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28.02.2014

Ecriture et littérature

littérature, écritureEn fait, nous avons certainement plus besoin de la littérature qu’elle n’a besoin de nous. Ceci dit dans l’abstraction, si on lui prête une identité autonome dans l’humaine civilisation, si on la considère comme une vertu de notre patrimoine. Elle a ses étoiles qui brillent au firmament, elle a ses lettres de noblesse, elle a son royaume.
Chaque écrivain, avec l’esthétisme qui est le sien, avec son positionnement particulier au monde, avec son histoire individuelle, la nourrit régulièrement de ses écrits. Certes. Mais ce n’est pas pour l’enrichir qu’il agit ainsi, ce n’est pas pour « porter le maillon de sa chaîne éternelle », mais bien pour qu’elle daigne lui ouvrir ses portes et qu’elle veuille bien le compter bientôt parmi les siens.
C’est pourquoi un écrivain - au risque de se déconsidérer lui-même - ne peut pas être modeste, sinon de sycophante façon ; en mièvre faux-cul. Car lorsqu'on en vient à se déconsidérer dans une activité cérébrale ou artistique, à moins d’être un maso – car la déconsidération de soi est aussi souffrance - on passe à autre chose. On va vers quelque chose qui serait peut-être mieux à sa portée.
En essayant de ne pas descendre trop bas toutefois.

A la veille de publier un nouveau livre, ces considérations m’embarrassent ; Quel est le plaisant objectif poursuivi ? Quelle motivation ? Être lu. Tout écrivain, s’il n’est pas le grand Montaigne qui assurait dans son introduction aux Essais n’écrire que pour lui-même, écrit pour ça. Comment pourrait-on dès lors faire montre de modestie quand on s’est persuadé d’avoir quelque chose à offrir qui vaille la peine d’être offert ?
A-t-on déjà vu un écrivain qui clamait que son livre était insipide et n’apporterait rien à ses lecteurs, qu’il ne valait même pas la peine qu’on perde un temps précieux à le lire ? Quand je dis « ne rien apporter à ses lecteurs », je parle de plaisir de lire une écriture censée avoir été  soignée, une fiction – si tant est qu’une fiction existe - bien ficelée, et non pas ouvrir l’esprit des lecteurs vers des horizons nouveaux, les éduquer, leur montrer la bonne route ou je ne sais encore quelle autre indigeste et malsaine billevesée.

A la veille de publier un nouveau livre, ces considérations m’embarrassent donc. Pourquoi suis-je tellement content ?
J’ai un poulailler à construire, des livres à lire, une clôture à faire, du bois à fendre, un voyage à entreprendre et, en plus, ce qui se passe de l’autre côté de la frontière ukrainienne, la déstabilisation téléguidée par l’OTAN et ses petits valets de pied tels Hollande, ne cesse de me révolter et de m’inquiéter...
Alors ?
Serais-je vaniteux au point de considérer que faire plaisir à d’éventuels lecteurs, est ma plus grande satisfaction ? Que je suis bon ? Je n’ai pourtant rien ni de l’altruiste forcené, ni du philanthrope, ni du bon Samaritain. Je n’ai pas mauvais cœur, je ne suis pas un mauvais bougre, certes, même si j’ai mauvais caractère, mais de là à n’être préoccupé que du plaisir de l’autre, il y a un monde.
La réponse est donc sans doute à l’intérieur. Plus loin en moi. Beaucoup plus profonde et moins accessible que toutes ces considérations.
Décortiquer son plaisir, c’est déjà l’entacher de déplaisir, n’est-ce pas ? Le fait est donc acquis : j’ai certainement plus besoin de la littérature qu’elle n’a besoin de moi.
Dès lors, ce sont mes futurs lecteurs qui sont bons. Et non mézigue.

Mais s’il est vrai, comme le note Stéphane Beau dans la préface ouvrant Le Diable et le berger, que « […] la pointe de sa plume [la mienne] a incontestablement été taillée aux siècles passés…» pourquoi ne trouvé-je pas dans mon encrier les mots qui colleraient à mon temps ?
Là, j’ai une réponse dont je suis certain : parce que je n’y colle pas du tout, à ce temps. Parce que je n’y ai jamais collé. Ni de loin, ni de près.
Et, stricto sensu, il n’y a là-dessous pas l’ombre d’une quelconque et sournoise vantardise, mais, bien au contraire, constat d’une incompatibilité d’humeur qui ne fut pas toujours confortable à vivre...

Agréable week-end à tous !

11:44 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : littérature, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

Que voilà un texte plaisant puisqu'il doit que c'est moi, le lecteur, qui suis bien bon de venir lire l'écrivain, lequel a besoin de moi et me remercie :)))

Plus sérieusement : pourquoi une écriture classique ? En partie à cause de l'école (qui nous a enseigné dans les années 50 à 70 le mode de pensée des années 30 à 50 et donc la manière de s'exprimer dans ces années-là). En partie parce que, comme tu le dis, on ne participe pas à cette société marchande et superficielle.

Écrit par : Feuilly | 28.02.2014

Salut, Bertrand,

Tout ce que tu nous dis là donne foutrement envie de lire ta prose!...
Que tu ne colles pas du tout à ton temps semblerait plutôt prometteur, non? Quand on lis ce que des auteurs actuels qui "collent à leur temps" peuvent écrire...
Mais je préfère pour l'heure m'abstenir de tout jugement avant d'avoir lu ton bouquin. Ne tarde pas à nous dire comment on peut se le procurer.

Bises de Paris (où le printemps ne saurait tarder à montrer le bout de son nez: la vigne vierge pointe de timides bourgeons sur le rebord de ma fenêtre).

Écrit par : Lesly | 28.02.2014

Je pense que l'écriture est tout simplement vitale et que le plaisir profond que tu éprouves c'est parce que quelque chose est en coïncidence.

Quant à la littérature contemporaine,qui depuis trois décennies, est en train de tourner une page de l'histoire littéraire, vous avez raison Lesly, elle ne peut s'éprouver que si on la lit.

Et je pense à cette phrase de Michel Chaillou : "L'extrême contemporain, c'est mettre tous les siècles ensemble."

Écrit par : Michèle | 01.03.2014

Cher Feuilly, je crois que tu as raison : c'est bien cette expression, grammaticale et ce vocabulaire, qu'on nous a apprise - pour ma part dans les années 60 car je suis un vieux gars :))) - qui imprègne notre façon d'écrire aujourd'hui. Des passéistes que nous serions ? Ma foi, vu la trajectoire suivie par le monde en général et les arts en particulier, qui lui sont indissociables, on n'a pas trop envie d'être futuriste, c'est certain.

Bonjour, jeune Lesly ! Merci. J'espère que tu apprécieras. Quant au printemps, ici, sous mes climats, pas de velléités avant avril

Chère Michèle, oui, c'est cela : "quelque chose est en coïncidence". Quand les désirs sont concomitants de l'évènement. En étroite relation même.
En revanche, je voudrais bien souscrire au mot de Chaillou, il est juste. Mais on a toujours vu, du moins je le crois, "les modernes" considéré le passé du haut d'une certaine condescendance. Le fameux " Le roman est mort depuis Balzac !"
Un peu péremptoire, non ?

Bien à Vous trois.

Écrit par : Bertrand | 03.03.2014

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