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06.08.2008

Gerhard, jardinier

J’ai laissé en France un tas de petites affaires, de ces petites affaires qu’on met dans des tiroirs qu’on n’ouvre plus parce qu’on n’a plus envie d’ouvrir des tiroirs, parce qu’on n’est plus soi-même qu’un tiroir et que dans ces tiroirs aussi y’a des lettres de créanciers, des lettres malveillantes de banquiers irascibles, des rappels à l’ordre à cotiser, que sais-je encore ?
Et dans tout ce fourbi de l'insouciance, y’a d’autres affaires qui n’ont rien à y faire : des cahiers écrits, des pages gribouillées, des bouts de partitions inachevées, des photos, des disques, des cassettes audio…


En visite ici début juillet, mon fils m’a ramené une de ces cassettes audio. Une vieille cassette audio comme on n’en voit plus.
Avec une photo aussi, deux hommes se tenant par l’épaule et deux enfants devant eux, sur le perron d'une maison ensoleillée.
Deux documents auxquels je tenais pourtant et que j'avais abandonnés sur ma route. Deux documents par eux-mêmes et par le sentiment ému qui me lie à l’homme dont je les tenais.

Un soir à Vaison-La-Romaine au pied du Mont Ventoux, en 2003 je crois.
Il y avait là des livres, des gens et des chants. Un homme aux cheveux blancs qui crantaient, le visage toujours souriant, de ces visages ouverts qui vous donnent tout de suite envie d’ouvrir vos bras.
Nous nous sommes liés d’une éphémère camaraderie. Nous avons bu pas mal de verres de Côtes-du-rhône ensemble, nous avons déjeuné aussi. Nous nous sommes racontés. Lui plus longuement que moi. Sans fioritures ni nostalgie surfaite. Et pourtant…


Gerhard qu’il s’appelait et que j’espère qu’il s’appelle encore. Allemand de son état civil.
Par un dimanche gris d’hiver, dans l’est de la France, j’ai oublié précisément où, sur la frontière je crois, Gerhard en vadrouille avait voulu se restaurer dans une auberge isolée.
La porte était ouverte. Il était entré.

La tenancière était alors précipitamment venue à sa rencontre et lui avait dit, gentiment mais l'air un peu gêné quand même, que l’établissement était fermé.
Qu’elle en était bien sûr profondément désolée pour lui.
Gerhard avait fait une longue route et il lui en restait encore beaucoup à faire. Il avait faim. Il s’apprêtait à demander très poliment à être servi malgré tout, même d’un repas froid.

 

Car au fond de la salle un peu obscure, quatre personnes se restauraient pourtant en riant et en blaguant.
Avant même que Gerhard n’ait eu le temps de formuler sa supplique, un homme trapu et abondamment moustachu s’était levé de la table et était venu dire à la patronne des lieux, avec un fort accent du midi et tout sourire :
- Hé, bien sûr que c’est ouvert, puisque nous sommes là. Madame, mettez pour cet homme un couvert à notre table. Il va déjeuner avec nous.
Et prenant Gerhard par l’épaule comme un vieux camarade, l’homme l’entraîna jusqu’à sa table.
Il déjeuna copieusement avec les quatre personnages qui plaisantaient beaucoup et qui parlèrent avec lui des choses simples ou plus compliquées de la vie qui passe.
C'est ainsi que Gerhard en vint à confier qu'il n'avait pas de travail.
Le moustachu débonnaire lui demanda alors s’il aimait  s’occuper d’un jardin. Quoique surpris, Gerhard dit que oui, il savait, il aimait bien ça même.
Alors, sans plus d’ambages :
- T’as trouvé du travail, Gerhard. Je t’embauche pour entretenir les extérieurs de ma maison en région parisienne. D’accord ?

Ainsi fut fait. Et pour longtemps.
Quinze ans.
Gerhard devint le jardinier d’un certain Georges Brassens.

Et il m’a confié à moi :
- Georges n’avait pas besoin de jardinier. Dans son jardin, fallait toucher à rien, fallait laisser les herbes faire ce qu’elles voulaient, qu’elles vivent leur vie d’herbes. Il n'y avait rien à faire. Nous sommes devenus des amis. Chaque fois que je voulais prendre une binette ou un râteau, Georges tempêtait : - Qu’est-ce que tu vas encore me saccager ? Laisse ça tranquille ...


Véridique. Mon histoire comme la sienne. Corne d"aurochs m'a confirmé plus tard.


Et la cassette ? Un soir de fête, Brassens s'évertuant à chanter « le Fossoyeur » en allemand. Un mauvais enregistrement pris sur le vif, mais le seul de Brassens en allemand.
Et la photo ? Une vieille photo de Gerhard avec ses deux enfants et Brassens, pipe au bec et le bras posé sur son épaule.
A Crespières.

Aujourd'hui, tendre salut à vous deux, vieux compagnons !

15:33 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

04.08.2008

Humains, icy n’a point de mocquerie,

 P1090015.JPGBon, vous avez vu ? Juillet est fini.
J’étais pas en vacances.
Pour la bonne raison que j’ai décidé de passer le reste de ma vie en vacances. C’est pas si facile qu’on pourrait le croire de passer sa vie en vacances, de ne pas participer à la croissance.
Ça demande même plus d’efforts que d’y participer. Mais ce sont là des efforts agréables. Des oxymores de saltimbanques.
Surtout quand on n’est pas à la retraite, qu’on n’a pas encore l’âge et que même si on l’avait, l’âge, on serait quand même gros jean comme devant parce qu’on n’a pratiquement rien donné dans l’escarcelle de la solidarité sociale.
On n’y a pas pensé. On musardait. On chantoit des âneries. On regardait par la fenêtre. On a même cru, un moment, à des utopies qui disaient que le monde allait devenir humain. C’est malin !
Travailler plus pour gagner plus, qu’il disait, l’autre. On aurait pu lui rétorquer, quand même, qu’on perd sa vie à vouloir la gagner.
Mais l’époque a perdu l’odeur des bons mots incisifs. Alors, on l’a laissé dire.
On laisse tout faire et tout dire.

Tenez, comme ça :

Depuis le début de l’été,  je fais régulièrement le tour des blogs amis.
"Fermeture estivale", "Pause estivale", "Pause tout court", "Nous sommes momentanément absent", que je lis.
Humains, icy n’a point de mocquerie,  mais j’ai l’impression des fois de faire le tour des boucheries-charcuteries, boulangeries-pâtisseries ou autres papeteries.
Fermé pour congés annuels.
Si c’était pour cause d’enterrement, encore. On compatirait en silence.
Alors je me suis dit que j’étais un mauvais  bloggueur. Encore sur la marge.
Parce qu’un vrai bloggueur, ça a des congés.
Sans solde sans doute,  mais des congés quand même.

Ah, vivement les feuilles jaunies et qui dansent sous les premiers brouillards des équinoxes, vivement le vol plané des grands migrateurs, les odeurs humides des bolets, la lumière oblique des matins, que les blogs requinqués, plus forts de leur repos, la mine poupine, l’esprit plus vif que jamais, nous offrent les bonnes résolutions poétiques des rentrées.
Parce que la poésie, la réflexion, la critique, les coups d'gueule, l'écriture du monde, c’est à la rentrée que ça se passe.

