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30.04.2014

Le Diable et le berger

J'ai bien conscience que sur ce scan de la version papier que m'a fait parvenir un copain des Deux-Sèvres, il vous faudrait des lunettes plus que performantes, voire des jumelles, pour déchiffrer...
Il vous sera dès lors peut-être plus confortable de lire ICI.

L'article est signé Yves Revert.

Le Diable et le berger.JPG

13:42 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET

26.04.2014

Ceux qui savent

littérature,écritureJe ne saurais vous dire si c’est affligeant ou  rassurant : le petit paysan des rives du Bug a exactement le même comportement, dans une certaine situation, que  celui de Charente-Maritime, pourtant à 2500 km de distance.
Quelle culture, quel réflexe comportemental les unit donc ? Et par les voies ancestrales de quelle communication ?

Du temps que je vivais au bord de l’Océan, donc, je cultivais un petit potager. Tout petit, où s’égayaient tomates, poireaux et autres carottes nouvelles… Quoi que je fasse cependant de mon  divertissement, le paysan d’à côté venait s’appuyer sur la clôture, tordait la bouche, secouait la tête, souriait, haussait les épaules et se faisait gentiment goguenard :
-  Sont grandement plantés assez près, tes poireaux !
Je rectifiais et les espaçais un peu plus, bien conscient qu’il connaissait mieux que moi l’art de se nourrir des fruits de la glèbe.
Et deux jours plus tard :
- Sont grandement plantés assez loin les uns des autres, qu’il disait alors, en reniflant fort et en faisant celui qui est un peu dépité par mon dilettantisme !
Bref, selon lui, j’avais pas l’œil. Je ne savais pas planter des poireaux…
Ou alors :
- T’as pas bêché trop profond, dis-donc ! A dounneront rin tes patates !
Ou encore :
- Hum… Une drôle d’idée. T’en n’auras pas. Ta terre  est trop sec.
Ça, c’était pour la mâche semée au quinze août sur terre bien tassée.
Je trouvais ça sympa, finalement. Une sorte de condescendance du professionnel devant celui qui s’amuse. Une façon aussi de communiquer, de faire voir à son avantage qu’il prenait en considération qu’un type comme moi, toujours à gratter sa guitare ou à lire des conneries dans les livres, veuille bien se pencher un peu sur la terre, comme lui, pour y faire pousser des affaires.

 Hé ben, là, en Pologne, figurez-vous, copie conforme… Pas pour le jardin, je n’en fais pas, trop de sable, mais pour un poulailler que je construis, ayant eu l’idée – farfelue selon certaine dame- d’élever quelques gélines.  
Il faut dire que j’en vois de toutes les couleurs. J’ai du mal à imaginer la géométrie dans l’espace pour la concrétiser dans des assemblages savants de planches, d’angles, de dimensions, et cette satanée bulle du niveau qui ne consent qu’après moult et coléreuses contorsions de l’artisan à rester enfin stable ! Mais ça prend forme, ça prend forme. Je ne dis pas que l’équilibre des forces y est impeccablement respecté, mais bon, ça tient la route.

Passe alors un voisin,  allant vers la forêt où il récolte son bois. Il s’arrête, me lance  un cordial cześć ! (salut !),  s’appuie à la clôture, examine et :
-  Hum…L’est un peu trop p’tit, ton poulailler !
-  Bah ! Pour quatre poules et un coq, ça suffit...
-  Oui, mais les planches sont trop minces. Elles auront froid… Tu sais que chez nous l’hiver est méchant !
-  Bon…
Ça m’ennuie, ça, oui…
-  Ta clôture est pas assez haute… Elles voleront par-dessus…
Je demande :
-  Tu pourras me donner un peu de paille ?
-  De la paille ? Non, non , non !  Il faut du foin. C’est  plus chaud. Faut pas mettre de la paille. Je te donnerai du foin. Ça  leur tiendra mieux le cul au chaud ! hahahahaha !!!!
Quand les poules mangeront du foin, disait ma mère pour signifier «jamais  de la vie. »
Ben voilà,  j’y suis désormais au jamais de la vie !
Heureusement, me dis-je sur l’air de celui qui a évité une catastrophe, que ce sympathique voisin, n’a pas tout vu ! Car un orage a éclaté mercredi soir, zébrant la campagne d’une forte pluie mêlée de grêle rageuse.
J’ai couru me mettre à l’abri sous ma construction dont je venais juste de terminer le toit. Grosse déception : il y pleuvait quasiment autant qu’au jardin.
J’avais fait se croiser les courants à l’envers, ceux du haut dessous ceux du bas !
J’ai refait.
En remerciant in petto Jupiter de sa bienveillante vigilance.

