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20.05.2010

Contes et légendes de Podlachie - 8 -

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La maison

Peut-être ne me serais-je pas arrêté sur cette courte légende si, un jour de grand soleil d'été, je ne m'étais auparavant arrêté au bord du Bug, parmi les pins et sur du sable fin.
Je m'étais arrêté là parce que le décor et les parfums de résine chaude auraient pu faire croire, en fermant doucement les yeux, qu'on se trouvait, non point à une cinquantaine de mètres de la Biélorussie,  mais bien  de l'autre côté du continent, au cœur de l'île d'Oléron.
J'étais donc là à rêvasser et à méditer sur le pouvoir évocateur des paysages et de leurs odeurs, quand j'aperçus un peu plus loin sous la pénombre bruissante de la pinède, dans une petite trouée, une vieille maison de bois, visiblement abandonnée.  Rien de bien original, me direz-vous et impatients que je vous sens...
Mais attendez
un peu que je vous dise.
Car cette maison, quoique orpheline, solitaire, dégageait pourtant quelque chose d'étrangement présent. Une sorte de palpitation. Le bois, un peu vermoulu, en était propre, les volets en bon état, le toit de chaume non éventré,  assez bien peigné même, et la végétation alentour, quoique abondante, semblait plus disposée à la protéger qu'à la vouloir  ronger.
Cette maisonnette m'a ému, tant que, lisant bien plus tard le récit de Marya Kasterska, je l'ai spontanément reconnue. Forcément, il ne pouvait s'agir que d'elle. La légende avait soudain un lieu et prenait corps dans mon esprit.

J'ai donc appris que dans cette maison, au  temps jadis des Yadzvingues, la clef en  était toujours soigneusement disponible, posée sur la serrure. Chacun, à sa guise, pouvait ainsi y entrer.
Et chacun trouvait là un feu qui crépitait dans un grand poêle de faïence verte, une table agrémentée de quelques fleurs séchées et garnie de légumes frais, de fruits et de viande. Dans un coin, tout près du poêle, une couche molle à souhait attendait patiemment qu'on vienne s'y  reposer.
Les tourbillons verdâtres du Bug berçaient alors le sommeil du voyageur tandis qu'au-dessus du toit de chaume le souffle de la nuit murmurait une tendre berceuse entre les branches lascives des grands pins et des bouleaux.
Mais un soir, un soir que la neige voltigeait au-dessus de la rivière, avec dans le ciel d'épouvantables nuages noirs qui semblaient vouloir toucher les cimes de la  forêt, un étranger survint. Il était très pâle, il était long et maigre,  il était vêtu de haillons maculés  de boue et il était très triste. Il se restaura, morose, insensible aux charmes du lieu, avant de s'endormir pesamment, tout crotté encore, sur le lit douillet.
Au matin, il jeta de l'eau sur le feu, fracassa les vases de fleurs, éparpilla dans les sous-bois ce qu'il restait de vivres sur la table et, ayant refermé la porte à double tour, jeta la clef dans les flots tourmentés du Bug.
Depuis lors, la maison est restée hermétiquement close. Bien des gens des alentours, bien des voyageurs  - et même un conteur -  ont essayé de l'ouvrir et de lui redonner vie.
Mais tous ont frappé vainement à sa porte.
Aussi vainement que s'ils eussent frappé le couvercle d'un lourd cercueil.

08:00 Publié dans Contes et légendes de Podlachie | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

J'ai senti l'odeur des pins, humé les parfums de résine chaude, entendu les flots du Bug ; je t'ai vu assis non loin de la maison et peut-être bien était-ce aussi au cœur de l'île d'Oléron.
Il est un vieux serrurier quelque part sur le continent qui a les clefs de toutes les maisons. Nous rouvrirons la vieille maison de bois, non loin du Bug...

Écrit par : Michèle | 20.05.2010

Ah, je voué où il est ce vieux serrurier....Quelque part vers La Courtine...Limoges peut-être. Mais saura t-il intervenir contre une malédiction ?

Écrit par : Bertrand | 20.05.2010

Cette histoire me fait penser au moinillon du «Pavillon d'Or» de Mishima, qui doit tuer la beauté insupportable, y mettre le feu...
On a rebâti le Pavillon d'Or.
La maison pourrait sûrement être réenchantée.
Je pense que le serrurier de Limoges arriverait à fournir une clé, mais ensuite?
Peut-être, comme les sources, y a-t-il eu résurgence, ailleurs?
Surveillez ces petites maisons de bois!

Écrit par : Natacha | 20.05.2010

Chère Natacha, le serrurier de Limoges tarde cependant à se manifester...

Écrit par : Bertrand | 21.05.2010

Peut-être a-t-il définitivement fermé sa boutique et est-il parti en voyage. Ou peut-être est-il mort, tout simplement, comme son voisin nonagénaire l'a déjà cru plus d'une fois.

Belle image que celle de cete maison d'abord ouverte à tous et puis irrémédiablement fermée.

Écrit par : Feuilly | 21.05.2010

Ah, voilà des nouvelles du serrurier ! Et des nouvelles qui viennent de quelqu'un de fiable, quelqu'un qui le connait mieux que personne...

Écrit par : Bertrand | 21.05.2010

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