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29.11.2010

Devant

PB290018.JPGRéchauffement climatique confirmé : Les nuits prochaines descendront jusqu’à moins 25.
In petto, je bénis le susdit réchauffement sans lequel les dernières nuits d’un mois de novembre chuteraient  sans aucun doute à moins 40…
A moins que les inversions de tendance en soient  à ce point de basculement où elles disent le contraire de leur véritable trajectoire.
Pour l’heure, la tourmente neigeuse, opiniâtrement,  engloutit un monde monochrome.

Et ce matin trois enfants, emmitouflés, encapuchonnés, engoncés dans de lourdes pelisses, marchaient en file indienne sur le chemin de l’école. Ils baissaient la tête pour éviter au visage la gifle du vent et  des tourbillons poudreux.
Devant eux, la route était droite, muette, solitaire dans un grand brouillard blanc.
Je me suis demandé ce qu’ils allaient y apprendre, à cette école aujourd’hui, et qui vaille la peine d’affronter ainsi les colères glacées d’un hiver.
Peut-être en reviendront-ils ce soir avec la vague idée que devant, oui, justement, la route est toujours droite, muette et solitaire, avec un grand brouillard blanc, mais que…
Peut-être…
C’est ce qui crée le mouvement, ce pas devant l’autre infiniment répété, ce pas sans horizon qu'à l'intérieur : L’espoir sans objet, tellement sans  qu'il ne sait même pas qu'il est espoir.

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26.11.2010

Internet : Histoire d'une rencontre - 2 -

cerveau_8.jpg

A peu près dans le même temps que la chambre de commerce m'offrait gracieusement un minitel, J’avais acheté à l’irascible contrebassiste et son ridicule délire, un Amstrad 1512 d’occasion avec système d’exploitation. Deux disquettes larges comme des feuilles de platane, une qui servait d’environnement en fait,  et l’autre de page pour écrire.
L’ordinateur de l’âge de pierre non encore taillée.
Mais tout cela ne dépassait pas, dans ma tête, le stade de la fantaisie même si  j’avais quand même abandonné la machine à écrire pour besogner sur le Word d’avant Windows, version 1, avec le menu en noir et blanc en bas d’écran, « Lire–écrire » « Paragraphe » « Justifier » etc. et qu’il fallait mettre, docte expression et qui en imposait aux néophytes médusés, en « vidéo inversée ».
J'étais encore très loin du réseau. Je travaillais sur un manuscrit que l'Amstrad 1512, fatigué, usé déjà, engloutit un beau matin dans ses entrailles ésotériques et ne me restitua jamais.

Comme un raz de marée cependant qui monterait sans vagues, sans bruit, sans tempête et sans détruire devant lui, mais qui monterait quand même inexorablement, couvrant la plage bien au-delà des rochers et bien au-delà de l’estran, la Bizarrerie opéra en douceur.
Elle atteignit d’abord les rivages de la sphère travail avant d’engloutir ceux de la vie privée, puis ceux de la vie tout court.
Et déjà, à tous les échelons de la hiérarchie sociale, on ne parlait plus que messagerie et courrier électronique en reniflant bruyamment et d’un air entendu. On se perdait en de savantes conjectures d’archéologues sur l’origine du cabalistique @.
Ne sachant en effet absolument pas comment ça pouvait bien fonctionner – on n’a d’ailleurs jamais trop su – au moins abordait-on la chose avec les outils intellectuels qu’on avait à sa disposition, l’histoire et la littérature. On se dédouanait ainsi de l’effort de compréhension tout en faisant mine de savoir de quoi il en retournait.

