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26.05.2010

Petit agenda d'un petit écrivain

_MG_0967.jpgPeu d'échos encore de mon dernier livre, paru au Temps qu'il fait le 25 mars dernier.

Les copains du Net, toujours présents :  Philip, l'ami Solko et Brigetoun.

Je les en remercie vivement.

Et puis le vieux camarade François, qui me fit  gentiment parvenir l'article de Serge Airoldi  paru dans le Matricule des Anges du moi de mai.

Bientôt, sans  doute aussi, une critique de l'ami Feuilly, dans le Magazine des livres.

Et puis, un mail de Marie-Claude Rossard qui m'informe que le livre est sélectionné pour le prix Ptolémée de Saint-dié-des-Vosges, plus exactement le prix Amerigo Vespucci s'intéressant aux ouvrages littéraires  et "géographiques dans des langages différents de ceux des professionnels de la géographie".

Voilà. Y'a plus qu'à..."espérer beaucoup, attendre peu, ne rien demander."

Et l'agenda dans tout ça ?

L'agenda,  c'est que je serai le samedi 29 mai l'invité de  l'Institut Français de Varsovie pour le lancement public de Publie.net.

J'y suis invité à titre d'auteur Publie.net et d'auteur tout court, de langue française résidant en Pologne.

Mon propos y sera complémentarité de l'oeuvre numérique et de l'oeuvre sur support papier. Entendons par complémentarité, un propos qui se propose de tordre le cou à la déjà trop vieille idée  selon laquelle les œuvres numériques allaient tuer sans vergogne et sans pitié les œuvres (dignes de ce nom) éditées sur  papier (qui n'ont pourtant pas, pour ce faire, besoin qu'on leur donne un coup de pouce.)

Je ferai également, si connexion en live, un tour d'horizon du site et des auteurs présents sur Publie.net

J'y ferai aussi lecture de quelques pages de Chez Bonclou et autres toponymes et de Géographiques. Je laisse à une troupe francophone de théâtre de Varsovie, la BenOui Compagnie, le soin de lire du "Zozo, chômeur éperdu."

Et justement, à propos de théâtre, le susdit Zozo, toujours nonchalant,  sera le héros d'un spectacle monté en Deux-Sèvres au mois d'octobre prochain, avec l'aide précieuse, amicale  et professionnelle d'un artiste des Matapeste.

Où je suis invité, donc.

Je vous en reparlerai.

Pour l'heure, il fait beau alors je file couper du bois, tondre la pelouse ou, peut-être, peigner la girafe.

Image :  Ma dernière intervention publique, le 5 mai 2009 à La Rochelle avec Denis Montebello ( comme ça, à ce rythme, j'ai le temps de reprendre mon souffle et de rassembler mes quelques idées )

11:31 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

25.05.2010

Grandeur d'âme de la métaphysique doctrinaire

tunnel.jpgLe professeur Bartoszewski, vieux monsieur respectable et respecté, figure emblématique de l'intelligentzia polonaise, ancien déporté des camps d'Auswitch, ancien ministre des affaires étrangères, aujourd"hui conseiller du gouvernement pour les relations avec l'Allemagne, a rappelé récemment les paroles d'un prélat haut placé sur les marches de l'organigramme ecclésiastique et qui, dans un  sermon tonitruant, avait pris dieu lui-même  à partie en des termes on ne peut moins équivoques :
« Si tu  voulais faire tomber un avion, que n'as tu fait tomber celui qui volait sur Smolensk trois jours auparavant ? »
Entendez par là l'avion de la délégation officielle polonaise* invitée par les Russes aux cérémonies officielles du massacre de Katyń et  réunissant à son bord de nombreux membres du gouvernement, sous la conduite du premier ministre, Donald Tusk.
Surpris par la magnanimité de la  question, il paraît que dieu en est resté bouche bée.

Et le journaliste de Polytyka qui relate ces propos  criminels de dire qu'il se sent lui-même, pour la première fois de sa vie, tel un dieu, tant il ne sait que répondre à une telle ignominie.
Il en reste bouché bée.
Ce fait divers pas si divers que ça, pour dire qu'en Pologne, fort du concordat, le clergé se mêle évidemment de politique, le plus souvent côté PIS (Droit et Justice), le parti populiste du président défunt et de son frère jumeau, l'actuel candidat à la succession, et que, fidèle à son histoire partout dans le monde, le susdit clergé n'y va pas avec le dos de la cuillère pour servir les inepties les plus dégueulasses et flatter les instincts les plus vils.

Mais je veux vous rassurer quant à l'intelligence et la clairvoyance du peuple polonais. Vous rassurer quant à la douceur de ce pays. La Pologne, c'est vraiment autre chose et de plus en plus nombreux sont les Polonais qui en ont par-dessus la casquette de l'omniprésence chafouine de la soutane.
Comme dit dans 'Polska B dzisiaj', les jours de gloire de la sournoise institution, qui doit , in fine, tout à la dictature communiste, sont derrière elle.
Gare au retour de bâton ! L'histoire nous enseigne que dans ce pays, quand la coupe est pleine, elle est vraiment pleine et qu'on ne la laisse pas déborder trop longtemps.

Image : Philip Seelen

* Les  autorités russes avaient organisé, quelques jours avant le drame, des cérémonies auxquelles ils avaient convié les Polonais. Le 10 avril, il s'agissait d'une cérémonie privée, voulue par le Président défunt.

10:59 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

24.05.2010

La conjuration du sablier

Corbeau_a_gros_bec_TETE_vign_21022010_-_Japon.jpgLa plaine qui n’ondulait jamais était humide, d'une humidité moelleuse,  et la forêt tout au bout mettait brutalement fin à son destin de plaine.
C’était un mur de pins sombres où bataillait le vent, la forêt, et c’était vers ce mur que je cheminais, cependant que le soleil tout pâle glissait sur les dernières plaques de neige.
Derrière moi, il n’y avait rien.
Que du souffle invisible sur le silence de mon histoire.
J’ai levé les yeux au ciel. J’y  cherchais un oiseau, j’y cherchais un voyage qui pût me rassurer du mien, me chuchoter tu n’es pas si seul dans la désespérance, pas si perdu dans tes errances, regarde la blessure fatiguée de mes ailes, regarde l’immensité des nuages à l’assaut desquels me porte cette blessure, regarde le sang par les vents injecté dans mon œil, vois l’impossibilité de mes chimères ataviques et vois la chute au bout, sans qu’aucun vide, nulle part, ne s’inscrive sur la face impassible du monde.
Mort anonyme. Sépulture introuvable. Néant dérisoire. Inutilité du passage.
Mais le ciel était muet. Pas même un nuage en forme d‘allégorie, de ces nuages qu’on lit, comme des monstres ou comme des jouets,  quand on a refermé tous ses livres.

Je marchais vers la forêt parce que j’y avais cru voir la silhouette chancelante d’un homme. On ne voit pas beaucoup d’hommes par ici. On ne voit que la plaine et sa toile de  fond, le rideau sombre des pins.

Que viendraient faire ici les hommes ? Depuis longtemps mon pacte avec eux avait été rompu. À tel point que même là, sous le vent, sur la neige éparse et sous le ciel immaculé, la forêt semblait reculer devant moi, comme si elle refusait que je la rejoigne, comme si sous mes pas s’allongeait la plaine et comme si l’intrus échoué là-bas, à la lisière, s’obstinait à repousser l’échéance  de la rencontre.

C’est alors que j’ai vu l’oiseau. Non. J’ai d’abord vu son ombre qui se déployait sur le sol. Après seulement, j’ai reconnu un corbeau. Un vrai corbeau. Pas une de ces corneilles ou autres freux qui habitaient là-bas, autrefois, sur les marais et les labours paisibles des brises océanes. Un grand corbeau. Un lointain consanguin des nettoyeurs d’Austerlitz. Tellement noir qu’il m’en a semblé  bleu.
Il a plongé sur la lisière et je me suis arrêté tout net. C’était un signe. Je devais m’arrêter là. Il  y avait
quelque chose de la mort blottie sous l’envergure puissante de ses ailes.
Et c'est la forêt qui est venue jusqu’à mes pas. Un nuage est passé et le soleil s’est tu, effrayé par la pénombre.
L’oiseau picorait avec force délectation les yeux de l’homme sur le sol étendu. Le mort n’était pas mort et se prêtait au jeu. Il embrassait le bec et caressait la plume à chaque lambeau de chair arraché à sa vie.

Quelqu’un a frappé. J’ai cru. C’était le vent qui secouait violemment les volets.
En sursaut, j’ai regardé par la fenêtre. La lune dormait encore entre deux branches accrochant ses moignons gelés sur le blafard du ciel.
Je me suis levé. J’ai bu la dernière eau-de-vie de mon histoire et me suis mis à écrire.
Je n’ai depuis lors jamais cessé de tenter de remonter le temps.
Faire reculer la forêt et effrayer les corbeaux.

Texte (modifié) publié en mars 2009

Image : Aurélien Audevard

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20.05.2010

Contes et légendes de Podlachie - 8 -

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La maison

Peut-être ne me serais-je pas arrêté sur cette courte légende si, un jour de grand soleil d'été, je ne m'étais auparavant arrêté au bord du Bug, parmi les pins et sur du sable fin.
Je m'étais arrêté là parce que le décor et les parfums de résine chaude auraient pu faire croire, en fermant doucement les yeux, qu'on se trouvait, non point à une cinquantaine de mètres de la Biélorussie,  mais bien  de l'autre côté du continent, au cœur de l'île d'Oléron.
J'étais donc là à rêvasser et à méditer sur le pouvoir évocateur des paysages et de leurs odeurs, quand j'aperçus un peu plus loin sous la pénombre bruissante de la pinède, dans une petite trouée, une vieille maison de bois, visiblement abandonnée.  Rien de bien original, me direz-vous et impatients que je vous sens...
Mais attendez
un peu que je vous dise.
Car cette maison, quoique orpheline, solitaire, dégageait pourtant quelque chose d'étrangement présent. Une sorte de palpitation. Le bois, un peu vermoulu, en était propre, les volets en bon état, le toit de chaume non éventré,  assez bien peigné même, et la végétation alentour, quoique abondante, semblait plus disposée à la protéger qu'à la vouloir  ronger.
Cette maisonnette m'a ému, tant que, lisant bien plus tard le récit de Marya Kasterska, je l'ai spontanément reconnue. Forcément, il ne pouvait s'agir que d'elle. La légende avait soudain un lieu et prenait corps dans mon esprit.

