06.12.2013
Piqûre de rappel ou premier vaccin
La monarchie désignait sous le nom de «sujets» les objets de son arbitraire. Sans doute s'efforçait-elle par là de modeler et d'envelopper l'inhumanité foncière de sa domination dans une humanité de liens idylliques. Le respect dû à la personne du roi n'est pas en soi critiquable. Il ne devient odieux que parce qu'il se fonde sur le droit d'humilier en subordonnant. Le mépris a pourri le trône des monarques. Mais que dire alors de la royauté citoyenne, j'entends : des droits multipliés par la vanité et la jalousie bourgeoises, de la souveraineté accordée comme un dividende à chaque individu ? Que dire du principe monarchique démocratiquement morcelé ?
La France compte aujourd'hui vingt-quatre millions de «mini-rois» dont les plus grands - les dirigeants - n'ont pour paraître tels que la grandeur du ridicule. Le sens du respect s'est déchu au point de se satisfaire en humiliant. Démocratisé en fonctions publiques et en rôles, le principe monarchique surnage le ventre en l'air comme un poisson crevé. Seul est visible son aspect le plus repoussant. Sa volonté d'être (sans réserve et absolument) supérieur, cette volonté a disparu. A défaut de fonder sa vie sur la souveraineté, on tente aujourd'hui de fonder sa souveraineté sur la vie des autres. Mœurs d'esclaves.
Raoul Vaneigem - Traité de savoir vivre à l'usage des jeunes générations - 1967 -
10:07 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : littérature, écriture | Facebook | Bertrand REDONNET
Commentaires
Depuis 67, le moins qu'on puisse dire est que ça ne s'est pas arrangé...
Écrit par : solko | 06.12.2013
Sûr que la "grandeur du ridicule" s'est allée en grandissant. Avec des gens de plus en plus petits. En plus.
Écrit par : Bertrand | 06.12.2013
Et on peut ajouter que ce n'est pas demain que ça s'arrangera...
Écrit par : Feuilly | 06.12.2013
En tous les cas, comme on disait dans le Poitou : O n'en prend pas l'chemin (!)
Écrit par : Bertrand | 06.12.2013
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