Et on avait bien raison tant il  en va de même de toutes les inventions humaines. Je n’ai jamais su comment je pouvais techniquement passer un coup de fil au Canada ou à Honolulu, mais je sais faire. Tous les secrets du moteur à explosion ne m’ont jamais été totalement dévoilés et j’ai quand même fait plus de vingt fois le tour du monde en automobile. En distance, je veux dire.
On fit donc moult formations un peu partout, on acheta des modems, puis des machines de plus en plus puissantes et on ne cessa d’acclamer toujours plus fort cette source inépuisable d’informations capable de fournir dans l’instant le moindre détail sur n’importe lequel domaine de la connaissance humaine.
La chose apparut donc d’abord, dans sa phase contemplative, comme une incommensurable encyclopédie de tout ce que l’esprit humain avait su produire jusqu’alors.
On ne jura plus que par le www. Pour acheter des chaises, des vacances, des voitures, faire une rencontre, consulter des livres, savoir la profondeur de tel fond marin, visiter des musées, louer des appartements, habiter là plutôt qu’ici, et même, fantasmer ses pulsions les plus secrètes et les plus refoulées.

Tout se conjugua à la vingt- troisième lettre de l’alphabet multipliée par trois. On palabra, on critiqua, on échangea, on proposa, on réalisa, on projeta tout en www, véritable Sésame d’une caverne abritant trois milliards de cerveaux et reliés entre eux, dans les trois minutes, par un langage commun aux multiples centres d’intérêt.

L’ampleur du phénomène m’a tout d’abord fait sourire. Je trouvai tout cela benêt, surtout quand le moindre artisan, le moindre petit commerçant, par  exemple, planqué à l’ombre de son clocher rural entre le bistrot et la vieille épicerie, se gaussa à son tour d’être immatriculé tout neuf en www.
Ça faisait fat, connaissances de sot. En l'occurrence, c'était moi le sot et ces gars-là avaient sur moi une longueur d'avance.
Car ils jouaient leur survie. Pas l’équilibre de leur budget, non, mais leur survie d’homme vivant en société car on ne survit pas dans un monde dont le langage mute et vous échappe totalement.
On peut vivre en exil sans la langue dont on a été allaité.
J’y vis.
On ne peut pas vivre chez soi dans un langage ésotérique.

Du ludique et de la connaissance pure, on en était donc venu à ne plus respirer que par les trois lettres. Il suffit alors qu’on apprît la signification de ces trois lettres, la fameuse toile étalée sur le monde entier, pour que tous les rouages, culturels, économiques, intellectuels, affectifs dussent, pour plus d’efficacité et d’intelligence, êtres tissés sur les mailles de cette toile.

Ce que pudiquement et doctement on avait appelé, au début, virtuel, parce qu’il fallait bien pour en conjurer l’angoisse nommer cette nouvelle lecture/écriture du monde, finit donc par devenir la réalité et c’est l’ancienne réalité qui, en s’éloignant,  devint tout à fait virtuelle.
Personne ne prit véritablement conscience de l’inversion totale des concepts et de l’irréversible renversement de la perspective.

J'avais, quant à moi, suivi des formations sur un traitement texte révolutionnaire, Works et sur environnement windows...J'étais fier et content. Je passais mon temps libre à écrire et à mettre en pages.
En  dehors du monde.

Mon fils, alors étudiant à l'INSA de Rouen, me tendit à Noel un petit carton bien enveloppé et à l'intérieur, ce qui me sembla être une petite boîte en  fer.
Un cadeau, ça fait toujours plaisir, mais là, je me demandais bien...
Une demi-heure plus tard, Internet entrait dans ma vie.
On était en 1997.

10:30 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

25.11.2010

Colères sans objet contre objets

17601142010874-1.jpgJ’ai toujours eu un problème avec le monde des objets.
Avec le monde des humains aussi, mais là, au moins j’ai des interlocuteurs doués de parole et de mouvement. Avec eux, dans les situations conflictuelles, il y a au moins un écho. Même leur silence résonne très fort.
Avec les objets, dont l’autre pleurnicheur bourguignon se demandait s’ils avaient une âme attachante, il n’y a qu’un protagoniste, soi-même, à l’intérieur, et, pour garder quand même un peu de tenue et ne pas sombrer dans la folie, force m’est bien alors de leur prêter, sinon une âme, du moins un comportement.
Et c’est le plus souvent un comportement détestable.