J'ai donc appris que dans cette maison, au  temps jadis des Yadzvingues, la clef en  était toujours soigneusement disponible, posée sur la serrure. Chacun, à sa guise, pouvait ainsi y entrer.
Et chacun trouvait là un feu qui crépitait dans un grand poêle de faïence verte, une table agrémentée de quelques fleurs séchées et garnie de légumes frais, de fruits et de viande. Dans un coin, tout près du poêle, une couche molle à souhait attendait patiemment qu'on vienne s'y  reposer.
Les tourbillons verdâtres du Bug berçaient alors le sommeil du voyageur tandis qu'au-dessus du toit de chaume le souffle de la nuit murmurait une tendre berceuse entre les branches lascives des grands pins et des bouleaux.
Mais un soir, un soir que la neige voltigeait au-dessus de la rivière, avec dans le ciel d'épouvantables nuages noirs qui semblaient vouloir toucher les cimes de la  forêt, un étranger survint. Il était très pâle, il était long et maigre,  il était vêtu de haillons maculés  de boue et il était très triste. Il se restaura, morose, insensible aux charmes du lieu, avant de s'endormir pesamment, tout crotté encore, sur le lit douillet.
Au matin, il jeta de l'eau sur le feu, fracassa les vases de fleurs, éparpilla dans les sous-bois ce qu'il restait de vivres sur la table et, ayant refermé la porte à double tour, jeta la clef dans les flots tourmentés du Bug.
Depuis lors, la maison est restée hermétiquement close. Bien des gens des alentours, bien des voyageurs  - et même un conteur -  ont essayé de l'ouvrir et de lui redonner vie.
Mais tous ont frappé vainement à sa porte.
Aussi vainement que s'ils eussent frappé le couvercle d'un lourd cercueil.

08:00 Publié dans Contes et légendes de Podlachie | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

19.05.2010

De la case départ à la case départ

jeu_de_l_oie.jpgCe que je ressens du monde a la douceur apaisante d'une vaste rondeur. Mais pas comme un cercle élégant tracé par le compas d'un écolier studieux. Une boucle plutôt. Une circonférence dessinée par un cancre.
Je vis sur une boule bleue qui tourne autour d'une boule rouge ou jaune, suivant des saisons qui tournent en rond... Et quand je regarde le ciel sur la plaine, il plonge en arc de cercle sur cette plaine, laquelle courbe elle-même l'échine, fait le dos rond, là-bas sur le brouillard des horizons infléchis.
L'horizon. Terme ambigu. Incertain. En même temps terme d'espoir et de chute. Mirage trompeur de la ligne droite. Point de mire du marcheur fatigué. Infranchissable. Sans cesse reculé. Dansant.
C'est ainsi que les bâtisseurs d'horizons ne vont jamais au bout de leurs rêves.
L'horizon. Ligne circulaire, variable en chaque lieu, dont l'observateur est le centre et où le ciel et la terre semblent se joindre. C'est Le Littré qui le dit. Et je vois le Littré partout au bout de mon chemin. L'horizon est donc circulaire et les lignes horizontales ne sont jamais droites puisque par définition astronomique, elles sont des parallèles à cet horizon.
Je marche vers l'horizon. À la verticale, que je marche. Perpendiculaire à une courbe.
Comment dès lors marcher droit vers un point final ?

Tout a la rondeur des espaces qui commencent et finissent en même temps, sans qu'il n'y ait de trajectoire linéaire.
Quand je regardais l'océan, il était aussi comme une sorte de sphère liquide dont je n'apercevais qu'un pôle qui miroitait sous la lumière d'une grosse étoile ronde.
Si j'imagine l'univers dont une des théories le décrit comme encore en expansion, j'imagine une sphère incommensurable et chaude qui gonfle encore sous l'impulsion d'une force titanesque qui lui viendrait du centre. Les limites où se meurt le rationnel et où trébuche l'imagination, c'est la définition, l'existence même du vide sur lequel se répandrait cet univers en mouvement circulaire, projeté à l'infini.
Car pour qu'un corps se distende et prenne de l'ampleur, il lui faut forcément rencontrer du vide. Et le vide, le néant, par définition, ça n'existe pas. Prétendre à une existence du néant, c'est implicitement poser le postulat de sa négation.
Je vis, nous vivons, dans cette rondeur chaotique. Nos états d'âme, nos pulsions, en sont forcément déterminés pour une part. Nos prétentions aussi, hélas !
Et du hasard d'une naissance à la dernière pelletée du fossoyeur, ce que nous appelons la fuite du temps et qui n'est que l'éphémère de notre marche vers l'horizon intangible, me semble donc un cercle imparfait, musardant du point zéro au point zéro.
La vision commune de cette fuite est une trajectoire. Le temps rationnel, vécu comme corps unique à sens unique. C'est la vision capitaliste du temps. Le temps marchandise. Le langage, que les hommes ont quelque peu désappris à lire,
ne s'y trompe d'ailleurs pas. Il dit : perdre, gaspiller, récupérer, avoir ou gagner du temps.
Si tel en était, pour nous nous souvenir, il faudrait nous retourner. Or, nous ne nous retournons pas. Nous nous voyons en un point donné du cercle imparfait. Là où nous sommes déjà passés et où nous avons déposé comme gages de notre voyage, des rêves d'enfant, des larmes, des visions fulgurantes de la mort, des amours et des amitiés...
Seuls les gens qui pensent leur vie comme une ligne à parcourir pensent qu'on patauge quand on est dans la nostalgie. Nostalgie. Se souvenir avec douleur. Sur une boucle, on a une vision d'ensemble. On se voit partout à la fois. Le présent regarde le passé sans nier sa qualité de présent irrémédiablement entrainé dans sa chute vers le futur.
Nous croise nous, en fait. En même temps ici, ailleurs et déjà là bas.
Aimer vivre sa vie, c'est donc être quantique. Multiple. Plusieurs.  Et comme son propre horizon, impalpable.
Le grand mouvement des choses.
J'aime les saisons, le retour et leur fuite. L'éternel retour des mêmes gestes de la terre dans sa complicité avec le reste du monde.
Nous-mêmes, dans cette incendie qui tourbillonne, nous reproduisons des scènes à l'infini de notre espace fini  Des scènes  qu'on a déjà vu se jouer...Quelque part. Sous les lampions d'un  théâtre qui n'était pas encore mûr.
Particule de ce bal infini, je ne suis rien sans l'exode des oiseaux vers le nord, puis vers le sud, puis vers le nord encore. Rien sans la nuit qui engloutit le jour et ce jour à son tour qui dévore la nuit. Qui l'épluche d'est en ouest.
La pendule universelle.
Jusqu'à l'horizon courbé, défaillant mais jamais vaincu. Phénix sans cendres, éternel brasier.
C'est nous, hommes qui marchons et dont la marche est forcément fatale, qui sommes des vaincus. Du premier vagissement au dernier râle.
Et c'est quand nous en avons la conscience joyeusement sensible,  que nous sommes littérature.

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17.05.2010

La Podlachie, marche de l'Orient

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L'église uniate

Sur le sujet, une fois ne risquant pas d'être coutume ici, j'ai envie de remonter, historiquement s'entend, jusqu'à Jésus.
Selon son commandement  aux apôtres, « Allez et enseignez à toutes les nations », il paraît que ceux-ci se seraient dispersés  à travers le monde pour y semer la bonne parole.
Saint-Pierre prêcha à Rome et c'est donc là que la liturgie fut célébrée en latin et selon la culture romaine. C'est ce qu'on nomme le rite latin.
Son frère aîné, Saint-André, porta ses enseignements en Grèce. L'ancienne culture grecque servit alors de fondement  au rite grec, que l'on dit aussi rite byzantin.
Pendant 1000 ans, le christianisme s'est donc développé dans toute l'Europe sur la base de ces deux rites, sans que l'église ne connaisse de dissension, le successeur de Saint-Pierre, le pape donc, ayant pour mission de sauvegarder l'unité. Rappelons d'ailleurs que beaucoup de papes étaient alors d'origine grecque, en guise de consensus...

La première grande nation slave à se convertir au christianisme, en 863, la Grande Principauté de Moravie, avait pour apôtres Saint-Cyrille et Saint-Méthode. Membres du clergé grec, issus d'une grande famille gréco-slave de Thessalonique, ils ont composé un autre alphabet pour la langue slave et ses amoncellements de consonnes et traduit la Sainte Ecriture et les livres liturgiques en slavon.  Les Slaves adoptèrent donc, en l'honneur de Saint Cyrille, l'alphabet cyrillique.
En 868, Adrien II, évêque de Rome, ratifia l'usage de la langue slave dans la liturgie. Dès lors, la chrétienté louait son dieu en trois langues : le latin, le grec et le slave.
C'est en 1054 que la division est consommée. L'église orientale et l'église occidentale rompent leur union et fondent deux centres ecclésiastiques indépendants, l'un ayant son siège à Rome et l'autre à Constantinople.
L'orthodoxie qualifie dès lors l'église qui est dans le vrai, ben voyons, et désigne les chrétiens de l'Orient. Le catholicisme  désigne les liturgies de l'Occident et qualifie ce qui est universel et ne peut être discuté, re-ben voyons.
Le problème de fond n'est donc pas un problème de déviance spirituelle à une foi commune, mais un problème politique, Rome et Constantinople se disputant, depuis l'empereur Constantin et la fondation en 330 des deux empires romains, d'Orient et d'Occident, les zones d'influence géopolitiques.
Les différences de culture et de célébration de la liturgie ont
ainsi servi de tremplin historique à la désunion.

Des siècles après le schisme, des efforts furent faits par la communauté gréco-byzantine pour rétablir l'unité entre Rome et Constantinople. Cette église orthodoxe ayant choisi de s'unir, pour des raisons politiques, à l'église romaine, s'est alors appelée l'église uniate.
C'est donc aux frontières de l'Orient et de l'Occident, là où cohabitaient les deux églises et les deux liturgies,  que cette union s'est réalisée, comme imposée par les nécessités, comme « un passage en douceur » entre les deux grandes zones d'influence.
Sur le territoire de la Pologne de l'Est, les deux Polognes, puisqu'il y avait la Pologne dite de  la « couronne » et la Pologne de « la Grande Principauté de Lituanie », cette union a été célébrée entre les évêques russes et les évêques de l'église catholique romaine à Brest Litovsk, en 1596, aujourd'hui en Biélorussie, juste de l'autre côté du Bug.
En abusant de raccourcis tant historiques que religieux, disons que cette union de Brest  est aussi significative que le fut en France le fameux édit de Nantes.

La paroisse néo-uniate de Kostomłoty, à une trentaine de kilomètres de chez moi et où, quoique indomptable mécréant, j'aime aller flâner, est la descendante directe de cette union historique de Brest.
Sous l'occupation russe, au troisième partage de la Pologne, l'union de Brest a été abolie par le tsar et les uniates massacrés sans autre forme de procès.
Et ce ne fut qu'a la renaissance de la Pologne, le 11 novembre 1918, que cette union a été rétablie en
Podlachie en prenant le nom de néo-uniate.  Mais sur les dix paroisses existant avant la répression tsariste, une seule a survécu au régime communiste, celle de Kostomłoty.



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Le site

C'est donc là l'unique paroisse uniate de toute la Pologne. De quelque confession que l'on soit, et même sans confession du tout d'ailleurs, Kostomłoty vaut la balade du point de vue de cette singularité, du point de vue de  l'histoire comme de celui des charmes de la place.
Au bord du Bug, Kostomłoty est un  minuscule hameau sous la verdure.
Le sanctuaire occupe un grand jardin d'arbres et de plantes au milieu duquel sont l'église, le presbytère et une chapelle, le tout en bois. 

Les premiers documents historiques relatifs à Kostomłoty mentionnent l'année 1412, date où le Grand Prince de Lituanie, Witold,  a rattaché le village au couvent des Augustins de Brest.
La paroisse uniate y a été créée en 1631, peu après Brest Litovsk.


