11.04.2014
L'exil et la mort
Les juifs qui vivent en France ou ailleurs - tout du moins beaucoup d'entre eux même si j’en ignore la proportion – se font enterrer à tout prix sur (sous plus exactement) la Terre promise.
Ils font ce qu’ils veulent, ces braves gens, là n’est pas le problème, et quand bien même seraient-ils chrétiens, athées, bouddhistes ou derviches tourneurs, que j’aurais à leur égard les mêmes réflexions de perplexité.
C'est le genre de précautions farfelues et convenues qu'on est toujours tenu de prendre dès qu'on parle des juifs, dans un monde imbécile aplati par la culpabilité, la fausse conscience et la posture qui dicte que l'apparence prime sur l'essentiel. Toujours faire montre de son honnêteté et montrer âme blanche.
Des autres, on peut parler un peu plus à la légère. Sans offenser toutefois.
Bref, cette étrange pratique de vouloir faire dormir ses os ailleurs qu'au cimetière le plus proche, me semble le comble des inconfortables tourments - passez-moi le pléonasme- d’un exil. Comme si la terre, le pays, le bout de ciel où vous avez vécu votre vie, où vous avez aimé, où vous avez construit, pleuré, ri, bu et mangé tout votre soul, n’était pas assez sainte ni même assez saine pour accueillir votre précieux cadavre.
Ou alors comme si ceux qui restent derrière vous, les voisins, les amis, ceux que vous avez salués, n’étaient pas dignes de marcher et de respirer dans le voisinage direct de votre céleste sommeil.
Mépris ? Humm… Je l’ignore. Croyance en un dieu tellement sectaire qu’il ne vous accompagne dans votre salut que si vous reposez là et non pas là ? Chez lui, en fait. Un dieu contractuel, comme l’écrivait Nietzsche ?
Pour sûr que je ne voudrais pas d’un dieu pareil pour me conduire à travers ciel. Un dieu universel, un absolu, une entité des étoiles infinies, un dieu tellement évident qu’il n’a pas même besoin d'église pour être un dieu, ça, oui. Ou encore, mais à la grand’ rigueur, pas de dieu du tout.
Car un dieu qui discriminerait, qu’aurait-il de plus divin que le moindre des moindres mortels ?
Quand je mourrai, quand le croque-mort m’emportera, quand sonnera l’heure blême, donc, je ne chanterais pas à l’instar du Poète : que vers le sol natal mon corps soit ramené…
Car c’est sous ce coin de ciel polonais, tantôt glacé, tantôt étouffant, sous ces nuages qui courent de la mer noire à la Baltique, sur cette plaine qui se déroule de forêts en forêts, que j’aurai fini de tracer ma piste. Je dormirai sous ce pays qui, sans ambages, m’avait ouvert tout grand ses bras, avait tiré la chaise et m’avait invité à m’asseoir à sa table, sans rien demander de mes racines profondes.
Je dormirai là. Loin de ma langue et de la terre de mes ancêtres. Par respect pour tous ceux qui m’ont salué et avec lesquels j’aurai partagé un bout de route, un bout de terre, un bout de monde.
Je dormirai chez eux ; un chez eux qu’ils ont fait chez moi.
Ce sera mon hommage posthume à la vie. Une vie qui habita, et non qui passa dans l'opportunité.
10:43 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : littérature, écriture | Facebook | Bertrand REDONNET
09.04.2014
Stéphane Beau : approfondissement
Tentative d'équilibrisme
L'intérêt principal d'un blog, à mes yeux, c'est d'offrir un espace où la réflexion peut se développer au fil des jours, un peu comme dans un journal intime, mais avec une certaine obligation de rigueur et de cohérence due à son caractère public. C'est dans cet esprit que je poursuis aujourd'hui mes réflexions sur l'idée de barrière, ébauchée ici.
La barrière, qu'elle soit réelle ou virtuelle, coupe toujours le monde en deux. C'est là une évidence, je le sais, mais le grand tort des évidences, c'est justement qu'on finit par ne plus les voir. D'où la nécessité d'aller les chatouiller quelque peu, de temps en temps.
Dans notre vie quotidienne, nous nous comportons en général comme si les barrières étaient des réalités indiscutables, immuables, occupant logiquement, presque naturellement, la place qui est la leur. Dans les esprits, prédomine d'ailleurs l'intuition que la coupure pré-existe à la barrière qui ne vient au final que réunir deux parts distinctes, un peu comme la suture vient recoller les deux lèvres d'une coupure. La barrière n'étant pas envisagée alors comme ce qui sépare, mais comme ce qui rattache, comme ce qui permet de maintenir un semblant d'unité et de sens à l'ensemble. Son absence serait synonyme de chaos.
Car la barrière, on l'oublie trop souvent, a pour fonction première d'offrir aux hommes un repère, au même titre qu'un phare ou qu'une balise, et de fixer du même coup des normes qui s'appliquent à tous. En effet, pour qu'une barrière soit agréée par tous comme concrétisant une séparation objective il faut qu'elle repose sur une convention tacite. Tout comme le mètre, le litre, le degré centigrade ou l'hectopascal, la barrière pose un cadre conventionnel qui n'a de sens que si l'on en accepte le principe. Ce qui n'est pas toujours si simple, comme on peut le voir par exemple dans nos relations parfois tendues avec les peuples traditionnellement nomades qui, n'entendant pas la dimension conventionnelle de la barrière, ne comprennent pas ce qu'elle prétend scinder, et considèrent qu'elle n'a pas, symboliquement, plus de valeur normative qu'un arbre ou qu'une colline.
Si on visualise assez aisément les barrières physiques, on est généralement beaucoup moins à l'aise avec toutes les barrières psychologiques, morales ou idéologiques, qui balisent nos pensées et nos actes. Pourtant elles existent et elles fonctionnent de la même manière. Dans le domaine des idées, des valeurs, ou des croyances, aussi, les barrières viennent marquer une coupure entre deux mondes. Et là encore, l'erreur commune consiste à croire que la coupure pré-existe à la barrière ; qu'il existe par exemple un bien et un mal clairement différents, un vrai et un faux nettement distincts et que la barrière, là encore, se contente de concrétiser la ligne de fracture. Sauf que la réalité est beaucoup plus complexe, voire confuse, que cela.
Les barrières, que ce soit dans le monde physique ou dans le monde psychique, on l'oublie trop souvent, ne symbolisent pas des faits, mais des choix. Leurs emplacements ne doivent jamais rien au hasard. Bien au contraire, l'art de placer - et de déplacer - les barrières a toujours été éminemment stratégique. C'est une guerre de positions. Poser une barrière, ce n'est pas seulement délimiter son propre camp, c'est également définir, par défaut, celui de ses ennemis. Et, dans le champ des idées, cela est loin d'être neutre. Car, en plantant ma barrière, en plus d'affirmer mon droit, j'impose arbitrairement à mon adversaire le cadre dans lequel il devra exercer le sien.
Pourquoi est-ce que je vous explique tout cela ? Parce que mon dernier billet, disant que j'avais le sentiment, sur la question du féminisme, de me situer du mauvais côté de la barrière, ne me satisfaisait pas. Pas plus que ma conclusion laissant supposer qu'un jour les choses s'inverseraient et que je finirais par me retrouver du bon côté (même si du point de vue l’ego c'était une jolie chute qui m'accordait généreusement le bon rôle). En prétendant cela, je restais en effet englué dans le piège tendu par ceux qui ont intérêt à décréter que les barrières sont des réalités intangibles et que l'on n'a pas d'autre option que de choisir le côté derrière lequel on doit se ranger.
La question qui se pose à moi, maintenant, est la suivante : comment peut-on s'affranchir malgré tout de ces barrières, les dépasser, les contourner, les éviter. Nietzsche nous a déjà indiqué une piste : se situer définitivement par-delà le bien et le mal. Il nous a également proposé une posture : celle du danseur de corde qui confie sa destinée aux lois de la pesanteur. D'où l'hypothèse que je pose ici : le meilleur moyen de s'affranchir des barrières n'est-il pas de grimper dessus et de rester en équilibre sur leurs tranches, là où les deux camps se rejoignent et retrouvent leur unité première ? Position délicate, certes, inconfortable car elle attisera incompréhension et haine dans les deux camps.
Position difficile, donc, mais en existe-il une autre possible quand on a la prétention de vouloir être honnête ?
Stéphane Beau
08:29 Publié dans Stéphane Beau | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature, écrtiture | Facebook | Bertrand REDONNET
07.04.2014
Devinettte pas facile...
« Imprédictibles, ces coups d'éclat contraignent les services de renseignement à déminer le danger en multipliant les cyber-patrouilles. Des groupes d'enquête spécialisés explorent blogs, pages Facebook ou messages sur Twitter. Prévoir nous oblige à des investigations plus poussées, concède un officier. Par mots-clés, nous tentons de cibler des profils à risque et des mots d'ordre, mais cela reste aléatoire.»
Ah, lecteur lointain, doux et paisible lecteur, toi qui, tout comme moi sans doute, regardes s’agiter le monde dans ses ébats et ses débats de plus en plus liberticides, qui te dis peut-être que nous avons, nous-autres, cette chance historique, acquise de haute lutte, de vivre sous des cieux éclairés où fleurissent les fleurs toujours nouvelles des démocraties apaisées, de quel pays indigne parle donc ce petit paragraphe édifiant, prélevé dans la presse ?
De la Tunisie ? De l’Ukraine ? De la Russie de Poutine ? De la Chine ? De l’Inde ? Du Pakistan ? De la Corée du Nord ? De l’Afghanistan ? De l’Irak ? De la Lybie ?
Allez, encore un petit effort… Oui, oui, c'est ça... Tu brûles, lecteur !
09:30 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : littérature, écriture, politique | Facebook | Bertrand REDONNET
05.04.2014
Stéphane Beau : un texte témoin
Ce texte me touche particulièrement par sa force de renversement. L’ami Stéphane nous montre en effet comment l’idéologie dogmatique, sectaire, totalitaire, de la gauche bien-pensante - toutes fausses tendances confondues, même jusqu'à ses extrêmes - peut nous acculer à prendre des positions jugées par elle réactionnaires alors qu’elles ne sont que des tentatives pour rétablir le bon sens, l'honnête sens, du réel.
Il a raison, Stéphane, même s'il ne s'en ouvre pas expressément : Zemmour dit moins de conneries et de saloperies que Bernard-Henri Lévy. Une femme du peuple, de droite mais de bon sens, qui se situe naturellement sur un pied d'égalité avec son compagnon, qui n'a nul besoin pour ce faire que des grenouilles-prêtresses suivies des enfants de choeur de la pensée convenable lui servent la messe, qui aime son compagnon, qui aime qu’on la respecte et qui veut aimer l’amour et la vie, énonce moins de dégueulasseries que Vallaud-Belkacem, baptisée à la tambouille PS, version "ambitions démesurées".
Les idéologues de la contre-vérité érigée en humanisme ont détruit tous les repères afin que ses sujets errent désormais sans boussole sur l’océan des infâmes solitudes.
On parle de dérive droitière. J’ai un sourire amer, crispé. La nausée du dégoût : c’est exactement à ce prétexte que Staline fit torturer et fusiller tous les communistes et anarchistes de la première heure !
La pensée socialiste est le dernier stade du pourrissement du stalinisme et l'homme libre se situe par-delà ses discours autorisés. Par-delà aussi les ignominies droitières et les manœuvres répugnantes de la pensée de gauche. L'homme libre est dissident. A l'écart. En-dehors.
Il se doit ainsi d'être fier de toutes les insultes dont le couvre la horde miaulante des salopards !
Le bon côté de la barrière
Ma mise en accusation du dogme féminisme, que ce soit sur ce blog ou dans mon livre sur les Hommes en souffrance a, je le vois bien, posé quelques problèmes même à ceux qui me connaissent et qui me lisent habituellement. Car critiquer le féminisme aujourd'hui, dans l'esprit de beaucoup c'est, sur le plan politique et idéologique, prendre place du mauvais côté de la barrière. Mais comme ces lecteurs-là savent à qui ils ont affaire, ils ont généralement assez bien compris ce que je voulais dire. Par contre, ceux qui ne me connaissent pas ou mal, ont globalement porté sur mon travail des jugements sans appel (et légers en termes d'argumentation, ceci dit en passant...) : « risible », « masculiniste », d'une « bêtise crasse », « réactionnaire », « misogyne »... aucun rachat possible.
Je mentirais en disant que cela ne me touche pas, ne me trouble pas, ne me questionne pas. Car comme le fait très justement remarquer Philippe Ayraud dans la recension qu'il a consacrée à mon livre, je reste persuadé que je porte clairement le cœur à gauche, parfois même très à gauche, depuis toujours. Avec tout le pack psychologique et idéologique – pas toujours conscient – qui va avec : la certitude d'être du « bon » côté de l'histoire, celui des faibles, des opprimés, d’être dans le camp de la justice et du bien général. Bref, d'être un « gentil ».
Et là, brusquement, en m'en prenant au féminisme, considéré par beaucoup comme étant un des plus nobles combats de la gauche contemporaine, je me retrouve non seulement à m'opposer à celles et ceux qui me sont habituellement les plus proches et du même coup à partager certaines convictions avec ceux que j'avais toujours tenus comme étant indubitablement mes adversaires : penseurs de « droite » voire d’extrême droite, cathos, traditionalistes bornés...
Alors forcément, je me suis posé la question – et je me la repose encore régulièrement – suis-je en train de déconner ? Me suis-je trompé de route ? Quelque part, j'aimerais bien, cela simplifierait nettement les choses pour moi. Mais j'ai beau retourner le problème dans tous les sens, et même si cela m'embête, j'en reviens toujours à la même conclusion : le féminisme, tel qu'il se développe actuellement est une idéologie dangereuse qui ne pourra rien produire de bon sur du long terme. Et aujourd'hui, oui, hélas, face à ce dogmatisme froid, aveugle, fermé au dialogue et aux débats, c'est chez les penseurs « réactionnaires », de droite, hostiles à la gauche, que l'on trouve parfois les réflexions et les critiques les plus intelligentes dans le sens où elles nous invitent à de réels questionnements.