Les objets se mettent quotidiennement en travers de ma bonne humeur.
A mes petits projets de tous les jours, ils opposent fréquemment leur force d’inertie, leur muette imbécilité, la sournoiserie de leurs petites dimensions, la complexité de leur utilisation.
Ouvrir une poche de café, au saut du lit,  est pour moi un cauchemar.
Elle résiste, se durcit, refuse de livrer son secret, se rebelle, se replie…Un bout se déchire enfin. Mais il y a un autre bout derrière. Un vrai labyrinthe.
Je finis toujours par prendre un couteau et par l’éventrer, cette satanée poche ! Le bel arôme matinal se répand alors, mais la poudre aussi…Colère.
On accuse gentiment ma maladresse. Moi aussi, je m’accuse et je m’auto-incendie.
Mais l’autre jour, tout de même,  j’ai acheté une poche de café avec, dessus, le mode d’emploi
bien indiqué pour l’ouvrir. Une poche de café didactique. Et je me suis dit que si la marchandise prenait de telles précautions, c’est que c’était vraiment difficile pour tout le monde d’ouvrir son café.
Ça m’a un peu rassuré.

Quand je bricole, la guerre est totale et sans merci.
Il y a une quinzaine de jours,  en posant de la laine de verre dans mon grenier, j’ai passé plus d’une demi-heure à chercher le  grand couteau qui me servait à la découper.
J’ai regardé partout, je me suis mis à quatre pattes, j’ai fouillé dans tous les recoins, j’ai investi avec une lampe de poche tous les endroits où j’étais passé, j’ai soulevé un rouleau entier que je venais pourtant d’installer avec mille peines, voir si ce connard de couteau ne s’y serait pas glissé.
Gorge serrée, fureur totale, cris furibonds. Je devenais certain que ce couteau était planqué là, tout près, et qu’il riait à lame déployée de mon désarroi.
J’ai fini par le découvrir. Confortablement installé sur une poutre. Je l’ai balancé rageusement par terre. Il a rebondi, s'est glissé entre deux planches. J'ai failli le perdre une deuxième fois.
Après, ça allait mieux…

Je pourrais multiplier les exemples à l’envi. Les meubles dans lesquels je me cogne,  les tapis dans lesquels je me prends les pieds, les escaliers roulants que j’emprunte dans le mauvais sens…Une fois, j’ai perdu mon paquet de cigarettes…Là, ça tournait à la rage et ça a duré un moment et plus ça durait plus je haïssais ce paquet de cigarettes et plus j’en avais besoin.
J’ai fini par le découvrir.  Dans le frigo. Entre le beurre et un pot de confiture.
Il y a quelques jours aussi, en fendant du bois, j’ai perdu ma  hache.
Une petite hache. Une hachette. Pas un lourd outil de bûcheron, quand même.
Enervé par ses mesquineries et ses  enfantillages
pervers, après l’avoir retrouvée et m’être remis à l’ouvrage, je me suis finalement blessé assez profondément le doigt.

Parfois, je me dis quand même que je suis un inadapté. Un poisson qui ne sait pas nager, par exemple.
Mais quand je suis vraiment de bonne humeur et de mauvaise foi, je me dis que c'est le monde, qui  est
vraiment trop encombré   d'objets.

Et ça n'a absolument  rien à voir, mais il y a un graffiti du joli mois de mai que je ne supporte pas  : Cache-toi, objet !

 