Extrait d'un projet (plus de 200 pages et 100 photographies) abandonné faute de moyens et d'oreilles pour nous écouter :  
" Vade mecum de la Podlachie du sud" par Dorota et moi-même

11:50 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

13.05.2010

Contes et légendes de Podlachie - 7 -

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La menthe

On s'affairait dur, ce soir là, dans les gigantesques et célestes ateliers du grand manitou.
Il y régnait la frénésie des veilles de grands évènements et le joyeux brouhaha des derniers préparatifs d'une fête : demain  en effet, à l'heure où blanchiraient les nuages, serait créé le vaste monde.
Tandis que les divers aide-manitou vaquaient eux-mêmes à moult vérifications de dernière minute, le maître de céans, grave et sérieux comme (j'allais dire un pape mais c'eût été ridiculement
mettre la charrue très loin devant les bœufs), sérieux comme se doit de l'être un grand manitou, alors,  était en train de régler minutieusement la course très prochaine de l'astre solaire. Il s'agissait là de ne pas faire d'erreur. Toute la vie sur terre en dépendrait pour une large part.
Un de ses aides vint néanmoins le timidement distraire de ses augustes préoccupations.
Nous avons tout scrupuleusement contrôlé, ô illustre et grand manitou ! Tout nous semble paré pour un monde des plus harmonieux... Nous avons une dernière fois ausculté le cœur des hommes. Il est bien, comme vous l'aviez impérativement recommandé, dur comme le bois de chêne et opportuniste comme le gui qui se nourrit de la souffrance des autres.
Voyez comme la Création avait une curieuse idée de l'harmonie. Mais passons outre, là n'étant point le cœur  de la légende et ça nous emmènerait trop loin si nous nous mettions en devoir d'ergoter là-dessus
(ndlr)...
Bien, répondit le grand manitou à son céleste ouvrier, sans même se retourner et sans s'extirper de ses profondes méditations quant à la course prochaine du soleil.
L'aide se racla la gorge et, encore plus timidement, se plaignit
cependant qu'aucune directive n'avait été donnée quant à l'essence du cœur de la femme et que c'était bien embêtant, ça... Hum...Hum...
Le grand manitou ne répondait pas, toujours penché sur l'astre de feu.
Hum... Hum...se racla derechef l'auxiliaire scrupuleux.
Intervint alors un autre lutin qui accourait d'un atelier voisin  et qui s'exclamait, enthousiaste, émerveillé. Aux anges, si j'ose dire.
Je suis allé voir comment seraient les moissons des hommes. J'ai vu des plaines immenses et blondes se courber sous la brise légère et les lourds épis frissonner doucement en se frottant les uns contre les autres. J'ai vu des  bleuets aux yeux splendides, j'ai vu des hommes robustes vider les champs, engranger et faire le pain de la vie. Et derrière les glaneuses, j'ai cueilli une toute petite plante aux feuilles finement dentelées, aux fleurs délicatement mauves, et qui avait un parfum frais, un bouquet qui donne le vertige.
J'ai entre mes doigts écrasé une de ses feuilles. Et plus je l'écrasais, plus elle exhalait un arôme encore plus enivrant.
Plus je la tourmentais de ma curiosité et de mon admiration et plus ses effluves se faisaient suaves, folles, sublimes.
Quelle est donc, ô puissant grand manitou, cette plante merveilleuse que vous avez créée là ?
Et le maître de céans, sans répondre à ce petit et second et enthousiaste lutin qui venait le déranger dans ses
lumineux calculs, se tourna tranquillement vers le premier.
Cette plante est ce qui te semblait n'avoir pas été créé. Elle est le
cœur  de la femme.
Laissez-moi maintenant  terminer de régler l'alternance des ombres et de la lumière, tel un vaste balancier du temps, de la vie et de toutes choses qui, demain, à l'heure où blanchiront les nuages comme déjà dit, seront le monde.

NDLR encore : Je ne suis pas certain, pour une foule de raisons qui nous emmèneraient trop loin si nous nous mettions en devoir d'ergoter là-dessus, d'être bien d'accord avec l'esprit de cette légende.
Mais les légendes ne sont pas faites pour qu'on soit d'accord ou pas d'accord avec leur esprit.
Elles sont du vent qui passe. Elles se transforment, voyagent, rebondissent, arrivent jusques à nous, s'arrêtent un instant et repartent à l'autre bout des quatre horizons...

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11.05.2010

Alchimie sommaire de l'écriture

16.JPGCe que nous avons à notre disposition pour écrire le monde et dans le monde, c’est un désordre intérieur.
Toute la problématique de l’écriture réside dans cette confrontation entre l’intérieur mal maîtrisé, mal connu même, et l’extérieur fortement matérialisé, codé à l'extrême et d’apparence rigoureusement organisé. Un extérieur qui poursuit ses buts autonomes, qui se soucie
comme d’une cerise d’être écrit  et un intérieur qui doit composer avec lui, au risque de périr.
Mais qui vient d’ailleurs, décalé.
On n’écrit le présent que sous la dictée, même très discrète, d’un passé.
On écrit au passé décomposé du subjectif.
Ce monde d’enchevêtrements mécaniques où se distordent nos efforts pour rester humains, ne pourra jamais être pensé sensiblement, donc écrit, par moi sans que ma plume n’ait trempé au préalable dans l’encrier où sommeillent  mes premiers paysages. Une rivière, des frères, une mère, des chemins d’école valsant sous des brouillards, des équinoxes aux odeurs de champignons et de troupeaux mêlées, de vieux récits de trappeurs dans des livres jaunis, de premiers camarades, d'affrontements douloureux avec l'ordre et la discipline, d'amours inachevées, vaincues, parfois bâclées, d'amitiés sans lendemain.
Nous avons tous, sans doute, des paysages, une voix brisée d’aïeule, un coin de terre, une forêt initiale, un indéfini de nous et que nous avons quittés trop brusquement.
Sans prendre congé.
Nous avons basculé, chaviré, dans une espèce d’époque secondaire qui niait nécessairement notre primaire. Et nous n’en étions pas peu fiers, de changer d’époque, de notre mue !
La révolte capillaire, le rock, la pop, la découverte du plaisir sexuel - encore que celui-ci soit sous -tendu (sans jeu de mots facile) par d'innombrales autres accès aux plaisirs de vivre - la guerre du Vietnam et la révolution. Le tout sous les volutes bleues d’une herbe capricieuse, dont les graines crépitaient parfois sous la chaleur du mégot, entre amis du même tonneau.
Ce n’est qu’après, en se faisant frotter l’un contre l’autre l’intérieur et l’extérieur, du moins en pensant la friction, que les véritables étincelles sont venues. Celles de l’abandon des chimères, vaincues par la fuite et la réalité du temps

Ecrire, c’est poétiser la souffrance. Quels que soient les effets d’annonces, les formes, les prétentions et les exigences de l’écriture.

On n’écrit cependant jamais aux prises réelles avec la souffrance. Quand on est sous les rafales d’un cyclone, on  pense à sauver sa peau, pas à décrire le vent.
J’ai passé un an dans une souffrance morale des plus aigues. Quelque chose qui, à force, passait au physique, formait dans le ventre une boule et me faisait hurler de douleur, le matin au réveil.
Le corps obligé de prendre en charge une part de la souffrance afin que l’esprit ne sombrât pas totalement. Le corps comme une soupape de sécurité, justifiant ainsi les cris qui, sans lui, eussent assurément passés pour les manifestations d’une démence accomplie.
Un nom donné au mal de vivre : il a mal au ventre. Ah, c’est pas grave alors…Faut voir un médecin.
Aucune envie d’écrire, ne serait-ce la moindre chansonnette. Les seules échappatoires, l’alcool et la marche sous la pluie, le visage inondé sur des chemins fangeux. Les trois conjugués, le vin, beaucoup de vin, la pluie et la marche, transportent la souffrance dans les sphères plus lénifiantes de la pensée pure.
Après seulement est revenue le goût d’écrire. Ce plaisir sans égal d’inscrire les mots qu’on redoutait tant à dire. Après la cassure.
Le schisme consommé, le raz de marée, la lame de fond ayant tout détruit sur leur passage, l’écriture est venue reconstruire le paysage.
C’est ça, pour moi, écrire. Reconstruire les paysages perdus.
L’écriture, c’est pas fait pour comprendre. Y’a des divans pour ça. Au pire, des philosophes.
L’écriture, ça existe pour bâtir des mondes de l’intérieur. Quand ces mondes sont rentrés en une telle contradiction avec l’extérieur qu’il leur a fallu livrer une bataille mortelle et que c’est eux, les intérieurs, qui en sont sortis – momentanément du moins- vainqueurs.
Je n’invente alors rien. Ni le trouble des beautés anonymes d’un pays où je vis en étranger, ni les « je » narrateurs, ni les personnages d’un récit.
Ils sont tous des fantômes de ma vie enfuie, dilapidée.
Et conviés aujourd’hui à venir goûter une part de mon bonheur d’exister.

C’est quand je reconnais dans une écriture ce mélange détonant de fantômes, de bonheur d’exister et de souffrance, que je sais être en présence d’un frère.
D'un compagnon de route.
D'un qui sait que la beauté de l'écriture - comme celle de la littérature même si elle ne la rejoint pas toujours - réside dans son incontournable non-nécessité.

Texte mis en ligne en septembre 2008, modifié.

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07.05.2010

Fillon, larbin cacochyme et exécuteurs des hautes œuvres

photo_1269925209826-1-0.jpgC'est toujours la même et désastreuse rengaine : le capital et les hautes  finances s'en mettent plein les fouilles, comme des gorets devant l'auge, gonflent, spéculent, magouillent, engrangent, trichent, abrutissent, mentent, dissimulent, mettent en scène, amusent la galerie par épiphénomènes interchangeables et...forcément finissent par déraper.

Et pour tenter de remettre leur bateau pirate à flot, en appellent aux galériens, ceux dont le rôle est de ramer :  Serrez-vous la ceinture et souquez ferme, garcons, si vous ne voulez pas couler avec nous-autres !

Depuis le temps que ce monde tourne sur des postulats absurdes et que des hommes en braillent la critique, peu sont venus pour en tirer l'exact profit.

De leurs obscures alchilmies, ils ont à peu près tout détruit de notre intelligence du monde.

Mais pas encore la vigilance du langage.

