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17.03.2008

Lettre ouverte à Benjamin Renaud

Le site de Benjamin Renaud, Tache-Aveugle, est un site de qualité. Il y distille des choses intelligentes.
Si tel  n'était  pas le cas, si c'était une merde qui dit des conneries, je m'en battrais l'oeil comme de l'an 40.

Je précise au passage que cette dernière expression fait référence à une prophétie annonçant la fin du monde pour 1040 et non, comme on a tendance à le croire bien souvent, à 1940.

Bref, quand un site qui me plaît dit des choses qui me déplaisent, j'ai envie de réagir : cet article me semble entaché de quelques erreurs d'appréciation d'ordre idéologique. Je ne l'ai pas sous les yeux, j'y vais pêle-mêle, de mémoire.

L'auteur me le pardonnera.

La référence aux calamités qu'a pu engendrer l'antiparlementarisme est exact. A cette précision près tout de même qu'il s'agissait d'un certain antiparlementarisme, bien cadré historiquement, après la guerre la plus meurtrière de l'histoire, sur fond de crise et que, historiquement justement, le copier/coller, ne fonctionne jamais.

Je dis aujourd'hui que la façon dont agit et est élu le parlement est une escroquerie. Que je suis violemment contre et en suis même révolté.
Par exemple, je ne compte pas le nombre de Maires ou de Présidents de Conseils généraux s'indignant devant leurs ouailles locales de décisions prises par l'Etat, décisions qu'ils avaient eux-mêmes votées en tant que députés !  J'en passe et des meilleures...
Calculez bien aussi les calculs du scrutin majoritaire. Un hold-up ! Désolé.
Je ne veux pas pour autant être taxé d'antiparlementariste : Je rêve d'un autre parlement, passionné et véritable représentation des gens.
Les élections truquées par le bourrage de sondages de crânes, le vol de nos vies quotidiennes, la politique mise en spectacle, les mensonges et les confusionnismes intéressés de tout poil, sont effectivement un piège à cons. Je le revendique.
Je ne veux pas pour autant être taxé de dangereux anti-élections. C'est tout le contraire, que je suis.
Ces élections sont un moment de notre histoire. Elles ne sont pas Les Elections et je fais mienne encore cette facétie de 68 : Donne ta voix, tu perds la parole.

La référence à Cohn-Bendit est très mal venue sur ce sujet, Benjamin. Cohn-Bendit est (déjà à l'époque) un pur produit des médias affolés et cherchant à donner en pâture aux bourgeois et paysans un bouc émissaire, allemand, rouquin et débraillé. Il est 68 mis en spectacle comme le furent Sauvageot et Geismar, ce dernier ayant été le plus conséquent après la fin de la représentation.

Les révolutionnaires de 68, les poètes créateurs de 68, ils étaient dans les CMDO (Comités pour le Maintien des Occupations ), dans le conseil de Nantes, celui de Lyon et et caetera. Pas devant les caméras.

Cohn-Bendit est au mouvement de 68 ce que le champagne éventé est à fête.

Les mots de 68 sont donc, eux aussi, à replacer dans leur contexte passionnel. Je m'autocite, qu'on me pardonne l'immodestie : Les mouvements qui bouleversent l'histoire sont intuitifs, leur chute ou leur pérennité sont discursives.

Ces mots de 68 avaient un sens, au moment de leur écriture spontanée. J'ai crié moi-même face aux chiens de garde casqués : CRS SS et je ne le regrette pas, ça n'était pas une erreur mais la violente métaphore d'une rébellion. Nul ne songe évidemment à soutenir que les CRS sont des SS.

Mais, au fait, qui songe à rectifier la bave haineuse du pouvoir désemparé nous traitant d'agitateurs payés par l'étranger, de voyous alcooliques et d'obsédés sexuels ? Hein ?

Tout comme " Il est interdit d'interdire" avait un sens exact face à la violence de l'autorité. Nous savons bien que le meurtre, la pédophilie, le viol sont interdits,  non pas parce que le législateur les interdit - tant mieux qu'il le fasse - mais parce que notre dignité humaine, notre amour de la vie, notre sang et nos tripes d'hommes debout nous l'interdissent d'eux-mêmes.

Faire aujourd'hui une sorte de procès de la signification réelle, sémantique, des cris de la révolte est profondément malhonnête. Je dis ça pour Conne Bendit. Pas pour Benjamin Renaud.

Je ne connais pas les deux signataires de l'article auquel fait référence Benjamin Renaud. Bien sûr que signer "machin doctorant" quand le propos n'a rien à voir avec le doctorat en question est une usurpation, un mensonge, un abus de pouvoir, une tentative de prise illégale d'intérêts.

Mais il ne faut pas confondre les égarements - discursifs encore une fois- de ce qui se dit " extrême gauche", nébuleuse politique du champ spectaculaire, avec les quelques individus dissiminés par ci par là et qui, eux, dans leur vie de hasard et de bohême, sont extrêmes en ce qu'ils ne se sont pas encore totalement avoués vaincus.

Halte aux amalgames qui satisfont à bon compte tous les protagonistes !

Quant au peuple, voilà bien ce que, par ailleurs écrit , j'en pense :

"Le mot peuple est un mot en mouvement, un concept de l'irruption.

Il désigne des gens lassés des conditions faites à leur existence, de quelque horizon social qu'ils viennent. Des gens qui prennent d'assaut les palais du mensonge, par les armes et par la voix, renversent les statues, brisent les interdits, voire coupent des têtes, parce qu'ils exigent que leur soit restituée la poétique initiale de leur vie.

Le mot peuple désigne l'instigateur et l'acteur de la mutinerie sociale.

En période de modus vivendi, il ne signifie qu'un terreau vague, un tas de fumier sur lequel guignent les politiques pour y ensemencer à bon compte et dans l'endormissement général les graines de leurs misérables ambitions. "

Cordialement

Bertrand Redonnet 

 

14:37 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

cher Bertrand,

« l'auteur me pardonnera », dis-tu : oui, bien sûr. On a le droit de ne pas être d'accord, on a le droit de s'engueuler même sur ces questions : c'est plutôt sain, et ça n'enlève rien au dialogue amical, qu'on a pu ébaucher ça et là par mail.

Je me permets donc de poursuivre cette discussion, simplement pour préciser quelques points :

1. je suis d'une autre génération, ce sont mes parents qui y étaient en 68, donc c'est normal qu'on ait, toi et moi, un regard différent. Monté ou non par les médias, Cohn-Bendit a été une figure de 68, et « élections : piège à cons » un des slogans du mouvement (pas exclusivement de ce mouvement, d'ailleurs). C'est juste pour cela que je faisais le rapprochement. Après, que j'aie de la sympathie pour le bonhomme et toi moins, c'est notre droit à tous deux, il n'y a pas matière à s'engueuler là-dessus. En tout cas, de mon côté, je ne sacralise pas la figure de Cohn-Bendit, loin de là, donc ça ne me dérange pas que tu l'aies en grippe.

2. je ne me reconnais pas dans ce qu'on appelle « l'extrême-gauche », mais n'ai aucune animosité contre elle, bien au contraire. Des engueulades récurrentes, ça oui (et encore hier soir, tiens), mais c'est précisément parce que j'ai beaucoup de gens d'« extrême-gauche » dans mon entourage. Et parce que je partage avec eux beaucoup de choses.

3. l'objet de mon billet était surtout l'argument d'autorité : les mecs qui signent « doctorants » pour parler des élections, mais leurs disciplines sont en sciences exactes, alors qu'ils sont militants Attac : ils pourraient le dire, ça n'a rien de honteux — moi en tout cas je n'ai rien contre les mecs d'Attac, là encore il y en a quelques uns parmi mes proches.

4. j'avais bien pris soin de préciser que le rapprochement que j'opérais, en parlant de l'anti-parlementarisme dans l'entre-deux-guerres, ne se voulait pas un argument massif (massue) pour clore le débat. Je maintiens qu'il constitue, pour moi, « l'horizon du débat » (comme je crois l'avoir écrit) : c'est la raison, il n'y en a pas d'autre, pour laquelle je suis toujours très vigilant (ou chatouilleux, chacun jugera) sur la question de l'anti-parlementarisme. Cela étant dit, je n'ai pas voulu tracer un signe égal entre l'anti-parlementarisme de cette époque, et celui que j'ai l'impression de voir ressurgir de nos jours. Si j'ai pu laisser penser le contraire, si on a pu croire que j'étais adepte des simplifications hasardeuses, c'est que je n'ai pas été suffisamment clair, merci donc de me donner ici l'occasion de préciser ce point.

5. je partage sans doute, même si je les formulerais probablement avec d'autres mots — moins vigoureux mais pas moins radicaux (i.e : s'attachant à la racine) —, bon nombre des reproches que tu adresses au fonctionnement de nos institutions. Les élections actuelles sont biaisées (puissance des médias etc.), c'est une évidence, donc oui en un sens une « escroquerie ». Mais ça n'empêche pas que, de façon pragmatique, et très concrète, pour pas mal de gens, et souvent les plus démunis — parmi lesquels je ne me range absolument pas —, cela change pas mal de choses selon que ce soit Sarkozy-Hortefeux-&-Co ou bien Royal-&-PS aux commandes, malgré tous les reproches (ils sont TRÈS nombreux) que j'ai à adresser au PS. C'est en tout cas ce que je crois : et c'est la raison pour laquelle je continue à voter, sans être franchement dupe du système.

6. je n'ai rien contre le mot « peuple » : c'est son absolutisation, comme toute absolutisation d'ailleurs, qui me semble douteuse.

7. Douteux aussi, je trouve, malgré les dénégations, le discours qui dit : « les élections [telles qu'existantes] sont un piège à con, je le revendique, mais je ne suis pas du tout un anti-élections, au contraire. » Moi j'appelle cela de l'anti-parlementarisme : là nous avons sans doute un vrai point de désaccord. Dont acte. Ce n'est pas pour autant, loin de là, que je vais te traiter de « fasciste » ou je ne sais quoi, bien au contraire : c'est la raison pour laquelle il me semble important que nous ayons ce dialogue, et c'est pourquoi je prends le temps de te répondre.

Je te remercie pour cette explication franche et directe.

bien amicalement,

Benjamin

Écrit par : benjamin | 15.03.2008

Cher Benjamin,
Merci de cette longue réponse. Effectivement, cela ne change en rien la teneur amicale de nos différents échanges, par mail ou sur le TL de François.
J'aime beaucoup ton site, ce que tu y exprimes et ce que l'on y ressent. C'est l'exacte raison pour laquelle, ces quelques différences m'ont énervé un peu. Je suis un vieux fou qui s'énerve encore, vois-tu...
Nous ne sommes pas de la même génération, mais cela ne doit pas être source d'une vision fondamentalement opposée du sujet sur lequel porte notre discussion. J'avais 18 ans en 68 et on est très serieux quand on a dix-huit ans. Ceci dit étant dit, ce ne sont pas ceux qui ont vécu cette période qui en ont le mieux parlé. Bien au contraire.
Ce fut un mouvement subjectif, des tripes et du rêve d'une autre facon de vivre sa vie. Nul ne peut se targuer d'être un ancien combattant de cette fête, au risque de se ridiculiser. 68 appartient à tous ceux - avant pendant et après 68- qui ont senti, même confusément, que les vieux mensonges de la bourgeoisie devaient être cloués au pilori.
La haine de Sarkozy pour ce qui est sorti de cet esprit est significatif. Sarkozy représente l'aboutissement de ceux qui, a l''époque, rasaient les murs...La haine et la revanche de ces gens, quarante ans après, c'est dire l'ampleur de ce qui s'est passé....Pourtant Sarkozy devait encore sucer son pouce.

Le point d'achoppement entre nous est ce "piège à cons" qui conduirait à l'antiparlementarisme.
Je ne crois pas. Je dénonce un mode de scrutin et des campagnes à la con, vide de sens et loin, si loin de l'envie de bonheur des gens. Ceci dit, comme toi, je préfère voir arriver Delanoé au guidon que l'autre aristocrate déclassée. J'aurais préféré, sans illusion aucune, voir Ségolène Royal prendre le poste, plutôt que qui tu sais. Un chancre.
Voila à peu près.
Quand j'etais en France, oui, il m'arrivait d'aller voter.
D'ailleurs, à quoi bon ? Vois ce matin, la vieille droite qui lorgne sur les résultats et ronchonne non, non, c'est pas pour nous, c'est les maires...Des broutilles locales....Franchement, tu crois que ça n'est pas cracher sur ceux qui sont allés voter contre eux et qu'il y a des baffes (euphémisme) qui se perdent ?
De la démocratie, ça ?
Bien amicalement.
Bertrand

Écrit par : Bertrand Redonnet | 17.03.2008

"S'en moquer comme de l'an 40".
A ma connaissance l'explication est autre. Si le mouvement millénariste ne concernait pas explicitement l'an 1000, mais toute l'époque avoisinante (comme nous le dit G. Duby), il n'y a cependant aucune raison pour privilégier particulièrement l'an 1040.

"S'en moquer comme de l'an 40" viendrait plutôt d'une autre expression: "s'en moquer comme de l'Al Coran" (on était fort catholique à l'époque). Ensuite, par déformation sémantique et populaire, l'Al Coran serait devenu l'an 40 quand le sens premier des mots a été perdu.

Pour le reste, il est certain que notre régime parlementaire ressemble à une parodie de démocratie. Tout est faussé. D'ailleurs aucun parlementaire n'oserait voter selon sa conviction intime quand il s'agit d'approuver ou non un projet de loi. Il doit suivre la ligne du parti. Lequel ne prend souvent position que par opposition au parti adverse. C'est ainsi que l'on dirige les affaires du monde.

Le Parlement est tout de même supposé contrôler l'action du gouvernement. Oserait-il le faire? Non, puisque la majorité ne va pas critiquer ceux de ses hommes qu’elle a placés comme ministres. Quant à l’opposition, elle n’a pas d’autre pouvoir que de vitupérer contre la majorité.

Tout le système est faussé. La Cour des Comptes, par exemple, donne son avis, chiffres à l’appui, sur la manière dont les ministres ont géré leurs départements. Quel parlementaire oserait vraiment mettre en cause un ministre ? Oui, on fait un peu de vent, on pose quelques questions, on interpelle. Mais ce n’est que du vent, rien ne change vraiment.

Écrit par : Feuilly | 17.03.2008

Merci, Feuilly, pour cette autre approche de l'expression...Mais, oh, oh, c'est des magistrats, la Cour des Comptes, non ? Pas des parlementaires...M'abusé-je ?

Écrit par : Redonnet | 17.03.2008

Oui, c'est une juridiction administrative qui est là pour informer les Parlementaires. Ses rapports n'ont pas de caractère contraignant.

Écrit par : Feuilly | 17.03.2008

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