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23.11.2010

Le mode d'utilisation du numérique en écriture : Une certaine vision du monde

echelle.pngJe me suis lancé - pas sûr du tout de l’exactitude de l’expression -  dans la rédaction d’une dizaine de nouvelles.
Un genre difficile et exigeant, on le sait, si on appelle nouvelle autre chose qu’une forme brève du roman et comme j’ai décidé d’en écrire dix, sans lien apparent entre elles, le travail en est d’autant plus long et passionnant.
Cela me prend évidemment des heures et une certaine énergie au point que ma présence sur l’Exil pourrait en pâtir, ce que je voudrais éviter à tout prix car l’atelier public, le poumon par lequel respire l’écriture, il est là plus que sur les pages isolées d’un traitement de texte.
Mais écrire sur blog ne tient pas du bavardage et il faut surtout éviter que ce qu’on y écrit soit moins beau et utile que le silence qu’on pourrait y afficher.
Sur la page non reliée aux lecteurs aussi, me direz-vous avec juste raison, mais sur celle-ci, on a le temps de retravailler, on est seul et on peut même, si vraiment ça ne dit rien qui en vaille la peine, l’expédier à la poubelle.
Sur le blog, on est en prise direct. L’artiste travaille sans filet, si j’ose.
Là comme partout ailleurs de toutes façons - et c’est ce qui fait de l’acte d’écrire un acte à dimension humaine - si on a l’impression de presser un citron, mieux vaut balancer le citron par-dessus bord et passer à autre chose.

Dans cette manie d’écrire, donc, qui fait l’essentiel de mon  activité, il n’y a pas de séparation fondamentale entre ce qui se fait dans l’ombre avec projets (ou fantasmes) éditoriaux - disons traditionnels parce que je n’ai pas envie de me lancer dans une longue digression - et ce qui s’écrit ici.
Les deux veulent participer d’une même présence au monde mais encore en deux temps pour moi, l’un immédiat et l’autre différé. C’est certainement là que j’en suis toujours à la préhistoire du numérique, sans laquelle il n’y aurait pas d’histoire à espérer, bien évidemment.
On peut être certain que dans un avenir plus ou moins lointain - gardons-nous de jouer les astrologues tant les méandres du monde sont capricieux - tout d’un écrivain se passera sur son site, à visage de plus en plus ouvert et dans l’immédiateté de sa création.
Deux mondes pour l’heure se superposent comme les sédiments de la géologie, la librairie et le site internet, et si nous participons des deux couches d’un même limon c’est que nous sommes à une charnière, à un changement d’ère en train de se faire.
En équilibre…

En écrivant cela, je pense à deux écrivants d’internet qui ne se connaissent pas entre eux : François Bon qui travaille exclusivement à ciel ouvert,  et Feuilly (
avec lequel je vasecommuniquerai le 3 décembre), qui ne partage ni le même esthétisme ni les mêmes convictions en façon de numérique, mais qui, pendant plus d’un an,  a mené l’expérience d’une écriture romanesque en direct, avec projet de retravailler le texte et de le soumettre à l’édition traditionnelle.

Deux pratiques presque contradictoires : L’un offre une écriture qui se veut définitive, l’autre une écriture en  devenir.
Je prends ces deux exemples comme deux exemples probants de comment on aborde, chacun selon son goût et sa liberté,  la préhistoire numérique et je me dis qu’avec mes nouvelles sur le métier et l'Exil, je suis dans une troisième  utilisation.

Oui, mais le contenu dans tout ça, que j'entends qu'on murmure...
Le contenu ? Mais la littérature s'écrit plus avec le monde qu'à propos du monde alors, forcément, le choix des moyens, c'est aussi le choix de sa littérature.

13:15 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (19) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

20.11.2010

Andrzej Stasiuk, un merle blanc

71-2.jpgIl nous arrive – il nous est arrivé plutôt ou, encore mieux,  il nous arrivait  parfois - autour d’une table enfumée où refroidissaient les restes d’un repas abondamment mouillé d’un jaja rouge et noir, de refaire le monde, tard dans la nuit,  sous des lunes incertaines et la chevelure en bataille.
Tunnel à sens unique, sans embouchure ni sortie, que les espérances décousues de ces soirées ! Et  maudit soit ce maudit temps qui passe sans nous laisser le temps de peaufiner nos rêvasseries !
Le plaisir n’était pourtant pas de refaire le monde car il résidait dans l’idée même, substantielle, de le défaire. Comme un ravissement  présexuel. Celui qu’on connaît avant d’aborder le fulgurant mystère de l’orgasme.
Qu’aurions-nous fait, franchement, d’un monde à refaire? Nous étions de simples fainéants faiseurs de néant, des voyous en mal de philosophie et notre talent résidait exclusivement dans une espèce d’insatisfaction obstinée.
A l’heure qu’il est dans ma vie, avec un horizon de plus en plus prometteur de la fin des horizons, avec les priorités qui s’accélèrent aussi,  je me dis qu’on a  bien eu de la chance de n’avoir pas eu à faire ça, d’avoir laissé le monde s’accomplir tout seul, sur sa lancée, accompagné de nos seules diatribes.