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06.05.2010

Contes et légendes de Podlachie - 6 -

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La légende du temps

Depuis la prime aurore, le voyageur marchait et trébuchait sur les plaines toutes blanches de Podlachie, gelées, balayées par les vents, et le ciel noir devant lui qui tombait sur des horizons muets.
Harassé, il dut bientôt s'adosser au tronc d'un grand pin esseulé sur le désert des champs et, inspirant très fort, levant la tête sur les nuages, fermant les yeux, il implora pour qu'apparaissent bientôt dans les brouillards dansants les premières maisons d'un village. Les premiers sons d'une voix fraternelle.
Il le fallait avant que la nuit n'engloutisse tout et que ne se mettent en maraude les bêtes sauvages des ténèbres... Sans quoi...
Mais son corps glissa lentement, ses jambes plièrent, il s'accroupit là, sous les morsures blanches du vent, et il s'assoupit.
Il fit encore un effort, secoua la tête, tenta d'ouvrir les yeux, reposa son front sur ses mains et finit par sombrer.
Tu es las, voyageur, très las...Tiens mon bras, prends appui sur  mon épaule et viens...Il te faut encore
longtemps marcher sur la plaine pour parvenir jusqu'aux hommes.  Mais viens un moment te reposer  chez moi.
Un vieillard parlait, qui tournait en rond aux côtés du voyageur. Un vieillard plus gris que les horizons, plus blanc que la neige, un vieillard affreusement maigre, sans âge humain tant il semblait surgi de la nuit des temps. Tant il semblait
aussi se confondre avec la plaine noyée de brumes, faire corps avec elle.
Dans son regard dansait pourtant une lumière sublime, étincelante, plus éclatante qu'un soleil au zénith.. Il portait sur son front un diadème étrange et ses gestes étaient robustes et francs, sans une ride.
Viens te reposer un peu... Mon palais est là, tout près de toi.
Et un palais de glace et de neige  aux murs transparents, recouverts de fleurs et de richesses inouïes, de perles d'or et de ruisseaux de diamants, s'ouvrit alors devant les yeux épouvantés du voyageur.
Ne t'effraie pas...Les richesses que tu vois là ne sont que des reflets. Elles sont tout ce que le monde possède de plus précieux. Elles sont les pensées de ce monde.
Je les recueille une à une dès qu'elles sont exténuées.  Comme des fruits blets, sans odeur et sans saveur. Là, elles s'endorment d'un sommeil de glace pour retrouver un jour tout l'éclat que la fréquentation les hommes avait terni, sali, déformé, galvaudé, anéanti.
Car ces richesses resplendissantes, quand elles se sont longtemps assoupies ici, s'envolent à nouveau de par le vaste monde, alors la glace autour d'elle fond et la pensée retrouve tout son éclat, toute sa vitalité, tout son espoir, toute sa force originelle.
Et les hommes lui font alors la fête, s'écrient, hurlent, dansent, souvent même s'entre-tuent pour la
mieux posséder et cette idée nouvelle, qui, en vérité, est bien plus vieille qu'eux-mêmes, aussi vieille que le monde est vieux, trompe, abuse et nourrit leur passion, leur vanité et leur orgueil.
Mais, balbutia le voyageur transi, qui es-tu en ton palais de glace et pourquoi tournes-tu ainsi perpétuellement en rond ?
Viens te reposer chez moi. Tu y trouveras le repos avant de reprendre, peut-être, un jour lointain, très lointain, ta marche sans but, ta marche sans raison, ta marche à la rencontre des hommes improbables, sur les neiges et le froid des plaines de Podlachie.
Je suis le Temps qui fuit, qui endort, et qui revient en songe.

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04.05.2010

J'attends des mutants !

expo_la_terre_vue_du_ciel.jpgNous changeons d'année tous les trois cent soixante cinq jours, trop souvent donc à mon goût et sans doute au vôtre également, à grands renforts de petits fours et autres flonflons et... de petites rides insidieuses, de petits rhumatismes espiègles,  par ci par là....
Nous avons même eu le privilège, voici neuf ans,  de changer de siècle !
C'est pas donné à tout le monde d'arroser un changement de siècle au cours d'une vie. Vieillir de cent ans en une seule nuit ! 
Je ne vois pas trop ce qu'il y a de désopilant, mais bon...
J'en fus fourbu, d'autant qu'il m'en souvienne.

Si vous aimez ça, arroser les basculements du temps mathématique, ce temps qui imite la durée universelle qui nous creuse le trou froid du néant,  alors préparez votre budget, vos caisses de champagne, et vos tonnes de chocolateries !  Commencez d'engraisser le veau gras, engrangez les confits et les foies de canard !
Car, très prochainement, dans les trois prochaines années exactement, nous allons passer de la période Holocène du quaternaire, dans laquelle nous pataugeons depuis seulement 11 710 ans, à la période Anthropocène.

Je vous sens bouche bée.
Je n'invente pourtant rien. C'est ce qu'affirme un groupe de vingt neuf représentants des différentes sciences, réuni sous la houlette du directeur de l'Institut de l'environnement de Stockholm. Le changement de période - on aurait plutôt besoin de changement d'air, avec ou sans homonymie et dans toutes les acceptions de l'expression, mais bon on prend ce qui nous est servi  -  sera donc officiellement  et très prochainement proposé à l'union internationale des sciences géologiques.
Et c'est une catastrophe....Jamais une période géologique n'aura été aussi brève....11 000 ans ! Même pas le temps de lacer ses chaussures !
Bon, soyons sérieux cinq minutes ...Parce que tout ça l'est effectivement...
Des neuf indices sur lesquels se basent les scientifiques (pas ceux qui boivent du vin hongrois dans « Géographiques », mais d'autres beaucoup plus sévères et qui n'ont pas le temps de badiner avec les poètes), trois sont au rouge écarlate et c'est ce qui motive la  décision des respectables et susdits savants :
- Disparitions d'espèces végétales et animales. Cent par an, ce qui constitue un danger énorme pour la biodiversité et a chamboulé complètement  l'écosystème de la boule bleue. Plus de quatre cents sites dans le monde ont été répertoriés d'où la vie, tant végétale qu'animale, a d'ores et déjà complètement disparu, notamment en Baltique.
Retour, donc, au chaos originel...Des millions d'années avant les dinosaures.
- La circulation d'azote dans la nature complètement détériorée par suite d'introduction artificielle par l'homme. Ces gros connards d'agriculteurs industriels en premier lieu.
Là aussi, la vie se meurt sur de nombreuses zones repérées par les scientifiques.
- Le réchauffement climatique enfin, mais je crois qu'il s'agit là d'une conséquence des autres monstrueux avatars.

Vous voilà donc prévenus(es). Nous sommes les derniers lézards terribles d'une époque géologique qui s'achève.
Et tout ça, parce que l'humain est un imbécile des plus accomplis avec son système de production à la con  et son idée complètement faussée du bonheur de vivre dans un habitat planétaire.
À ce propos, d'ailleurs, je fais remarquer que les verts, les rouges, les bleus et tout le Saint-Frusquin de la parole militante et politique se mettent le doigt dans l'œil ( et je suis poli) jusqu'au coude avec leurs pleurnicheries genre « Sauvons la planète ».
Parce que la planète, elle, elle en a vu d'autres, des cataclysmes, des pluies de feu, des émanations titanesques de gaz, des explosions apocalyptiques, des soulèvements épouvantables de son écorce,  des vies  et des espèces s'éteindre....Elle n'est plus à une révolution radicale près. Elle a encore les reins solides pour continuer sa promenade dans le cosmos, en l'état ou dans un autre, avec des humanoïdes à son bord ou sans.
Un train sans voyageur, ça roule quand même...
Ce sont donc les hommes, qu'il s'agit de sauver, bandes de cornichons aux yeux plein de m..... ! Pas la planète !
Et, ma foi, puisque pas grand monde ne semble pressé ou disposé à me faire de grands compliments, je vais m'en faire tout seul et avouer n'être pas trop mécontent de moi pour avoir écrit dans "Géographiques" :
" (...) la terre, les climats et leurs paysages tels que nous les avons vécus depuis des siècles sont irréconciliables avec le niveau d'activité atteint aujourd'hui par les hommes. Le divorce est consommé entre l'espèce humaine et son habitat. Tout le monde le pressent, personne ne le dit clairement. Pour inverser la tendance, il faudrait bouleverser radicalement le comportement des sociétés à l'échelle planétaire, abandonner totalement la prédominance de l'économie sur tout le reste et, ça, c'est hélas complètement inconcevable. Aussi inconcevable que si homo habilis eût désiré un beau jour redevenir homo erectus. L'esprit humain est bloqué depuis des siècles sur l'idée que production de richesses et bonheur sont indéfectiblement liés et cette idée inlassablement mise en œuvre s'est nourrie au détriment des principes fondamentaux de la vie sur terre. Les soubresauts pour tenter de le libérer de ce postulat suicidaire se sont tous montrés inopérants et je ne vois pas poindre à l'horizon de tumultes de nature à bousculer le désordre des choses. » Géographiques - TQF - Page 77

La question  que je me pose, quand  même  : est-ce que les hommes seront aussi cons en période Anthropocène qu'en période Holocène ?

Il y a, hélas, de grandes chances que oui.
La connerie se s'éteindra qu'avec l'extinction des cons et c'est pas un changement de période géologique, changement prématuré au regard de l'histoire de la planète, changement dicté par  leurs comportements de cons, qui va les convaincre d'être un peu moins cons.

14:00 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

Consultations avril

140 visites par jour, 1062 visiteurs uniques dans le mois, 365 pages consultées au quotidien, 4100 visites, 11 000 pages vues dans le mois.
Même fréquentation, à peu de chose près,  qu'en mars.
Merci de votre intérêt à tous et à toutes.
Amicalement
Bertrand


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08:34 Publié dans Statistiques | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

03.05.2010

Non de non !

Nous sommes quatre. Comme les trois mousquetaires.

Mousquetaires sans cause ni roi et nous nous retrouverons régulièrement, à partir du lundi 10 mai,  pour croiser le fer avec ce monde où le mensonge permanent tient lieu d'autorité morale.
En tout cas bien décidés à ne pas en être les beni-oui-oui.

Les béni-non-non, plutôt...

Ce sera comme ça et ce sera avec  lui, lui, lui et moi-même :


 

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29.04.2010

Contes et légendes de Podlachie - 5 -

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La légende du rêve

Sur son beau trône cousu d’or et d’argent, le roi des rois, le bon roi des Yadzvingues, gémissait et se morfondait à faire peine.
Son cœur en effet était la proie de la plus terrible des douleurs : son fils, son fils bien aimé, le futur souverain  du pays des Yadzvingues,
étendu sur sa couche depuis des lunes, muet, les yeux obstinément perdus dans le vague, se mourait lentement d’une étrange maladie qu’aucun savant ni sorcier n’était jusqu’alors parvenu à identifier.
Au désespoir, le roi des rois, le bon roi des
Yadzvingues, se résolut à faire venir en son palais l’astrologue, celui qui savait lire dans le grand ciel des nuits d'été, celui qui parlait aux étoiles lointaines et prédisait par-delà les horizons.
Il lui enjoignit de se rendre immédiatement au chevet du dauphin et d’en deviner tout le mal.
Le lecteur des astres et du grand mouvement des choses veilla alors sur le sommeil de son royal patient et quand Vénus brilla au-dessus de sa couche, l’éclairant d’une fine et pâle lueur qui vacillait, il vit apparaître la maladie qui accablait le jeune garçon.
Ce après quoi, morose, il revint en informer le bon roi.
Parle  ! Ne me fais pas languir, parle ! Dis-moi la souffrance de mon fils chéri !
L’astrologue hésita un moment, s'inclina légèrement en  frottant sa grande barbe blanche et murmura que le jeune Yadwvingue se mourait d’amour…
À ces mots inattendus, le roi des rois éclata de rire et tendit ses bras charitables vers le savant des firmaments.
Approche, que je t'embrasse ! Approche !  Je te couvrirai d’or et de diamants, astrologue, puisque tu nous délivres aujourd'hui de bien funestes présomptions ! Si le prince est malade d’amour, alors, je saurai le vite guérir. Sois béni, divin astrologue !
Si celle qu’il aime est encore vierge, elle sera sa  femme avant que la lune n'atteigne son plein.
Si elle est mariée, alors je déclarerai la guerre à nos plus proches voisins, je placerai son mari aux premières lignes de la bataille, il tombera aussitôt, couvert de gloire et de bravoure (accessoirement de sang, NDLR) et nous fêterons
en même temps ses funérailles et le mariage de la veuve et du prince.