05:58 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET

23.04.2014

Ab amicis honesta petamus

thumb-la-statue-de-la-liberte---l-embleme-de-new-york-2001.gifUn titre, ce matin, attira mon clic. C’est comme ça, les titres. De la propagande pour internautes qui s’adonnent à leur addiction. Au zapping.
L’info, c’est comme l’impôt : plus on en lit et moins on en lit…
Il disait donc, ce satané titre, Les Américains envoient 600 soldats… Rien de bien hallucinant, me direz-vous, les Américains envoyant des soldats partout dans le monde, en uniforme ou en taupes. Et ils n’aiment pas qu’on fasse comme eux ! Qu’on les copie. Qu’on prenne leurs méthodes. C’est d’ailleurs là leur gros ressentiment à l’encontre de Moscou dans le drame qui secoue l’Ukraine.
Justement, à propos de l'Ukraine, comme en ces temps qui courent les susdits Américains envoient de plus en plus de guerriers devant ma porte, j’ai voulu m'assurer si des fois...
Bingo ! La Pologne en accueille quelques centaines, histoire de montrer à la Russie qu’un grand frère veille sur elle, la protège de son affection et qu’il ne ferait dès lors pas bon venir lui chercher des noises.
Affligeant, cet infantilisme récurrent ! La Pologne, déjà étouffée par l’affection d’un Grand frère moustachu pendant plus de cinquante ans, recommence ses âneries ! La République Tchèque, la Roumanie, de même…
Il y a quelques années, déjà Varsovie achetait pourtant des avions de chasse aux Américains. Des avions tellement poussifs qu’ils ne sont jamais parvenus à destination, incapables de supporter le voyage transatlantique. Elle aurait dû dresser l’oreille et se gratter le menton en se demandant si, par hasard, ce nouveau protecteur ne poursuivait pas d’autres desseins que la protection stricto sensu. Il s’en était même fallu d’ailleurs d’un poil qu’une rampe de missiles pointés sur le Kremlin n’élise domicile en sa maison…Et puis, il y eut les prisons secrètes, illégales, de la CIA sur son territoire, n'est-ce pas ?
Ça commence à faire beaucoup, non ? Ne voit-elle rien venir ou est-elle carrément complice ?

Ah ! Comme je me souviens, tout môme et riverain de la Nationale 10, de ces interminables convois de camions militaires américains, vert-de-gris et bâchés, auxquels nous faisions de grands et joyeux saluts pour que les chauffeurs, souriants, décontractés, nous lancent des poignées de chewing-gums !
Et puis, tout d’un coup, plus de convois, plus de chewing-gums ! De Gaulle, qui n’aimait peut-être pas que les enfants se bousillent les dents avec leurs saloperies, avait trouvé que la protection durait un peu trop longtemps …Dehors, les nounous envahissantes!
Mais il faut dire que c’était après la guerre. Les nounous étaient là pour veiller sur une convalescence…
Dès lors, je doute fort que ce soit des chewing-gums que les guerriers américains aient dans leurs poches en s’installant en Pologne.
Ce qu’ils ont à jeter aux enfants risque d’avoir un goût un peu plus amer.
Et même,  risque aussi de se longtemps ruminer.

09:11 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | Bertrand REDONNET

21.04.2014

Cœur apatride

Oublier...
C’est un verbe qui se rappelle toujours à mon souvenir.
Sa racine familiale, oblinere, nous emmène jusqu’à l’effacement en recouvrant d’un enduit. Gommer, en quelque sorte. Voire raturer, si c’est mal fait.
Pourtant, oublier, ça n’est pas effacer de sa mémoire. Pas du tout même.
Oublier, c’est se souvenir sans émotion particulière.
J’ai oublié la France que je garde précieusement, fondamentalement, en mémoire.

Et c’est triste de n’être plus triste sans elle.

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08:27 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (4) |  Facebook | Bertrand REDONNET

18.04.2014

Stéphane Beau : Les Perdants, dernier exercice d'équilibrisme

C'est donc le dernier texte de Stéphane sur le sujet - qui est loin d'être épuisé si tant est qu'il soit épuisable - que je vous propose.
J'ai été heureux de relayer ici sa réflexion.
Parce qu'il est un ami ? Oui. Bien évidemment. D'ailleurs, nous venons de travailler ensemble sur le livre que j'ai édité aux Éditions du Petit Véhicule et c'était bien agréable.
Mais, pour nécessaire qu'ait été cette condition d'amitié, elle fut loin d'être suffisante pour que je prenne le parti de publier ici ses textes.
J'ai relayé parce que son livre, Les hommes en souffrance, que j'ai lu et aimé, un livre courageux qui prête forcément le flanc aux morsures de toute la meute ordinaire des idéologues ordinaires, fut le point de départ de sa réflexion.
Réflexion d'un homme touché, ému, blessé sans doute, en tout cas sincère et qui avait besoin de dire son pourquoi.
Le fait est, hélas, assez rare à mes yeux pour mériter d'être souligné.
Merci à lui.

 

littérature, écritureMarcher sur les barrières, jouer les danseurs de corde, se hisser par delà la mêlée, tout cela est bien joli, sur le papier, mais dans la vraie vie, concrètement, ça donne quoi ? Tout soupeser, ne jamais trancher, ne jamais pencher définitivement dans un camp ou dans l'autre parce qu'aucune vérité n'est jamais absolue, c'est intellectuellement très noble, mais est-ce humainement viable ?