Je vis dans un pays où le monde n’a quasiment jamais cessé de se faire et de se défaire. Un pays où ça s’écroule aussi vite que ça s’élève, où l’éphémère a jusqu’alors tenu lieu de sempiternel.  À tel point que les Polonais, parfois, semblent vouloir marcher sur la pointe des pieds, comme s’ils craignaient de provoquer une nouvelle avalanche, avec, encore, derrière elle,  des montagnes et des vallées à remodeler.
Leur monde, celui que nous appelions, nous, dans nos soirées d'inspiration anarchiste, le vieux monde, est tout neuf. L’ancien s’est écroulé de lui-même,  tel un mur qu’aurait trop longtemps miné l’humidité d’une gouttière pourrie.
Et un mur qui s’écroule, ça produit un grand nuage de poussière et une onde de choc qui frappe l’intérieur des cervelles. C’est physique. Peu importe alors si cet éboulement libère des espaces, élargit des horizons, ouvre de nouveaux champs et procure plus d’oxygène !

Ça, c’est au mieux de la morale sociale, au pire, de la phraséologie politique.

C’est l’onde de choc qu’il faut considérer, quand  un monde défait demande imagination et énergie phénoménales pour déblayer les ruines et qu’on est encore tout éberlué, suffoqué par le souffle du cataclysme, celui-ci fût-il de bon augure.
On a déjà vu des prisonniers condamnés à de longues peines et ne plus savoir trop quoi faire de leur cœur et de leurs bras et de leur âme une fois remis à l’air libre, pourtant des années et des années convoité, sublimé, fantasmé ! Encombrés de la responsabilité de vivre et du devoir d’exister. Des prisonniers forgés, entièrement construits par l’enfermement, par les murs, le silence, la privation  et les barreaux. Souvent même, de guerre lasse, on les a vus qui repassaient sous les fourches caudines pour aller s’endormir de nouveau  dans le ventre hermétique d’une cellule, là où l’existence se nourrit du non-être, là où on devient, par définition, un vieillard sans devenir.

Les espaces contraignants de la dictature sont tels.  Il faut, quand le ciel s’éclaircit soudain, cligner des yeux et s’accommoder à la lumière. S’impose alors l’envie d’aller au bout de ce rien qu’on entrevoit devant soi.

Le mur s’écroule. Le monde crie à la libération enfin… Mais que font donc les ex-emmurés, compagnons de Stasiuk ?
Ils ont trente ans, la gorge nouée par la fumée des cigarettes et le cerveau bousculé par les flots de la vodka et de la bière.
Qu’apporte ce nouveau monde qui naît au moment même où sombre leur jeunesse délabrée par l’enfermement ?  Que donne t-il d’espérance ? L’espérance, c’est du temps qu’on a devant soi…Et devant, il n’y a rien…Que de la laideur.  Le mot liberté se traîne comme un fantôme dans la grisaille de Varsovie, dans ses rues froides et désœuvrées et dans ses nuits de bohème absurde.
Le leurre est encore plus pernicieux que l’autorité de la botte car, enfin, comment se plaindre d’être désormais libre ? À quelle calamité imputer son mal-être ?
La liberté dont on ne sait par quel bout la prendre se mue souvent en allégorie de la liberté.

Les ex-emmurés de Stasiuk rejoignent donc les montagnes et la neige et le froid du «  Far East » polonais, à la recherche d’une  vieille ferme vaguement entrevue par l’un d’entre eux, avant, dans le brouillard communiste.
À la recherche  d’une vision, d’une sublimation de leurs paniques d’exister.
Tenter de faire reculer encore plus loin les murs. Voir s’il n’y aurait pas autre chose que ses ruines n’auraient pas dévoiler. Elargir ces murs à la grandeur des paysages de  montagnes et de neige. Pour aller  nulle part.
Sinon au bout d’une indicible chimère, jusqu’à la folie et même jusqu’à la mort.