(Voyez dès lors comme je ne vous ai point abusés, lecteurs et lectrices, en vous signalant que ce roi était vraiment bon...)

L’astrologue cependant frottait de plus en plus sa barbe en baissant de plus en plus la tête.
Mais, roi des rois, bon roi, on ne peut épouser qu'une femme vivante…
Le roi pâlit, se leva d’un bond et s’écria : Comment ? Que me chantes-tu là, astrologue de malheur ? La femme idéale de mon fils, celle dont ils est épris au point d'en avoir sombré, serait -elle  morte ?
Elle n’a pas pu mourir, répondit dans un murmure l’astrologue qui se courbait maintenant. Elle n’a pas pu mourir puisqu’elle n’a jamais vécu…
Je l’ai vue néanmoins devant moi, qui dansait sous la lumière étrange des étoiles du ciel…Cette femme est délicieusement belle, roi des rois. La plus belle et la plus inaccesible de toutes les femmes. Ses yeux sont grands et scintillent comme les mille broderies de la nuit, ses cheveux sont noirs et lourds et des reflets d'azur brillent autour de leur long ruissellement, son parfum évoque des rivages inconnus aux couleurs chatoyantes et son corps est plus fin que le plus fin des diamants.
Le prince, hélas,
jamais ne la serrera dans ses bras et longtemps se languira encore à vouloir la posséder…Il se languira jusqu’à en mourir bientôt.
Parle,
maudit astrologue ! Parle ou  je te fais trancher la tête sur le champ, rugit le roi des rois, le bon roi desYadzvingues
…Parle ou je te livre à d’odieuses tortures, je te fais arracher la langue,  je te fais dresser un bûcher, je te damne à jamais !
Dis le nom de cette femme !

(Voyez derechef comme je ne vous ai point abusés, lecteurs et lectrices, en vous signalant combien ce roi était bon...)

L’astrologue s’inclina alors très bas, tellement bas que sa barbe en effleura le sol et il chuchota  enfin :
Cette femme s’appelle…le Rêve.

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23.04.2010

Dialogue de sourds

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« C'est ici un livre de bonne foi, lecteur. Il t'avertit, dès le seuil,  que je ne m'y suis proposé d'autres fins que familiales et personnelles. Je n'y ai nul souci de ton intérêt ou de ma gloire : je n'ai pas assez de force pour concevoir un tel dessein : j'ai destiné ce livre à la commodité personnelle de mes parents et de mes amis, afin que...»  blablabla blabla...

Michel Montaigne
Les Essais

 

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«Je ne connais qu'un écrivain que, sous le rapport de la probité, je place au rang de Schopenhauer et même plus : Montaigne.
Qu'un tel homme ait écrit, vraiment le plaisir de vivre sur cette terre a été augmenté...C'est à son côté que j'irais me ranger s'il fallait réaliser la tâche de s'acclimater sur cette terre.»

Frédéric Nietzsche
Le gai savoir

 

« Doit y avoir une erreur quelque part.... »

Bertrand Redonnet

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22.04.2010

Contes et légendes de Podlachie - 4 -

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La légende des  âmes

La solitude de l'âme, chantée par les poètes et, plus trivialement, auscultée par les mécaniciens de la psychanalyse et de la psychiatrie, ne serait en fait, si j'en crois les mots de cette légende, que le résultat d'une grossière erreur de calcul.
Mais oyez plutôt...
Quand le grand manitou créa le monde, il créa d'abord des âmes, puis des individus censés bientôt en porter chacun une.
Hélas, au moment de la distribution, il s'aperçut qu'il s'était, dans sa frénésie créatrice et tout parfait qu'il fût, fourvoyé et avait en son céleste atelier
conçu deux fois plus d'hommes et de femmes qu'il n'avait façonné d'âmes.
Le problème était ardu. En supprimer ? Allons, allons, soyons sérieux...Un créateur sacré, ça crée. Ça ne supprime pas. L'élimination pure et simple est d'essence humaine, pas divine.
Mais foin des entourloupettes !  Comment résoudre la délicate équation ?
Cependant qu'il réfléchissait, se traitant in petto de gars de rin et de fichu distrait, le grand manitou avisa son glaive d'or incrusté de diamants, négligemment posé là, à ses côtés, sur un nimbostratus des plus moelleux.
Oui, je vous sens un peu dubitatifs(ves), là. Pourquoi un dieu posséderait-il un glaive ? Pour quoi faire ? Un dieu belliqueux ? Irascible ? Paranoïaque ?
Je n'en sais rien. Je vous raconte tel que j'ai entendu raconter et je n'ai jamais vu de dieu de ma vie...Disons que ça lui servait d'ornement. Il y a bien des gens qui ont chez eux de vieilles lampes de chevet  du 18ème  (siècle pas arrondissement) et des lampions dernier cri pour économiser l'énergie, un ordinateur, un téléphone portable...Pour quoi faire une lampe de chevet style Directoire, hein ?
Bon...les goûts et les couleurs...
Mais foin
encore une fois des entourloupettes ! On cause, on cause et on ne s'occupe pas de l'ardu problème du grand manitou..
Le glaive, donc...Voilà l'instrument qui tranchera la question. Ultima ratio deorum.
Le grand manitou, brandissant son glaive qui ne lui servait à rien sinon à décorer ses nuages, coupa donc les âmes en deux et en distribua une moitié aux hommes et l'autre moitié aux femmes. Puis, se frottant les mains et bienheureux de s'être
si facilement tiré d'embarras, il se reposa longtemps en ses sphères éthérées.
Là, c'est moi qui suis dubitatif . Je verrais plutôt une pagaille énorme, un brouhaha inextricable, une ruée, une foire d'empoigne, une bousculade, certains et certaines emportant une âme entière et les autres, bernique, étant condamnés à ne pas en avoir, ce qui, convenons-en, expliquerait pas mal les déboires futurs de l'humanité...
Mais, tout agréable que me soit cette interprétation, ça n'est pas comme cela qu'il en advint et il faut dire les légendes telles qu'elles nous ont été transmises. Non mais, des fois  !

Chacun s'en fut donc avec sa moitié d'âme et n'eut désormais de cesse qu'il n'ait retrouvé de par le vaste monde, l'autre moitié, l'âme sœur....

Bonheur à ceux et celles qui ont eu de la chance - ou du flair - et qui réussirent à recoller les deux morceaux, réalisant ainsi l'harmonie parfaite, les autres étant voués à une perpétuelle quête, à la solitude et à la mélancolie.
Mais comme les âmes étaient, au départ, toutes ressemblantes et, partant, les moitiés itou, que d'erreurs, que de vilaines surprises, que de méprises et..... que de vaisselle cassée dans les chaumières !

Image : Philip Seelen

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20.04.2010

Vitrine

Depuis mes lointaines contrées, ayant pour l'heure peu d'échos de "Géographiques" - mais il est bien tôt et comme me disait François Bon qui en sait quelque chose, "quand on est auteur, apprendre la patience" - c'est avec grand plaisir et sans fatuité aucune que je rends publique cette amicale et délicate attention de Martine Sonnet, qui m'adresse la photo, joliment faite,  de la librairie  Tschann, boulevard du Montparnasse, où le livre est en vitrine.
Je me dis que si il y a un passant sur dix mille qui le lit, il sera vite épuisé.
Mais un sur dix mille, en littérature, ça tient de l'incorrigible utopie....

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10:17 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

19.04.2010

Mais fermez-la donc un peu !

2.jpgJ'avais plus ou moins décidé de rester muet sur les événements tragiques qui ont frappé ces derniers temps la Pologne.
Pour une foule de raisons personnelles, la première étant que ce sont là des événements dus au hasard et que, tout à une écoute consciencieuse du monde que nous prétendons être, les embrouilles a posteriori de sa mise en scène font que nous ne comprenons pas grand chose à ces salades, en Pologne comme partout ailleurs.
Gardons-nous bien de vouloir faire les doctes analystes si  nous voulons en même temps nous garder de dire des conneries.
Mon premier sentiment a été évidemment l'affliction, d'un point de vue strictement humain, sans que cette affliction n'ait pour objet plus précis « les têtes d'affiche » disparues dans la catastrophe. La mort est partout épouvantable. Elle l'est d'autant plus quand elle prend un caractère collectif, qu'elle frappe des symboles ou des quidams.
J'avais donc plus ou moins décidé de rester muet sur ces événements, qui ne sont les effets ni d'une stratégie, ni d'une morale, ni d'une idéologie. La somme d'inepties et d'ignorances que je lis cependant, sur eux et sur ce pays en général, m'oblige quand même à en dire un mot de révolte.
Je lis, par exemple, dans le Figaro pour ne  citer que lui, que
Kaczyński représentait la Pologne profonde....
Et que représentent donc en France - le pays que je connais le moins mal -  Sarkozy, Royal, Bayrou, Cohn Bendit, Le Pen, les plus chéris du suffrage universel de la donneuse de leçons ?
La France des Lumières peut-être ?
Que Kaczyński
ait été un président réactionnaire, obscur dans sa tête et qu'il ait donné à l'extérieur une image peu reluisante de la Pologne, personne ne vous a attendus, surtout ici, pour le savoir...Chirac ne donnait pas non plus de la patrie de Voltaire et de Rimbaud une image des plus futées....
La Pologne profonde, je la connais un peu.
En son sein sont des hommes et des femmes qui ne sont ni homophobes, ni nationalistes, ni partisans de la peine de mort, ni grenouilles de bénitier, ni brutaux, ni actionnaires de Radio Marya.
Bref, avant de noyer un pays dans une potion gluante et globale, pensez un  peu, messieurs-dames du journalisme de masse, que si la Pologne existe enfin, c'est qu'il y a des Polonais qui n'entrent pas dans vos tiroirs de folliculaires.
Commencez donc par balayer devant votre porte.
Ça devrait vous occuper un moment...

