande mauvaise foi, j’avais toujours la même critique à opposer aux cinéphiles : le cinéma est un art totalitaire, tout de l’imaginaire du spectateur lui est imposé. Par l’image, le jeu d’acteur, la musique, le découpage arbitraire du scénario.
Et les voilà, mes étudiants de cette nuit-là, qui se mettent à parler avec ferveur d’un film déjà vieux d’une dizaine d’années peut-être. Des oiseaux qui, tout d’un coup, sans qu’aucune explication ne soit plausible, déclarent la guerre aux humains, les attaquent, les blessent et même les tuent. L’épouvante. Ils parlent de nuées de corbeaux merveilleusement filmées par le maître incontesté du suspense, Hitchcock.
Je tends  l’oreille. Je leur demande de me répéter le scénario de ce sacré film. Ils le font avec complaisance, contents de mon intérêt et fiers d'être enfin utiles à mon éducation de béotien obtus.
Plus de doute, c’est bien d’un livre oublié de mon enfance dont il s’agit là,
vingt ans après, dans ce café pour noctambules.
Je leur parle alors de la maison où je suis né, au bord de la rivière, de mes frères et de mes sœurs, de la fuite du temps,  d'une petite étagère poussiéreuse, au-dessus d’une porte étroite, et je leur parle du livre, jauni, racorni et d’une merveilleuse nouvelle que j’ai lue quand j'étais enfant.
Je leur dis Daphne du Maurier.
Ils font la moue. Voire la gueule.
Les gens n’aiment pas qu’on les interrompe pour des broutilles, quand ils discutent sérieusement.
Et pendant que ces trois ou quatre imbéciles continuaient de s'extasier sur les contre-plongées d'Hitchcock, je buvais mes verres, un à un, et je revenais chez moi et je pensais que mon enfance de pauvre mec avait été une bien riche enfance.

Illustration : Daphne du Maurier

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06.05.2018

Le saule

littérature,écritureDe l’arbuste au multiséculaire,  en passant par le juvénile et le centenaire, là-bas les arbres vivent en bonne intelligence avec les arbres, plutôt que de se côtoyer par générations  corvéables et exploitables à merci, comme dans la forêt plantée.
Même en lisière, on peut voir d’antiques sujets au bord de l’écroulement, mais qui, d’une dernière feuille perchée au bout d’une dernière branche aspirent à un dernier printemps.
Tel ce saule rencontré hier, au cours de ma balade dans Białowieża.
Je me suis arrêté devant cet étrange monument de la fuite du temps, et j’ai songé en même temps à Musset qui avait demandé à ce que soit planté un saule près de sa tombe et à Gaston Couté qui, lui, n’en voulait surtout pas, de peur que la  foudre, attirée par ses feuillages, ne vienne faire sursauter son repos éternel.

Celui-ci, devant moi, n’était ni un saule qu’on avait planté pour ombrager la sépulture d’un poète, ni un saule qui s’était attiré les foudres de Jupiter.
A l’évidence, c‘était un saule qui avait trop longtemps pleuré de solitude, mais dont le vent et le soleil avaient maintenant séché les larmes.
Des gens passaient qui ne le voyaient pas gémir sur sa fin, mais Dame Nature, prévoyante, avait déjà, de trois fleurs, fleuri sa tombe prochaine.
Un frisson a parcouru mon dos.
Le vent ?
Non..
Mais quelle encombrante manie de l'âme que de ramener à sa propre fin la fin de toute chose !

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31.03.2018

Retours

20180322_132717.jpgL’hiver s’en va.
Aux lisières et sur les eaux dormantes, il a longtemps musardé, accroché ça et là les lambeaux de ses blancs oripeaux, hésité, lutté encore, dégelé l’eau le jour pour la congeler la nuit, sous la lumière tremblante des étoiles….
Mais il s’en va à présent.
Et cela s’entend alentour, qu’il s’en va.
Les grues sur l’eau des prairies crient vers le ciel, ailes déployées et cou levé en une folle sarabande.
La grive musicienne fait ses gammes, la fauvette donne le la, le pinson pérore, l'étouneau s'y met aussi, on se coupe sans vergogne le sifflet. Comme si chacun de la gent emplumée revendiquait d'avoir été le premier revenu au pays.
Au bord d’un étang, une cigogne arpente, à la recherche d‘un improbable vermisseau.
L’hiver s’en va donc. Vaincu par la rondeur du ciel et de la terre. Par l’éternel retour des saisons marchant derrière les saisons.
Sur mes balades à travers la campagne, il n’y a plus traces d’animaux sauvages. L’archéologue de leurs courses sous la lune n’a donc plus rien à lire.
Alors il lit ailleurs, dans sa propre histoire.
Il tourne les pages et fait défiler les chapitres.
Comme l’hiver, il voit bien que le temps s’en va, et il sait bien où il va, ce temps.
Mais il sait aussi que la peur n’évitera pas le danger.
Là comme partout ailleurs,

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