Mais pour rentrer, faut être sorti.
Sais pas comment  j’vais m’en sortir, de cette rentrée.
J’aurai rien à dire. J’ai rien vu.

Humains, icy n’a point de mocquerie...

13:54 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

14.07.2008

Le chat

Entre chien et loup, longtemps j’ai suivi la piste du loup.
Avant d’être ici.
C’est un lieu commun, un sentier besogneux : l’homme qui veut aller au bout de son art  de vivre ne peut échoir qu’ici.
L’art  de vivre qui ne trouve pas ici son prolongement, son aboutissement peut-être, a composé.
Et c’est tant mieux.
Cet art aura vécu entre la chèvre et le chou. Un loup choisira toujours la chèvre. Que voudriez-vous qu’il fît d’un chou ? Je vous le demande bien. Les chiens, eux, se satisfont de tout. Le chou pour pisser, la chèvre pour la ramener sur les sentiers battus.
En lui lacérant les jarrets.
Et ça lui donne un métier, au chien. Une raison d’habiter parmi les hommes.
Moi, j’ai peur des chiens. J’ai toujours eu une peur bleue des chiens. Des caniches comme des molosses.

Ici, on n’est plus parmi les hommes et les chiens ne viennent jamais. On est entre loups débusqués du hallier.
Mornes arbres d’un morne parc. Allées balayées par des automnes liquéfiés de maussades.
Regards vidés par le tourment léthargique de la chimie, en surface et en pyjama.

Car je marchais.
Joie initiale, et jamais égalée depuis, d’être  debout dans l’espace. Aller à la rencontre du vide posé devant vous.
Marcher sous la pluie qui fait couler sa froidure dans le dos ou sous le soleil qui ronge la peau.
Marcher sans dire.
Surtout marcher seul.
Parce qu’on marche d’abord vers cet horizon courbé et qu’on ne sait pas ce qu’il y a derrière le dos rond de cet horizon.
Le soleil y plonge. C’est tout ce qu’on sait.
Encore que…
Vient  un moment où l’on ne sait plus s’il sort de la terre ou s’il va s’y enfouir, tant que l’on ne sait plus, non plus, à quel bout de sa promenade on en est.
Au début ou vers la fin.
Initiatique ou testamentaire.
Une plaine ? Une colline ?  Un fleuve ? Des bois ? Un désert ? Des animaux ténébreux ? Au pire d’autres hommes, qu’il y aurait derrière cette échine enluminée ?
On ne peut rien affirmer de cet horizon voûté. Ou alors des bêtises. Des plates ou des savantes. Ça  dépend comme on marche. En tous cas ne pas écouter sinon son propre murmure.
A écouter les bêtises plates ou savantes qu’on dit de la courbe de l’horizon, forcément on dira soi-même des bêtises.
Plus affligeant : on les croira bientôt.
Comme si on avait déjà été voir là-bas alors qu’on voit à peine jusqu’au bout de ses pieds. Il n’y a pas plus présomptueux, plus répugnant même, que quelqu’un qui marche en faisant croire qu’il sait déjà le paysage de derrière la colline.
Un raseur, un imbécile, au mieux un fat.
 Non. Marcher, c’est ça qu’il faut. Marcher avec le vent qui vous pousse ou qui sort de devant, d’on ne sait où, et qui chahute les poils du visage.

J’ai marché sur la piste du loup. La plus solitaire.
Je m’y suis perdu.
Le chemin jusqu’à l’horizon semblait pourtant largement ouvert. Soudain un mur.
Enfin, c’est ce que je crois, que je me suis échoué.
Mais peut-être  suis-je en fait passé de l’autre côté de la colline en feu et que c’est ça qu’il y avait derrière la colline en feu.
Simplement.
Des imbéciles errants et qui avaient perdu le sens des allégories.

Figurez-vous que, avant que ne se dresse devant moi ce  mur que je n’ai su franchir, j’avais rompu avec le monde entier. Pour de multiples raisons. Des essentielles et de bien superficielles.
J’avais alors pris cette habitude de marcher en sens inverse.
C’est mieux pour éviter la foule qui dit des bêtises intelligentes.
J’entamais ma marche sous le crépuscule des lunes naissantes. Je traversais des champs, des bois, des petites rivières, les mains derrière le dos.
Mes plus belles balades étaient hivernales. Parce que c’est beau, l’hiver. On s’y sent chez soi. Choses désemparées d’elles mêmes, vidées de leurs parures, langages de l’essentiel.
C’est arrivé une nuit sans lune et froide, celle du mardi-gras.
Je venais de terminer un livre et j’étais un homme apaisé.
C’est mon métier. Je suis écrivain. Mais pas un écrivain marchand.
Je n’ai d’ailleurs jamais marché en marchand. Je n’ai toujours marché que pour moi-même.
 Pas pour méditer.
Car dès lors que j’ai franchi la frontière de la solitude quasi absolue - celle dont parlait un autre écrivain et qui disait, je ne me souviens plus son nom, que lorsque les rapports d’un être humain se limite à ceux qu’il entretient avec son épicier, les choses commencent à devenir vraiment claires -  je ne me suis  plus posé les questions qui encombrent l’espace réservé au monde. Toutes les questions sont vaniteuses, je l’ai déjà dit. La seule réponse aux questions est derrière l’horizon.
Insurmontable frayeur, toujours formulée sans jamais être dite.
Et tous ceux qui ont vu derrière cet horizon n’en ont plus jamais reparlé. Et les autres,  les pieux, les philosophes, pire encore, ceux qui relèvent des deux catégories, se croient autorisés à parler à leur place.

La nuit du mardi-gras, donc, il ne gelait pas très fort mais la terre était dure et noire des gels profonds des nuits précédentes. J’étais emmitouflé et j’arrivais bientôt à la fin de ma promenade,  quand le sentier sort des bois et s’engouffre dans les villages, chez les gens qui dorment.
C’est là que j’abandonne. Près du sommeil des gens.
Ce n’est pas leur sommeil que je fuis, vous l’aurez pressenti. C’est leur réveil.
C’était ma promenade nord, de loin ma préférée, celle des bois sombres et des bruissements fauves.
Car, voyez-vous, j’avais quatre promenades bien définies.
La promenade sud, à l’opposé, était celle des champs et des buissons courts.
Une promenade tout ouverte au soleil pendant la journée, sans doute, et la nuit entièrement offerte aux souffles timides de la lune, c’est sûr. Une promenade sans ombre. Ouverte.
La Ouest, elle, suivait la rivière et traversait quelques halliers moussus, faits d’aulnes et de roseaux. Une promenade humide, un peu indécise et où le pied qui s’enfonce est parfois pénible.
La Est escaladait lentement un coteau et débouchait soudain, c’était à chaque fois surprenant, sur une sorte de plateau herbeux avec des arbres par-ci, par là et du vent toujours dedans. La promenade des renouvellements de décor.
Toutes faisaient rigoureusement vingt kilomètres.
Pour l’heure sur cette promenade nord, la plus froide, le temps de faire demi-tour, de retraverser les bois de chênes et de châtaigniers mêlés comme leurs odeurs mouillées, d’arpenter un petit champ ondulant, de pénétrer dans un autre bois encore par un sentier brumeux,  il serait l’heure du premier aboiement des chiens et du premier soupir des loups. Je me glisserai sous les draps.
Paisible.
Je travaillerai tout l’après-midi à mes corrections.
J’aime me corriger. C’est comme si j’étais deux hommes. Un passé et un présent. Tiens, qu’est-ce qu’il raconte là, ce gredin ? Et là, c’est bien ce qu’il dit…Je me corrige le plus souvent à voix haute.
Ça  donne le brouhaha des controverses.
Ensuite, je dînerai en buvant du vin et je ressortirai à mon rendez-vous avec les ombres de la nuit.
Pour marcher.
Demain serait la promenade ouest.
Car mes promenades tournent en sens inverse des aiguilles de la montre.

