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23.04.2010

Dialogue de sourds

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« C'est ici un livre de bonne foi, lecteur. Il t'avertit, dès le seuil,  que je ne m'y suis proposé d'autres fins que familiales et personnelles. Je n'y ai nul souci de ton intérêt ou de ma gloire : je n'ai pas assez de force pour concevoir un tel dessein : j'ai destiné ce livre à la commodité personnelle de mes parents et de mes amis, afin que...»  blablabla blabla...

Michel Montaigne
Les Essais

 

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«Je ne connais qu'un écrivain que, sous le rapport de la probité, je place au rang de Schopenhauer et même plus : Montaigne.
Qu'un tel homme ait écrit, vraiment le plaisir de vivre sur cette terre a été augmenté...C'est à son côté que j'irais me ranger s'il fallait réaliser la tâche de s'acclimater sur cette terre.»

Frédéric Nietzsche
Le gai savoir

 

« Doit y avoir une erreur quelque part.... »

Bertrand Redonnet

09:48 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

Cher Bertrand,
Je ne dois pas avoir les neurones très affûtés, je ne vois pas où est la contradiction, où seraient l'erreur, le dialogue de sourds...

Écrit par : Michèle | 23.04.2010

Ou alors, ce sont mes neurones à moi qui sont de travers...
Montaigne dit qu'il n'écrit pas pour être lu, sinon par le cercle restreint de ses parents et amis. Bref, qu'il ne fait pas oeuvre de littérature...
Un écrit privé.
Quelque trois siècles plus tard, un pur génie de la philosophie lui rend un hommage comme jamais il n'a rendu à qui que ce soit.
Et puis, Montaigne, est un classique, un monument, une cathédrale des lettres.
Il n'y a pas une erreur quelque part ?
Ou sa présentation des Essais est de pure mauvaise foi ou il était modeste jusqu'à la naiveté et l'absence de discernement
Voilà, ce que je voulais dire, moué...

Écrit par : Bertrand | 23.04.2010

Pour moué, il n'y a pas de contradiction entre un monument, une cathédrale des lettres comme tu dis, et l'œuvre obéissant à une nécessité interne (au texte et à l'auteur) ; Montaigne parle de ses parents, ses amis, façon de dire que ce qu'il écrit n'a à voir qu'avec lui-même.
S'il écrivait pour sa gloire, sa postérité, pour des lecteurs, il n'écrirait pas, pas au sens où nous l'entendons.
Ce que tu écris est inscrit en toi, Emaz dit ça très bien, qui dit que la signature du poème doit être interne, même illisible, inscrite dans la voix, même discordante.
C'est-à-dire qu'un texte (on va l'appeler comme ça, qu'il couvre un livre ou dix) se déclenche quand l'expérience (de manière assez obscure) vient "charger" les mots, les électriser, leur donner nécessité d'être sur la page. Quand c'est urgent d'écrire. J'ai encore piqué ça à Emaz.
Et alors là on a quelque chose qui peut (ou pas) passer à la postérité. Pour Montaigne, ce fut le cas.

Écrit par : Michèle | 23.04.2010

En fait, si je t'en crois, dans cetet histoire, le sourd, ce serait moué ... Hiiiiiiiii !

Écrit par : Bertrand | 23.04.2010

Que nenni, on dit souvent les mêmes choses ; différemment. Hi hi

Écrit par : Michèle | 23.04.2010

Comme, Michèle, je ne vois pas de contradiction. Pas d'erreur, donc, mais un amusant parallèle. La citation de Nietzsche est très belle, plus délicate que beaucoup de phrases qu'on extrait de ses textes. Merci de l'avoir notée.