Photo Wikipédia : Maria Skłodowska (Marie Curie)

10:31 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

15.04.2010

Contes et légendes de Podlachie - 3 -

Nid de cigognes blanches Cambron Casteau_Fasol.JPG

La cigogne


Il était une fois...
Non, ça n'est pas vraiment très habile de commencer de la sorte. Je crois savoir que ce début fut déjà
utilisé pour ouvrir d'autres contes et légendes.
En des temps jadis...Hum, c'est mieux. Mais ça fleure encore un peu  le déjà vu....Autrefois, alors ?
Allons-y pour autrefois. C'est un mot passe-partout.
Autrefois, donc, en ces temps reculés où  les Jadzvingues nomadaient encore sur les plaines de Podlachie, vivait parmi les hommes un homme pauvre, ce qui n'est pas très original, et de cœur foncièrement honnête, ce qui l'est déjà beaucoup plus, s'agissant d'un homme.
Cet honnête homme, cet homme honnête plus exactement, hélas, n'aimait point à réfléchir. Disons qu'il n'était pas très futé dans sa tête loyale.
Il advint qu'il reçut, gravé sur de l'écorce de chêne, un message de haute tenue et qui le priait
de se rendre chez le grand Péroun, dieu des foudres et des tempêtes.
L'homme bon ayant diligemment obtempéré - comme tout homme destinataire
d'une divine missive l'eût fait  -  s'entendit alors confier une mission de la plus haute importance.
Voilà, lui dit la puissance céleste, un sac très lourd. Je te serai éternellement reconnaissant et ton nom méritera d'être inscrit sur le front des nuages si tu le portes jusqu'au Bug et l'y jettes très loin, parmi les remous les plus profonds...Je t'ai choisi parmi tous les Jadzvingues parce que tu es bon et honnête. Car il s'agira de te garder d'ouvrir ce sac, sous quelque prétexte que ce soit.
Va, mon ami, et que le Bug engloutisse à jamais ce fardeau !
Notre homme était perplexe, on s'en doute sans doute, mais promit cependant d'obéir.
Chemin faisant, il arriva au cœur d'une petite clairière qu'inondaient les pâleurs de la lune.
De esprits menaient là grands tapages, dansaient, s'enivraient, chantaient et, même, se livraient sur les mousses du sol à de suaves et frénétiques plaisirs que rigoureusement ma mère m'a défendu de nommer ici.
Ces joyeux lutins interpellèrent gaiement le brave homme croulant sous son faix, firent autour de lui  une joyeuse sarabande et se mirent en devoir de le
gentiment brocarder.
Sais-tu ce que tu portes là, sur ton dos fatigué ? Ce sont tous les vices et tous les malheurs du monde...Et tu vas les jeter dans le Bug sans même les avoir jamais vus ? Mais comment peux-tu prétendre être un homme vertueux si tu n'as jamais vu, de près, les vices et les passions des hommes ?
Ouvre ton sac, regarde-les bien dans les yeux et, ainsi, en plus d'être honnête, tu seras devenu un sage parmi les sages puisque,  ayant touché de tes mains les luxures, tu les auras bravées...
Le messager du dieu trouva, ma foi, le discours des lutins fort intelligent et, piqué par la curiosité, ouvrit tout grand son fardeau.
Tous les vices et tous les malheurs du monde s'évadèrent alors de leur prison, ricanant et poussant vers la lune des hurlements de joie, accompagnés par les applaudissements des lutins facétieux.
Le pauvre homme, jugeant, un peu tard, qu'il avait été la dupe de ces farfadets, s'en revint tout penaud vers le dieu, assis sur les foudres et les éclairs.
Est-ce besoin de vous dire que ce dernier lâcha la bonde et donna libre cours à son ire ? Et un dieu qui lâche la bonde, ça n'est jamais très bon, certes,  mais ça l'est encore moins s'agissant d'un dieu ayant en charge l'administration des orages et des ouragans.
Tu es un mauvais serviteur et un parjure. Je te condamne à l'errance éternelle, d'un point du globe à un autre, tourmenté par l'insatisfaction permanente, en proie aux éternels regrets, sans maison ni patrie.
Et le dieu saisissant un morceau du charbon avec lequel il avait coutume d'allumer les foudres, en frappa le pauvre homme, au niveau des deux épaules.
Le coupable aussitôt se métamorphosa en cigogne et le grand oiseau garda sur ses ailes l'indélébile stigmate de sa faute.

Dès lors, la cigogne n'a cessé de vagabonder, des plaines de Podlachie aux antipodes de l'Afrique, jamais chez elle.
Qui pleure son nid
en quittant chaque automne la patrie des Jadzvingues et qui regrette  amèrement la tiédeur des climats de ses exils méridionaux, chaque équinoxe du printemps revenu.

10:48 Publié dans Contes et légendes de Podlachie | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

14.04.2010

Ce champ peut ne pas être renseigné - 1 -

la si do ré.jpgVous poussiez la porte de votre maison et tous les objets dans leur agencement contemplatif et muet vous regardaient venir.
Votre quotidien s'étalait à vos yeux, immuable, serein, tel un désert au moindre grain de sable exploré et d'où se sont enfuis les sauvages espoirs de l'aventure.
Votre tête était pesante, accablée par l'épuisement des journées inutiles.
Votre être tout entier réclamait la chimie pour traverser, encore une fois, ce désert amical, ce vide aseptisé, vacciné, protégé des grandes tempêtes.
Vous aviez beau vous dire que
pousser des portes qui s'engouffraient sur du vide patiemment construit, c'était là le lot de tous les gens de la terre, que vous étiez un homme normal, vous n'arriviez pas à traverser seul les chemins balisés.
Alors votre gosier s'était creusé comme les gouffres de la mer et vous jetiez sans relâche dans ce tonneau des Danaïdes des bouteilles dénuées de tout message.

Vous en eussiez-vous ouvert à vos amis, de cette peur de rien, qu'ils ne vous auraient pas entendu, portant en eux, sans doute, le même effroi mais l'ayant, eux,  réduit au silence, sinon vaincu sous les feux de l'illusion maquillée en réel, du moins rangé au rang des tabous dangereux, des boites de Pandore à ne surtout  pas toucher.
Au mieux, pour les plus pressés à éluder, auraient-ils ouvert le premier tiroir à leur portée et déclaré que vous étiez  la proie d'un certain bovarysme.
D'ailleurs, aviez-vous des amis ?

Vous entendiez cependant au matin la première alouette monter à l'assaut des trémolos de l'azur. Oh, joie d'un ciel nouveau, comme une brosse blanche supprimant du tableau les noirs gribouillis de la veille !
Vous poussiez la porte dans l'autre sens et les arbres devant vous frémissaient d'attente, du soleil ruisselait à leurs branches pendantes et votre tête fomentait des chansons, des projets, des grandeurs de faire...Elle ouvrait sous vos pieds légers des avenues qui couraient vers des horizons flamboyants de toutes les promesses.
Comme l'astre du jour et comme l'alouette vous montiez à la conquête des espaces...Vous montiez, vous montiez, vous montiez....
Quelques heures durant.
Jusqu'à l'odeur d'essence, jusqu'au bruit poussiéreux des pas sur les trottoirs,  jusqu'aux grues suspendues aux nuages, jusqu'aux bouts de fer rouillés entrelacés sur la ville, jusqu'aux sourires idiots figés comme dans la cire d'un protocole assassin, jusqu'à ce  que ne s'étale devant vous la perspective assurée d'une nouvelle inutilité de vous.

Alors, lentement, inexorablement, vous redescendiez déjà vers les ombres du soir, vous vous arc-boutiez sous le poids  des convenances.
Huit heures sonnaient aux pendules des monuments gris. Le feu de paille se mourait.
La mer réclamait d'autres messages sans appel...
Et le monde dansait alors un moment, tel le bouffon d'une fête foraine.

Vous poussiez encore et encore la porte de la maison et tous les objets dans leur agencement contemplatif et muet vous regardaient sombrer.

Image : Philip Seelen

11:01 Publié dans Apostrophes | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

13.04.2010

Sacré Debord, va !

images.jpg" Les auteurs à opinions politiques révolutionnaires, quand la critique littéraire bourgeoise les félicite, devraient chercher quelles fautes ils ont commises."

Bon, ben, moi j'ai pas d'opinions politiques précises sur l'échiquier spectaculaire. J'ai juste un truc viscéral, humain, qui me tarabuste et m'empêche de goûter pleinement le monde à son injuste valeur.
Alors, critiques bourgeois, vous gênez surtout pas, hein, félicitez de vos critiques affinées et sans retenue mes quelques et bien maigres opus.
Le pire serait votre silence dédaigneux... Là, je me demanderais bien quelles fautes j'ai pu commettre.
Mais une faute suppose une orthodoxie...Il eût fallu commencer par là !
Et l'orthodoxie, de nos jours, elle en a des kyrielles, de visages !

11:38 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

12.04.2010

La malédiction Katyń

D’autres l’ont déjà souligné : ce qu’il y a de terrible et de traumatisant, par-delà le drame strictement humain, dans cette catastrophe où un état est littéralement décapité, c’est le lieu…
La première réaction des Polonais, dès samedi matin,  fut bien  : Non, ça n'est pas vrai ! Ce lieu nous poursuit de sa malédiction !
Difficile en effet de ne pas  faire un parallèle, fût-il osé et sans objet, entre les 22 000 officiers et intellectuels polonais assassinés en avril 40 par la police communiste à Katyń et le drame de samedi matin.
Tout cela résonne au centuple dans le cœur de chaque Polonais et je crois sincèrement qu’il fait être Polonais pour vraiment le comprendre autrement qu’avec la tête.

Les Polonais sont croyants. Pour la plupart...Ne faisons pas fi de ceux qui ne le sont pas. Ils sont tout aussi Polonais.
Mais ils sont aussi superstitieux…Et puis, tout ça se passe chez les Russes…Alors, ça n’aide pas vraiment à garder son sang froid.
Warszawa_zegna_prezydenta_4056297.jpgLes imaginations les plus folles, les délires les plus inconséquents et les suppositions les plus scandaleuses se murmurent ou, même, se disent à voix haute.
On peut comprendre : cette nation est régulièrement soumise aux  épreuves les plus dures…
Mais on ne peut évidemment pas cautionner.


La première question  à poser, à mon avis, serait :
Comment un pilote des plus expérimentés, trié sur le volet,  qui a entre ses mains la responsabilité de l’élite d’un Etat, peut-il, de son propre chef, passer outre les conseils de sécurité que lui prodiguent les aiguilleurs du ciel de Minsk et de Moscou, à savoir de ne pas atterrir à Smolensk, trop difficile, trop risqué,  vu les conditions météo ?
Le bon sens le plus élémentaire ne peut être que perplexe.

Quand on aura bien voulu répondre à cette question autrement qu’à l’aide du traditionnel, lapidaire et bien commode  « erreur de pilotage », on aura la clef du drame et les suppositions les plus folles s'écrouleront d'elles-mêmes.

Pour l’heure, respect et émotion  devant le drame humain et une pensée toute particulière pour ces membres des familles assassinées à Katyń et qui, se rendant ce 10 avril pour un hommage historique, ont trouvé, comme leurs ascendants directs, une effroyable mort dans la forêt maudite.