Ce fut juste un  frôlement tiède.
Je sursautai.
Un chat.
Un chat jaune faisait le dos rond et se dorlotait gentiment contre ma jambe, queue dressée et ses deux yeux verts qui flamboyaient vers moi.
Je me moquai de ma frayeur et machinalement me penchai pour gratifier l’animal d’une caresse humaine
Le chat retroussa alors les babines, siffla, cracha et me blessa la main d’un méchant coup de griffes.
Il bondit dans les fourrés et j’entendis sa course dans les sous-bois.
Le salaud !
Sur le chemin du retour, je me plus en de naïves allégories sur la séduction fortuite suivie de la brutalité gratuite.
Je me dis aussi que le chat était un être hybride. Un être qui n‘a pas choisi entre le chien et le loup.
Qui est les deux.
Ce chat pouvait être aussi bien un couche-tard qu’un lève-tôt.
Car les chats vagabondent la nuit et dorment le jour. Ou inversement.
Ça dépend des saisons et ça dépend des maisons.
C’est pour ça qu’ils ne sont aimés ni des chiens ni des loups.
Seulement des hommes.

J’oubliai le chat jaune.

Il faisait un soleil tout pâle dans un ciel tout bleu et la lumière éclairait  plaisamment ma petite table au travers les vitres, quand je me remis à mes relectures de l’après-midi.
C’était agréable, cette lumière diaphane sur les pages.
Ça me plaisait aussi ce que je relisais. Une série de réflexions-souvenirs sur un lointain voyage, dans le temps je veux dire, que j’avais fait  dans des villages silencieux de l’Europe centrale. J’y  avais rencontré des hommes poilus comme des barbares. Encore éberlués  par le poids de l’histoire  et contraints par les rigueurs des hivers continentaux.
C’étaient des gens de ma génération, pas assez vieux pour se coucher encore mais déjà plus assez jeunes pour accueillir les bras ouverts un nouvel espoir qui viendrait des vents d’ouest.
On leur avait trop fait le coup des lendemains chanteurs et quand on leur parlait de cette nouvelle espérance, ils se tapaient sur les cuisses en tordant la bouche, rieurs et goguenards.
Je leur disais qu’ils avaient bien raison ; Je n’avais pas vécu la botte stalinienne mais je savais les stupidités et les mensonges des sociétés dites libérales à la seule recherche d’une croissance qui ne voulait absolument rien dire pour le bonheur des hommes,  sinon un peu plus de cochonneries à se procurer pour le passant et un peu plus d’or dans l’escarcelle des maîtres.
Mes compagnons sans comprendre vraiment haussaient les épaules. Ils conduisaient par les sentiers que durcissait le gel ou qu’engloutissait la neige, d’immenses chevaux rouges, de ces chevaux que montaient, m’a-t-on dit, les effrayants chevaliers teutoniques, des chevaux puissants, des chevaux de guerre , des chevaux pour massacrer les mécréants.
 Eux, ne songeaient pas à la guerre ni à massacrer qui que ce soit : ils débardaient des arbres que tiraient leurs chevaux, comme depuis la nuit des temps.
De robustes pieds de nez à la marche de l’histoire ; Des hirsutes de la forêt hercynienne, presque.
Leurs regards avaient la froideur des couteaux mais leurs poignées de main la chaleur des amitiés humaines.
Longtemps j’étais resté parmi eux. A les écouter, à regarder le froid pétrifiant toute chose. Simplement.
On parlait par gestes ou par onomatopées.
Ça limitait considérablement les risques d’erreur. Sans les phrases, le coeur va souvent à l’essentiel.
Oui, ça me plaisait bien, ce voyage que je refaisais là parmi eux, avec mes pages.
Moi qui vivais comme les loups, sans une âme avec qui converser, je m’aperçus qu’ils me manquaient ces hommes brutaux des forêts de pins et de bouleaux.
Je soupirai. J’aurais tant voulu les….Je regardai vers le dehors…
Je vis ses deux yeux verts, d’une immobilité terrifiante : Le chat jaune était là, sur le rebord de la fenêtre, et m’observait.
Je poussai un petit cri d’effroi et me levai d’un bond.
M’avait-il suivi ?
Etait-ce un chat haret ?
Qu’est-ce qu’il voulait, ce chat, à la fin ?
Etait-ce bien le même ?
Je consultai la paume de ma main ou deux traces de griffes boursouflaient.
Le chat miaula et je vis la blancheur effrayante de sa dentition.
Je m’approchai de la fenêtre.
Il fit le dos rond et miaula encore, implorant comme seul savent implorer les chats.
J’ouvris la fenêtre.
Je ne peux pas dire pourquoi. Ni comment.
Je n’ai pas pensé à ouvrir la fenêtre. Je l’ai ouverte, c’est sûr, mais je ne m’en souviens pas : ce chat me faisait soudain peur. Pourquoi lui aurais-je ouvert ? Est-ce qu’on ouvre sa fenêtre à la peur ?
Je me souviens qu’il a sauté d’un bond sur le plancher de mon petit bureau, qu’il s’est encore dorloté gentiment à ma jambe, que je n’ai pas osé le caresser, que je lui ai offert un reste de viande, qu’il a mangé, que je lui ai offert de l’eau, qu’il a bu, puis qu’il s’est endormi, en fœtus, sur le fauteuil, près d’une série de livres traitant de l’anarchie.
Un rayon de soleil caressait ses oreilles qui frémissaient pendant qu’il ronflait.
C’était idiot, mes frayeurs. J’avais des réactions idiotes. Les réactions décalées de la solitude. Ce chat cherchait une maison ; C’était un chat errant.
Je le regardai dormir paisiblement et je souris. Je me résolus à adopter le chat.
Je repris mes lectures.