Écrit par : Natacha | 23.04.2010

Ce que je ressens , c'est que l'écrivain autour de 1580 n'écrivait sans doute pas en s'attendant à être beaucoup lu; quel était le lectorat de l'époque, probablement une toute petite élite?; j'imagine que Shakespeare était aussi un genre d'artisan du théatre ;je ne crois pas que ce soit une question de modestie ou de bonne foi; ceux-là avaient une absolue nécessité de mettre sur papier leurs détresses, leurs épreuves, leurs idéaux, question de vie ou de mort et la vie était fort courte.les règles ont changé actuellement où tout le monde peut tout lire, au bon et au mauvais sens du terme;aucun écrivain actuel digne de ce nom n'écrit pour la gloire ou pour faire du fric et pardon mais j'ai toujours trouvé Nietsche confus(çà , c'est une autre histoire)

Écrit par : Anne-Marie Emery | 23.04.2010

Eh bien, jamais un titre n'a été aussi bien commenté, dites-donc !
Je crois qu'effectivement, Montaigne est un homme du XVIème siècle, un notable bordelais qui écrit son livre de raison à une époque où la notion d'auteur au sens moderne est inexistante. Or il se trouve qu'il a du talent et que ce livre de raison dépasse de très loin ce qu'il pensait faire. Cela dit, je suis d'accord pour dire qu'il y a une certaine mauvaise foi dans cet avertissement. Le talent toujours un peu de mauvaise foi.

Écrit par : solko | 23.04.2010

Je suis bien sûr d'accord avec cette idée que tout écrivain est heureux et soucieux d'être lu.
Même à une époque où la notion d'auteur n'existe pas et où le lectorat n'est fait que de Happy few.
Mais ce souci d'être lu vient "après" me semble-t-il : au moment où il écrit c'est avec lui-même qu'il compose.
Et que Montaigne ait fait le coquet, je n'en doute pas...

Écrit par : Michèle | 24.04.2010

viens de finir " le quotidien et l'interessant" de Paul Veyne et suis tombée sur un passage qui peut éventuellement être une petite pierre à l"édifice.
....On comprend ici une des expressions que vous employez pour évoquer vos livres: s'expliquer à soi-même.
Dans la tradition de Montaigne qui lit, étudie l'histoire, s'intéresse à tout en annonçant qu'il ne s'intéresse qu'à lui-même en tant qu'il porte en lui l'humaine condition. C'est en s'instruisant sur l'homme, inséparable de soi-même, qu'on nettoie en soi les illusions. Et je crois que cette union passe par un effort de dépersonnalisation. Ainsi, le projet de Montaigne ne serait pas "curiosité" humaniste, sympathie pour l'homme fleurant bon la connaissance du coeur humain mais recèlerait un aspect plus mystique d'autolibération de la servitude de l'intellect humain à lui-même....

Voilà, navrée si je vous ai barbés, ce passage a juste fait 'tilt"

Écrit par : Anne-Marie Emery | 24.04.2010

Personnellement, je ne trouve pas cela barbant du tout, Anne-Marie, bien au contraire.

Écrit par : Michèle | 25.04.2010

Ecrire n'a, en effet, au temps de Montaigne, pas la même signification. Il ne sied pas qu'un homme de sa condition se pique d'être un écrivain (le mot n'a d'ailleurs pas le sens actuel). S'il y a un peu de fausse modestie chez le cher Michel, il n'en reste pas moins que son rapport à l'écriture est assez proche de ce qu'il sera encore un siècle plus tard chez de belles plumes aristocratiques comme lorsque La Bruyère nous dit : "écrire alors par jeu, par oisiveté, et comme Tityre siffle ou joue de la flûte ; cela ou rien ; j'écris à ces conditions, et je cède ainsi à la violence de ceux qui me prennent à la gorge, et me disent : «Vous écrirez.»"
Que faudrait-il dire aussi de Kafka confiant ses manuscrits à Max Brod pour qu'il les brûle.
L'essentiel n'est-il pas qu'ils soient, ces livres, nos compagnons à travers le temps, et ces auteurs des bonheurs pérennes.

Écrit par : nauher | 25.04.2010

Je vous remercie tous et toutes pour ces contributions..Et je dis contributions parce que tous ces points de vue font que je ne vois effectivement plus la contradiction aussi criante qu'elle m'était apparue au départ.
Je retiens le décalage et la notion d'auteur, qui, effectivement, n'est plus du tout la même..D'autant que l'appréciation de Nietzsche intervient trois siècles plus tard et la modeste mienne un siècle et demi encore plus tard.
Une erreur de parallaxe quand l'eau coule vite sous les ponts.
Mais comme je suis une tête de mule, je retiens aussi le joli euphémisme selon lequel Montaigne aurait quand même un peu "fait le coquet".
Bien amicalement

Écrit par : Bertrand | 26.04.2010

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