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08.04.2010

Contes et légendes de Podlachie -2 -

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Les tulipes

Sur les plaines de Podlachie qu'aplatissait le souffle de la Baltique, un souffle du nord, tout gris, tout mouillé d'avoir trop longtemps couru sur l'écume et les sables lointains, l'étranger apparut un soir.
Il semblait surgir de derrière le ciel tombé sur l'horizon. Il montait un cheval ordinaire, sans éclat, sans noblesse, et lui-même n'était ni beau, ni resplendissant. Son visage était long, ses yeux semblaient mélancoliques, ses vêtements étaient pauvres sans être des haillons.
De longs cheveux jaunes flottaient sur ses maigres épaules.
La nuit allait tomber et engloutir le monde de ses ombres d'inquiétudes latentes, tant que l'étranger demanda  l'hospitalité dans un village tapi aux lisières d'une forêt antique.
Pour prix du gîte et du couvert, il offrit de  raconter des contes et de raconter  des légendes.
Toute la nuit, sa voix telle une mélopée, décrivit des guerres d'honneur et des princesses enfuies, des fleurs recouvertes de sang, des rois éperdus d'amour ou d'une cruauté sans limites, des aurores flamboyants tels des incendies, des pays inconnus que berçaient les vagues d'un océan, par-delà la forêt et par-delà la plaine, presque par-delà le monde.
L'étranger chantait plus qu'il ne racontait. Sa phrase était longue et douce, rythmée, et son verbe, haut en couleurs, brillait de tous les feux sacrés de la poésie.
Les Yadwvingues étaient sous le charme et la fille du chef buvait jusqu'à l'ivresse les chants du jeune poète. Son âme avide s'envolait très loin, très loin par-delà la forêt et par-delà la plaine, presque par-delà le monde. Un souffle brûlant soulevait sa poitrine et ses grands yeux noirs refermés sur la nuit, levés sur  les cieux inconnus, laissaient quelquefois perler entre les longs cils, une larme attendrie.
Quand blanchit enfin la plaine, le poète se tut, remercia, baisa la main de la jeune fille, plongea longtemps ses yeux dans ses yeux,  et  reprit sur la plaine sa course vagabonde.
La jeune fille le vit qui s'évanouissait entre les herbes sauvages des champs et tomba à genou, par l'amour anéantie....Le jeune poète se retourna, lui aussi éperdu de désir, mais, plutôt que de tourner bride, il fouetta son cheval et disparut au galop.

À partir de ce jour nouveau, la jeune fille, faite femme, ne connut plus que les affres du mensonge. Elle disait des « je t'aime » à un mari qu'elle n'aimait point, elle n'avait de cesse que de lui dire toute sa tendresse et, disant tout cela, s'adressait au poète que les horizons incertains avaient si cruellement englouti. À la mort de son père, son mari devint le chef du village et elle exerça sur tous les villageois un pouvoir sans douceur ni concessions, comme si elle eût cherché à se venger d'un destin contraire et voulu par la laideur de la méchanteté, effacer la beauté d'un rêve fugitif.
Un matin cependant, que l'été montait doucement à l'assaut d'un grand ciel bleu, que tournoyait là-haut l'aigle pomarin, l'étranger réapparut et, prostré devant elle, lui chanta la fin de son errance et toute l'espérance de son amour.
La femme le dédaigna, le repoussa et ne  voulut point l'entendre.
Elle le fit par son mari chasser durement du village, tandis qu'en son cœur la flamme de l'amour et la flamme de l'orgueil, le désir de partir et le désir de régner, se livraient une bataille échevelée de souffrances.
Le poète congédié sembla, cette fois-ci, s'enfoncer dans la terre, là où elle embrasse la dernière ligne du ciel, et sa voix où roulaient des sanglots, chantait toute la mélancolie du monde.
La femme au village guetta en secret, chaque jour, les brumes de l'horizon, là-bas, au-delà des herbes folles de la plaine.
Tant qu'elle en mourut de chagrin, un chagrin muet, irrémédiablement condamné au silence par l'orgueil, et que son dernier souffle fut en même temps son dernier mensonge.
Et lorsqu'on voulut l'habiller de ses vêtements mortuaires, de grosses fleurs se répandirent  soudain sur le sol, ruisselant en cascades de la froideur de son corps.
Elles avaient des calices rouges, dressés comme des flammes et un mince filet d'or brodait leurs galbes gracieux.
Elles n'exhalaient aucun parfum mais levaient très haut leur superbes têtes, hautaines et vaniteuses.

Ce furent là les premières tulipes qu'il fut donné aux hommes de voir.

13:19 Publié dans Contes et légendes de Podlachie | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

06.04.2010

Contes et légendes de Podlachie - 1 -

koden3.JPGPrésentation

D'où que l'on vienne et où que l'on soit, habiter un pays, une région, autrement que par la stricte présence d'un corps dans un espace, autrement qu'un Anglais installé en Dordogne par exemple, c'est habiter une part de sa mémoire.
C'est s'approprier les lieux dans ce qu'ils ont d'humain. Et de cette appropriation dépend la lecture qu'on fera des habitants, des paysages, du ciel, des climats et, in fine, de soi-même, tous ces éléments n'en constituant, en fait, qu'un seul.
Un homme de France né au pied des pics pyrénéens et qui ira vivre sa vie sur la plaine des Flandres, un Lorrain venant camper son voyage sur les rives de l'océan, un montagnard du sud polonais coulant ses jours sous les ciels de Podlachie, aura besoin, plus ou moins exprimé, de rencontrer la mémoire de son habitat d'accueil.
Il en aura besoin pour qu'en son cœur le sentiment d'appartenance vienne adoucir celui, manifeste ou latent, du déracinement.
Pour habiter un autre pays, une autre langue, une autre histoire, une autre culture, un autre climat, ce besoin s'est évidemment présenté à moi.
J'ai fouillé l'histoire et la géographie de cette région et, derrière tout cela, très loin et en même temps aux portes du quotidien, ses contes et ses légendes, récits antiques distribués par l'oralité, comme dans toute région et dans tout pays ; récits qui flottent autour des hommes, sans qu'ils n'en devinent forcément la présence.
Le tissu littéraire d'un habitat. Presque sa matière première.
Dans ma langue,  je reprendrai donc ici - je veux dire avec les mots que j'emploie pour écrire et décrire et non d'une autre langue à ma langue maternelle - un recueil de contes et légendes de Podlachie, écrit en français par une Polonaise, Maria Kasterska.
En quelque sorte, je réécrirai certains contes de ce recueil, je ferai  un travail d'écriture, l'auteur elle-même confiant qu'elle s'était attachée à transmettre, alors qu'elle habitait à Paris, sans aucun souci d'écriture.
Il s'agit donc d'ajouter au plaisir de savoir,  le plaisir d'écrire.
Si pour vous de lire, alors je serai comblé.

L'auteur

Maria Kasterska est née le 2 février 1894 à Varsovie, dans une famille de propriétaires terriens ruinés.
Son enfance et son adolescence se déroulent en Podlachie. Elle est  élève du collège russe de Biała Podlaska, cette partie de la Pologne étant alors sous la botte du tsar.
En 1914, elle émigre en France. Etudiante à la Sorbonne, elle y prépare avec succès un doctorat en littérature *. Elle s'intéresse surtout à la poésie latine et polonaise et aux relations entre la France et la Pologne. Ecrivain prolixe, elle  travaille aussi avec la revue « Les nouvelles littéraires », dans laquelle elle publie des critiques aussi bien que ses propres œuvres.
Entre les deux guerres, elle revient en Podlachie pour y organiser des rencontres littéraires avec les jeunes.
Interdite de publication dans les revues polonaises par les communistes, elle habite à Paris, 7 rue du Daubenton, dans le 5ème arrondissement.  Ses contes et légendes de Podlachie sont écrits en français et publiés en 1928, à Paris par la librairie Ernest Leroux.
Elle fut la première et, à ma connaissance, la seule à être couronnée du prix de l'Académie.
Décédée en 1969, elle repose au cimetière polonais de Montmorency.

Dans les dernières années de sa vie, elle a épousé un Roumain qui garde aujourd'hui précieusement ses œuvres. Ses amis ont fondé à Paris une bibliothèque roumaine, Pierre et Marie Segresco, 39 rue Lhomond, mais l'accès à cette bibliothèque est aujourd'hui curieusement inaccessible.

* Les familles nobles parlaient français et enseignaient le français à leurs enfants


La Podlachie : Eléments tirés de la préface de Maria Kasterska

Podlachie, en polonais, Podlasie, désignait une province située entre la Lituanie et les provinces de Mazovie, de Lublin et de la Prusse orientale. Elle est aujourd'hui à l'extrême est de la Pologne.
Son étymologie a deux écoles. L'une prétend au las polonais, la forêt, et pod, tout près, tout près de la forêt donc, tandis que l'autre s'en réfère aux Lach, tribu polonaise installée sur l'emplacement actuel de Varsovie. Tout près des Lach. Dans les actes du pape Innocent IV accordant
en 1253 cette terre à Boleslas, prince de Cracovie, elle porte cependant le joli nom latin de subsylvania.
La Podlachie était habitée par un peuple énigmatique, les Yadwvingues, tribu sauvage renommée pour sa bravoure et dont aucun historien n'a encore déterminé avec certitude les origines.
Certains en font une tribu scandinave, d'autres prussienne.
Le géographe grec Strabon nomme parmi les différentes tribus Sarmates, celle des Yadwvingues et situe son habitat sur les rives du Danube. Il décrit ces
Yadwvingues comme bien armés, hommes et chevaux recouverts d'une cuirasse de métal. Ovide, dans ses lettres d'exil, parle également d'une tribu nommée "les Yadwvingues." Ils auraient également été présents dans la plaine hongroise où ils se seraient appelés les Yasok, ou Yazygues. Ils sont mentionnés dans cette plaine du temps d'Alexandre le Grand et lorsque Trajan entreprit la conquête de la Dacie (actuelle Roumanie) ils s'unirent aux Daces. Plus tard, effrayés par les Huns, ils remontèrent au nord et s'installèrent en Podlachie.
Ils ne furent soumis au royaume de Pologne qu'en 1282.

C'est donc les contes et légendes de cette région que j'habite, cette mémoire d'un peuple énigmatique, que je tenterai de vous faire partager,
une fois par semaine.

14:23 Publié dans Contes et légendes de Podlachie | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

31.03.2010

Erreurs d'aiguillage : attention un bonhomme peut en cacher un autre !

paray-trains_20060426_192350.jpgSi on n'a vraiment rien à faire, mais alors là vraiment rien, que l'après-midi s'étire comme un long et noir corbillard, qu'on s'ennuie terriblement devant son ordinateur, qu'il pleut, qu'il fait froid ou qu'il vente et qu'on ne peut décemment pas batifoler au jardin, qu'on est peut-être fâché avec sa compagne ou son compagnon, que sais-je encore, alors il peut arriver, je dis bien "il peut", qu'on tape sur Google «Bertrand Redonnet.»
Rien de grave là-dedans.
On trouvera alors des mots en leur exil, des commentaires sur tiers-livre ou d'autres sites amis, on trouvera Publie.net, Chez Bonclou, Polska B dzisiaj, Zozo éperdument chômeur, des critiques de ces trois livres, Brassens et son érudition et... tout récemment, Géographiques, la critique de Nauher, mais très loin, très loin.
On en est déjà à la page je ne sais plus combien.

Si, en revanche, comme je l'ai fait - oui, je l'ai fait, misérable Narcisse qui voulais voir si ce « Géographiques » trouvait quelque écho sur des sites que je ne connais pas - on affine sa recherche par « Redonnet Géographiques », là on s'y perd un peu. Normal. Il est un peu tôt.
On trouve quand même Nauher en première page et ça m'a bien fait plaisir.
Soit-dit en passant, il y a un site de vente directe, je ne sais plus lequel, et c'est bien parce que je ne veux point lui faire du tort, qui classe mon livre dans « Dictionnaires, atlas, voyages... »
Glups !
Vont être contents les gens qui vont l'acheter sans lire la quatrième, si ça existe, des gens comme ça.
Toute proportion gardée, ça me rappelle ce film où je n'avais rien compris mais à la séance duquel un ami cinéphile m'avait traîné en me tirant par la manche, à Paris : « L'angoisse du gardien de but avant le penalty ».
Au fur et à mesure que défilaient les images et que lambinait un ésotérique scénario, la salle se vidait avec des brouhahas sourds et des mouvements d'humeur non contrôlés...Il n'y avait pas un traître mot de football dans ce merdier et nous nous sommes retrouvés, mon ami et moi,  à deux dans cette salle !
Mais revenons à nos moutons.
Ce que je voulais dire, c'est qu'avec "Redonnet Géographiques" on trouve surtout ça, et  que ça ne m'a pas fait rigoler du tout, du tout, du tout...
C'est quand même pas de pot, un Bertrand Redonnet qui s'occupe (ou s'occupait ) du trafic de drogue, justement en Pologne !
Et c'est comme ça, ma foi, qu'on ramasse un coup ou une balle perdue...