Qui sont les responsables de cet état de fait ? Ceux qui, comme moi, essayent d'y voir clair, de comprendre, ou ceux qui ont transformé le féminisme en en bloc compact, inattaquable, indiscutable ? Dans un article paru dans le n°1 de la nouvelle fournée de l'Idiot international (1er avril 2014), Stéphane Legrand s'en prend par exemple à la « dérive droitière » de Michel Onfray qui a, dans un article de son site internet, dit sa prise de distance avec l'idéologie du genre. Dérive droitière. Qu'est-ce que cela veut dire ? Je ne suis pas un grand fan d'Onfray dont j'ai déjà pu dire le peu de bien que je pensais à plusieurs reprises. Mais pourquoi parler ici de dérive droitière ? Je reste persuadé que l'on peut être très critique (dans le sens constructif du terme) vis-à-vis de l'idéologie du genre et rester de gauche. Car si dérive il y a, ne peut-on pas l'imputer plus justement à ces gardiens du temple de ce que Jean-Pierre Le Goff nomme assez justement le « Gauchisme culturel » qui, en fermant la porte à tous débats, laisse les clés de l'intelligence à la disposition de leurs adversaires ?
Et parmi ces adversaires, s'il y en a de parfaitement abjects et lamentables, on en trouve aussi de brillants. C'est pour ça qu'aujourd'hui, hélas, c'est chez les « réacs » qu'il faut peut-être aller rechercher ces clés de la résistance au nivellement du monde, des humains et des idées ; chez les râleurs, les énervés, les infréquentables, Nietzsche, Georges Palante, Léon Bloy, Léon Daudet, Barrès, ou, plus proches de nous Cioran, Philippe Murray, Alain de Benoist, Michel Maffesoli... Autant de penseurs qui, même s'ils peuvent parfois emprunter des routes discutables, même si on peut parfois se retrouver en complet désaccord avec eux, ont au moins ce mérite de n'avoir jamais eu peur de mettre les pieds dans le plat et d'appeler un chat un chat.
Il faudra donc que je m'habitue à être un réactionnaire. Cela ne devrait pas me poser trop de problèmes car, après tout, réagir à l'évolution du monde actuel ne me semble pas être criminel. Résister aux surenchères de la société de consommation, aux méfaits du libéralisme économique, à la destruction de l'équilibre écologique, lutter contre la transformation et l'uniformisation des humains modelés pour n'être plus que des consommateurs décérébrés, voilà des combats qui me parlent. Et être de gauche aujourd'hui, être écolo, être hostile au modèle capitaliste, c'est quelque part être réactionnaire justement, c'est espérer que l'humanité donne un petit coup de frein à son évolution et revienne à un peu de bon sens, quitte à revenir sur ses pas dans certains domaines. Être de gauche, c'est affirmer son amour des humains, certes, mais surtout de leurs différences, de leurs cultures, de leurs parcours, de leurs spécificités, de leur intégrité. Être de gauche, c'est regretter qu'aujourd'hui les ouvriers ne soient plus fiers d'être ouvriers, que les agriculteurs ne soient plus fiers d'être agriculteurs, que les femmes ne soient plus fières d'être des femmes, que tous et toutes n'aient plus qu'une seule ambition : ressembler à un modèle unique qui mange pareil, s'habille pareil, pense pareil, fantasme pareil, lit les mêmes livres, voit les mêmes films, achète ses meubles dans les mêmes boutiques... Être de gauche, c'est refuser que les hommes et les femmes ne soient plus que des corps soumis à des normes hygiénistes de plus en plus totalitaires...
Être de gauche aujourd'hui ce n'est plus voter socialiste ; être de gauche c'est accepter d'être réactionnaire, au sens noble du terme. C'est lutter contre tous les mouvements sociétaux dogmatiques susceptibles d’entraîner le monde à sa perte. Et parmi ces mouvements, il y a le féminisme. Aujourd'hui, le critiquer me rejette du mauvais côté de la barrière, comme je l'ai dit. Mais ce n'est pas définitif, je le pressens. Nous en reparlerons dans cinq, dix ou vingt ans. Les côtés de la barrière s'inverseront forcément et le bon sens retrouvera ses droits.
Stéphane Beau
14:00 Publié dans Stéphane Beau | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : littérature, écriture, politique | Facebook | Bertrand REDONNET
27.03.2014
Le numérique : une réforme, pas une révolution
Il y eut successivement - et en même temps durant des périodes charnières plus ou moins longues - l’odeur, le gestuel et le grognement, puis la parole, puis, enfin, le langage.
Certains paléontologues attribuent au langage, autrement dit à la faculté de désigner le monde par des sons particuliers bientôt structurés, la suprématie de Cro-Magnon sur le Neandertal, jusqu’à la disparition complète de ce dernier.
Ce serait donc grâce à la maîtrise de la communication qu’une espèce se serait imposée à une autre, jusqu’à la faire disparaître au cours de la longue conquête de la planète. Une espèce qui parle, qui a une conscience parlée, est donc, déjà, beaucoup plus armée dans la lutte pour la survie qu’une autre qui n’a pas encore acquis ces techniques et en est restée au gestuel et aux onomatopées, aux cris et aux grognements. Imaginer par exemple que les loups, dotés d’un langage complexe et seulement intelligible à l’intérieur de leur espèce, auraient pu vaincre les hommes et s’imposer à leur place dans l'environnement, n’est, à mon sens, une idée farfelue que pour les farfelus dans leur conception de l‘organisation et de la genèse des sociétés.
Le langage fut ainsi la première grande et victorieuse révolution des hommes dans leur entreprise de domination du monde.
Faisons l’impasse sur des siècles et des siècles au cours desquels s’affina ce langage, jusqu'à être capable de dépasser sa fonction primaire d’oralité et de se doter d’une représentation graphique. Nous abordons la théorie du langage, c'est-à-dire l’écriture, et nous sortons ainsi de la Préhistoire pour rentrer triomphants dans l’Antiquité.
L’écriture, fille de la parole, fut ainsi la deuxième grande et victorieuse révolution des hommes dans leur longue entreprise d’appropriation de leur environnement.
Il n’y en eut plus aucune de cette envergure. Les autres révolutions dans cette appropriation par la conceptualisation, ne consisteront désormais qu’en de gigantesques réformes à l’intérieur même de la parole et de l’écriture.
La première de ces grandes réformes, celle qui a bousculé la vitesse de diffusion du langage, fut l’imprimerie. Ceci dit en passant, non inventée par le sieur Gutenberg comme l’ânonnaient nos premiers livres d’histoire au chapitre CM2 des Grandes inventions et découvertes, mais par lui perfectionnée au point de la rendre incontournable. Mais Gutenberg n’a pas plus inventé l’imprimerie que Google n’a inventé internet : Il en a eu "l'intelligence".
Il nous faut encore faire l’impasse sur presque un siècle avant que l’ingéniosité des caractères typographiques, en métal et mobiles, ne porte, ailleurs que chez le clergé tout occupé à faire imprimer ses livres saints, ses véritables fruits.
Un siècle où l’imprimerie ne révolutionna rien du tout et, même, n'intéressa quasiment personne. C’est Luther qui, le premier, comprit l’utilisation militante qu’on pouvait tirer de la nouvelle technique. C’est par l’écriture qu’il afficha ses 95 thèses à Wittenberg, thèses qui jetèrent les fondements de la Réforme et du luthérisme. Mais, si on en était resté à cette diffusion, le luthérisme en serait resté, lui, au stade confidentiel. L’imprimerie vola à son secours et c’est par milliers d’exemplaires et de brochures que se dispersèrent les principes du protestantisme. Quand Rome prit la mesure du danger et voulut intervenir, il était bien trop tard : la quasi-totalité de l’Europe était au courant des fameuses thèses, approfondies et développées.
L’écriture imprimée selon Gutenberg ne cessa dès lors de se perfectionner encore, de plus en plus, et de servir de point d’appui essentiel à la diffusion de l’art et de la pensée.
Je fais à nouveau l’impasse sur six siècles de ce perfectionnement et j’en arrive au numérique.
Mais je ne passe pas pour autant d’une Préhistoire à une Antiquité ou d’une Antiquité à un Monde contemporain ou d’un Monde contemporain à un Monde plus nouveau encore ; je reste à l’intérieur de l’écriture et de la socialisation de la pensée, choses acquises depuis longtemps. Je suis encore dans l’Antiquité. Je change de support. Je change de technique. Pas d'ère humaine.
Car un examen approfondi des sociétés dans lesquelles ces situations successives d’évolution de la communication, très sommairement évoquées ici, ferait apparaître que ces révolutions et réformes de la propagation du langage et de la pensée n’étaient pas des exigences en soi, pour la beauté du geste, si j’ose, mais étaient fondamentalement dictées par des révolutions existant en profondeur dans les infrastructures de ces sociétés : on changeait à chaque fois de mode de production des besoins, on changeait à chaque fois de structure sociale, on élargissait aussi les horizons de la machine ronde, on traversait des mers jamais traversées, on découvrait des terres jusqu'alors ignorées.
En gros, le langage de Cro-Magnon avait annoncé la Préhistoire et l'organisation hiérarchique, structurelle, du clan, l’écriture avait annoncé l’organisation étatique de plus en plus centralisée ainsi que la littérature et la philosophie, l’imprimerie avait annoncé la fin de la féodalité et la Renaissance... Ce qu’annonce le numérique n’est pas encore audible.
La vitesse de communication d’internet, la concentration du savoir qu’il détient dans sa sphère, savoir directement accessible, est complètement décalée, presque jusqu’au handicap, quand on considère que les hommes en sont en même temps restés aux sources d’énergie du XIXe siècle, charbon et pétrole, et que les sociétés, toujours courbées sous la dictature économique, n’ont pas avancé d’un poil, sinon dans l’accumulation perfectionnée de marchandises de plus en plus inutiles.
Il y a là un hiatus que le monde n’est pas prêt de rendre agréable à l’oreille.
L’adaptation du monde au nouveau mode de diffusion du monde, ne semble pas pour demain. L’esprit de ce qui s’écrit sur internet ne révolutionne en rien, absolument en rien, l’esprit, ni n’ouvre d’autres projets de société, d’autres destinations humaines, d'autres façons du construire ensemble. La preuve : on se bat aux quatre horizons du monde comme on se battait à l'Antiquité, au Moyen-âge et à toute autre époque.
Dès lors, nous pataugeons presque dans l’inutilité en perfectionnant un outil de communication sans changer le destin de ce que nous avons de fondamental à communiquer. Nous risquons - si ce n'est déjà fait - de faire ainsi de notre langage un simple bavardage, un luxe divorcé du réel, comme le serait la faux extraordinaire d'un cantonnier là où l'herbe ne pousse jamais plus.
Autant dire, pour la première fois dans l'histoire, nous risquons de signifier la fin de la communication par manque de matière à communiquer, comme un moulin finit par se briser quand il continue de tourner et qu’il n’y a plus de grain à moudre.
Le numérique, donc, celui avec lequel nous écrivons, n’aurait pas été plus pauvre qu'il n'est actuellement avec Balzac, Zola ou Maupassant tenant un blog. C’est dire comme ils étaient en avance, ceux-là, ou alors, plus sûrement, comme nous sommes encore en retard, nous autres, et combien nous manquons d'esprit d'initiative pour réinventer, non pas les outils du monde, mais le monde lui-même.
J’ajoute que diffuser Balzac, Maupassant ou Zola en numérique revient à faire du numérique l'outil performant d'un stockage rationnel, si cher aux thuriféraires de la production capitaliste. Avoir 2500 livres dans sa liseuse et dans la poche intérieure de son blouson, relève plus de la performance technique que d'une technique de la performance. Cela revient à satisfaire sans satisfaction une préoccupation majeure de la fin du XIXe siècle jusqu'au milieu du XXe en matière de conditionnement des marchandises, jusqu'à la " géniale trouvaille" du flux tendu supprimant la logique du stockage.
Avouons que pour pratique que ce soit, il n’y a pas de quoi sauter aux nues ni de quoi crier à la révolution fondamentale ! A moins d'être résolument du parti pris des imbéciles qui, comme chacun le sait, est le parti majoritaire auquel, pourtant, chacun d'entre nous se défend d'appartenir...
Je crois donc que les ethnologues du futur ne situeront pas la révolution numérique au XXe siècle, ni même, peut-être, au début du XXIe siècle. Ils la situeront - si tant est qu'elle intervienne un jour - quand le numérique aura fait la preuve qu'il a changé le mode de fonctionnement des sociétés, en a amélioré considérablement le destin et l'esprit.
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26.03.2014
Limites
En ce minuscule lieu perdu de l'arrière- campagne, les pieds sur la mousse humide, je mesure combien est encore dérisoire, préhistorique, antédiluvienne même, l’organisation des hommes entre eux.
Si je fais deux pas en avant, je réintègre mon monde. Je suis en Europe, Schengen, je suis sous les lois de Paris, de Madrid, de Lisbonne, de Rome et de Trifouillis les oies…Je n’ai pas besoin de visa sur un passeport, je n'ai même pas besoin de passeport du tout, je suis quasiment à la maison.
Si je pouvais faire deux pas en arrière, toutes les lois et la plupart des valeurs qui régissent ma vie sociale seraient abolies en une seconde à peine. Même mon alphabet, mon cher alphabet, celui que j'ai appris en culottes courtes, au début, avec lequel tous les jours j’essaie de me dire dans ce monde, ne me serait plus d’aucune utilité.
Peut-être même irais-je manu militari tâter de la paille humide du cachot néo-collectiviste.
Je mesure, là, combien est fragile la liberté de mettre un pied devant l’autre sur une planète aplatie sous la botte et raccommodée, rapiécée, par la politique des hommes. Homo erectus, lui, passait les fleuves, les ruisseaux et les montagnes sans avoir à montrer patte blanche. Homo erectus ignorait la politique. Une ignorance qui faisait de lui un savant.
J’ai une vague impression, aussi, d’avoir toujours vécu ici. Sur des frontières. Entre crépuscule et aurore, sans jamais savoir trop dissocier lequel annonçait la nuit et lequel anticipait la lumière. Sinon par l'illusion et la volonté d'exister. Vécu sur l'expérience des limites.
De l'autre côté de ce poteau blanc et rouge, commencent les Russies. Celle de Minsk et celle de Moscou. Où ronronnent des canons. Au cas où...
Et je me demande bien ce qu’en pensent les gens de la ferme, là, tranquilles, peinards, sur leur petite colline. Savent-ils qu’ils sont un pointillé. Un pointillé virtuel sur la carte et tellement dangereux sur la terre ferme, quand la folie risque de rallumer une fois encore le feu aux poudres.
Et ces grands corbeaux que je vois tournoyer, avec des reflets bleus sous leurs ailes déployées, qui vont d’un saule à l’autre, d’une rive à l’autre du fleuve, qui croassent d'un système à l'autre, savent-ils leur supériorité politique ?
Qu’ils sont bien au-dessus de l'intelligence barbare des hommes ?
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24.03.2014
Illusions
Un homme vit aussi d’illusions. C’est là son voyage dans la stratosphère, sa projection dans les ailleurs, et seuls les imbéciles, les pragmatiques, les menteurs et les salauds (qui sont souvent les mêmes) prétendent ne pas avoir d’illusions. En confondant, d’ailleurs, excusez-moi du peu, « illusions » et « espoirs », car même le désespéré a des illusions, ne serait-ce que la pire d'entre toutes : celle de croire que la mort sera plus vivable que la vie.
Ainsi suis-je également un imbécile, un pragmatique, un menteur et un salaud quand je dis à qui veut bien l’entendre que je ne me fais aucune illusion sur la capacité (voire la volonté) de la politique à changer une part du monde et à la rendre un peu meilleure.
C’est faux. Tout homme, s’il n’est un fou brasseur de néant, qui se mêle de la critique du monde, à quel que niveau que ce soit, se fait forcément des illusions. Il espère que sa critique, si peu entendue qu’elle soit, si infime soit-elle, contribuera à réparer des erreurs, lever des malentendus, mettre au grand jour des injustices, dénoncer des crimes, prévenir des catastrophes, que sais-je encore ?
Que cette critique n’atteigne que très rarement son but n’est pas, hélas, très important. Le vital est dans l’illusion. Dans le prisme déformant que crée le rapport au monde car ce prisme déformant a ses racines dans les profondeurs, non pas de l’idéologie – qui n’est somme toute que la mise en scène masquée du « moi », le tuyau social de son expression– mais de l’être que l’on est.
Ces quelques lignes pour te dire, lecteur, combien j‘ai été bouleversé, jusqu’à la nausée, par l’attitude politique de Hollande et de l’Europe entière dans le drame ukrainien. Bouleversé non pas dans mes convictions politiques, qui ne sont ni convaincues ni guère convaincantes, mais dans ma conception, mon ressenti plutôt, de l’honnêteté et de l’intelligence humaines.
Bouleversé en profondeur. Remué. Tétanisé même.
C’est donc bien que je me faisais encore des illusions en dépit de tout mon mépris pour les grands de ce monde qui, comme se plaît à le dire l’exergue de ce blog, ne sont grands que parce que nous sommes à genoux.
Je ne vais pas, une fois encore, décrire la situation. Reste qu'un gouvernement insurrectionnel qui compte dans ses rangs des nazis déclarés, est reçu à bras ouverts dans les palais républicains de toute l'Europe. Pire : à peine les morts de Maïdan (dont on ne sait toujours pas avec certitude par qui ils ont été tués) sont-ils refroidis que cette Europe signe un bout de papier de coopération avec ce gouvernement. Tout en jetant sur la Russie l’opprobre et l’indignation des gens bien, blancs comme neige, non-violents, démocrates et jamais délinquants.
La nausée, te dis-je, lecteur. Et si Toi, tu ne l’as pas encore eue, cette nausée, je me fais encore l’illusion de te contaminer par ces quelques paragraphes. J’irais même jusqu’à dire que si tu es en bonne santé, tu devrais tout de suite te sentir malade. De honte.
Et je rigole de colère ce matin quand j’entends ces Français socialisto-républicains s’indigner de ce que quelques frontistes-nationaux ont gagné (ou sont en passe de gagner) des élections municipales alors que leur lamentable chef, leur tartuffe de chef, caresse dans le dos les héritiers de Bandera et les thuriféraires de la division SS Halychyna.
Peut-on, dans ce cas-là, éprouver autre chose que le dégoût ? Me le diras-tu ? Si les tueurs de Maïdan s’étaient revendiqués de Nestor Makhno plutôt que de Bandera est-ce que l’Europe leur aurait fait ainsi les yeux doux ? Est-ce que l'onctueux Hollande miaulerait ainsi ses phrases convenues sur l'intégrité du territoire ukrainien ? Cet homme a le génie de faire en sorte qu'une vérité éculée qui sort de sa bouche sonne tout de suite comme un misérable mensonge.
Il est là, mon malaise. Dans mon (notre) impuissance à relever le défi de l’odieuse stratégie des calculateurs.
Il est aussi dans le fait de n’avoir pas été assez fort pour trouver dans mon propre bonheur d’exister, dans mon plaisir à vivre avec des gens que j’aime, loin des brouhahas, dans un village désert de la frontière européenne ; dans la satisfaction aussi de publier un nouveau livre, la force d’éviter les haut-le-cœur du désarroi.
Mon illusion ? Elle est désormais cruelle : que tous ceux qui ont joué avec les ordures se réveillent bientôt dans une poubelle.
Illustration dénichée je ne sais où par Jagoda
12:31 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature, écriture, politique | Facebook | Bertrand REDONNET
13.03.2014
Les revenants
Cet après-midi je serai à Włodawa, petite bourgade jouxtant la frontière ukrainienne.
J’y serai avec le ciel bleu, encore froid, et sous le soleil, encore falot.
Je traverserai des villages de bois et de larges forêts de pins aux bouleaux mêlés.
Je verrai, en contrebas, le Bug-frontière qui suinte sur les prairies alentour la fonte des neiges de son amont ukrainien.
Je verrai des passants, je verrai des rues et je verrai des commerces.
Tout près de là, de l’autre côté de la forêt où gémissent encore les esprits de Sobibor, je me dirai une fois encore ce que je sais déjà par cœur et par le cœur : que les hommes sont des chiens qui ne retiendront jamais rien de la piste qu’ils ont suivie…
Je penserai à la Pologne une nouvelle fois - mais cette fois-ci par la vanité d’être européenne - aux premières loges du danger ; danger dont les occidentaux n’auront cure si, par malheur, la folie venait à glisser du mauvais côté de l’esprit…
Et je penserai, comme je le pense en cet instant, que l’Histoire est cruellement ironique : Yalta est une station balnéaire de Crimée…
Cet après-midi, je serai à Włodawa, petite bourgade jouxtant la frontière ukrainienne.
Jagoda me dira peut-être – comme elle m'a récemment dit – qu’elle a peur de la guerre. Et je m’esclafferai, goguenard, grand sage et bonhomme, en disant que les guerres, pouah, ah ! ah ! ah ! c’est comme les revenants : ça n’existe que dans les cauchemars et les mauvais livres !
11:15 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature, écriture | Facebook | Bertrand REDONNET
11.03.2014
Vient de paraître : Le Diable et le berger
Pour lire plus confortablement et, le cas échéant, commander, c'est ici
10:11 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture | Facebook | Bertrand REDONNET
09.03.2014
Métaphysique de l'amour
Quand on fait l'amour sans la sublimation amoureuse, on tire un coup ou on se fait mettre.
C'est selon.
Quand on fait l'amour par amour, quand la sensualité passe aussi au spirituel, on engage un combat avec la mort dont on ressort vainqueur.
Pour un temps encore...
14:23 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : littérature, écriture | Facebook | Bertrand REDONNET
28.02.2014
Ecriture et littérature
En fait, nous avons certainement plus besoin de la littérature qu’elle n’a besoin de nous. Ceci dit dans l’abstraction, si on lui prête une identité autonome dans l’humaine civilisation, si on la considère comme une vertu de notre patrimoine. Elle a ses étoiles qui brillent au firmament, elle a ses lettres de noblesse, elle a son royaume.
Chaque écrivain, avec l’esthétisme qui est le sien, avec son positionnement particulier au monde, avec son histoire individuelle, la nourrit régulièrement de ses écrits. Certes. Mais ce n’est pas pour l’enrichir qu’il agit ainsi, ce n’est pas pour « porter le maillon de sa chaîne éternelle », mais bien pour qu’elle daigne lui ouvrir ses portes et qu’elle veuille bien le compter bientôt parmi les siens.
C’est pourquoi un écrivain - au risque de se déconsidérer lui-même - ne peut pas être modeste, sinon de sycophante façon ; en mièvre faux-cul. Car lorsqu'on en vient à se déconsidérer dans une activité cérébrale ou artistique, à moins d’être un maso – car la déconsidération de soi est aussi souffrance - on passe à autre chose. On va vers quelque chose qui serait peut-être mieux à sa portée.
En essayant de ne pas descendre trop bas toutefois.
A la veille de publier un nouveau livre, ces considérations m’embarrassent ; Quel est le plaisant objectif poursuivi ? Quelle motivation ? Être lu. Tout écrivain, s’il n’est pas le grand Montaigne qui assurait dans son introduction aux Essais n’écrire que pour lui-même, écrit pour ça. Comment pourrait-on dès lors faire montre de modestie quand on s’est persuadé d’avoir quelque chose à offrir qui vaille la peine d’être offert ?
A-t-on déjà vu un écrivain qui clamait que son livre était insipide et n’apporterait rien à ses lecteurs, qu’il ne valait même pas la peine qu’on perde un temps précieux à le lire ? Quand je dis « ne rien apporter à ses lecteurs », je parle de plaisir de lire une écriture censée avoir été soignée, une fiction – si tant est qu’une fiction existe - bien ficelée, et non pas ouvrir l’esprit des lecteurs vers des horizons nouveaux, les éduquer, leur montrer la bonne route ou je ne sais encore quelle autre indigeste et malsaine billevesée.
A la veille de publier un nouveau livre, ces considérations m’embarrassent donc. Pourquoi suis-je tellement content ?
J’ai un poulailler à construire, des livres à lire, une clôture à faire, du bois à fendre, un voyage à entreprendre et, en plus, ce qui se passe de l’autre côté de la frontière ukrainienne, la déstabilisation téléguidée par l’OTAN et ses petits valets de pied tels Hollande, ne cesse de me révolter et de m’inquiéter...
Alors ?
Serais-je vaniteux au point de considérer que faire plaisir à d’éventuels lecteurs, est ma plus grande satisfaction ? Que je suis bon ? Je n’ai pourtant rien ni de l’altruiste forcené, ni du philanthrope, ni du bon Samaritain. Je n’ai pas mauvais cœur, je ne suis pas un mauvais bougre, certes, même si j’ai mauvais caractère, mais de là à n’être préoccupé que du plaisir de l’autre, il y a un monde.
La réponse est donc sans doute à l’intérieur. Plus loin en moi. Beaucoup plus profonde et moins accessible que toutes ces considérations.
Décortiquer son plaisir, c’est déjà l’entacher de déplaisir, n’est-ce pas ? Le fait est donc acquis : j’ai certainement plus besoin de la littérature qu’elle n’a besoin de moi.
Dès lors, ce sont mes futurs lecteurs qui sont bons. Et non mézigue.
Mais s’il est vrai, comme le note Stéphane Beau dans la préface ouvrant Le Diable et le berger, que « […] la pointe de sa plume [la mienne] a incontestablement été taillée aux siècles passés…» pourquoi ne trouvé-je pas dans mon encrier les mots qui colleraient à mon temps ?
Là, j’ai une réponse dont je suis certain : parce que je n’y colle pas du tout, à ce temps. Parce que je n’y ai jamais collé. Ni de loin, ni de près.
Et, stricto sensu, il n’y a là-dessous pas l’ombre d’une quelconque et sournoise vantardise, mais, bien au contraire, constat d’une incompatibilité d’humeur qui ne fut pas toujours confortable à vivre...
Agréable week-end à tous !
11:44 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : littérature, écriture | Facebook | Bertrand REDONNET
27.02.2014
A paraître en mars : Le Diable et le berger
C’est donc une excellente nouvelle pour mézigue, que j’espère évidemment transformer en bonne nouvelle pour tout le monde : en mars et à l’enseigne des Editions du Petit Véhicule - aux destinées desquelles préside Luc Vidal -, paraîtra Le Diable et le berger, version littéraire et dramatique de la vie de Guste Bertin, que les lecteurs de Zozo, chômeur éperdu ont déjà rencontré, en tant qu’assassin du paisible Zozo.
Mais cette fois-ci, comme le dit le préfacier qui n’est autre que mon ami Stéphane Beau : […] ce nouveau roman qui, bien qu’il reprenne, pour toile de fond, le même petit village perdu quelque part dans le Poitou, au cœur des années soixante, n’a plus grand chose de commun avec la farce. Au contraire, avec ce nouvel opus Bertrand Redonnet nous plonge dans une véritable tragédie, presque au sens Grec du terme, avec une histoire qui se déroule, inexorablement, qui file droit vers la chute, sans temps morts, en entraînant tout sur son passage, hommes, femmes, passions, rêves et espoirs.
Publiquement, je remercie ici Stéphane, chargé de la mise en pages du livre, pour le travail éditorial que depuis des semaines nous faisons ensemble.
Longtemps, bien longtemps même, que je n’avais travaillé dans ces fraternelles conditions et ça met du baume au cœur.
Les Editions du Petit Véhicule sont une petite structure qui fonctionne aussi avec la contribution active de l’auteur.
Je me chargerai donc, avec mes faibles moyens, d’une partie de la promotion et distribution.
Mais, je vous en dirai plus le moment venu.
Illustration : projet de couverture
Crédit photographique : Jacek Piasecki (Lublin)
08:26 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : littérature, écriture | Facebook | Bertrand REDONNET
22.02.2014
Ecrire ou être écrit
Mettant aujourd'hui la dernière main à un texte qui me tient particulièrement à cœur, je me suis soudain posé bêtement la question : dans quelle mesure l’écrivain n’est-il pas écrit autant qu’il n'écrit ?
Question sans doute emberlificotée et qui se mord la queue… Une sensation fugace, en tout cas.
Car au début, quand je me suis mis à cette rédaction - il y a peut-être un mois - je ne savais pas du tout où j’allais. J’étais parti d’un lieu que j’aime beaucoup et les associations d’idées, les retours en arrière, des hommes et quelques anecdotes sont venues, tout ça sorti d'une source presque impromptue.
Ces anecdotes, je les avais oubliées. Elles doivent remonter à une trentaine d’années, en France. Elles sont revenues à la surface parce que des mots, un rythme, une évocation, les ont rappelées à la vie.
On peut s’étonner alors des libertés que prend l’écriture par rapport à l’écrivain lui-même. Comme si des personnages, des paysages, des lieux enfouis dans la mémoire lui tenaient la main.
Et l’imaginaire fait le reste. Ce qu’on appelle aussi Le traitement littéraire.
Mais ceux qui pensent que l’imaginaire ne se nourrit que d’imaginaire ne s’imaginent pas grand-chose. Imaginent-ils un potier sculptant son amphore avec ses seules mains, sans terre et sans eau ? Une amphore virtuelle peut-être, simulée par gestes. L’écriture est sûrement faite de ces résurgences, souvent insignifiantes, et qui constituent le fonds invisible à l’œil nu de l’inspiration de celui qui tient la plume.
J’ai rédigé ce texte devant la fenêtre où j’ai l’habitude de travailler, avec un vieux verger à deux pas, de la neige, quelques oiseaux frigorifiés sautillant d’une brindille gelée à une autre, et, un peu plus loin, au bord de la route luisante de glace, la petite maison de bois, désormais vide et muette, de ma voisine.
Là même où j’ai écrit le Théâtre des choses et Géographiques. La constance des lieux et des décors quand je lève la tête donne - tout du moins l’espéré-je - la diversité des résurgences et de ce que peut en faire le goût d’écrire.
14:00 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature, écriture | Facebook | Bertrand REDONNET
18.02.2014
La peur et la joie
En marchant longtemps, longtemps vers l’est, on arrive inéluctablement à l’ouest. Pourtant, on commence son périple avec le soleil droit dans les yeux et on le finit immanquablement avec le soleil toujours droit dans les yeux.
Alors à l’ouest de quoi, sinon de son point de départ ?
Les deux notions ne s’annulent en effet que par rapport à lui.
Même chose pour le nord et le sud, le point de départ toujours comme unique et seul critère. Sans lui, il n’y a pas de situation qui puisse être nommée. Sans lui, on est à la fois partout et nulle part.
Ce point de repère évite ainsi que l’on s’égare dans la folie ou, bien pire, qu’on emprunte aux autres une définition pour dire sa propre situation. Dis-moi où tu en es et je comprendrai où j’en suis. Langage commun aux hommes qui ont perdu la vertu de se savoir eux-mêmes.
D’est en ouest, du sud au nord, l’unique propriété du périple, l’unique moyen en même temps que l’unique fin, c’est donc soi-même. Car il en va ainsi de la naissance et de la mort.
Parti du point zéro, du hasard d’une fécondation, en marchant le plus longtemps possible dans la même direction, on en revient inéluctablement au point zéro. Du point néant au point néant.
On appelle ça la vie si on marche en biologiste. Le voyage si on marche en poète.
Hélas, ce n’est pas si simple ! La façon que nous avons de nommer les choses essentielles dénotent sans ambages la façon avec laquelle nous les appréhendons et c’est ainsi qu’en filigrane ceux qui prétendent être nos maîtres nomment plutôt cela le voyage biologique. Jamais ils n’usent de l’expression, certes ; elle est cependant partout dans leur conception de notre parcours.
Car pour gouverner les hommes – depuis le temps qu’ils ont fait la preuve qu’ils ne savaient pas marcher de leur propre chef - il faut toujours ménager la chèvre et le chou. Il faut dès lors leur bien faire comprendre qu’exister est un hasard fabuleux mais, surtout, que cette existence n’est in fine que la promenade d’un amas de cellules qui demandent à ce qu’on mange, qu’on boive, qu’on dorme, qu’on se reproduise éventuellement.
Et tout ça, bien sûr, se négocie. Au prix fort. La biologie l’emporte sur la poésie. Toujours. Le piège est ainsi refermé sur les hommes : ils n’auront vécu que dans la pensée de leur fragilité. Dans leur marche vers l’est, ils n’auront vu que des soleils couchants.
Celui qui sait parler au grand mouvement circulaire des choses, qui ne confond pas l’orient et l’occident mais qui change leur nom seulement quand le moment en est venu, celui-là a une chance de marcher en joyeux.
Ce joyeux-là a peur et de cette peur sans cesse ré-alimente sa joie. Tant qu'il en vient à s’imaginer parfois que si les hommes vivaient sur un disque plutôt que sur une boule, ils seraient éternels.
Tout cela, me direz-vous, sérieux et profonds, peut-être même légèrement goguenards, est d'une simplicité déconcertante, mon pauvre monsieur !
Hé bien justement : ce qui me désole profondément, depuis le début, c'est bien la pleine conscience de cette simplicité que les hommes s'évertuent à compliquer par mille et mille arguties, par des millions et des millions de facéties, toutes plus oiseuses les unes que les autres.
Comme si l'orgueil de leur destin ne pouvait se satisfaire de la modestie d'un raisonnement.
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14.02.2014
De la chasse
C’est vrai, je le concède à la pensée intellectuelle dominante et de bon goût : ils ont parfois l’air effrayants avec leur tenue de camouflage de guerrier à la ramasse, tenue qui ne camoufle d'ailleurs rien du tout de leur âme grossière, avec aussi leur casquette à la noix, leur face rubiconde, congestionnée par une chère trop riche et trop arrosée, leur fusil flambant neufs et leurs affreux clébards. Je le concède d’autant plus volontiers que je n’ai jamais chassé de ma vie.
Gamin cependant, j’ai piégé et j’ai vraiment aimé ça. Quand l’hiver océanique consentait enfin à offrir quelque velléité hivernale, avec un peu de gel suspendu aux buissons et une fine couche de neige sur les champs, que les grives erratiques et les merles noirs venaient alors picorer des restes de fruits blets sous les pommiers des jardins, j’aimais tendre mes pièges et capturer des oiseaux. Ma mère les faisait rôtir au souper, avec quelques pommes de terre parfumées au beurre. Un régal, d’autant qu’il m’en souvienne ! Mais plus encore qu’un plaisir gustatif, une espèce de satisfaction atavique du trappeur se nourrissant des fruits de sa chasse. Le sentiment préhistorique d’un cueilleur avant sa révolution néolithique, sans doute. Une sorte d’aventure dans un monde où elle n’était, déjà, plus guère de mise.
On m’opposera - en pure perte car je me le suis souvent opposé moi-même - que le fait de tuer des oiseaux est profondément déplorable. C’est un peu drôle, ça ! Car voilà un procès qu’on ne fera jamais, du moins que je n’ai jamais vu faire, au «taquineur de goujons», comme si le fait que la proie évolue dans un autre élément que le nôtre, l’eau, dispensait les cœurs purs, les pleurnicheurs à la gomme, de la moindre culpabilité. Tuer un lapin ou un faisan, c’est barbare, planté un hameçon dans la gorge profonde d’un brochet en lui arrachant les branchies au passage, non. Mais peut-être est-ce tout simplement le choix des armes : le fusil, la poudre, la cartouche, le plomb, la balle, la détonation, évoquent la guerre ou le crime, alors qu’on n’a certes jamais vu un assassin prendre sa victime avec un hameçon, ni les hommes s’entre-tuer gaillardement sur les champs de bataille à coups de cannes à pêche et à grand renfort de moulinets.
Je ne cherche point à trouver des arguments à la chasse. En quoi une activité ancestrale, primaire, fondamentale, au départ, du clan humain, et plus récemment, un des acquis les plus populaires de 89, aurait-elle besoin de mes arguties ? Et puis, je fus un temps forestier de mon état et je pratiquais dans des parcelles boisées de plusieurs hectares des coupes franches, étroites, pour, entre autres, faciliter le passage des chasseurs. J’ai alors vu le garde-forestier venir la veille d’une journée de chasse organisée - journée que le propriétaire des lieux faisait payer fort cher - poser des poules faisanes et des coqs, ça et là, le long de mes allées, en les endormant, la tête sous une aile et en les faisant un moment tournoyer. Pour être sûr que les oiseaux seraient encore dans les parages le lendemain matin et que ces corniauds de chasseurs en auraient pour leur argent et leurs coups de fusil.
Mais ce n’est pas là, la chasse que je comprends. Ce n’est là qu’une dépravation de la chasse par le profit, l’argent, l’appât du gain, la destruction du vécu en représentation de vécu, comme dans tous les autres domaines. Comme, par exemple, en Camargue, quand les gardiens à cheval, bien chapeautés et tout vêtus de jean et de cuir, rassemblent un troupeau de bovillons, non pas parce qu’ils ont besoin de rassembler un troupeau de bovillons, mais pour que le touriste vive une carte postale.
Ce que je cherche, donc, c’est à contredire l’esprit systématique du contre, sans qu'aucune réflexion critique en amont ne soit opérée, dans l’ignorance souvent complète du sujet auquel on s’oppose, comme ça, simplement, pour hurler avec les loups de la bonne meute idélogique, écologistes prétendus, raffinés de salon et des arts et des lettres, gôgauche melliflue, couperosée, robespierriste et tutti quanti.
Au nord de la Pologne, à une centaine de kilomètres de chez moi, se déroule la dernière et véritable grande forêt de toute la plaine européenne. Je l'ai déjà dit. Un temple de la mémoire naturelle, un témoin archéologique quasiment en l’état, de ce que fut jadis le continent. J’y vais parfois. Je fus exceptionnellement admis dans ce qu’on appelle la réserve biologique intégrale.
Cette forêt me hante par sa majesté primitive, son ombre intacte sillonnée par les loups, les bisons et autres grands animaux, la splendeur de son absence humaine. Et je me suis demandé : pourquoi cette forêt-ci, à cheval sur deux pays, plutôt qu’une autre, a-t-elle été sauvée du désastre de la hache et de la charrue ? La réponse est claire, elle m'a été donnée par les gens de la forêt eux-mêmes : cette forêt a été épargnée tout au long des siècles parce qu’elle était le terrain de prédilection des tsars de toutes les Russies pour leurs chasses. Interdiction absolue y était faite d’en polluer la moindre harmonie.
Une forêt sauvegardée pour le privilège des grands au détriment du pauvre peuple, me direz-vous, dans un premier réflexe d’homme ou de femme qu’anime un grand et légitime souci de justice sociale. Procès d’intention, dirais-je alors. Si la planète recèle encore ça et là de semblables bijoux posés sur leur écrin primitif, ce n’est certes pas, historiquement, au peuple (qui ne fut guère plus bon que ses seigneurs) qu’elle le doit, mais bien à la hiérarchisation honnie de la propriété non moins honnie. On peut en penser ce que l’on veut, on ne peut en revanche, au risque de sombrer dans un révisionnisme bêtifiant de communiste à la traine, nier l’origine de la sauvegarde des grandes forêts de ce monde. Sans la chasse seigneuriale, la forêt de Białowieza aurait, comme toutes les autres en Europe, subit le démantèlement que l’on sait.
Alors, messieurs et mesdames les puristes, un peu de gratitude pour ces pauvres bougres, quelque peu misérables dans leur choix, il est vrai, mais qui ne commettent somme toute que le crime de vouloir refaire, dans un monde où tout est avili, déformé et où toute activité humaine a été vidée de son sens, les gestes d'une longue histoire.
Et j’en reviens à cet acquis de 89 auquel je faisais allusion tout à l’heure, et j’en reviens, du même coup, aux Paysans de Balzac. La grosse contradiction entre propriété seigneuriale d’antan et propriété passée aux mains du peuple par voie d’expropriation et d’émissions anarchiques d'assignats, y est magistralement mise en scène. Les grands espaces forestiers bradés aux gens du peuple, se voient soudain la proie des haches et du massacre sans discernement, et bientôt, de l’immense forêt, ne reste plus que des lambeaux éparpillés sur un désert.
Mon propos est donc historique, pas de valeur. Ce n'est pas un propos socialiste.
Mon propos est libre et ne cherche pas à plaire aux idéologues de tous bords, à la bonne conscience, et, quitte à me faire l’avocat d'un diable, je dis donc que sans la chasse, moyen de survie d'abord, puis noble tradition, dès le Haut Moyen-Âge, la planète n’aurait plus compter que des bosquets cacochymes pour abriter une faune et une flore, que les ennemis de la chasse, justement, veulent aujourd’hui tant protégées !
Contradiction sublime ! Il nous faut vivre, nous n’avons pas le choix, avec ces contradictions qui ne vont pas toujours dans le bon sens du bon sens.
Encore faudrait-il savoir réellement où veut nous conduire le bon sens. Il arrive qu'il échoue dans les impasses de la contre-vérité. Par commodité. Pour le confort d'un monde aux couleurs bien tranchées.
12:11 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : littérature, écriture | Facebook | Bertrand REDONNET
11.02.2014
Stéphane Beau : Hommes en souffrance
Le livre que vient de faire paraître Stéphane Beau aux "Editions Les 3 génies", Hommes en souffrance, mérite le respect et votre lecture en ce qu’il est un livre courageux.
Il en fallait en effet, du courage, pour aller braver sur son terrain la pensée dominante, toute empreinte d’une idéologie féministe, partiale et prosélyte, et même institutionnalisée par un Ministère aux destinées duquel préside la première féministe de France.
Dès le début, Stéphane Beau prévient qu’il ne va ni minauder ni spéculer. C’est-à-dire qu’il ne va pas opposer à l’idéologie de l’égalitarisme féministe sa propre idéologie de couillu, ce qui eût été facile en ces temps sans débat réel et qui se sont sclérosés dans l’énoncé placide - sur quel que sujet de société que ce soit - d’une suite de thèses et d’antithèses :
Je suis assistant social et cela fait bientôt vingt ans que je suis amené à recevoir quotidiennement, dans mon bureau, quasiment tout ce que la souffrance, la misère, la violence et la bêtise humaine peuvent générer de plus sombre et de plus intolérable. J’ai reçu des hommes brisés, des femmes humiliées, des enfants violentés, des êtres désespérés, dépossédés de tout, de leurs biens, de leurs droits, de leur honneur…
Le ton est donné, dont ne se départira jamais l’auteur tout au long de son livre. Nous sommes sur le terrain, franc et solide, de l’argument par le vécu, à des années-lumière du discours effroyable de la «féministerie», pour ne pas dire de la fumisterie, ou de la «masculinité» de forgeron.
Et, bien plus qu’un froid et ennuyeux témoignage, nous sommes aussi en présence d’un penseur qui entend donner un sens à ce qu’il vit, voit et entend. Et nous lisons par le fait, au fil des mots et des pages, que le féminisme qui dans son fonds de commerce depuis des décennies et des décennies a partout inscrit en lettres d’or le mot égalité, n’agit et ne pense in fine que dans une perspective aliénée, une perspective d’inégalité entre les hommes et les femmes. Une idéologie des plus pernicieuses, mensongère, revancharde, en ce qu’elle est une idéologie à la recherche exclusive du pouvoir.
Un peu comme les pauvres qui critiquent les riches non pas parce que la répartition des richesses est inégale, mais parce qu’ils rêvent de le devenir…
Relisez bien l’introduction de Stéphane : des hommes brisés, des femmes humiliées. L’auteur jamais ne niera la violence qui est faite aux femmes. Il dira en revanche, très haut, que si «ces femmes humiliées » sont partout écoutées et prises en compte, ces «hommes brisés», eux, qui existent aussi, nulle part ni jamais ne trouvent, ni dans la loi ni dans le regard de l’autre, l’aide et la compassion que serait en droit d’attendre tout humain en situation de détresse.
Pire : ces hommes soudain esseulés, malheureux, à deux doigts de se noyer, trouveront le plus souvent sur leur route une grenouille pour leur appuyer sur le crâne... Parce qu'ils sont des hommes et, partant, forcément des coupables ! Nous sommes là, ni plus ni moins, dans la dialectique pure et dure du racisme le plus primaire.
Par ailleurs, l’impartialité de la pensée dominante, sûre de son fait, va même parfois, dans son délire de négation du réel, jusqu’au ridicule et j’avoue, devant tant de bêtise, avoir éclaté de rire, alors que depuis le début, je riais plutôt jaune :
Le souci, affiché par ces militantes de la cause féminine, de vouloir tout faire « comme les hommes », est si puissant qu’elles en arrivent même à des prises de position parfaitement absurdes. C’est ainsi que j’ai dernièrement entendu une militante d’une association de défense des droits des femmes se plaindre, au nom de l’égalité des sexes, du fait qu’il n’y avait pas assez de « maçonnes » ou de femmes garagistes dans notre société ! Pour cette raison elle et ses collègues organisent régulièrement des ateliers pour présenter à des jeunes filles ces métiers « atypiques » (sic !).
Stéphane Beau se fait soudain sarcastique et demande plus loin si, au nom de l’égalité, les femmes demandent le droit d’avoir elles aussi du cambouis sous les ongles et le droit de se péter le dos à soulever des parpaings !
Ce discours, dit-il, exposé devant une quinzaine d’assistantes sociales, a comme il se doit généré toute une série de hochements de têtes approbateurs.
Et il en conclut naturellement ce que tout honnête homme qui a des yeux qui voient et un cerveau qui fonctionne encore devrait conclure :
Je suis par ailleurs certain que cette brave militante, élégante et distinguée, et qui n’a probablement jamais soulevé un sac de ciment de sa vie, serait désespérée si elle apprenait que son fils (et plus encore sa fille, j’en suis sûr) lui annonçait qu’il (ou qu’elle) avait décidé de devenir maçon (ou maçonne).
Moi je dirais bien, en prenant bien soin d’omettre la cédille, qu’elle l’est déjà, cette dame, maçonne. Mais ce ne serait que moi. Stéphane, lui, est poli et sérieux et use d’arguments plus convaincants.
N’empêche que ce passage m’a encore fait revenir à ma bête noire, Vallaud Belkacem, grande "chantresse" de la protection des femmes, de l’enfant et de la famille égalitaire. Avec ses enfants jumeaux, ses ambitions politiques, ses charges au Ministère, ses responsabilités écrasantes de porte-parole du gouvernement, j’aimerais bien lui demander, si j’avais le mal heur de la croiser un jour, cette dame, combien d’heures par semaine elle consacre à l'éducation de ses chérubins et quelle tendresse elle a le temps de leur prodiguer !
Le livre de Stéphane se termine sur une analyse exhaustive de «la loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes», avec ce sous-titre qui vous en dira plus que tous mes discours :
Ou quand la chasse à l‘homme devient légal.
Donc, hommes qui entendez le rester et femmes qui n’avez jamais cessé de l’être, je vous conseille vivement la lecture de l’ouvrage de Stéphane.
Je le répète : un livre courageux.
Et digne.
18:08 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature, écriture | Facebook | Bertrand REDONNET
10.02.2014
Mon bout de Pologne
Les paysages n’ont pas de réalité en soi. Ils sont l'écho, le reflet de ce qui se meut dans l’âme sensible et l’intellect, tranquille ou tourmenté, du promeneur.
Ils sont plutôt dans son bagage que sous ses yeux.
Une dame, née en France, qui a toujours vécu en France, mais dont les parents étaient des exilés polonais d’entre les deux guerres installés dans l’Orléanais, je crois, me racontait, il y a quelques années de cela, un de ses souvenirs d’enfance.
L’hiver, si la neige venait à recouvrir la campagne, son père aimait alors contempler le paysage et, chose qu’il faisait très rarement, se mettait à évoquer la Pologne, le passé, ses souvenirs.
La nostalgie était, en quelque sorte, toujours habillée de blanc.
La neige accrochée aux toits et aux branches, avec une saute de vent qui faisait un instant tourbillonner une nuée de flocons, sans doute ne la voyait-il pas en soi, mais telle que gravée dans sa mémoire et son cœur. Le présent était ailleurs sur l'échelle du temps. Elle était une lettre, cette neige de France, un message, un clin d’œil, un bout de son histoire, la voix d’un père ou d’une mère peut-être, et tout cela faisait remonter à la surface le souvenir d’une terre lointaine, qu’on avait dû quitter à regret et qui venait chuchoter dans son âme d’exilé.
Rien de tel chez moi puisque c’est de mon plein gré - avec toutes les réserves que l'on doit émettre dès lors qu'on parle de plein gré - que j’ai changé de pays. Il y a pourtant, souvent, comme un décalage entre la réalité des paysages que j'aime et mon présent.
La totalité n’est pas toujours au rendez-vous.
Là où s’arrête un instant la forêt comme si elle reprenait son souffle avant de fermer à nouveau, très loin, l’horizon, s’étendent de vastes prairies que la fraîcheur humide de l’automne reverdit. Un ruisseau étroit dessine une ride profonde sur cette morne étendue. Il ondule longtemps avant de disparaître au fond de la scène, sous des arbres incertains. Des troupeaux y paissent, des nuages musardent au ciel, de grands oiseaux de proie tournoient en quête de pâture. Je regarde et je pense aux marais des Deux-Sèvres ou de Nuaillé d’Aunis.
Au printemps et en été, seules les cigognes déambulant au bord du ruisseau, spontanément, s’opposent à ma comparaison. Le paysage a dès lors une carte d’identité polonaise.
La géographie agricole, ici, avec ses champs étroitement surveillés par la forêt, ses chemins chaotiques, ses cultures de maigre seigle, m’ont, au début, ramené plus loin que l’Aunis. En Vienne et aux culottes courtes. Une géographie pas encore totalement soumise aux exigences du stakhanovisme des exploitants. Longtemps que je n’avais habité de champs hospitaliers à l’arbre, au fossé, à la jachère, au vent qui fait se courber des fleurs sauvages, hautes sur tige.
Retard pris par la Pologne en général ? Sans doute pour une part, mais pas tout à fait. Les Polonais ont d’ailleurs une savoureuse plaisanterie quand ils parlent de leur histoire récente. Faisant allusion à la grande productivité allemande servie par un dantesque réseau routier, ils sourient : C’est normal, pendant que l’Allemagne construisait des autoroutes, nous, on construisait le socialisme.
Le sarcasme n’est pas du goût de tout le monde…
Le paysage agricole, donc, est bien empreint de l’élément historique, mais il s’agit aussi d’une pauvreté de la terre, fortement sablonneuse. Et je souris quand je me souviens d’un passage du livre - par ailleurs très bon et que je vous conseille- de l’historien Norman Davis (Histoire de la Pologne, Fayard, 2004) - qui affirme que la pénurie dramatique lors de l’état de guerre des années 80 était une aberration communiste, ce que personne ne songerait à lui contester, parce que la terre polonaise était généreuse et avait de quoi grassement nourrir ses habitants.
Il n’avait jamais dû venir jusqu’ici, sur ces étendues de sable fouettées par le vent et au sillon desquelles le paysan a bien du mal à extraire ce dont il a besoin, pour lui, sa famille et ses animaux.
Pour ma part, sur mon terrain, les quelques tentatives pour faire pousser un arbre fruitier se sont toutes soldées par un échec. Quant à faire fructifier un plant de tomates...
Si je creuse un trou, après vingt centimètres, c'est le sable profond, très beau, rouge et jaune. Si je m'obstine, c'est déjà l'eau. Curieux... De l'eau et du sable... C'est encore trop peu pour me ramener jusqu'à La Rochelle.
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06.02.2014
Un texte de Stéphane Beau
Ce que penser veux dire...
Je relis en ce moment Ce que parler veut dire de Pierre Bourdieu, bouquin que j’avais étudié du temps où j’étais à la fac (ça commence à dater...) et dans lequel j’ai eu envie de me replonger après avoir lu Le Goût des mots de Françoise Héritier – ouvrage qui, sous couvert de déclaration d’amour aux mots, à leur poésie et à leur magie évocatrice, s’applique surtout à resserrer les nœuds et les codes d’une langue élitiste et faussement libre.
Le livre de Bourdieu est intéressant à plusieurs titres. Tout d’abord, parce que du point de vue de la sociologie, il nous rappelle – ce qui n’est jamais inutile – que la langue n’est pas qu’un ustensile commun, partagé égalitairement par tous, mais que c’est avant tout un outil de pouvoir, pouvoir d’autant plus pernicieux qu’il reste la plupart du temps symbolique : « Toute domination symbolique suppose de la part de ceux qui la subissent une forme de complicité qui n'est ni soumission passive à une contrainte extérieure, ni adhésion libre à des valeurs ».
Il revisite par exemple la manière dont le Français, en tant que langue officielle de l’Etat, a commencé par dévaloriser les patois, les dialectes, les langues régionales, en les écartant des organes principaux de la machine sociale : école, justice, emploi, administration, armée... Dans un second temps, une fois que les « parlers locaux » ont été quasi totalement maîtrisés ou remodelés sous des formes folkloriques (comme le Breton, par exemple), le langage officiel a pu s’attaquer aux différentes catégories sociales. Le discrédit ne retombait alors plus sur celui qui ne parlait pas Français, mais sur celui qui le parlait mal ou qui n’en maîtrisait pas bien les codes : l’ouvrier, le paysan, le jeune, l’immigré... Cela permettait aux élites de profiter à la fois d’un système parfaitement égalitaire sur le papier, mais totalement déséquilibré, en termes de pouvoirs, dans les faits.
Et puis le temps a passé et on constate aujourd’hui, que la violence symbolique du langage est en train de connaître une troisième mutation : le pouvoir de la langue repose moins, maintenant sur la qualité de son expression que sur la qualité de son in-expression. Autrement dit, le langage, englué dans les logiques de communication, de management, de propos convenus divise ses utilisateurs en deux camps : ceux qui usent encore des mots pour essayer de dire quelque chose et ceux pour qui les mots ne sont plus que des codes servant à conforter une vérité officielle, une « bien-pensance » formatée et inattaquable.
Ainsi, on a pu voir ces derniers temps, par exemple, une illustration assez nette de cette évolution dans les manifestations des « bonnets rouges » en Bretagne. Il y a un siècle ou deux, ces bonnets rouges auraient été disqualifiés parce qu’ils étaient « Bretons », c’est-à-dire non intégrés au modèle dominant. Il y a une quarantaine d’années, ils auraient été suspects parce qu’ils étaient « populaires », donc pas en mesure de dialoguer et de revendiquer à partir d’un discours élaboré selon les normes en vigueur (qu’on se rappelle des moqueries à l’égard de Georges Marchais ou de Henri Krasucki par exemple). Aujourd’hui, ils sont disqualifiés parce que leurs discours, et leurs actes – qui sont aussi des discours – transgressent un nouveau code qui veut que toute parole qui n’apparaît pas assez mesurée, assez nuancée, assez respectueuse d’une expression polie et policée (les deux termes sont d’ailleurs étonnamment proches) est irrecevable.
De nos jours, donc, le paria, l’inadapté, le malotru, ce n’est plus celui qui fait des fautes de français, c’est celui qui commet des « fautes de pensée ». Cela se constate à tous les niveaux où le « politiquement correct » est devenu la norme et où toute pensée un peu divergente, un peu en décalage avec les canons de la sagesse autorisée, est immédiatement rabaissée et pointée du doigt.
Cela est très net bien sûr, en ce moment, dans tout ce qui touche aux « débats » sur le féminisme, le « masculinisme », l’homoparentalité, le mariage pour tous, le « genre » et autres sujets brûlants qui divisent la société en deux : ceux qui savent, qui ont le savoir, la culture, le vocabulaire adéquat, les positionnements adaptés ; et ceux qui ne comprennent rien, qui n’ont pas lu les bons livres, qui ne réfléchissent pas et qui ne savent que pratiquer la violence, l’invective, l’agression.
La contestation est ainsi devenue ringarde, réactionnaire, malpolie, incorrecte, et tout ce qui peut relever de ses attitudes, de son champ lexical, de ses modalités d'expression peut être pris de haut, avec dédain ou avec moquerie, selon les cas.
Schéma simpliste qui ne reflète en rien le réel qui, de toute manière, ne se découpe jamais aussi simplement en deux partis opposables, mais toujours en une multitude de points de vues et de sensibilités. Mais schéma idéal pour disqualifier d’office toutes celles et tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, se retrouvent du mauvais côté de la barrière, et pour légitimer ceux qui se trouvent, de par le fait, du bon côté (1).
Et peu importe que les premiers soient parfois moins violents, moins obtus et plus cultivés que les seconds. Le simple fait de tenir des propos qui ne vont pas dans le sens de l’opinion dominante suffit à les disqualifier.
Cette évolution est inquiétante car, si elle n’interdit pas (encore) officiellement l’expression des pensées non conformes aux dogmes en vigueur, elle s’applique toutefois clairement à les rendre inaudibles.
Il y a quelques temps de cela, un ami à moi, Goulven Le Brech, spécialiste du philosophe breton Jules Lequier m’écrivait ceci au sujet de Georges Palante, penseur polémique que je m’efforce de faire connaître au grand public depuis pas mal d’années : « Palante, comme Lequier est devenu folklorique et peu recommandable sur le plan philosophique... ».
« Folklorique »... Sur le coup, le mot m’a semblé amusant mais un peu décalé. Puis en réfléchissant bien, j’ai compris que le terme était rigoureusement adapté. Folklorique, oui, Palante. Tout comme Lequier et plein d’autres, sans doute : Nietzsche probablement, Cioran, ou plus proche de nous Philippe Muray, tous ces auteurs que les médias aiment citer, évoquer, parfois honorer, mais sans jamais souscrire véritablement à ce qu’ils écrivent, en conservant à leur égard une petite moue complaisante, d’un air de dire : « ils tapent fort, mais on ne leur en veut pas : cela participe au spectacle ». Spectacle folklorique, bien entendu, comme les danses bretonnes ou les chants basques.
C’est ainsi. Il faudra bien nous habituer à vivre dans un monde où la libre pensée et l’esprit critique ne seront rien de plus que les vestiges folkloriques d’une intelligence éteinte. Ce monde arrive à grand pas. Il est peut-être même déjà là...
(1) La vraie question étant peut-être de savoir qui pose ces barrières, et surtout à qui elles sont utiles...
Stéphane
Par ailleurs, vient de paraître aux Editions Les 3 Génies, Hommes en Souffrance de Stéphane Beau.
Dès que je l'aurai lu, je vous en toucherai un mot.
Plusieurs même, tant le propos de cet ouvrage me semble s'attacher à prendre à contre-pied la pensée politique dominante dont nous sommes assommés.
14:05 Publié dans Stéphane Beau | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : littérature, écriture | Facebook | Bertrand REDONNET
04.02.2014
Chants d'un crépuscule
J’en ai donc terminé avec la mise en ligne des Champs du crépuscule. Merci à vous, lecteurs, car, si j’en crois les indicateurs de fréquentation, vous avez été très nombreux à suivre ces pages depuis le 11 décembre.
Merci aussi à mes trois fidèles commentateurs, Michèle, Feuilly et Solko.
Pendant que je faisais cela, donc, au moins ne disais-je pas de mal du monde et il a tourné, ce monde... Comme d’habitude. Avec un petit regain de grotesque, le roi nouveau s’en étant allé à mobylette conter fleurette sous les jupettes d’une starlette et le roi déchu rêvant, lui, d’une première et glorieuse Restauration depuis les plages de Charente-Maritime, si chères à mon cœur.
Le nouveau roi amuse la galerie en plaçant la plume du journaliste bien au niveau de ses c… Il affole ainsi ses troupes timorées cependant que l’ancien monarque inquiète les siennes et que déjà les couteaux de Brutus sortent subrepticement des poches… Les Orléanistes de pacotille n’en veulent plus de ce Bourbon ringard qui les a fourvoyés dans les affres de la révolution socialiste !
En Syrie, l’Amérique sioniste, alors que ses larmes du 11 septembre ne sont pas encore toutes séchées, soutient et arme Al-Qaïda. C’est du propre ! En Ukraine, cette même Amérique et l’Europe - avec le pays des droits de l’homme en tête - soutiennent les nazis ostensiblement déclarés de "Svoboda"1. Je me demande comment Valls fait le ménage dans sa tête : hier il dépensait toute son énergie de patron des flics de France à vouloir fusiller un nazillon de spectacle, aujourd’hui, allégeance au souverain oblige, il soutient les Nationalistes Socialistes d’Ukraine.
Mais il est vrai aussi que ceux-là ne se laisseraient nullement intimider par une p’tite bafouille adressée à des préfets.
Et Vallaud Belkacem, elle que j’entendais face à Bourdin soutenir à mots couverts l’opposition ukrainienne, qu’est-ce qu’elle peut bien en penser de tout ça, si tant est qu’il lui reste un brin d’autonomie de ce côté-là ?
Bref, pendant que je m’occupais à mes broutilles, nihil novi sub sole du mensonge permanent.
A Lyon et à Paris, on se mobilise, on crie et on brandit son opposition farouche aux législateurs de la famille. Vallaud Belkacem, encore elle, affirme docilement que les gens manifestent sur des idées imaginaires. Si elle avait retenu ne serait-ce qu’une seule page de l’histoire de France, elle saurait que les grands bouleversements et les actes les plus forts toujours se sont nourris de peurs imaginaires. Parce que s’il avait fallu attendre d’avoir réellement peur pour exprimer son désarroi, on en serait encore à la pierre taillée, Madame ! Et Danton, Robespierre, Louis XVI et tant d'autres seraient morts comme tout le monde, avec leur tête toujours solidaire de leur cou.
Attention, hein, je ne dis nullement que les manifestants de Lyon ou de Paris emportent ma sympathie. Pas du tout. Pour tout vous dire, je m’en bats l’œil de leurs débats et de leurs angoisses !
Car aux nazillons, aux curés, aux évêques, aux indignés des p’tits matins blêmes, aux révoltés, aux antisémites, aux hétéros, aux homos, aux socialistes, aux sionistes, aux frontistes de gauche, de droite ou d'ailleurs, aux communistes, aux féministes, aux gros phallos, j’oppose toute la complexité de mon individu et balance un somptueux : Merde !
Sub sole, donc…
Mais, toujours pendant ce temps-là – alors que je vous présentais le Grand Gaétan, Louis, et les autres, tous capables d’avoir assassiné un vieillard sans vous dire lequel est pour moi l’assassin parce que vous ne me l’avez pas demandé - les sympathiques autochtones de mon pays d’accueil – et moi avec, du coup - ont reçu une sévère leçon du ciel. Du ciel, pas du Ciel ! Du vrai ciel, celui avec des nuages, du vent et du bleu…Celui qu'on voit en levant la tête, pas celui qu'on suppute en se la torturant.
Il n’y aura pas d’hiver cette année, qu’ils disaient pendant que des sautes d’un petit vent humide et léger gambadant depuis le lointain océan venaient friser leurs moustaches guillerettes et arrosait noël et le premier de l'an de douceur.
Mais voilà qu’au détour de la mi-janvier, les girouettes ont soudain tourné le cul à l’ouest et ont regardé droit dans les yeux le nord-est. Un vent fou, tenace, coupant comme un rasoir s’est levé et la neige est venue et les mercures descendus au-dessous de moins 20. Les routes ont été coupées par les congères accumulées par ce vent furibond, opiniâtre, durable. Voyez plutôt en illustration l’entrée du bourg de ma commune, ce matin.
J’ai passé mon temps à chauffer ma maison et à regarder sur le ciel de la nuit matinale des étoiles de plus en plus pétrifiées.
Maintenant, on dirait bien que le printemps veut pointer le bout de son nez : ce matin, il ne faisait que moins quatorze…
C’est beau quand même une terre qui tourne.
1 - Nom d'un parti de l'opposition ukrainienne signifiant " Liberté"
13:31 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture | Facebook | Bertrand REDONNET
17.01.2014
Georges Brassens cité à comparaître - 3 -
1952/2014
Chronique 3 : Najat Vallaud-Belkacem, Ministre des droits de la femme et porte-parole du gouvernement, s'offusque des chansons de G. Brassens et menace le poète d'interdiction
[...] J' lui enseignai, de son métier,
Les p'tit's ficelles...
J' lui enseignai l' moyen d' bientôt
Faire fortune,
En bougeant l'endroit où le dos
R'ssemble à la lune...
[...]
Rapidement instruite par
Mes bons offices,
Elle m'investit d'une part
D' ses bénéfices...
On s'aida mutuellement,
Comm' dit l' poète.
Ell' était l' corps, naturell'ment,
Puis moi la tête...
[...]
Elle eut beau pousser des sanglots,
Braire à tue-tête,
Comme je n'étais qu'un salaud,
J' me fis honnête...
[...]
Sitôt privé' de ma tutell',
Ma pauvre amie
Courut essuyer du bordel
Les infamies...
Invitée de Jean Paul Lourdin, le journaliste de BMW VTT, Vallaud Belkacem, Ministre des droits des femmes, a soudain cette moue hautaine, rapide, crispée, qui lui met la bouche en cul de poule, lui fait plisser un œil de façon presque imperceptible et donner un coup de menton ; moue propre aux femmes autoritaires et ambitieuses quand elles s’apprêtent à asséner, que dis-je ? A révéler une vérité définitive :
- Depuis que nous sommes aux responsabilités, Monsieur Lourdin, nous avons beaucoup légiféré et notamment, avec courage, sur la prostitution. Nous avons fait, je crois, avancer les consciences dans le bon sens. En menaçant le client de lourdes amendes, nous coupons l’herbe sous le pied au proxénétisme. Nous ne saurions dès lors tolérer que des individus, sous prétexte de rimailles et de poésies de bas-étage, fassent eux-mêmes de l’argent par le biais d’une espèce de complaisance envers ce proxénétisme et envers l’exploitation odieuse des filles publiques.
- Oui, bien sûr, mais... Ce ne sont que des chansons après tout! Des mots !
- Des chansons qui tombent dans toutes les oreilles et qui bafouent publiquement les préceptes de la loi, Monsieur Lourdin ! Cet homme tient dans ses chansonnettes des propos qui sont tout simplement honteux. Notre devoir de républicains est de faire en sorte que ce genre de pratique soit partout dénoncé et, s’il y a persistance, d’ester en justice pour faire cesser ces ignominies. Ces vers sont des atteintes à la dignité des femmes. Soi-disant artiste ou non, la loi s’impose à tous.
- Et à toutes…
- Oui, bien sûr. Mais en l’occurrence, les femmes ne sont pas concernées par ces propos boueux. D'ailleurs, Brassens insulte les femmes, certes, mais pas que les femmes… Dans une autre de ses chansonnettes, s’adressant à ce qu’il appelle «les bourgeois» il écrit et chante ce genre d’avanies : Et le peu qui viendra d’eux à vous c’est leurs fientes. Non mais ! Mais pour qui se prend-il donc ? Est-ce que, dans nos sociétés apaisées et responsables, on insulte ainsi impunément les gens en les menaçant de les souiller d’excréments ?
- Heu… Brassens chante ce poème, effectivement, mais le texte est de Richepin.
La Ministre serre les dents, se penche en avant et fait mine de tendre l'oreille en direction du journaliste, avec cet air supérieur et dubitatif qu'ont certains enseignants quand un de leurs élèves vient de dire une grosse connerie.
- De qui, dîtes-vous ?
- De Richepin. Jean Richepin.
- Je ne connais pas. Ce poète, sans doute de la trempe de Brassens, Jean Paul Lourdin, s’expose lui aussi aux rigueurs de la loi pour outrages, propos séditieux, voire incitation à la haine de l'autre...
- Heu…Hum...hum... (raclement de gorge) Mais c’est qu’il est mort en 1926, vous savez !
Petit silence et re-moue hautaine, rapide, crispée, propre aux femmes autoritaires et ambitieuses, qui leur met la bouche en cul de poule, leur fait plisser un œil de façon presque imperceptible et donner un coup de menton, quand elles sont encore plus ridicules que de coutume. Ce qui participe de l'exploit !
- Peu importe. Laissons ce… ce…
- Richepin.
- Oui. Attachons-nous pour l’heure à interdire sur les scènes publiques ce Brassens et ses abominables lourdeurs !
09:33 Publié dans Brassens au tribunal | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature, écriture | Facebook | Bertrand REDONNET
14.01.2014
Mal à l'aise du monde
Au début était le chaos…
De la survivance, des bois et des arbres et des chemins de plaine ou de sous-bois. Des oiseaux aux portes des granges, des matins qui frôlaient aux vitres des fenêtres, un cochon qui grognait dans l’étroitesse de son toit, des poules et des canards claudiquant dans la boue d’un enclos, des copains d’école qui n’aimaient pas l’école, des fermes, une rivière sporadique sur des prairies gibbeuses et une mère qui, seule, tenait tout son monde sous une autorité imparfaite, avec des règlements tacites, faciles à transgresser.
Puis, dans tout ça, un enfant mi-vagabond, mi sédentaire, mi doux, mi-méchant, pas très beau, qui rêvait - pressentant sans doute que son jardin ne serait pas éternel - de mondes remplis d’amusements et de simples joies. Pas des joies simples. De simples joies.
Au sortir de ce jardin l’attendaient, comme craint, d’autres règlements, d’autres lois partout inscrites, d’autres façons de concevoir la propreté, le maintien, le savoir, l’amitié, l’amour…
Et c’est comme si se fussent télescopés par inadvertance l’allumette et le frottoir.
Pour que le feu soudain ne brûle pas le doigt, il faut une allumette et un frottoir spécifiques. Prévus à cet effet de sécurité. Qui se connaissent et ont été l’un pour l’autre conçus.
Sortant d’une tribu où la liberté d’aller et de venir, d’apprendre, de concevoir et d’aimer était totale si on osait la prendre sous le bras, une tribu sans père ni dieu, je n’étais pas formaté pour brailler les mêmes morales et éthiques que le monde des gens comme il faut.
Tout ne m’a semblé alors que coercition et entraves perverses à suivre mon chemin.
Jamais de ma vie je n’ai pu dès lors trouver passionnant d’être le premier en latin, d’avoir de beaux habits, d’avoir un gros porte-monnaie, un travail qui gagne, une grosse voiture, des vacances aux antipodes, des enfants plus intelligents que ceux des voisins, des profits, des leçons à donner et tout et tout et tout.
Les pommes ne tombent jamais loin du pommier, dit un proverbe polonais. Est-ce à dire pour autant que les autres fruits ne sont pas les fils d’une fleur ? Non.
Le mal à l’aise du monde ne s’érige pas en morale, en jugement de valeur, en raison définitive, en bien ou en mal.
Le mal à l’aise du monde se comprend.
Condition sine qua non pour qu’il ait une chance de conduire aux bien vécus des solitudes.
11:24 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature, écriture | Facebook | Bertrand REDONNET
10.01.2014
Georges Brassens cité à comparaître - 2 -
Avertissement :
Même si elle colle parfaitement à l’actualité immédiate où s’affrontent dans un spectacle à qui sera le plus grotesque et le plus bas, un soi-disant humoriste et un vrai ministre de la police, cette chronique n’en est pas née.
J’en dois l’idée à Najat Vallaud-Belkacem, terreur blanche aux mains de velours, avec sa loi sur la prostitution ; loi scélérate, stupide, inondée d’idéologie féministo-socialiste ; loi étalon d'un état d'esprit général du pouvoir, d'apparence généreuse et humaniste, mais qu'anime essentiellement une volonté de flicage total de l'individu, jusques dans ses moindre replis, dans ses moindres solitudes et moindres intimités.
*
1952/2014
Chronique 2 : Manuel Valls, Ministre de l'intérieur, veut interdire les prestations de Georges Brassens à Bobino
En voyant ces braves pandores
Etre à deux doigts de succomber
Moi, j´bichais car je les adore
Sous la forme de macchabées
De la mansarde où je réside
J´excitais les farouches bras
Des mégères gendarmicides
En criant: "Hip, hip, hip, hourra!"
[...]
Jugeant enfin que leurs victimes
Avaient eu leur content de gnons
Ces furies comme outrage ultime
En retournant à leurs oignons
Ces furies à peine si j´ose
Le dire tellement c´est bas
Leur auraient même coupé les choses
Par bonheur ils n’en avaient pas
Leur auraient même coupé les choses
Par bonheur ils n'en avaient pas !
Sur son compte Twitter, le Ministre de l’intérieur a fait part de son indignation. Il envisage dès à présent d’adresser une note ministérielle au préfet de Police de Paris afin que celui-ci trouve la faille juridique qui lui permettrait en toute légalité de fermer Bobino, où ce prétendu poète a coutume de brailler ses immondices.
« Dans un Etat de haute tradition républicaine, écrit-il, héritier des Lumières du XVIIIe, il est absolument intolérable qu’un chanteur (qui chante mal de surcroît) mette à profit les occasions que lui donne son métier de s’adresser à des milliers de spectateurs pour les exciter sans ambages au meurtre sur des policiers et des gendarmes et même d’aller jusqu’à menacer les fonctionnaires de la force publique de leur faire subir le supplice d’Abélard !
Je suis issu d’une faille d’artiste. Je sais dès lors faire la différence entre un véritable artiste, un poète, un créateur, et un imbécile nauséabond qui transforme ses concerts en des meetings anarchistes et des appels à assassinats sur les autorités ayant en charge le maintien de l'ordre républicain.
Il faut que les citoyens le sachent et en tirent toutes les conséquences : ceux qui vont applaudir Georges Brassens font allégeance à un Ravachol névropathe, subversif et violent.
La République ne le tolérera pas ! Elle ne saura passer outre !
Fort déconfit, Georges Brassens a poliment répondu. Non pas sur son compte Twitter, il n’en a pas. Ni sur facebook, ni sur son blog, il n’a rien de tout ça. Il a tout bêtement adressé par la poste un petit mot manuscrit au Ministre :
Les bonnes âmes d’ici bas,
Comptent ferme qu’à mon trépas
Satan va venir embrocher
Ce mort mal embouché,
Mais...
Veuille le grand manitou
Pour qui le mot n’est rien du tout,
Admettre en sa Jérusalem,
A l’heure blême,
Le pornographe,
Du phonographe,
Le polisson
De la chanson.
14:16 Publié dans Brassens au tribunal | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : littérature, écriture | Facebook | Bertrand REDONNET
08.01.2014
Impro
Ce texte pourrait tenir lieu de tentative expérimentale puisque je me mets au clavier sans savoir ce que je vais écrire, n’ayant aucune envie d’écrire.
Plus exactement : ayant envie d’écrire mais ne trouvant rien qui vaille vraiment la peine d’être écrit.
Voyons voir... Que se passe-t-il dans le monde ? Pas grand chose, en fait, qui soit le digne reflet de sensibilités ou d’intelligences charmantes. Au sens premier du terme.
Agréable activité tout de même, j’ai parcouru ce matin les trois ou quatre blogs qui me sont coutumiers. Celui-ci est muet depuis des lustres, celui-là, je l’ai lu hier et je corresponds en outre amicalement avec son auteur, cet autre encore, que j'ai également lu hier, fait comme moi et moi comme lui : il donne à son public un texte auquel il tenait sans doute beaucoup, un texte qui lui a demandé du travail, de l’énergie, un texte qui lui a brassé cette partie du cerveau où siège la solitude. Un texte de qualité. Le mien, bien sûr, je ne saurais dire s’il est de qualité. Je peux dire en revanche que j’y tenais beaucoup, que je l’aimais, mais, lassé du mépris dont il se voyait gratifié, le pauvre, je me suis décidé à l’offrir en lecture sporadique. Pour qu'il ait une vie.
Nous en sommes là : la misère rend généreux.
Autrement ? Ben… j’ai lu les nouvelles du monde, au premier rang desquelles celles de mon pays. Toujours passionnément ternes. Dieudonné fait la une… Révoltant à tous les niveaux.
Qu’on se comprenne bien et qu’on se comprenne sincèrement, lecteur : je ne connais pas Dieudonné. Le souvenir que j’en avais jusqu’alors, c’était un sketch lointain, très réussi, avec Elie Sémoun… Il y a longtemps. Je ne me souviens même plus lequel… Le souvenir d’avoir ri avec mon fils, souvenir futile qui resurgit devant le tapage fait autour de sa personne aujourd’hui.
C’est sans doute un con. Une espèce de bouffon négationniste, un petit curé de l’église Faurisson. Je me souviens, tiens, avoir insulté Faurisson, il y a longtemps, à Paris. Par conviction autant que par jeu. Dans une librairie.
Bref, c’est sans doute un con mais notre temps est tellement pourri que ce sont justement les cons qui, sans vraiment le vouloir, mettent au jour des évidences occultes... On n'est plus à un oxymore près. Les autres, eux, les un peu moins cons, rabâchent des simplicités compliquées et convenues qui ne font peur à personne.
Les gesticulations de Maximilien Valls sont donc grotesques. On y voit un poisson piégé par sa propre nasse et dans sa propre rivière. La liberté d’expression semble s’arrêter pour ce gars-là, pour ce républicain de haute morale, à l’énoncé de propos tout à fait anodins ou flagorneurs, c’est-à-dire que c’est une liberté branchée sur une pile Wonder qui, comme on le sait, ne s’use que si l’on s’en sert... Par mesure d’économie, donc, mieux vaut la laisser dans l'armoire. Le misérable histrion antisémite a trouvé en face de lui son bouffon contraire dans la dialectique de la connerie humaine, lequel contraire se prend à son tour les pieds dans le tapis moelleux de ses contradictions. Hé oui, Maximilien, à force de faire verbalement l’apologie d’un truc que vous foulez aux pieds tous les jours, à force de camoufler vos véritables cartes dans votre manche d’élu aux ambitieux espoirs, fallait bien vous attendre à être un jour, trouvant sur votre route plus fourbe que vous encore, contraint d’abattre votre jeu : l’interdiction pure et simple. Finies les minauderies républicaines ! Quand toute la philosophie d'un homme politique se résume à un Tais-toi, connard, c'est que la politique a tué en lui le peu de philosophie qui, peut-être, lui restait encore ! Adieu Rousseau, salut Saint-Just !
Rendons grâce à je ne sais qui que la Veuve ait été mise au placard !
Cette histoire est lamentable parce que tous les protagonistes, Dieudonné, ses fans, le ministre vu de l'intérieur, le président, les préfets, les maires, toute la clique politique bêlante, la mémoire obligatoire de la catastrophe, sont lamentables et participent de la fausse conscience. Comme si la peur évitait le danger !
Et pourtant j’habite à vol d’oiseau tout près de Sobibor et de Majdanek ! Je n’ai pas besoin, croyez-le bien, que des imbéciles de tous bords me rappellent ce dont je dois me souvenir, pas plus que ce dont je dois rire ou pleurer…
A tous j’adresse un mot de Cambronne enjoué !
Mais voyez comme c’est, le clavier improvisé ! Me voilà parti là-dessus comme un rat sur du bon pain… En quoi suis-je interpellé et concerné ? On ne devrait écrire que des choses qui nous concernent vraiment. Mais pour quoi faire ? Nous avons tant écrit les uns et les autres, pour dire le fond de notre être et nous avons rencontré tant de murs sans écho - quand nous n’avons pas rencontré de murs qui nous renvoyaient nos mots complètement défigurés - que je me demande bien…
Vous savez ce qui me passionne en ce moment ? Je m’en vais vous le dire sans ambages.
Derrière mon bâtiment dans lequel j’entasse la réserve de bois pour l’hiver, à l’autre bout de la cour, je construis un poulailler. Oui, un poulailler ! J’ai déjà fait le sol, de briques et de ciment, maintenant je fais des plans ingénieux… Je révise mes notions de géométrie dans l’espace, je combine, je mesure, je conçois, j'intellectualise une petite charpente… Un vrai plaisir. Il y aura tout autour du poulailler une charmante clôture de bois, pour que le goupil de la forêt toute proche ou l’aigle pomarin du ciel lointain ne viennent pas me voler mes pondeuses. Car au printemps, j’aurais là trois ou quatre poules qui gambaderont– si tant est que gambadent les poules -, et je m’amuserai bêtement à les regarder s’égayer. Je veux un coq aussi. Fier et haut sur pattes. Un beau coq, avec une queue en panache et des couleurs que le soleil fera miroiter. Un coq gaulois aux lisières du pays des Sarmates, un coq qui sonnera le retour du jour dès que, en juin, le premier rayon déchirera les brumes de la nuit. Vers trois heures du matin… Je trouve que c'est beau, tout ça !
Je dois quand même avoir un grain… Ma Douce Amie rigole et dit que je m’amuse d’un rien.
J’espère qu’elle dit vrai. Parce que, de même que jamais est aussi long que toujours, un rien c’est aussi plein qu’un tout.
14:17 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : littérature, écriture | Facebook | Bertrand REDONNET
03.01.2014
Georges Brassens cité à comparaître -1 -
Nous avons la prétention plus ou moins désespérée de publier de-ci de-là notre littérature. Nos velléités artistiques en matière d’écriture plus exactement.
Je me demande souvent - ce n’est pas nouveau - si nous ne sommes pas les uns et les autres qui nous adonnons à cette pratique, des décalés complets, des fous furieux n’ayant pas tout à fait pris la mesure de l’état de notre époque et si, partant, nous vivons réellement dans ce monde autrement qu’en tant que risibles zigotos.
Aussi me décidé-je sur-le-champ, pour illustrer mes doutes en même temps que l’insondable idiotie de nos sociétés procédurières à l’affut du moindre mot pouvant échapper à leur contrôle idéologique et totalitairement démocratique, d’ouvrir chaque vendredi cette chronique : Georges Brassens cité à comparaître.
J’imagine donc des textes écrits dans les années cinquante et soixante, de main de maître et par un esprit libre, tombant dans les oreilles démocratiquement bouchées des imbéciles au pouvoir.
Il y a là matière à écrire 52 chroniques au moins. Je n’y ai pas encore mûrement réfléchi, mais, connaissant parfaitement la plume de Brassens, en la confrontant à l’esprit des législateurs d’aujourd’hui, j’en suis certain.
Le drame dans tout ça, c’est que je pense sincèrement que Brassens passerait aujourd’hui effectivement la moitié de son temps devant les tribunaux, lui qui n’avait même pas d’avocat ! C’est en dire assez long sur la décadence achevée dans laquelle nous évoluons et la placidité de bovins avec laquelle nous l'acceptons : la censure des années cinquante et soixante, moins coquette mais plus brutale que celle d’aujourd’hui, était in fine plus conséquente.
Parce qu’elle s’attaquait à des faits plutôt qu’a des fantasmes, qu'elle agissait par pragmatisme plutôt sur par procès d'intention, qu'elle ne confondait pas le mot et l'acte. Cette censure qui se nourrit des amalgames est, dans l'histoire, l'apanage des sociétés totalitaires.
Et c’est, pour ma part, à se tordre de rire pour éviter d’avoir à en pleurer de désespoir.
*
1952/2014
Chronique 1 : Georges Brassens. Madame la Garde des sceaux porte plainte pour outrage à magistrat
Le juge pensait, impassible
« Qu'on me prenne pour une guenon
C'est complètement impossible »
La suite lui prouva que non !
[....]
Lors, au lieu d'opter pour la vieille
Comme aurait fait n'importe qui
Il saisit le juge à l'oreille
Et l'entraîna dans un maquis !
[....]
La suite serait délectable
Malheureusement, je ne peux
Pas la dire et c'est regrettable
Ça nous aurait fait rire un peu !
Car le juge au moment suprême
Criait :«maman», pleurait beaucoup
Comme l'homme auquel le jour même
Il avait fait trancher le cou.
Motivations de Madame la Garde des sceaux :
" Nous sommes dans un État de droit et dans une communauté de citoyens profondément attachés aux valeurs constitutives de la République. On ne peut dès lors laisser des artistes, même protégés par la liberté d’expression et de création à laquelle nous sommes tous profondément attachés, insinuer qu’un magistrat puisse être assimilé à une guenon et, de surcroît, sodomiser par un abominable gorille. Entre le bel esprit frondeur et la gauloiserie barbare, il y a une ligne que Georges Brassens a franchie. Ce n'est pas acceptable !"
11:13 Publié dans Brassens au tribunal | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : littérature, écriture | Facebook | Bertrand REDONNET
31.12.2013
Un dieu, des calendriers, des hommes et des épiciers
Mais que cette accumulation d’ambiances festives et surfaites peut bien m’agacer et me déranger dans ma douce et rurale torpeur ! Joies factices quand l’essentiel est le cliquetis métallique des tiroirs-caisses !
A la tienne, Etienne ! A défaut d’ivresse, hors de notre portée, achetons-nous au moins de l’ivrognerie !
En France, parce que c’était chez moi depuis Vercingétorix et Jules César, tout cela me faisait grogner et tempêter. Je buvais beaucoup…. Ça me faisait un prétexte de plus parce que j’ai toujours été un opportuniste. En Pologne, parce que c’est aussi chez moi mais seulement depuis les dernières années Chirac, que je m’y promène donc avec une mémoire toute neuve, à peine concernée, ça me fait sourire dans ma moustache. Surtout que là, tenez-vous bien, on double la mise, on remplit deux fois les caisses, le jardin des épiciers s’épanouit sous deux floraisons consécutives !
Oui, car à 18 kilomètres de là, ils ne l’entendent pas du même calendrier, les gens ! De l’autre côté du Bug, Jésus est né le 6 janvier, mes p’tits gars ! Et le nouvel an (hi han hi han) en est repoussé d’autant. Ce qui fait que quand les Polonais ont enfin vidé leur bourse jusqu’au dernier Zloty et que, épuisés et hagards, la tête lourde, ils pensent à reprendre bientôt le harnais du quotidien, hé ben les Biélorusses en masse et les Ukrainiens dans une moindre mesure débarquent, l’escarcelle béante et toute joyeuse…. Et on recommence tout à zéro sous les lampions clignotants des commerces. Ça coule à flots pendant plus d’un mois du côté des chiffres d’affaires ! C’est pas beau tout ça ?!
Remarquez que ça a aussi des avantages. Un bon camarade à mézigue qui fait chaque semaine la route jusqu’à Moscou au volant de son camion pour y livrer je ne sais trop quoi, se retrouve en congés jusqu’au 14 janvier ! Bingo ! Un mois ! Il n’est ni catholique ni orthodoxe, mon copain, alors il est bien content d’être à cheval sur deux erreurs ! Et moi pour lui… Un troisième découpage qui alignerait ses conneries jusqu’à début février ne serait pas le malvenu, ma foi !
Allez, mon doux lecteur, bonne année puisque c’est comme ça qu’on dit quand on est poli ! En ce qui me concerne, tu sais ce que je demande à une année ? Un cadeau énorme, gigantesque : Qu’elle me laisse voir et vivre à pleines dents ses trois cent soixante cinq jours sans souffrir de maladie ! Le cas échéant, ses trois cent soixante six !
L’essentiel. Toujours l’essentiel…
A la relecture, je trouve cependant que mon maigre texte aurait plus d’allure si je le concluais par un joyeux et tonitruant Viva l’anarchia ! Mais je ne le ferai pas. Non, non… Ne comptez pas là-dessus ! On dirait après ha, c’est pour ça qu’i cause comme ça, le gars Redonnet ! J’comprends mieux maintenant !
En ne comprenant rien du tout d’ailleurs. En amalgamant gentiment la cause et la conséquence, par exemple… C’est comme ça que je fais, moué, quand je ne veux pas entendre : je bricole et j’inverse les pôles affreusement dialectiques des élucubrations humaines.
09:34 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature, écriture | Facebook | Bertrand REDONNET
17.12.2013
Un almanach littéraire 2014
Vers le début de cette année, Stéphane Beau m’avait demandé si je voulais participer à la rédaction d’un almanach littéraire que les Editions du Petit Véhicule, avec son étroite collaboration, projetaient alors de concevoir.
J’avais bien évidemment répondu favorablement à cette sympathique proposition.
Hier soir, le fameux almanach dit du Saumon Poétique, littéraire et fraternel est donc arrivé dans ma boîte aux lettres.
C’est un bel ouvrage, relié à la façon toute particulière du Petit Véhicule, touffu, riche de nombreux textes, agrémenté d'illustrations de qualité et même empreint d’humour.
Cette tradition de L’almanach remonte à l’Antiquité, comme nous le rappelle le préfacier, et compte dans son sillage le fameux almanach surréaliste 1950, conduit par André Breton et dans lequel on retrouvait, parmi bien d’autres, la plume d’Antonin Artaud.
Façon esthétique, intelligemment désinvolte, d’égrener le temps qui nous tue, ce Saumon est assurément d’une belle trempe et ne nage jamais entre deux eaux : l’esprit y est clairement teinté d’un sentiment libertaire certain, lequel, pour ce qui me concerne, me sied tout à fait.
On y trouve aussi la plume de Joël Favreau, guitariste émérite de Georges Brassens pour les contre-chants.
Si vous vous sentez la curiosité de vivre 2014 avec le Saumon littéraire à vos côtés, alors c’est par ici.
11:49 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture | Facebook | Bertrand REDONNET
09.12.2013
Diplômes ? Non, non, surtout pas !
Ce qui se passe en Pologne, pour être affligeant, n’est point original. C’est le lot commun à toute l’Europe et, peut-être, à l’ensemble du monde : les jeunes gens n’y trouvent pas de quoi gagner honnêtement leur casse-croûte. Sauf certains.
Ainsi l’humour polonais, qui avait déjà fait ses preuves avec ses sarcasmes sur le ridicule de la nomenklatura communiste, n’est pas en reste pour fustiger aujourd'hui la misère, les non-sens et la cruauté du libéralisme.
Une dame, donc - raconte cette histoire polonaise - se rend dans les services, équivalents si l’on veut, de ceux du pôle-emploi en France.
- Bonjour, dit-elle, j’aimerais bien que mon fils trouve enfin un boulot ! Le problème, c’est qu’il n’a aucun diplôme, rien du tout, et il a un p’tit penchant pour la vodka.
- Il y a une forte demande dans le bâtiment. Il peut faire un maçon ou un menuisier…
- Et combien ça gagne ?
- Dans les 4000 zlotys.
-Fichtre ! C’est trop ! C'est beaucoup trop ! Il boira tout, il ne saura se tenir tranquille avec tout ça en poche !
- Bon alors, aide-maçon si vous voulez. Manoeuvre, quoi.
- Combien ?
- 2000 zlotys.
- C’est trop. C’est encore trop pour lui. Je le connais. Vous n’auriez pas plutôt un p’tit boulot à 1000 zlotys ?
- Ah si Madame ! Mais pour ça il faut être diplômé !
Cette histoire reflétant quasiment mot pour mot la réalité, je dis : Même si, révérence parler, les maçons, les manoeuvres et autres menuisiers me sont éminemment sympathiques, c'est quand même ainsi que meure un certain esprit du monde et ce sera là une des plus grandes réussites dont le libéralisme et ses valets pourront s'honorer.
10:07 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature, écriture | Facebook | Bertrand REDONNET
07.12.2013
Prague, nuit du 20 au 21 août 1968
De passage à Prague en juillet 1993, j’avais été invité à dîner chez une dame, professeur de philosophie à l’université et mère d’une amie.
Le coup de Prague est pour moi, du point de vue émotionnel et de façon indélébile, lié à cette rencontre.
Je revois toujours avec beaucoup de tristesse et aussi de pensées fraternelles, émues, cette soirée.
Nous étions à la fin du souper et nous dégustions, si j’ose dire, de la Becherovka, tant l’élixir national est capable de faire renoncer le plus gourmand d’ivresse à sa passion....Bref.
Notre hôtesse nous parlait de ses cours à l’université. Elle avait eu comme auditeur un certain…. Jan Palach.
Elle nous parlait aussi des différentes conférences sur Spinoza qu’elle faisait un peu partout en Europe .
Et ...
« En août 1968, j’étais à Londres avec mon mari. J’avais été invitée à la télévision car on voulait avoir mon sentiment, en tant qu’intellectuelle, sur Le Printemps de Prague et sur les risques encourus d’une intervention soviétique.
J’avais ri. J’avais plaisanté que nous n’en étions pas là et nullement inquiets. Que l’entrée des chars russes dans Prague était un fantasme des occidentaux. Tout ça n’était pas sérieux.
Sur le chemin du retour – nous étions en voiture – fatigués, nous nous sommes arrêtés à une centaine de kilomètres de Prague et nous avons campé. C’était dans un tout petit village entouré par de belles et sombres forêts. Le temps était d'un calme olympien et la nuit brillait de tous ses feux étoilés. C’était superbe.
Fort tard, j’ai été réveillée par le tonnerre. Dans cette demi-conscience propre au sommeil interrompu, j’ai réfléchi que le temps était pourtant au beau fixe, que le tonnerre ne pouvait pas déja ... J’ai réveillé mon mari. Nous nous sommes assis sur nos sacs de couchage et nous avons écouté la nuit, la gorge serrée par un douloureux pressentiment : l'obscurité toute entière vrombissait d’un grondement sourd, là-bas, sur notre gauche, bien au-delà de la forêt.
Un grondement régulier, ininterrompu, inquiétant, sournois.
Nous sommes sortis précipitamment. Le fracas lointain continuait, tel celui que ferait un monstre de cauchemar en investissant le monde à la faveur de l'endormissement général.
Toute la campagne tremblait sous le poids effrayant du vacarme.
Nous nous sommes jetés dans les bras l’un de l’autre.
Tout espoir était mort en dépit de cette vaste voûte qui scintillait au-dessus de nous, qui continuait de sourire, et je venais de déclarer à la barbe du monde entier que ce bruit effroyable, ces mâchoires de ferraille et de feu qui déchiraient maintenant l'aube, ça n’était qu’imagination de l’Ouest…
Nous n’avons pas pu rentrer à Prague, bouclée par les blindés. »
C’était en 93.
Vingt-cinq ans après, cette dame parlait avec des larmes humiliées plein ses grands yeux.
Elle m’a appris, entre autres, la vanité qu'il y a à vouloir commenter le monde. Pas assez sans doute : sur ce blog même, ou sur d'autres blogs en commentaires, parfois, je me laisse aller à envisager une issue, rose ou catastrophique, promise à l'état du monde.
C'est une grave erreur. Mais il n'y a pas de sagesse qui ne soit le résultat combiné d'une longue accumulation d'erreurs et de leçons apprises et point assez retenues.
08:00 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature | Facebook | Bertrand REDONNET
06.12.2013
Piqûre de rappel ou premier vaccin
La monarchie désignait sous le nom de «sujets» les objets de son arbitraire. Sans doute s'efforçait-elle par là de modeler et d'envelopper l'inhumanité foncière de sa domination dans une humanité de liens idylliques. Le respect dû à la personne du roi n'est pas en soi critiquable. Il ne devient odieux que parce qu'il se fonde sur le droit d'humilier en subordonnant. Le mépris a pourri le trône des monarques. Mais que dire alors de la royauté citoyenne, j'entends : des droits multipliés par la vanité et la jalousie bourgeoises, de la souveraineté accordée comme un dividende à chaque individu ? Que dire du principe monarchique démocratiquement morcelé ?
La France compte aujourd'hui vingt-quatre millions de «mini-rois» dont les plus grands - les dirigeants - n'ont pour paraître tels que la grandeur du ridicule. Le sens du respect s'est déchu au point de se satisfaire en humiliant. Démocratisé en fonctions publiques et en rôles, le principe monarchique surnage le ventre en l'air comme un poisson crevé. Seul est visible son aspect le plus repoussant. Sa volonté d'être (sans réserve et absolument) supérieur, cette volonté a disparu. A défaut de fonder sa vie sur la souveraineté, on tente aujourd'hui de fonder sa souveraineté sur la vie des autres. Mœurs d'esclaves.
Raoul Vaneigem - Traité de savoir vivre à l'usage des jeunes générations - 1967 -
10:07 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : littérature, écriture | Facebook | Bertrand REDONNET
04.12.2013
Merci à Vous
J’en ai donc pratiquement terminé avec mon p’tit commerce du CD et les envois. Je considère dès lors honnête de vous tenir au courant du comment l'aventure s’est déroulée. Elle continuera désormais au compte-gouttes, si d'aventure (justement) on me commandait d'autres exemplaires.
Merci à vous. Très sincèrement. Merci aux lecteurs de l’Exil, copains et copines rencontrés sur internet par le biais de ce blog.
Si je retranche cependant quelques membres de ma famille et les quelques copains que je connaissais avant l’ouverture de ce blog, en 2007, vous êtes quinze, sur une trentaine, à avoir bien voulu écouter mes velléités artistiques.
Comme quoi, l’audience d’un blog, ça ne veut pas dire grand-chose, in fine. Rien du tout même.
Pour être tout à fait précis au risque d'être ennuyeux, j'ai dépensé 800 euros et en ai, grâce à Vous, récupéré, 422...
Mais bon, je suis malgré tout heureux car ceux et celles que j’ai touchés, sont précisément des gens qui me touchent, soit par ce qu’ils écrivent eux-mêmes sur leur blog, soit par leurs commentaires ou leurs courriers privés.
Je veux aussi donner un coup de chapeau à Stéphane Prat, lui poser fraternellement ma main sur l’épaule pour l’aide sans faille qu’il m’a accordée, me tenant chaque jour au courant, et se chargeant de récolter consciencieusement vos contributions. Par pure estime et amitié, gratuitement… Et ça fait du bien de savoir qu’il existe encore des gens comme ça dans ce monde de pantins programmés pour vider la parole et le cœur de leur humaine substance.
Je publie d’ailleurs ci-dessous son commentaire sur son écoute. Parce qu’il m’a fait chaud au cœur :
Encore merci à vous. Merci à ceux et celles qui m’ont fait part de leurs impressions sur ces quelques chansons. J’ai voulu me faire plaisir, c’est fait. Et si, en plus, je vous ai fait plaisir, alors…
« Sur ta musique, je suis inconditionnel. Alors je sais bien, la musique n'est pas le tout dans le chant, mais peut-être que si après tout. Et puis sans doute, tu te dis s'il se dit inconditionnel de ma musique, c'est qu'il a quelques réserves sur le reste... Mais le reste, justement, a déjà sa musique. Apollinaire, de La Fontaine, Villon, Baudelaire (que je n'aime pas beaucoup, ce qui fait que je ne le connais pas beaucoup, et que le texte que tu chantes, du coup, m'a soufflé). Brassens, évidemment, et Redonnet, dont les textes, franchement, ne détonnent en rien.
Je n'aime pas beaucoup les adaptations musicales. Je préfère Ferré quand il se chante ou chante des paroliers, les auteurs de chansons, que lorsqu'il chante les poètes. Je trouve que tu chantes des chants sans ce décalage qui nous fait dire parfois qu'il aurait mieux valu que le chant du poète reste dans sa poésie.
Évidemment, ta voix m'a surpris, tu t'en doutes, puisque je ne la connaissais pas. Et je me suis assez vite dit nom de dieu il va se péter une corde vocale... Le titre 2, de La Fontaine, j'ai d'abord pensé que tu le chantais en polonais, et puis, non, en poussant un peu le volume on saisit la langue du fabuliste qui n'est qu'à lui, n'est plus vraiment du François, finalement. Le "Saltimbanques" d'Apollinaire n'est pas loin de me tirer les larmes, et ce n'est pas bien de faire ça à un paysan bas breton, pas bien du tout. Figure d'exil, aussi, fait décoller.
Enfin, je reviens à ta musique. J'ai aimé le côté ballade, un peu JJ Cale (je dois me planter complètement) mais la seconde guitare me fait souvent songer à ce gars-là. Et puis mystère de mystère, le chant d’Apollinaire est peut-être le moins recherché, côté musique. Alors il n'y a plus rien à comprendre !
Et c'est très bien comme ça.
S. »
09:34 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature, écriture | Facebook | Bertrand REDONNET