«Des paysans de ces bois,  j’avais appris des techniques du monde néolithique.
Vers le milieu du printemps, par exemple , quand  le sol était enfin libéré de l’étreinte du gel, il fallait parcourir la forêt là où elle avait été éclaircie par le bûcheron des années auparavant et trouver une souche de pin, une vieille souche.  D’un gros pin. Il fallait ensuite  déterrer cette souche à la pioche,  avec ses racines, et  l’extraire comme une grosse pieuvre sous le sol endormie.
C’était alors un parfum insoupçonnable surgi des profondeurs. Toute la résine s’était concentrée dans ce cœur nourricier et qui n’avait pas voulu mourir de la mort de son nourrisson.
On transportait alors  la souche et avec une hache luisante comme une arme de précision on la dépeçait  en  petits tronçons d’une dizaine de centimètres, pas plus.  Ces tronçons gorgés de résine deviendraient  de véritables petits feux d’artifices  qui s’enflammeraient  et serviraient à démarrer les poêles, la saison venue.
Aux fenêtres la glace serait  suspendue sous le hurlement des vents mais la chaleur monterait lentement des grands poêles en  faïence. Tôt le matin. Très tôt. Bien  avant que le jour n’ait pointé le bout d’un rayon glacé.
La  forêt était explorée dans ses moindres ressources, prélevées avec parcimonie.
C’est au cours d‘une de ces expéditions de printemps que j’ai rencontré… »


Je n’avais pas trop envie de me souvenir de ça. Je me levai.
Le chat avait disparu. Mes livres s'étaient volatilisés.
Je courus au dehors et hurlai mon épouvante aux quatre coins du monde.

Après, je ne sais plus...
J’ai rêvé de lumières bleutées qui tournoyaient.
Puis je me suis réveillé au lit.
En pyjama.

Le monde est devenu inodore incolore et sans saveur.
Potable.

13:34 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

06.07.2008

La mémoire et la terre

P1280003.JPGSur le sable, sur la boue ou dans la neige, le marcheur laisse forcément l’empreinte d’un cheminement.
C’est son second voyage, celui de la mémoire.

Moi,  je suis un randonneur fatigué.

Alors, je me retourne.
La longue sinuosité de mes pas se perd dans une nébuleuse, derrière des rideaux de forêts.
Je suis sorti de ces antiques futaies, tout là-bas. Je le sais bien. Comme d’une forêt hercynienne et devant le sol est vierge.
J’ignore quels seront les dessins que mes souliers vont y inscrire.
Mais je sais bien où ils vont. Je sais bien le projet accablant de mes pas. Je ne sais pas leur nombre.
Je vais peut être ralentir et penser à ces traces de pas, tendre l’oreille pour écouter comment elles vivent leur vie de traces de pas.
Mais la plaine semble effrayante.  Balayée par les vents, on dirait qu’elle s’enfonce dans la terre, là-bas, qu’elle veut l’étreindre, s’y confondre et s’y perdre.
Elle courbe l’échine, vaincue par l’horizon.
Le courage m’abandonne, je le sens bien.
Je vais renoncer et remonter jusqu’aux forêts, derrière. Je vais marcher là où j’ai déjà marché pour arriver jusqu’à cette fatigue et jusqu’à cette peur.
Mais, volontaire, j’abîme le contour des pas anciens. Dans ce sens là, je ne sais pas marcher avec aisance et naturel. Aller jusqu’au bout de ce muet sentier, c’est trébucher à coup sûr. Tomber peut-être.
On ne descend pas de cheval pour se regarder monter.

Et il n’y a que fantômes au bord de ces signatures qui ricanent de ma vaine aventure à vouloir les faire vivre deux fois. Parce qu’ils sont des fantômes, ils ne comprennent pas que c’est moi qui veux vivre deux fois.
Si j’avais su tout cela, si j’avais su la mélancolie de ce désespoir des étoiles, j’aurais tourné en rond. A un certain moment, forcément, je me serais revu, je me serais fait un signe de la main, je me serais salué, tout en continuant d’accomplir mon destin de marcheur vers cette échine,  là où l’horizon et la terre s’embrassent.
Ces pas sont ma consternation. Ils n’ont rien résolu des fondements du voyage. Ils ne savent parler que morts.
Comme eux redoutable tautologie, le bonheur illusoire est dans la relecture de ces épitaphes à la rencontre desquelles je m’efforce désespérément d’aller, pour occulter la plaine.
C’est une mémoire qui sert à oublier.

10:05 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

24.06.2008

L'imaginaire est à tous

 P3250002.JPGJe ne chercherai pas à me procurer le livre « Contact » de Cécile Portier et quand bien même celui-ci viendrait-il un jour et par hasard jusqu’à moi, que je ne le lirais pas.
Non pas que je préjuge qu’il soit un mauvais livre. Bien au contraire. Je fais toute confiance à son éditeur, François Bon qui, soit dit en passant,  est en même temps le mien sur Publie.net.
Par ailleurs, ce qu’en dit Anne Sophie Demonchy invite à la lecture.
 L’interview qu’en donne l’auteur est très bonne aussi.

Alors quoi ?
Alors ce livre, j’aurais pu l’écrire et j’ai longtemps été tenté de le faire.
Différemment bien sûr. Ce livre, ce récit, dans ce que j’en entends, je l’ai vécu au plus profond de moi et je ne veux pas courir le risque de me revoir sur des mots qui ne seraient pas à moi.
Je me vois donc contraint, puisque j’ai commencé, d’entrer un instant dans le vif de mon existence.

Un matin de mai 2005, au volant de ma voiture, j’ai pris la décision de tout bousculer de ma vie. Les remous de l'amont n’ont aucune importance ici.
Sur la banquette arrière, il y avait une brosse à dents, du dentifrice, un ou deux jeans et des pulls, quelques livres, dont Zo d'Axa, Vaillant et Maupassant, ma guitare et des partitions de Brassens.
Mon monde se réduisait à ça et à l’intérieur de cette voiture. Une Audi A4, pour être tout à fait précis.

A un carrefour en rase campagne, le destin m’attendait et n’admettait plus la tergiversation.
A droite, c’était le retour chez moi, vers l’océan, là où étaient ma famille, mes amis, tout ce que j’avais construit, un boulot, ma langue et mon pays aussi. A droite, c’était la continuité de ce que je vivais depuis plus de trente années, c’était le chemin balisé où était inscrite une histoire sous mes pas .
A gauche, c’était Poitiers, Paris, la frontière allemande, l’Allemagne, toute l’Allemagne, puis une autre frontière encore, la Pologne, toute la Pologne.
Jusqu’ici, à la frontière biélorusse. A gauche, c'était l’abandon d’un pays, l’effondrement des repères, le schisme, la voie grand ouverte vers l’inconnu.
Je suis resté scotché à ce stop de longues, de très longues minutes. Du coup de volant que j’allais donner dépendait tout le reste de ma vie. Un millième de seconde.
Un couperet. Une réponse claire. Des instants où la réflexion creuse encore plus les fossés, écroule les mondes, incendie les certitudes, des instants de solitude extrême, comme peut-être, je n’en sais évidemment rien encore, on peut en éprouver face à la mort.
Et moi, c’était vers la vie que je voulais fuir.

Voici donc exactement le récit que j’en fis à un ami, mot pour mot, virgule pour virgule, quelque temps après, une fois que le coup de volant eut été donné, comme dans un état second, à gauche.
Il s’agit là d’un copier/coller daté du 18 décembre 2005.

« Ce stop, vois-tu, semblait avoir été posé là pour moi seul et comme limite où devaient s’exprimer, sans qu’aucune dérogation ne soit permise, en même temps la fin de la duplicité et le commencement du courage à vouloir vivre sa vie, à droite comme à gauche.
Le ciel de mai était gris, froid, bas et moche. Je voyais des corneilles bousculées par le vent et qui planaient sur les blés en herbe. Une responsabilité énorme pesait sur mes épaules, depuis toujours peu portées à les recevoir, les responsabilités. Si je prenais à gauche, on pleurerait à droite et inversement.
Que s’est-il passé exactement ? Je ne saurais aujourd’hui trop bien te le dire. Je me souviens avoir hurlé de joie une fois que la voiture eut bondi à plus de cent cinquante à l’heure vers l’entrée de l’autoroute. J’ai hurlé de joie parce que je fonçais vers une décision prise, irrémédiable et franche. Vers d’autres horizons dont je ne connaissais pas encore la couleur et que j’habillais simplement d’espoir.
Aujourd’hui, installé dans cet hiver que la neige englouti, à plus de 2500 km de tout ce que fut jusqu’alors ma vie, dans une langue où je n'entends que des chuintements, heureux et reposé, je me demande souvent ce qui se serait passé si j’avais tourné le volant à droite.
Je ne le saurai jamais. Je mourrai sans le savoir.
Peut-être un jour, pour tuer cette frustration,  écrirai-je un texte où je referai l’histoire, je me ferai apocryphe. Un texte où le personnage tournerait à droite. Je ne sais pas si je le ferai hurler de joie devant la fin de l’indécision.
Parce que nous sommes des êtres inachevés, des prétentieux qui nous croyons maîtres de nos destins alors que nous ne comprenons rien à la mise en scène de notre propre histoire. Nous sommes suspendus aux quarts de secondes passionnels….»
etc.


Je n’écrirai jamais ce texte. Ni Cécile Portier, ni François Bon n‘y sont pour quelque chose.


La littérature écrit le monde en mouvement. Ce sont là des concepts de forte liberté. Le monde n’appartient à personne, pas plus que la littérature.
Nous avons une fâcheuse tendance à croire que notre aventure sous les étoiles est unique, exceptionnelle et que l’imaginaire qui s'en nourrit nous appartient.

C’est d’une vanité dramatique.
Tout cela est universel.

Et pour conclure, quand il se trouve des hallucinés(ées) assez bornés(ées) pour croire lire chez un autre des bribes de leur imaginaire,  ils ou elles ne sont bien souvent que de pitoyables personnages.
D’une grotesque fatuité.
Ce sont des imaginaires dont les lumières ne portent pas plus loin qu’une lampe pour les cagouilles, bref des imaginaires sans imagination.
Je souhaite évidemment longue vie et bonheur au livre de Cécile Portier. Du fond du cœur et pour plein de raisons, indépendantes les unes des autres.

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27.05.2008

L'homme de Gnojno - Extrait texte en chantier -

Donc, sitôt prévenu qu’on frappait à la porte de son gîte, le fermier de Gnojno était accouru.
C’était un homme haut et étroit, les traits durs et un long nez rocailleux. En dépit de cette rudesse, le regard était bleu très clair et miroitait agréablement. Dès qu’il sut que nous écrivions un livre sur la région, il nous invita  sur un banc fait de deux planches à l’état brut faisant corps avec une table tout aussi sommaire. Le tout posé sur un plancher bancal qui se voulait une véranda.
Ses parents étaient venus d’Ukraine après la guerre, des environs de Lwow.  Poussés vers le Nord-ouest, mais pas beaucoup, quelque deux cent kilomètres. Et il se mit à évoquer l’Ukraine avec ses yeux bleus qui vacillaient légèrement et le bras vigoureusement tendu qui montrait l’est. Et tandis qu’il racontait, je le regardais interloqué. Moi l’étranger, j’étais venu voir un autochtone et j’étais assis devant un gars qui ne se sentait pas chez lui, là, à Gnojno, et qui parlait de son déracinement et dont la voix monocorde, je le sentais bien, était tout empreinte de tristesse.
Il inversait joliment les rôles et sans doute avait-il raison. Car moi j’étais tout de même là de mon propre chef, tandis que lui, c’étaient les chambardements frontaliers qui l’avaient échoué dans ce village comme les tempêtes échouent sur les plages les algues et les ordures qu’on jette par-dessus bord des navires. Mais les détritus, ça se ramasse, ça se conditionne, ça s’élimine. Lui, soixante ans après, il était resté tel qu’aux premiers jours échoué sur le même sable.

Il dit encore qu’avec les communistes, il avait trois vaches, un cheval, un cochon et des poules et, par-dessus tout, une paix royale. Personne ne venait fouiner dans ses affaires.
Maintenant, il avait une vingtaine de vaches, une trayeuse électrique et il vendait tout son lait à la laiterie. Le lait devait être comme ci et pas comme ça, il avait fallu faire des évacuations, des aérations, des vaccins, des prévisions et il n’entendait rien à la paperasserie qu’on lui demandait. Et puis au final,  il n’avait pas plus de sous qu’avant avec des tonnes d’emmerdements en plus. Alors ? Hein ? A quoi ça avait servi tout ça ?  Hein ?
Il posait la question en se penchant en avant. D balbutiait liberté, droit des gens, démocratie…Il haussait les épaules, hautement moqueur mais sans aucune brutalité.
J’ai appris beaucoup de cet homme. Que d’autres petits paysans par leur discours sont venus vérifier par la suite. J’ai découvert en quoi, peut-être, résidait la force pérenne des dictatures. Pour ce paysan, comme pour bien d’autres, le communisme, tel qu’usurpé à l’est, c’était le droit de faire ce qu’il voulait dans son jardin. Pourvu qu’il ne s’y enrichisse pas de façon trop ostentatoire, on ne lui demandait rien. Il  avait un gîte, de la pitance et la course du soleil pour éclairer les jours et compter les années. Le reste, la liberté d’écrire, de parler à voix haute, d’écouter, de lire, de voyager plus loin que la rivière, c’était affaires d’intellectuels, de penseurs et de gens des villes parce que leurs maisons, leurs rues et leurs usines étaient trop étroites. Le petit paysan, lui, il s’en fout de ces libertés-là. On ne lui a jamais appris à s’en servir alors leur privation ne le meurtrit pas. Le muselage intellectuel ne le touche pas. La vie est ailleurs. Elle se mesure au jour le jour, saison après saison. Elle se joue au printemps avec les labours et les semailles, l’été avec les moissons, l’automne avec le ramassage des pommes de terre et l’hiver avec la lutte obstinée contre le froid, la neige et le vent. Ce qu’il y a par delà ces rideaux quotidiens,  il ne faut pas s’en mêler. C’est de la politique et la politique…
La politique, ça fait des guerres et des morts.
Je pensais à la Makhnovchtchina. Que des paysans, incultes de notre point de vue. Pourtant vainqueurs de Dénikine. Et s’ils n’avaient été par la suite crapuleusement égorgés par Trotski lui-même, qu’auraient-ils fait de l’unique expérience anarchiste au monde qu’ils avaient mise en place en Ukraine ? Jusqu’où les tsars les avaient-ils volés et jusqu’où avaient-ils violé leur droit à l’existence qu’ils aient pris une part aussi cruciale, intelligente  et violente à la grande déferlante de l’histoire ?
Cet homme sec aux mains raboteuses, là devant moi, ce paysan d’origine ukrainienne, s’il était né seulement quelque trente ans plus tôt, aurait-il fait partie de l’épopée et été un compagnon de Makhno ?  J’étais sûr que oui, ça me plaisait d’en être sûr et je le regardais décliner ses phrases et ses mots de la nostalgie et je me disais que l’histoire, les luttes, les trahisons, les échecs, les vérités, les morts, les prisonniers, les réussites, les idéaux, les tactiques, les alliances, les buts, les systèmes, tout ça, c’étaient les hasards du réel, les leurres d’un prisme déformant et que les hommes n’entendaient rien, absolument rien à la mise en scène de leur propre destin.
Ils étaient des ombres.
Des balbutiements.

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13.05.2008

J'ai vu Dieu

707338038.2.JPGJ'ai vu Dieu
J'allais pieds nus
Et j'ai vu Dieu
Bordel de dieu
Il était noir
Et jouait du blues
I picolait
Comme un vrai trou
Et  i gueulait
Qu'cétait pas lui
Qu'cétait pas lui
Qu'avait fait ça
I rigolait
Comme un pendu
Des gloires rendues
Et i s'tordait
Se tapait l'ventre
Et puis les cuisses
Quelle bande d'idiots
De pleutres débiles
Et de froussards
Du grand trou noir
Et quel tas  d'merde
J'aurais
fait là,
Si c'était moi
Putain de dieu
Qu'avais fait ça !
Accords d'septième
Le v'la ton ciel
T'entends mes doigts
Et les hammers
R'prends-en un coup
Et claque ton bec
I picolait
Comme un vrai trou
I jouait du blues
En érection
De Montfaucon
C'est des vrais cons
I rigolait
Comme un pendu
Il était noir
Il était noir
Pas gris j'vous dis
Noir 

 

 

 

 

 

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27.03.2008

Je voulais y aller

781592849.JPGJ’avais pointé l’endroit sur ma carte. Tout juste une cinquantaine de kilomètres de chez moi.
Je voulais y aller.
Palper de mes yeux cette forêt de folies et de sang.
Peut-être parce que ce nom sur ma carte, si près de ma maison, m’effrayait. Peut-être pour autre chose. Je pensais aussi à Stasiuk dans sa quête de la tombe de Jakub Szela. Je pensais aussi à sa complicité avec une vieille  carte recollée.
Nous y sommes allés.
Nous avons pris par Włodawa, sur la frontière ukrainienne. Le ciel était bas et gris avec une lumière d’une tristesse sans nom, une tristesse de Pâques et de dimanche après-midi au bout du monde.
Nous nous sommes arrêtés pour photographier la première cigogne de retour sur son gros nid. Ça sent le printemps ?
Mal lui en prit à notre première cigogne. Le lendemain sera une tempête de neige, un blizzard, le pays englouti.
Notre cigogne avait-elle mal lu sa carte des étoiles ?

Nous avons longtemps longé la frontière à travers une forêt épaisse sur une route approximative. Au fur et à mesure que nous approchions, il y avait de la brume mélancolique dans l’air sans un mouvement. La lumière grisâtre descendait du ciel entre les arbres.
Les villages sont pauvres ici, dénudés, comme figés dans l’absence de lumière. Je trouve que c’est inquiétant : pas une âme qui vive.
Je le dis. D me dit que c’est une région pauvre et que c’est l’hiver encore.

Et puis au détour d’un virage qui n’en finit pas, le village que nous cherchons. Perdu, secret, camouflé, on le dirait complètement inhabité. Que du silence tout pâle. Sommes-nous bien dans un des plus hauts lieux de la barbarie humaine ?
Rien ne l’indique. Je suis pourtant chamboulé. Mon instituteur disait ce nom avec effroi. Je me souviens. Ou alors ce silence, cette grisaille, cette immobilité, c’est cela qu’il faut voir, toucher et lire. Comme une damnation qui pèserait là.
Nous traversons le village. Nous n’avons pas vu un humain. Peut-être n’y a t-il plus d’humains ici et que ces maisons en bois, là, accablées de solitude effrayante, viennent d’ailleurs.
Nous nous enfonçons longtemps dans la forêt par un chemin de terre. La voiture cahote. Il fait sombre. Il fait froid.
Et puis soudain les rails posés là, comme jetés dans la forêt. Je les ai déjà vus ces rails à nuls autres pareils. Ce sont des rails rouillés, qui ne sortent de nulle part, ou alors des entrailles de la terre. Des rails courbés sous le poids du sang transporté. Deux parallèles sinistres sur la broussaille des lieux. Les chemins de fer de la honte.
Nous arrêtons là. Nous descendons de voiture.
Deux ou trois maisons dont une à moitié écroulée, abandonnée aux halliers, de briques rouges, d’un rouge insolent qui détonne, qui crie presque sur le  ton délavé de tout.
La gare. C'est la gare. Là où ils débarquaient. Fusils dans le dos, crocs répugnants des chiens au mollet.
La gare et tout autour, pas un bruit, pas un pas, pas un oiseau, pas un souffle de l’air, pas un rideau qui ne se soulève aux fenêtres comme mortes.
La pancarte est dégoulinante de rouille.
Longtemps je me suis  arrêté devant cette pancarte. Prononçant le mot à voix basse, à voix haute. Je twisterais le mot s’il fallait le twister…Pendant que je lis et que je relis ces trois syllabes, la gamine s'amuse à me prendre. Elle a l'âge des histoires qui amusent. Pas encore de l'histoire. Surtout quand elle a cette couleur de ciel.
428431775.JPG
Le musée est fermé. Tout est fermé ici. Nous sommes dans un espace fermé au reste du monde, bouclé au fin fond des forêts, prisonnier de ses drames, un enclos infernal.
Pourquoi là ?
Il me semble que je ne retrouverai pas le chemin du retour.
Nous avançons. Les monuments sont là. Je regarde le ciel noir entre les hauts pins et les bouleaux.
Il me semble entendre gémir de la douleur.
La nôtre aussi que nous transmettent nos mains.
Nous nous taisons.
Un groupe de quatre ou cinq personnes arrive que nous croisons sur le petit sentier qui mène à des pierres posées sur le sol avec des noms, des noms, des noms et des prénoms, avec de la mémoire qui murmure enfin dans tout ce paysage pétrifié de tristesse. Ce groupe que nous croisons,  premiers traits d'union avec la réalité meurtrie de ce dimanche.
Des gens qui bougent. Je soupire. Personne n’a oublié.
Je regarde encore le ciel.
Faire taire ce couteau qui serre mes amygdales.
A quand l’espoir d'un grand soleil et des éclats de rire, de rire, de rire ?

Ici sont les griffes de la cruauté.
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19.03.2008

28 décembre 1999 au matin

707338038.JPGAussi loin que pouvait porter le regard, par-delà l’étendue d’eau qui recouvrait les vastes prés communaux et qui  miroitait sous le soleil oblique, jusqu’au canal et bien plus loin encore, si loin qu’on apercevait sur le ciel bleuté des clochers de village qu’on n’avait jamais vus d’ici, les peupliers si hauts, si fiers, et qui d'ordinaire dans les marais habillent  l'horizon, gisaient maintenant, impeccablement alignés, comme posés là par une main monstrueuse. Ils avaient en chutant soulevé d’énormes blocs de terre et ces blocs s’élevaient très haut dans l’air, accrochés à leurs racines qui serpentaient et dégoulinaient de la tourbe détrempée.
A l’emplacement de chaque arbre, un grand trou, glaireux comme un tombeau, s’ouvrait à ciel ouvert.
- C’est effroyable, finit par murmurer Quentin
- Oui. Mathilde mesurait  aussi l'ampleur du désastre. Elle s’appuyait sur son bras.
En direction de Mauzé dont on apercevait maintenant les premiers toits, les peupleraies inondées étaient broyées et les arbres jetés avec violence, pèle-mêle dans l’eau. Certains avaient été sectionnés à mi-tronc et ils laissaient pendre des lambeaux pitoyables de bois, telles des plaies barbares.
Quentin crut deviner alors une ambiance anormale, mystérieuse presque, qui planait et jetait sur tout ce désordre un éclairage plus dramatique encore. Il regardait tous ces arbres foudroyés, il regardait au loin dans la brume évanescente des clochers, il scrutait les bosquets de frênes et de broussailles qui semblaient avoir moins souffert mais au travers desquels on voyait tout de même de grands frênes effondrés sur les sous-bois. Il cherchait  à comprendre, dans ce paysage meurtri, l’impression confuse d’une étrange mélancolie déployée en filigrane, comme si quelque chose échappait à sa conscience.
Quelque chose comme une absence. Une immobilité aussi.
Il chuchota enfin :
- Il n’y a pas un oiseau.
Pas un pigeon en effet, pas une corneille, pas une tourterelle, pas le moindre pinson traversant le ciel de son vol saccadé, pas un bruissement d’ailes, pas un merle, pas un pépiement et pas un mouvement sur les champs dénudés.
Tout ce silence inquiet avait pénétré l’âme du bûcheron, habitué à vivre avec toutes les animations discrètes et tous les petits  murmures de la vie sauvage.
Quentin eut un frisson.
- Ils ont dû partir ailleurs, chassés par le vent, dit Mathilde
- Je ne sais pas. C’est étrange…On dirait la mort...
Ils marchèrent jusqu’au canal. L’eau filait à toute allure et déversait son trop plein entre les cadavres alignés sur ses berges. Quand un arbre s’était abattu en travers de son cours, elle bouillonnait et faisait une cascade d’écume en franchissant l’obstacle.
Quentin s’accroupit et ramassa sous des branchages le corps d’un gros pigeon ramier. Il souffla sur le beau poitrail rose, sur la collerette blanche et sur le dos tout bleu, cherchant une blessure. Il n’en trouva pas. Il reposa l’oiseau, exactement là où il était tombé.
Il passa la main sur son front. Il regarda le bleu malade du ciel.
- Ils ont été projetés de leur perchoir. Ceux qui ont voulu s’enfuir ont certainement été fracassés. Ils n’ont plus où se percher dans tout ce chantier,  et Quentin montrait d’un geste las le marais sur lequel déclinait la lumière, toute pâle, toute triste, comme la bougie d’une première nuit de deuil et de veille.
-  C'est pas vivable un monde sans oiseaux...
Ils rebroussèrent chemin.
Sa femme se souleva un peu sur la pointe des pieds et l’embrassa sur la joue :
- Tu ne t’es pas rasé, bandit …plaisanta t-elle.
Il lui sourit. Il se sentait désappointé, fatigué, touché au moral et la colère nouait sa gorge.
Comme si toute cette hécatombe était profondément injuste et l’eût personnellement atteint. Il aurait aimé faire exploser cette colère, vider la coupe. Mais sur qui ?
- Ils ont de la chance, les gens qui ont un  dieu…
- Comment ça ?
Ils marchaient côte à côte sur le chemin humide. La lune se levait sur la tristesse du ciel. La nuit serait froide.
- Rien. Je suis chamboulé et ça me fait dire des conneries.

 

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17.03.2008

Lettre ouverte à Benjamin Renaud

Le site de Benjamin Renaud, Tache-Aveugle, est un site de qualité. Il y distille des choses intelligentes.
Si tel  n'était  pas le cas, si c'était une merde qui dit des conneries, je m'en battrais l'oeil comme de l'an 40.

Je précise au passage que cette dernière expression fait référence à une prophétie annonçant la fin du monde pour 1040 et non, comme on a tendance à le croire bien souvent, à 1940.

Bref, quand un site qui me plaît dit des choses qui me déplaisent, j'ai envie de réagir : cet article me semble entaché de quelques erreurs d'appréciation d'ordre idéologique. Je ne l'ai pas sous les yeux, j'y vais pêle-mêle, de mémoire.

L'auteur me le pardonnera.

La référence aux calamités qu'a pu engendrer l'antiparlementarisme est exact. A cette précision près tout de même qu'il s'agissait d'un certain antiparlementarisme, bien cadré historiquement, après la guerre la plus meurtrière de l'histoire, sur fond de crise et que, historiquement justement, le copier/coller, ne fonctionne jamais.

Je dis aujourd'hui que la façon dont agit et est élu le parlement est une escroquerie. Que je suis violemment contre et en suis même révolté.
Par exemple, je ne compte pas le nombre de Maires ou de Présidents de Conseils généraux s'indignant devant leurs ouailles locales de décisions prises par l'Etat, décisions qu'ils avaient eux-mêmes votées en tant que députés !  J'en passe et des meilleures...
Calculez bien aussi les calculs du scrutin majoritaire. Un hold-up ! Désolé.
Je ne veux pas pour autant être taxé d'antiparlementariste : Je rêve d'un autre parlement, passionné et véritable représentation des gens.
Les élections truquées par le bourrage de sondages de crânes, le vol de nos vies quotidiennes, la politique mise en spectacle, les mensonges et les confusionnismes intéressés de tout poil, sont effectivement un piège à cons. Je le revendique.
Je ne veux pas pour autant être taxé de dangereux anti-élections. C'est tout le contraire, que je suis.
Ces élections sont un moment de notre histoire. Elles ne sont pas Les Elections et je fais mienne encore cette facétie de 68 : Donne ta voix, tu perds la parole.

La référence à Cohn-Bendit est très mal venue sur ce sujet, Benjamin. Cohn-Bendit est (déjà à l'époque) un pur produit des médias affolés et cherchant à donner en pâture aux bourgeois et paysans un bouc émissaire, allemand, rouquin et débraillé. Il est 68 mis en spectacle comme le furent Sauvageot et Geismar, ce dernier ayant été le plus conséquent après la fin de la représentation.

Les révolutionnaires de 68, les poètes créateurs de 68, ils étaient dans les CMDO (Comités pour le Maintien des Occupations ), dans le conseil de Nantes, celui de Lyon et et caetera. Pas devant les caméras.

Cohn-Bendit est au mouvement de 68 ce que le champagne éventé est à fête.

Les mots de 68 sont donc, eux aussi, à replacer dans leur contexte passionnel. Je m'autocite, qu'on me pardonne l'immodestie : Les mouvements qui bouleversent l'histoire sont intuitifs, leur chute ou leur pérennité sont discursives.

Ces mots de 68 avaient un sens, au moment de leur écriture spontanée. J'ai crié moi-même face aux chiens de garde casqués : CRS SS et je ne le regrette pas, ça n'était pas une erreur mais la violente métaphore d'une rébellion. Nul ne songe évidemment à soutenir que les CRS sont des SS.

Mais, au fait, qui songe à rectifier la bave haineuse du pouvoir désemparé nous traitant d'agitateurs payés par l'étranger, de voyous alcooliques et d'obsédés sexuels ? Hein ?

Tout comme " Il est interdit d'interdire" avait un sens exact face à la violence de l'autorité. Nous savons bien que le meurtre, la pédophilie, le viol sont interdits,  non pas parce que le législateur les interdit - tant mieux qu'il le fasse - mais parce que notre dignité humaine, notre amour de la vie, notre sang et nos tripes d'hommes debout nous l'interdissent d'eux-mêmes.

Faire aujourd'hui une sorte de procès de la signification réelle, sémantique, des cris de la révolte est profondément malhonnête. Je dis ça pour Conne Bendit. Pas pour Benjamin Renaud.

Je ne connais pas les deux signataires de l'article auquel fait référence Benjamin Renaud. Bien sûr que signer "machin doctorant" quand le propos n'a rien à voir avec le doctorat en question est une usurpation, un mensonge, un abus de pouvoir, une tentative de prise illégale d'intérêts.

Mais il ne faut pas confondre les égarements - discursifs encore une fois- de ce qui se dit " extrême gauche", nébuleuse politique du champ spectaculaire, avec les quelques individus dissiminés par ci par là et qui, eux, dans leur vie de hasard et de bohême, sont extrêmes en ce qu'ils ne se sont pas encore totalement avoués vaincus.

Halte aux amalgames qui satisfont à bon compte tous les protagonistes !

Quant au peuple, voilà bien ce que, par ailleurs écrit , j'en pense :

"Le mot peuple est un mot en mouvement, un concept de l'irruption.

Il désigne des gens lassés des conditions faites à leur existence, de quelque horizon social qu'ils viennent. Des gens qui prennent d'assaut les palais du mensonge, par les armes et par la voix, renversent les statues, brisent les interdits, voire coupent des têtes, parce qu'ils exigent que leur soit restituée la poétique initiale de leur vie.

Le mot peuple désigne l'instigateur et l'acteur de la mutinerie sociale.

En période de modus vivendi, il ne signifie qu'un terreau vague, un tas de fumier sur lequel guignent les politiques pour y ensemencer à bon compte et dans l'endormissement général les graines de leurs misérables ambitions. "

Cordialement

Bertrand Redonnet 

 

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03.07.2007

Qui sait ?

Il venait de loin, le vent, et la glace des trottoirs était nue. Toute bleue aussi.
Je l’entendais briser son errance aux murs des immeubles et miauler au coin des rues, miauler si long que les lumières aux réverbères en flageolaient, effrayées.
Celles accrochées aux fenêtres orange, en face de moi, muettes, semblaient paralysées.
Il n’était pas si tard.
A l’est en décembre, c’est dans l’après midi que le jour démissionne. Après l’heure n’existe plus. Il fait noir.
C’est tout.
Et les mercures aux fenêtres suspendus descendent, descendent comme un vertige.
J’observais, absorbé, la nuit frigorifiée. Ça n’était pas la solitude, celle qui donne le tourment d’être trop loin, quand le monde est flétri sous nos yeux insipides.
Non. Quoique loin, très loin de ma racine, je me sentais malgré tout près de moi. J’interrogeais ce vent hurlant qui n’irait jamais jusques là-bas. Trop lointain. Il n’y avait pas  de souffle comme ça, chez moi.
Sur quelle plaine alors, dans quelle forêt, aux flancs de quelle montagne, aux murs de quelle ville somnolente allait-il abandonner enfin sa course et réchauffer son haleine ?

Mais de l’autre bout de la rue le taxi est venu, ses yeux jaunes aveuglés par la farandole neigeuse. Un homme est descendu. Il a chancelé puis il est tombé, sa tête heurtant brutalement la glace aussi luisante que le fil du rasoir. Un choc douloureux.
Une femme et la fillette se sont penchées sur l’épave évanouie, la  secouant, la suppliant.
Elles gémissaient dans le noir. L’homme était lourd et leurs efforts vains.
Une porte a claqué. La poigne pressée du chauffeur a relevé le pochard.
Qui s’est accroché à la femme comme la chaloupe à sa bouée, qui s’est amarré aux épaules, ses genoux qui pliaient. La fillette a pris la main de l’homme vacillant comme un bouffon, murmurante, implorante.
Lui, le taxi, s’est éclipsé au bout des rues, vers d’autres urgences de la nuit.
Alors ils ont marché tous les trois, l’un grognant, les deux autres geignant et le vent à leurs trousses qui miaulait,  miaulait si fort qu’on eût dit qu’il voulait les tuer plus encore.
Maintes fois la loque a failli sous son poids entraîner les deux êtres enlacés par la peur.
Sous le reflet grelottant d’un lampion, j’ai vu le filet à sa tempe qui coulait de la misérable blessure.

J’aurais pu être cet homme. Avant. La glace, la neige et ce vent-là en moins.
Un jour, elle aurait vingt ans, la fillette, et n’aimerait ni le vent, ni l’hiver, ni la neige, ni les taxis, ni le bleu de la glace moirant les trottoirs.
Sans savoir pourquoi, sans doute. Et elle le dirait en riant, qui sait, dans un jardin fleuri ruisselant de verdure, aspergé de soleil, un verre négligemment tenu à la main, entourée d’amis piaillards à la barbe niaisement naissante qui la trouveraient intéressante.

Naïf, les yeux sur la nuit, je ne cessais de demander quel mal rongeait cet homme.
Qui rongerait les autres, un jour…
Qui le retenaient pourtant de s’effondrer et qui firent qu’il ne gela pas là, dans le ruisseau transi, un soir où le vent hurlait sous mon balcon rêveur.

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