C'est une question que je me pose régulièrement, bien entendu, et que je me repose forcément depuis plusieurs semaines, à la lecture du blog de Bertrand et des fougueux débats qu'il a allumés autour de la crise ukrainienne. A de multiples reprises, j'ai eu envie d'y aller de mon petit commentaire, et à chaque fois je me suis heurté à mon incapacité à m'arrêter sur un jugement définitif. Dénoncer Poutine et les manœuvres des russes pour s'accaparer de la Crimée, voire de quelques provinces supplémentaires ? Oui, bien sûr. Accuser les États-Unis d'être omniprésents dans cette affaire et d'y jouer avec des dés qui, au fond, ne sont guère moins pipés que ceux de leurs adversaires ? Pourquoi pas ? S'indigner du fait que l'on veuille faire des rebelles de Kiev des héros de la démocratie en s'attachant à gommer les revendications parfois très douteuses de certains de ces dits rebelles ? Évidemment. S'agacer de la niaiserie de la diplomatie européenne qui bien que bombant le torse et roulant des mécaniques, reste aussi emmerdée et impuissante que dans les années trente lorsque la menace nazie commençait à prendre de l'ampleur ? D'accord. Mais après ? Une fois que tout cela sera dit ? Quand la lourde machine sera lancée, que le jeu des ultimatums, des alliances, des escalades d'avertissements et de sommations commencera à se mettre en branle, quelle valeur tous ces mots auront-ils ? Certes, nous pourrons éventuellement nous vanter d'avoir été plus malins que les autres et d'avoir percé à jour l'absurdité de tout cela, d'avoir mis nos contemporains (la poignée de lecteurs qui nous lit autrement dit...) en garde. Mais quand nous serons brassés dans la grande lessiveuse, est-ce que ce sera suffisant comme consolation ?

Je suis actuellement en train de lire le dernier numéro de la revue Agone, consacré à l'Ordinaire de la guerre. Le volume s'ouvre sur une querelle d'historiens, spécialistes de la première guerre mondiale, querelle portant sur la notion de consentement : peut-on dire que tous les soldats qui se sont battus en 14-18, qui y sont morts et/ou qui y ont tué, étaient « consentants ». La relative faiblesse du nombre de mutins et de déserteurs doit-elle nous laisser supposer que tous ceux qui ne le furent pas trouvèrent un sens aux combats qu'ils menèrent ? Quel choix avaient-ils ? Se révolter et finir presque à coup sûr avec douze balles dans la peau ? S'engager dans la guerre et espérer en ressortir sans trop de dégâts ? Sauf que dans la vraie vie, ce choix n'existe pas. Dans la vraie vie, on suit le mouvement. On prend la vague et on essaye de ne pas se noyer. Vous croyez que le type qui se fait embarquer par une rivière en crue a le temps de s'interroger sur le bien fondé de ses choix ? Couler ? Flotter ? Se raccrocher à une branche ? Non, il improvise et s'efforce juste de ne pas suffoquer.
Les choix, de toute manière, on les fera pour nous, sur le moment ou après coup. Car, comme nous le rappelle Ernst Jünger, dans Le Traité du rebelle, le non-engagement n'existe pas. On n'échappe jamais complètement aux barrières et on est toujours plus ou moins fermement sommé de choisir un camp. Et si on ne le fait pas, l'histoire s'en charge pour nous. Plus embêtant : la volonté de non engagement, qui pourrait se traduire comme le « choix de ne pas choisir » est presque toujours réinterprétée comme venant finalement faire le lit des pires horreurs, puisqu'elle ne s'y oppose pas catégoriquement. Cela s'est vu aussi bien en 1914 qu'en 1939. Et cela se reproduit à chaque fois que l'on enferme la pensée dans une opposition binaire et manichéenne, c'est-à-dire quotidiennement.

Certes, tous les choix auxquels nous sommes confrontés au fil des jours ne sont pas aussi cruciaux que ceux qu'ont connus les poilus ou les contemporains d'Hitler, mais quand même : adopter la posture du danseur de corde, de celui qui marche sur les barrières ou de celui qui s'élève au dessus des mêlées reste très compliqué. C'est un « non choix » qui nous engage presque autant, sinon plus, que d'opter pour tel ou tel camp ; car quelle que soit l'évolution de la situation, nous serons au final comptés parmi ceux qui se sont rangés du mauvais côté. Cela est très net au moment des élections où ce sont bien souvent ceux qui se sont abstenus de trancher, justement qui se retrouvent accusés la plupart du temps, par les commentateurs, d'avoir favorisé la victoire de tel parti (le Front National par exemple) ou d'avoir accéléré la chute de tel autre.
Dans un monde ou tout doit quasiment toujours pouvoir être résumé en une opposition binaire le danseur de corde, l'équilibriste de l'esprit, est un handicapé. Son besoin de tout soupeser, d'utiliser les oscillation de son balancier pour éviter de sombrer dans le manichéisme, n'est pas perçu comme une forme d'intelligence mais comme une inadaptation. Sa propension au doute n'est pas reconnue comme une preuve de raison mais comme un signe de faiblesse et d'impuissance. L'équilibriste de l'esprit est un perdant, un éternel perdant. Tant pis pour lui. Tant pis pour le monde aussi, peut-être...

Tiens, en parlant de « perdants », je vous rappelle que Philippe Ayraud a fait paraître, il y a quelques mois de cela, aux éditions Durand Peyroles, un très chouette recueil de nouvelles dont c'est précisément le titre : Les Perdants. Si vous avez trouvé quelque intérêt à me suivre dans ces réflexions, ces dernières semaines, je ne peux que vous inviter à le lire. Vous verrez que si la forme de son propos est forcément différente de la mienne, puisqu'on est là dans le fictionnel, le fond n'est pas si éloigné de ce que j'ai essayé d'exposer ici.

Stéphane Beau

12:03 Publié dans Stéphane Beau | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET

16.04.2014

Stéphane Beau : par delà la mêlée

par_dela_melee.jpgMon approche de la question féministe ne doit donc pas être séparée de la manière dont je ressens intimement la notion de barrière. Mon problème en effet, aussi loin que je remonte dans mes souvenirs, a toujours été, dans tous les domaines, de refuser d'être assigné à résidence d'un côté ou de l'autre des barrières que l'on m'opposait. Sans en avoir pleinement conscience, la plupart du temps. Et si je parle ici de problème, ce n'est pas par hasard, car c'est une position qui est assez inconfortable. C'est ainsi que j'ai toujours traîné, derrière moi, l'image d'un râleur, d'un réfractaire, d'un objecteur, d'un coupeur de cheveux en quatre, bref, d'un emmerdeur, car les humains, au fond, n'aiment pas qu'on interroge les fondements de leurs idées et les moteurs de leurs actes.
Mais c'est comme ça, c'est plus fort que moi, lorsque je me heurte à une barrière, il faut toujours que j'aille jeter un œil de l'autre côté pour voir ce qu'on y trouve. Et forcément, à chaque fois le constat est le même : il y a du bon et du mauvais des deux côtés. Cette posture, dont on pourrait a priori croire qu'elle est plutôt de nature à apaiser les choses, à gommer les conflits en ouvrant une porte de dialogue entre les deux camps, est au contraire très mal perçue. Car la plupart du temps, les deux parties n'ont pas envie de communiquer. C'est d'ailleurs justement pour cela qu'elles ont érigé une barrière entre elles, et toute tentative de conciliation n'est pas perçue comme un appel à la libération, mais comme une agression.
 
Mon livre sur les Hommes en souffrance, par exemple, même si le ton est volontairement polémique, a vraiment été pensé et écrit comme étant un livre sensé dépasser la barrière de la guerre des sexes. Je voulais vraiment qu'il invite les lecteurs à grimper sur cette barrière pour contempler l'ensemble du problème, objectivement et de manière non partisane. Je sais que certains l'ont lu ainsi et cela me fait plaisir. Mais je constate aussi que ces lecteurs-là ne sont pas majoritaires et que pas mal d'autres semblent n'avoir pas pu faire autrement que de ramener arbitrairement ma pensée d'un côté ou de l'autre de la barrière. C'est ainsi que pour les féministes les plus radicales mon livre est un livre masculiniste (donc abject et condamnable), alors qu'à l'opposé, chez les défenseurs les plus rugueux de la cause des hommes, je sens bien qu'on peine à accueillir chaleureusement un texte qui ne fait pas ouvertement l'apologie des pères perchés ou des femmes au foyer.
 C'est pour ça qu'une fois de plus, comme le note Bertrand Redonnet, je me retrouve à l'écart, en dehors. Positions qui ne relèvent pas de choix délibérés, mais découlent des circonstances. Bertrand sait bien mon attachement aux vieux journaux anarchistes. Notamment l'En Dehors, revue à laquelle il fait explicitement référence. Il sait probablement qu'il en existait une autre, publiée par E. Armand durant la première guerre mondiale, qui s'appelait Par delà la mêlée.
 
Par delà la mêlée... N'est-ce pas là, par définition, que se situe le danseur de corde ?
N'est-ce pas là aussi, dans cette mêlée, que le danseur de corde retombe quand il trébuche ?

Stéphane
 
Petit rajout de Bertrand : Tout à fait, Stéphane. Armand qui participa lui-même à L'En dehors (fondateur Zo d'Axa) avec Octave Mirbeau.
Armand, chantre de la camaraderie amoureuse... Avec Darien aussi.

13:17 Publié dans Stéphane Beau | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : littérature, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET

14.04.2014

Allez donc comprendre !

littératureJ'ignore bien volontiers, mais sans grand tourment moral, si celles du Seigneur sont impénétrables mais, beaucoup plus ennuyeux, je suis à peu près certain que celles des hommes le sont.
Je parle des voies, des desseins, des motivations, des plans, des résolutions,  bien entendu. Car voilà bien un domaine où les synonymes se ramassent à l'appel.
Le fonctionnement des hommes m'a donc souvent échappé.
Et je me rappelle toujours, chaque fois que je suis face à une situation dont je ne saisis pas exactement tous les tenants et les aboutissants, une anecdote vécue en 1976, à Toulouse.
J'ai habité un temps là-bas... Histoire de rejoindre quelques camarades éparpillés dans les faubourgs gris de la ville rose. Des couche-tard. On ne se couche jamais avant l'aube quand on attend l'Grand Soir. Des fois qu'il aurait pris du retard en route !
Bref, pour gagner quelques subsides en attendant de vivre d'amour et d'eau fraîche dans la société sans classes, la journée j'étais pompiste à la sortie de la ville, route de Castres exactement.
C'était l'automne. Un bel automne du sud-ouest. Parfois, si le ciel était vraiment généreux, on apercevait sur la ligne d'horizon, dans les lointains, la  nébuleuse fierté des Pyrénées.

Parmi mes chalands quotidiens, je comptais
un homme charmant, souriant, et qui habitait la cité voisine. Pour ceux et celles qui connaissent Toulouse, la cité Amouroux exactement. Mon client sympa était un homme originaire du Maghreb.
Il venait chaque jour, il tournait dans ma boutique, inspectait les rétroviseurs, les enjoliveurs, les paquets de bonbons, les bidons d'huile, les lunettes de soleil, les cartes Michelin, mais surtout les recharges pour camping-gaz, les petites, les moyennes et les plus grosses.
Il tournait en rond, disait deux ou trois mots agréables et repartait sur un jovial salut... Le bougre ne m'achetait jamais rien !
J'ai fini par me douter qu'il cherchait là quelque chose qu'il ne pouvait pas se payer... Les gestes maladroits, contrits, du voleur à l'étalage, je les connaissais bien.
Cet homme m'était dès lors agréable et je faisais tout pour qu'il parvienne à ses fins. Je sortais, je tournais le dos, je regardais par la baie vitrée les voitures qui descendaient le faubourg Bonnefoy, je proposais à un qui avait fait le plein de lui lustrer son pare-brise, histoire de prolonger mon absence de la boutique... Rien... Jamais rien...
Le gars repartait toujours les mains et les poches vides.
Puis, un beau matin, quand je me suis retourné, il n'était déjà plus là... Évanoui, mon lascar ! Et dans le rayon recharges pour camping-gaz, il y avait un trou, sur l'étagère des moyennes.
Ouf, que j'ai fait et que j'ai rigolé ! Mais, que je me suis dit aussi, s'il n'est pas plus efficace que ça, mon voleur, il ferait aussi bien de faire comme moi, de trouver vite un petit job à la noix.
En attendant le Grand Soir.
Dès lors, je ne le revis plus... Et j'étais déçu... J'avais pensé qu'il avait compris ma complicité et qu'il  était sûr de manœuvrer là sur un terrain amical, impuni. Notre tacite camaraderie était donc faussée.
Je l'oubliais.

Et puis, soudain, un mois passé, le voilà qui revient à pas feutrés, en rasant les murs et en baissant son nez !
Hélas, je n'étais pas seul.
Le patron  était là, en bleu de travail, qui comptait ses litres d'essence vendus dans la semaine.
Et mon homme, tout timide, un billet à la main qui s'approche de lui, qui dit d'une petite voix fluette que l'autre jour il n'avait pas de sous sur lui et qu'il a pris une bouteille de gaz quand même et qu'il vient la payer, c'est
combien, monsieur ?
L'œil broussailleux et mauvais du taulier qui me fusille et m'interroge.
Non, je ne suis pas au courant.
Le petit voleur paye en s'excusant beaucoup, le patron encaisse avec ses gros doigts maculés de cambouis, rend la monnaie avec mépris et grommelle méchamment que la maison ne fait pas crédit et que moi....
Moi ?

Je suis viré.
Je vais pouvoir me coucher encore plus tard que tard.

J'espère que cet homme n'habite plus une cité dégueulasse, poussiéreuse et bruyante et qu'il n'a plus besoin de bouteilles pour camping-gaz.
J'aimais bien la franchise de sa maladresse. Le code de la pauvreté acculée.
Mais nous ne nous sommes pas compris.
Des remords ? Un jeu ? Un réel besoin et un réel emprunt ? Une morale qui m'était inaccessible?
Je n'en saurai foutre jamais rien.

Image : Philip Seelen

11:07 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

11.04.2014

L'exil et la mort

P9180043.JPGLes juifs qui vivent en France ou ailleurs - tout du moins beaucoup d'entre eux même si j’en ignore la proportion – se font enterrer à tout prix sur (sous plus exactement) la Terre promise.
Ils font ce qu’ils veulent, ces braves gens, là n’est pas le problème, et quand bien même seraient-ils chrétiens, athées, bouddhistes ou derviches tourneurs, que j’aurais à leur égard les mêmes réflexions de perplexité.
C'est le genre de précautions farfelues et convenues qu'on est toujours tenu de prendre dès qu'on parle des juifs, dans un monde imbécile aplati par la culpabilité, la fausse conscience et la posture qui dicte que l'apparence prime sur l'essentiel. Toujours faire montre de son honnêteté et montrer âme blanche.
Des autres, on peut parler un peu plus à la légère. Sans offenser toutefois.

Bref, cette étrange pratique de vouloir faire dormir ses os ailleurs qu'au cimetière le plus proche, me semble le comble des inconfortables tourments - passez-moi le pléonasme- d’un exil. Comme si la terre, le pays, le bout de ciel où vous avez vécu votre vie, où vous avez aimé, où vous avez construit, pleuré, ri, bu et mangé tout votre soul, n’était pas assez sainte ni même assez saine pour accueillir votre précieux cadavre.
Ou alors comme si ceux qui restent derrière vous, les voisins, les amis, ceux que vous avez salués, n’étaient pas dignes de marcher et de respirer dans le voisinage direct de votre céleste sommeil.
Mépris ? Humm… Je l’ignore. Croyance en un dieu tellement sectaire qu’il ne vous accompagne dans votre salut que si vous reposez là et non pas là ? Chez lui, en fait. Un dieu contractuel, comme l’écrivait Nietzsche ?
Pour sûr que je ne voudrais pas d’un dieu pareil pour me conduire à travers ciel. Un dieu universel, un absolu, une entité des étoiles infinies, un dieu tellement évident qu’il n’a pas même besoin d'église pour être un dieu, ça, oui. Ou encore, mais à la grand’ rigueur, pas de dieu du tout.
Car un dieu qui discriminerait, qu’aurait-il de plus divin que le moindre des moindres mortels ?

Quand je mourrai, quand le croque-mort m’emportera, quand sonnera l’heure blême, donc, je ne chanterais pas à l’instar du Poète : que vers le sol natal mon corps soit ramené…
Car c’est sous ce coin de ciel polonais, tantôt glacé, tantôt étouffant, sous ces nuages qui courent de la mer noire à la Baltique, sur cette plaine qui se déroule de forêts en forêts, que j’aurai fini de tracer ma piste. Je dormirai sous ce pays qui, sans ambages, m’avait ouvert tout grand ses bras, avait tiré la chaise et m’avait invité à m’asseoir à sa table, sans rien demander de mes racines profondes.
Je dormirai là. Loin de ma langue et de la terre de mes ancêtres. Par respect pour tous ceux qui m’ont salué et avec lesquels j’aurai  partagé un bout de route, un bout de terre, un bout de monde.
Je dormirai chez eux ; un chez eux qu’ils ont fait chez moi.
Ce sera mon hommage posthume à la vie. Une vie qui habita, et non qui passa dans l'opportunité.

10:43 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : littérature, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET

09.04.2014

Stéphane Beau : approfondissement

Tentative d'équilibrisme

N53006251_JPEG_1_1DM.jpgL'intérêt principal d'un blog, à mes yeux, c'est d'offrir un espace où la réflexion peut se développer au fil des jours, un peu comme dans un journal intime, mais avec une certaine obligation de rigueur et de cohérence due à son caractère public. C'est dans cet esprit que je poursuis aujourd'hui mes réflexions sur l'idée de barrière, ébauchée ici.
La barrière, qu'elle soit réelle ou virtuelle, coupe toujours le monde en deux. C'est là une évidence, je le sais, mais le grand tort des évidences, c'est justement qu'on finit par ne plus les voir. D'où la nécessité d'aller les chatouiller quelque peu, de temps en temps.

Dans notre vie quotidienne, nous nous comportons en général comme si les barrières étaient des réalités indiscutables, immuables, occupant logiquement, presque naturellement, la place qui est la leur. Dans les esprits, prédomine d'ailleurs l'intuition que la coupure pré-existe à la barrière qui ne vient au final que réunir deux parts distinctes, un peu comme la suture vient recoller les deux lèvres d'une coupure. La barrière n'étant pas envisagée alors comme ce qui sépare, mais comme ce qui rattache, comme ce qui permet de maintenir un semblant d'unité et de sens à l'ensemble. Son absence serait synonyme de chaos.
Car la barrière, on l'oublie trop souvent, a pour fonction première d'offrir aux hommes un repère, au même titre qu'un phare ou qu'une balise, et de fixer du même coup des normes qui s'appliquent à tous. En effet, pour qu'une barrière soit agréée par tous comme concrétisant une séparation objective il faut qu'elle repose sur une convention tacite. Tout comme le mètre, le litre, le degré centigrade ou l'hectopascal, la barrière pose un cadre conventionnel qui n'a de sens que si l'on en accepte le principe. Ce qui n'est pas toujours si simple, comme on peut le voir par exemple dans nos relations parfois tendues avec les peuples traditionnellement nomades qui, n'entendant pas la dimension conventionnelle de la barrière, ne comprennent pas ce qu'elle prétend scinder, et considèrent qu'elle n'a pas, symboliquement, plus de valeur normative qu'un arbre ou qu'une colline.
Si on visualise assez aisément les barrières physiques, on est généralement beaucoup moins à l'aise avec toutes les barrières psychologiques, morales ou idéologiques, qui balisent nos pensées et nos actes. Pourtant elles existent et elles fonctionnent de la même manière. Dans le domaine des idées, des valeurs, ou des croyances, aussi, les barrières viennent marquer une coupure entre deux mondes. Et là encore, l'erreur commune consiste à croire que la coupure pré-existe à la barrière ; qu'il existe par exemple un bien et un mal clairement différents, un vrai et un faux nettement distincts et que la barrière, là encore, se contente de concrétiser la ligne de fracture. Sauf que la réalité est beaucoup plus complexe, voire confuse, que cela.

Les barrières, que ce soit dans le monde physique ou dans le monde psychique, on l'oublie trop souvent, ne symbolisent pas des faits, mais des choix. Leurs emplacements ne doivent jamais rien au hasard. Bien au contraire, l'art de placer - et de déplacer - les barrières a toujours été éminemment stratégique. C'est une guerre de positions. Poser une barrière, ce n'est pas seulement délimiter son propre camp, c'est également définir, par défaut, celui de ses ennemis. Et, dans le champ des idées, cela est loin d'être neutre. Car, en plantant ma barrière, en plus d'affirmer mon droit, j'impose arbitrairement à mon adversaire le cadre dans lequel il devra exercer le sien.

Pourquoi est-ce que je vous explique tout cela ? Parce que mon dernier billet, disant que j'avais le sentiment, sur la question du féminisme, de me situer du mauvais côté de la barrière, ne me satisfaisait pas. Pas plus que ma conclusion laissant supposer qu'un jour les choses s'inverseraient et que je finirais par me retrouver du bon côté (même si du point de vue l’ego c'était une jolie chute qui m'accordait généreusement le bon rôle). En prétendant cela, je restais en effet englué dans le piège tendu par ceux qui ont intérêt à décréter que les barrières sont des réalités intangibles et que l'on n'a pas d'autre option que de choisir le côté derrière lequel on doit se ranger.
La question qui se pose à moi, maintenant, est la suivante : comment peut-on s'affranchir malgré tout de ces barrières, les dépasser, les contourner, les éviter. Nietzsche nous a déjà indiqué une piste : se situer définitivement par-delà le bien et le mal. Il nous a également proposé une posture : celle du danseur de corde qui confie sa destinée aux lois de la pesanteur. D'où l'hypothèse que je pose ici : le meilleur moyen de s'affranchir des barrières n'est-il pas de grimper dessus et de rester en équilibre sur leurs tranches, là où les deux camps se rejoignent et retrouvent leur unité première ? Position délicate, certes, inconfortable car elle attisera incompréhension et haine dans les deux camps.
Position difficile, donc, mais en existe-il une autre possible quand on a la prétention de vouloir être honnête ?

Stéphane Beau

08:29 Publié dans Stéphane Beau | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature, écrtiture |  Facebook | Bertrand REDONNET

07.04.2014

Devinettte pas facile...

staline_reference.jpg« Imprédictibles, ces coups d'éclat contraignent les services de renseignement à déminer le danger en multipliant les cyber-patrouilles. Des groupes d'enquête spécialisés explorent blogs, pages Facebook ou messages sur Twitter. Prévoir nous oblige à des investigations plus poussées, concède un officier. Par mots-clés, nous tentons de cibler des profils à risque et des mots d'ordre, mais cela reste aléatoire.»

Ah, lecteur lointain, doux et paisible lecteur, toi qui, tout comme moi sans doute, regardes s’agiter le monde dans ses ébats et ses débats de plus en plus liberticides, qui te dis peut-être que nous avons, nous-autres, cette chance historique, acquise de haute lutte, de vivre sous des cieux éclairés où fleurissent les fleurs toujours nouvelles des démocraties apaisées, de quel pays indigne parle donc ce petit paragraphe édifiant, prélevé dans la presse ?
De la Tunisie ? De l’Ukraine ? De la Russie de Poutine ? De la Chine ? De l’Inde ? Du Pakistan ? De la Corée du Nord ? De l’Afghanistan ? De l’Irak ? De la Lybie ?

Allez, encore un petit effort… Oui, oui, c'est ça... Tu brûles, lecteur !

09:30 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : littérature, écriture, politique |  Facebook | Bertrand REDONNET

05.04.2014

Stéphane Beau : un texte témoin

Ce texte me touche particulièrement par sa force de renversement. L’ami Stéphane nous montre en effet comment l’idéologie dogmatique, sectaire, totalitaire, de la gauche bien-pensante - toutes fausses tendances confondues, même jusqu'à ses extrêmes - peut nous acculer à prendre des positions jugées par elle réactionnaires alors qu’elles ne sont que des tentatives pour rétablir le bon sens, l'honnête sens, du réel.
Il a raison, Stéphane, même s'il ne s'en ouvre pas expressément : Zemmour dit moins de conneries et de saloperies que Bernard-Henri Lévy. Une femme du peuple, de droite mais de bon sens, qui se situe naturellement sur un pied d'égalité avec son compagnon, qui n'a nul besoin pour ce faire que des grenouilles-prêtresses suivies des enfants de choeur de la pensée convenable lui servent la messe, qui aime son compagnon, qui aime qu’on la respecte et qui veut aimer l’amour et la vie, énonce moins de dégueulasseries que Vallaud-Belkacem, baptisée à la tambouille PS, version "ambitions démesurées".
Les idéologues de la contre-vérité érigée en humanisme ont détruit tous les repères afin que ses sujets errent désormais sans boussole sur l’océan des infâmes solitudes.
On parle de dérive droitière. J’ai un sourire amer, crispé. La nausée du dégoût : c’est exactement à ce prétexte que Staline fit torturer et fusiller tous les communistes et anarchistes de la première heure !
La pensée socialiste est le dernier stade du pourrissement du stalinisme et l'homme libre se situe par-delà ses discours autorisés. Par-delà aussi les ignominies droitières et les manœuvres répugnantes de la pensée de gauche. L'homme libre est dissident. A l'écart. En-dehors.
Il se doit ainsi d'être fier de toutes les insultes dont le couvre la horde miaulante des salopards !

  Le bon côté de la barrière

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Ma mise en accusation du dogme féminisme, que ce soit sur ce blog ou dans mon livre sur les Hommes en souffrance a, je le vois bien, posé quelques problèmes même à ceux qui me connaissent et qui me lisent habituellement. Car critiquer le féminisme aujourd'hui, dans l'esprit de beaucoup c'est, sur le plan politique et idéologique, prendre place du mauvais côté de la barrière. Mais comme ces lecteurs-là savent à qui ils ont affaire, ils ont généralement assez bien compris ce que je voulais dire. Par contre, ceux qui ne me connaissent pas ou mal, ont globalement porté sur mon travail des jugements sans appel (et légers en termes d'argumentation, ceci dit en passant...) : « risible », « masculiniste », d'une « bêtise crasse », « réactionnaire », « misogyne »... aucun rachat possible.

Je mentirais en disant que cela ne me touche pas, ne me trouble pas, ne me questionne pas. Car comme le fait très justement remarquer Philippe Ayraud dans la recension qu'il a consacrée à mon livre, je reste persuadé que je porte clairement le cœur à gauche, parfois même très à gauche, depuis toujours. Avec tout le pack psychologique et idéologique – pas toujours conscient – qui va avec : la certitude d'être du « bon » côté de l'histoire, celui des faibles, des opprimés, d’être dans le camp de la justice et du bien général. Bref, d'être un « gentil ».
Et là, brusquement, en m'en prenant au féminisme, considéré par beaucoup comme étant un des plus nobles combats de la gauche contemporaine, je me retrouve non seulement à m'opposer à celles et ceux qui me sont habituellement les plus proches et du même coup à partager certaines convictions avec ceux que j'avais toujours tenus comme étant indubitablement mes adversaires : penseurs de « droite » voire d’extrême droite, cathos, traditionalistes bornés...

Alors forcément, je me suis posé la question – et je me la repose encore régulièrement – suis-je en train de déconner ? Me suis-je trompé de route ? Quelque part, j'aimerais bien, cela simplifierait nettement les choses pour moi. Mais j'ai beau retourner le problème dans tous les sens, et même si cela m'embête, j'en reviens toujours à la même conclusion : le féminisme, tel qu'il se développe actuellement est une idéologie dangereuse qui ne pourra rien produire de bon sur du long terme. Et aujourd'hui, oui, hélas, face à ce dogmatisme froid, aveugle, fermé au dialogue et aux débats, c'est chez les penseurs « réactionnaires », de droite, hostiles à la gauche, que l'on trouve parfois les réflexions et les critiques les plus intelligentes dans le sens où elles nous invitent à de réels questionnements.
Qui sont les responsables de cet état de fait ? Ceux qui, comme moi, essayent d'y voir clair, de comprendre, ou ceux qui ont transformé le féminisme en en bloc compact, inattaquable, indiscutable ? Dans un article paru dans le n°1 de la nouvelle fournée de l'Idiot international (1er avril 2014), Stéphane Legrand s'en prend par exemple à la « dérive droitière » de Michel Onfray qui a, dans un article de son site internet, dit sa prise de distance avec l'idéologie du genre. Dérive droitière. Qu'est-ce que cela veut dire ? Je ne suis pas un grand fan d'Onfray dont j'ai déjà pu dire le peu de bien que je pensais à plusieurs reprises. Mais pourquoi parler ici de dérive droitière ? Je reste persuadé que l'on peut être très critique (dans le sens constructif du terme) vis-à-vis de l'idéologie du genre et rester de gauche. Car si dérive il y a, ne peut-on pas l'imputer plus justement à ces gardiens du temple de ce que Jean-Pierre Le Goff nomme assez justement le « Gauchisme culturel » qui, en fermant la porte à tous débats, laisse les clés de l'intelligence à la disposition de leurs adversaires ?
Et parmi ces adversaires, s'il y en a de parfaitement abjects et lamentables, on en trouve aussi de brillants. C'est pour ça qu'aujourd'hui, hélas, c'est chez les « réacs » qu'il faut peut-être aller rechercher ces clés de la résistance au nivellement du monde, des humains et des idées ; chez les râleurs, les énervés, les infréquentables, Nietzsche, Georges Palante, Léon Bloy, Léon Daudet, Barrès, ou, plus proches de nous Cioran, Philippe Murray, Alain de Benoist, Michel Maffesoli... Autant de penseurs qui, même s'ils peuvent parfois emprunter des routes discutables, même si on peut parfois se retrouver en complet désaccord avec eux, ont au moins ce mérite de n'avoir jamais eu peur de mettre les pieds dans le plat et d'appeler un chat un chat.

Il faudra donc que je m'habitue à être un réactionnaire. Cela ne devrait pas me poser trop de problèmes car, après tout, réagir à l'évolution du monde actuel ne me semble pas être criminel. Résister aux surenchères de la société de consommation, aux méfaits du libéralisme économique, à la destruction de l'équilibre écologique, lutter contre la transformation et l'uniformisation des humains modelés pour n'être plus que des consommateurs décérébrés, voilà des combats qui me parlent. Et être de gauche aujourd'hui, être écolo, être hostile au modèle capitaliste, c'est quelque part être réactionnaire justement, c'est espérer que l'humanité donne un petit coup de frein à son évolution et revienne à un peu de bon sens, quitte à revenir sur ses pas dans certains domaines. Être de gauche, c'est affirmer son amour des humains, certes, mais surtout de leurs différences, de leurs cultures, de leurs parcours, de leurs spécificités, de leur intégrité. Être de gauche, c'est regretter qu'aujourd'hui les ouvriers ne soient plus fiers d'être ouvriers, que les agriculteurs ne soient plus fiers d'être agriculteurs, que les femmes ne soient plus fières d'être des femmes, que tous et toutes n'aient plus qu'une seule ambition : ressembler à un modèle unique qui mange pareil, s'habille pareil, pense pareil, fantasme pareil, lit les mêmes livres, voit les mêmes films, achète ses meubles dans les mêmes boutiques... Être de gauche, c'est refuser que les hommes et les femmes ne soient plus que des corps soumis à des normes hygiénistes de plus en plus totalitaires...

Être de gauche aujourd'hui ce n'est plus voter socialiste ; être de gauche c'est accepter d'être réactionnaire, au sens noble du terme. C'est lutter contre tous les mouvements sociétaux dogmatiques susceptibles d’entraîner le monde à sa perte. Et parmi ces mouvements, il y a le féminisme. Aujourd'hui, le critiquer me rejette du mauvais côté de la barrière, comme je l'ai dit. Mais ce n'est pas définitif, je le pressens. Nous en reparlerons dans cinq, dix ou vingt ans. Les côtés de la barrière s'inverseront forcément et le bon sens retrouvera ses droits.

Stéphane Beau

14:00 Publié dans Stéphane Beau | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : littérature, écriture, politique |  Facebook | Bertrand REDONNET