Donc, pas d'affolement. Je tenais à vous prévenir qu'en 2001, je n'avais pas encore mis les pieds en Pologne...Au cas où, par  un après-midi gris, avec du vent, de la pluie, et une brouille (que j'espère passagère) avec votre compagne ou compagnon, vous auriez cette idée saugrenue et qui ne sert à rien.
Me rappelle quand François Bon, victime d'une fâcheuse homonymie, avait été élu en 2008, photo à l'appui, au Conseil général de Vendée.
Il avait été content, le p'tit père François,  promu en conseiller général  !

Il avait bougonné dur....

Moi, ça m'avait bien fait rire, cette histoire. Parce que François Bon, l'autre, le vrai conseiller général, c'était mon supérieur hiérarchique à Niort. On était devenu des copains et, en venant à parler  de littérature et de François, l'autre, le vrai écrivain,  il m'avait raconté que déjà, attaché culturel à l'ambassade de France en Norvège, une belle dame était venue un jour le féliciter pour son livre. Je ne sais plus lequel.

C'est à lui que j'avais dit un jour : Putain, t'es sympa, t'es pas bête, t'es pas méchant, qu'est-ce que tu fous à droite ?

12:13 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

30.03.2010

Géographiques : critique

Géographiques__.jpg

Une première critique
formulée ici.

Je crois qu'un auteur est content de la critique lorsqu'il reconnaît, sous la plume de l'autre, la lecture de sa lecture du monde.

Merci à vous, Nauher.

12:13 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

29.03.2010

C'était au bord de la Vistule...

PA010114.JPGHier, c’était au bord de la Vistule, j’ai rencontré une femme.
Le fleuve était gris et roulait des flots ombrageux.
Je m’étais assis sur les berges en hauteur et je le voyais en contrebas, très large. Il musardait  sur des plages de sable et des arbres se penchaient qui noyaient leurs bras maigres dans les eaux, entre lui et moi.
Il y avait là des tourbillons d’écume.
Le fleuve préparait son entrée dans Varsovie, à une vingtaine de kilomètres derrière des dunes boisées. Je le regardais qui s'enfuyait et je pensais à la Sirène Sawa, sortie de ses profondeurs pour fonder la ville.

Je n’ai pas  vu arriver la femme.

Elle était assise à mes côtés et, elle aussi,  regardait fixement les mélancolies du fleuve. Peut-être même était-elle là avant moi.
Je n’en sais plus rien à présent. Qui, d’elle ou de moi, avait choisi le premier de venir s’asseoir ici, si loin de tout, au bord de la Vistule ?
Elle tourna lentement son visage vers moi. Je sursautai et poussai un cri.
Car elle était vieille, immensément vieille, en même temps que d’une effroyable beauté. L'éclat d'une intelligence et d'une jeunesse exquises dansait dans ses vieux yeux et le contraste entre la peau telle un palimpseste  mille fois raturé et la jeunesse presque vierge du regard était terrifiant.
Elle souriait aussi. Je n’avais jamais vu de sourire avec autant de sérénité inscrite au bord des lèvres.

- Je t’ai fait peur. Voilà des années et des années que tu cours dans mon sillage et je t'ai fait peur. Fallait pourtant bien que je finisse par venir m’asseoir à tes côtés.

A quoi rêves-tu donc ici, au bord de ce grand fleuve ? Les mots te manquent et tu ne sais dire le monde que par des émotions agitées que semble préfigurer cette eau qui s'enfuit.
Tu ne perds pas ton temps. Les mots qui manquent sont toujours les mots essentiels. Tu ne les ramasseras qu’au bord des fleuves que tu as imaginés, qu’au long des chemins où tu as cru marcher, sur des grèves en furie que tu n'as jamais vues, sous les forêts les plus sombres qui soient et que tu as fuies.
Tu ne les écriras jamais, ces mots. Sitôt cueillis, ils t’échapperont. Tu écriras des mots qui leur ressemblent.  Quand  tu  veux écrire l’homme et son monde, écris d’abord leur absence.
Il faut me croire. Car je suis une vieille créature qui ne vit que par les mots. Mon destin et mon rôle interrogent tous les mots. Mais les mots qui m’interrogent sont morts-nés.
Mes enfants alors se disputent tous le droit de parler en mon nom, parce qu'aucun d'entre eux ne me veut encore adulte. Adulte moi, eux seraient morts.

Car je suis perverse. Tous ceux qui me consacrent leurs mots pensent trouver en moi un refuge d’élection quand c’est moi qui suis nourrie de leur sang. Et je suis éternelle et pourtant meurs souvent. Je meurs chaque fois qu'un poète se prosterne à mes jupes, chaque fois qu'il travestit ses mots et trahit son voyage à seule fin de me plaire.
Je suis vieille. Tu le vois.  Aussi vieille que le premier cri du premier être pensant.
Regarde encore le fleuve et les nuages qui baignent sur son eau. Je suis aussi ces nuages. Tu ne me trouveras que dans un monde reflété.
Il faut, pour parvenir jusqu'à moi, savoir lâcher la proie pour l'ombre.
- Mais qui êtes-vous, madame, pour me tant dire et pour parler ma langue, si loin d'où je viens ?
- Qui je suis ?  Mais je viens de le dire. Ne m’as-tu jamais vue auparavant ? Regarde-moi bien...
- ......
- Oui, peut-être. Il me semble à présent....Quel est ton nom, madame ?
- Les tiens m'appellent Littérature.

 

Texte publié en octobre 2008

12:49 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

25.03.2010

Géographiques, aujourd'hui

 

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C'est donc la fin d'une belle aventure et le début d'une autre tout aussi passionnante, mais où l'auteur ne  maîtrise plus grand chose. Pourtant, du déroulement de cette seconde aventure dépend exclusivement la vie de son livre et c'est vers elle qu'il a formulé ses espoirs, bientôt accompagné de son éditeur.

Amical  salut à  Georges Monti et Marie-Claude Rossard, dont le professionnalisme n'a d'égal que leur gentillesse et leur goût pour une complicé fraternelle.

C'est la fin d'une aventure entamée en novembre 2008, par un premier mot jeté sur une feuille muette, aux premiers frimas d'un automne continental, tout de pourpre et de jaune bruissant.

À partir d'aujourd'hui, lectrice et lecteur, les flots qui porteront mes mots appartiennent à ton seul océan...

Je te les confie et n'en prends surtout soin que s'ils trouvent  en toi quelque chose de nous.

Amicalement

10:31 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

19.03.2010

Les ricochets

Magnifique composition littéraire que ce poème, dans sa succession enchevêtrée d'hexamètres et de pentamètres, qui donne à l'ensemble une manière de sautiller, comme sautillaient les ricochets de notre enfance.
Des enjambements osés, des rimes brillantes, une belle syllepse, un clin d'œil à Rimbaud dès le premier vers, des références à Balzac, Apollinaire...
Une ballade sur Paris
pour une balade dans Paris.

Ècriture exquise...

Et qu' j'avais acquis
Cette conviction qui
Du reste me navre
Que mort ou vivant
Ce n'est pas souvent
Qu'on arrive au havre.
Nous attristons pas,
Allons de ce pas
Donner, débonnaires,
Au pont Mirabeau
Un coup de chapeau
A l'Apollinaire.
A l'Apollinaire.



10:50 Publié dans Brassens | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

18.03.2010

Classique contemporain

ane.jpgSerais-je un égaré ? Un obsolète ? Un décalé de la lecture ? Un poussiéreux de l'intellect ?  Un lycéen demeuré demeuré demeuré contre vents et marées ?
C'est fort possible, tout ça.
Plaisantes interrogations qui se sont imposées quand, mettant un peu plus de désordre que de coutume dans ma bibliothèque -
en  jetant par endroits et par la fenêtre un regard sur la neige qui recouvre encore les halliers tout près - j'ai fait le constat de ce que j'avais lu, (relu, rassurez-vous, et, concernant certains livres, au moins pour la troisième fois) disons, à peu près, au cours de l'année qui vient de s'écouler.
Oyez plutôt comment ça fleure bon le passéiste :
Michelet et son histoire de la Révolution française, Le Grand Meaulnes, Splendeurs et misères des courtisanes, les Paysans, Lamiel, Manon Lescaut, Colomba, Jacquou le Croquant, Bouvard et Pécuchet, Boule de suif, Madame Bovary....
Je suis à peu près certain que j'en oublie quelques-uns, du même tonneau...
Et puis, évidemment, des visites régulières chez Mallarmé, Villon, Baudelaire, Rimbaud et Maupassant.
Hé ben, me suis-je murmuré, si la chaîne du livre est en crise parce que les gens ne lisent plus assez, tu y es  un peu pour quelque chose, mon bonhomme : Tu ne lis que des morts !
Ce qui peut quand même paraître contradictoire et pas très généreux de la part d'un homme qui  «  vend sa pensée et qui veut être auteur
Mais quel plaisir ! Non pas qu'ils soient morts, ces gens-là, mais de relire tous ces grands livres. Lire pour ce qui concerne «  Lamiel » de Stendhal ( livre inachevé, parfois à l'état d'ébauche), « Jacquou le Croquant »,  qui n'est pas un grand livre, et le volumineux Michelet, qui tient du chef-d’œuvre.
Quel plaisir parce qu'il y a sans doute autant de lectures d'une oeuvre  véritable qu'il y a de saisons dans la vie d'un homme. Ou d'une femme, il va sans dire. Et que sans doute, ces saisons ont besoin comme d'un goût d'éternité.
J'ai même dans la tête de relire, pour la troisième fois, Guerre et paix...Lu d'ici, de la frontière biélorussse, je suis certain que ce sera encore une découverte.

Je me suis tout de même offert quelques heureuses incursions dans le présent... Riches heures de Jean-Louis Kuffer, Stasiuk, son Corbeau blanc et Fado, le premier roman de Stéphane Beau, le Coffret, Atelier 62 de Martine Sonnet, le manuscrit d'un ami du net...Quelques autres aussi, sans doute...
Mais quand même...Quand même...
Trois raisons peut-être à mes épouvantables archaïsmes  : J'ai toujours été plus ou moins classique - un classique révolté, c'est pas facile à porter-, je suis loin des librairies françaises, je suis d'une autre latitude, et, surtout, je lis tous les jours sur le net, de l'excellent, du bon, du passable et du très mauvais.
Et ça, c'est du contemporain en live.

Mais quand même, que je répète.

Parce que j'ai un livre qui sort en librairie jeudi prochain et si tout le monde attend que j'aie passé le clavier à gauche pour le lire...
Bref...

Image d'un contemporain : Philip Seelen

12:16 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET