04.05.2010
J'attends des mutants !
Nous changeons d'année tous les trois cent soixante cinq jours, trop souvent donc à mon goût et sans doute au vôtre également, à grands renforts de petits fours et autres flonflons et... de petites rides insidieuses, de petits rhumatismes espiègles, par ci par là....
Nous avons même eu le privilège, voici neuf ans, de changer de siècle !
C'est pas donné à tout le monde d'arroser un changement de siècle au cours d'une vie. Vieillir de cent ans en une seule nuit !
Je ne vois pas trop ce qu'il y a de désopilant, mais bon...
J'en fus fourbu, d'autant qu'il m'en souvienne.
Si vous aimez ça, arroser les basculements du temps mathématique, ce temps qui imite la durée universelle qui nous creuse le trou froid du néant, alors préparez votre budget, vos caisses de champagne, et vos tonnes de chocolateries ! Commencez d'engraisser le veau gras, engrangez les confits et les foies de canard !
Car, très prochainement, dans les trois prochaines années exactement, nous allons passer de la période Holocène du quaternaire, dans laquelle nous pataugeons depuis seulement 11 710 ans, à la période Anthropocène.
Je vous sens bouche bée.
Je n'invente pourtant rien. C'est ce qu'affirme un groupe de vingt neuf représentants des différentes sciences, réuni sous la houlette du directeur de l'Institut de l'environnement de Stockholm. Le changement de période - on aurait plutôt besoin de changement d'air, avec ou sans homonymie et dans toutes les acceptions de l'expression, mais bon on prend ce qui nous est servi - sera donc officiellement et très prochainement proposé à l'union internationale des sciences géologiques.
Et c'est une catastrophe....Jamais une période géologique n'aura été aussi brève....11 000 ans ! Même pas le temps de lacer ses chaussures !
Bon, soyons sérieux cinq minutes ...Parce que tout ça l'est effectivement...
Des neuf indices sur lesquels se basent les scientifiques (pas ceux qui boivent du vin hongrois dans « Géographiques », mais d'autres beaucoup plus sévères et qui n'ont pas le temps de badiner avec les poètes), trois sont au rouge écarlate et c'est ce qui motive la décision des respectables et susdits savants :
- Disparitions d'espèces végétales et animales. Cent par an, ce qui constitue un danger énorme pour la biodiversité et a chamboulé complètement l'écosystème de la boule bleue. Plus de quatre cents sites dans le monde ont été répertoriés d'où la vie, tant végétale qu'animale, a d'ores et déjà complètement disparu, notamment en Baltique.
Retour, donc, au chaos originel...Des millions d'années avant les dinosaures.
- La circulation d'azote dans la nature complètement détériorée par suite d'introduction artificielle par l'homme. Ces gros connards d'agriculteurs industriels en premier lieu.
Là aussi, la vie se meurt sur de nombreuses zones repérées par les scientifiques.
- Le réchauffement climatique enfin, mais je crois qu'il s'agit là d'une conséquence des autres monstrueux avatars.
Vous voilà donc prévenus(es). Nous sommes les derniers lézards terribles d'une époque géologique qui s'achève.
Et tout ça, parce que l'humain est un imbécile des plus accomplis avec son système de production à la con et son idée complètement faussée du bonheur de vivre dans un habitat planétaire.
À ce propos, d'ailleurs, je fais remarquer que les verts, les rouges, les bleus et tout le Saint-Frusquin de la parole militante et politique se mettent le doigt dans l'œil ( et je suis poli) jusqu'au coude avec leurs pleurnicheries genre « Sauvons la planète ».
Parce que la planète, elle, elle en a vu d'autres, des cataclysmes, des pluies de feu, des émanations titanesques de gaz, des explosions apocalyptiques, des soulèvements épouvantables de son écorce, des vies et des espèces s'éteindre....Elle n'est plus à une révolution radicale près. Elle a encore les reins solides pour continuer sa promenade dans le cosmos, en l'état ou dans un autre, avec des humanoïdes à son bord ou sans.
Un train sans voyageur, ça roule quand même...
Ce sont donc les hommes, qu'il s'agit de sauver, bandes de cornichons aux yeux plein de m..... ! Pas la planète !
Et, ma foi, puisque pas grand monde ne semble pressé ou disposé à me faire de grands compliments, je vais m'en faire tout seul et avouer n'être pas trop mécontent de moi pour avoir écrit dans "Géographiques" :
" (...) la terre, les climats et leurs paysages tels que nous les avons vécus depuis des siècles sont irréconciliables avec le niveau d'activité atteint aujourd'hui par les hommes. Le divorce est consommé entre l'espèce humaine et son habitat. Tout le monde le pressent, personne ne le dit clairement. Pour inverser la tendance, il faudrait bouleverser radicalement le comportement des sociétés à l'échelle planétaire, abandonner totalement la prédominance de l'économie sur tout le reste et, ça, c'est hélas complètement inconcevable. Aussi inconcevable que si homo habilis eût désiré un beau jour redevenir homo erectus. L'esprit humain est bloqué depuis des siècles sur l'idée que production de richesses et bonheur sont indéfectiblement liés et cette idée inlassablement mise en œuvre s'est nourrie au détriment des principes fondamentaux de la vie sur terre. Les soubresauts pour tenter de le libérer de ce postulat suicidaire se sont tous montrés inopérants et je ne vois pas poindre à l'horizon de tumultes de nature à bousculer le désordre des choses. » Géographiques - TQF - Page 77
La question que je me pose, quand même : est-ce que les hommes seront aussi cons en période Anthropocène qu'en période Holocène ?
Il y a, hélas, de grandes chances que oui.
La connerie se s'éteindra qu'avec l'extinction des cons et c'est pas un changement de période géologique, changement prématuré au regard de l'histoire de la planète, changement dicté par leurs comportements de cons, qui va les convaincre d'être un peu moins cons.
14:00 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : littérature | Facebook | Bertrand REDONNET
Commentaires
Je crois que c'est Richard Millet qui dit cela : le jour où l'espèce humaine disparaitra, il y aura sur Terre peu d'espèces pour le regretter...
Écrit par : solko | 04.05.2010
Petits cons de la dernière averse, vieux cons des neiges d'antan. Le temps ne fait rien à l'affaire. Allons-y pour l'Anthropocène...
Écrit par : Natacha | 04.05.2010
Les mots font-ils les choses ? Nommer, est-ce connaître ? Nommer, est-ce agir ? Borges, constatant que l'acharnement à distinguer la synecdoque de la métonymie, disait : certes, mais je ne suis pas sûr que nous gagnions grand chose.
Écrit par : nauher | 04.05.2010
La durée de vie purement bactérienne du Précambrien fut de trois milliards et demi d'années, celle des trois ères de la vie visible, de cinq cent cinquante millions d'années.
Notre histoire, (dont l'aube fut l'invention de l'écriture, la plus intelligente de toutes les inventions humaines) durera, au mieux, quelques millénaires.
De toutes les espèces dominantes des temps géologiques, nous aurons la durée de vie la plus ridiculement courte alors même que nous avons sur toutes les autres l'avantage considérable de pouvoir modifier de façon favorable notre environnement.
Nous rêvons d'éternité et nous hâtons notre propre fin. Hi hi.
Écrit par : Michèle | 04.05.2010
Vous connaissez Mitterrand ? François de son prénom...
Il avait dit, entre des milliers d'autres choses qui ne m'avaient pas amusé du tout, une petite phrase qui m'avait beaucoup plu, car on ne pouvait faire mieux en matière de mégalomanie ènième degré :
"Ma postérité ne m'intéresse que médiocrement car je sais qu'elle n'ira pas au-delà de l'existence de la planète".
Hé ben !
Écrit par : Bertrand | 06.05.2010
En même temps, "Conocène" ça vous écorche l'étamine, me soufflait une Amaryllis. Quoi qu'il en soit, ajoutait-elle, que le dernier à quitter la planète pense à éteindre l'espèce humaine.
Écrit par : Arsaber | 16.05.2010
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