Un corbeau blanc, Biały Kruk, oiseau rare et étrange des solitudes montagnardes, est le témoin fortuit de cette escapade dont ne saura pas  si elle est  testamentaire ou initiatique. Détail insignifiant du récit, le corvidé albinos se pose par deux fois au sommet des arbres de la vallée.
En polonais, Biały Kruk est une expression figée pour signifier un homme qui n’est pas à sa place, un décalé.  Ou alors une chose rare, le rara avis latin, et plus spécialement un livre, un livre d’exception, un chef-d’œuvre introuvable.

L’introuvable chef d’œuvre de vivre sa vie, peut-être, et  à la recherche duquel s’épuisent les ex-emmurés de Stasiuk.
Qui, avec Biały Kruk,  a peut-être offert à la littérature contemporaine un de ses Biały Kruk.

Article écrit pour le Numéro 78 de juillet 2009 de la revue  "Passe-Muraille" de JLK

14:00 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (4) |  Facebook | Bertrand REDONNET

19.11.2010

Internet : Histoire d'une rencontre - 1 -

Notre utilisation quotidienne d'internet dans tous les grands secteurs de l'existence est  irréversible.
Notre rapport au monde - sa compréhension autant que notre action en sa compagnie,  notre manière de lui parler et d'en parler, notre façon de nous frotter à lui et d'y trouver nos liens et nos repères sociaux -  a été bouleversé de fond en comble et ce bouleversement fut de la même ampleur sur l'échelle ethnologique que celui qui survint avec le feu, le fer et l'écriture.
Nous avons eu la chance de vivre le phénomène de plein fouet et de nous l'approprier, cette appropriation ayant été la condition sine qua non à son existence d'abord, à sa pérennité ensuite.
Comment, pourquoi, à quel moment sommes-nous devenus Homo internetus  ? Ce sont là des questions d'archéologues.
Et c'est ce secteur propre de mon archéologie personnelle que je vous propose de suivre ici une fois par semaine, pendant quelques vendredis.
Quand on sait un peu mieux l'hier on voit un peu mieux l'aujourd'hui...
Quant au  demain, ce n'est point là affaire d'archéologie.

cerveau_8.jpg

 

Au début, seuls quelques farfelus à la pointe et à l’affût des nouveautés technologiques s’étaient aventurés vers cette Bizarrerie, par curiosité, par jeu, par goût de l’extraordinaire et lui avaient ainsi offert une place de choix dans leurs préoccupations intellectuelles. Encore abscons, ils en parlaient comme d’une machinerie qui bousculait le temps et l’espace.
Ceux-là mêmes, pour la plupart, ne prévoyaient pourtant pas qu’elle allait s’installer de façon hégémonique, jusque dans le moindre ministère professionnel, privé et intime, les privant ainsi du privilège d’être les seuls à savoir la fantastique modernité des choses.

On leur opposait la vieille conception de l’authenticité des rapports humains.
On leur opposait aussi l’argument de l’isolement, tactique du pouvoir selon laquelle toutes nouvelles techniques de communication visaient à enfermer les gens dans leur appartement, coupant le cordon qui les reliait au corps social et les faisant ainsi esseulés, incapables d’une pensée et d’une stratégie communes.
L’opposition par ignorance se nourrissait autant des restes d'un romantisme naïf que des résidus nébuleux de la comète situationniste qui, comble de l’erreur, était justement très mal adaptés à la situation naissante.
Dans une comète, on le sait, la queue fait toujours plus illusion que la comète elle-même, très loin devant elle.
J’étais de ces phraseurs nostalgiques, militant acharné du rapport véritable entre les gens et paranoïaque invétéré de tout ce qui émanait du haut de l’échelle sociale et, à plus forte raison, si ça venait d’outre-atlantique.

Je me souviens donc très nettement d’une soirée festive entre amis et qui, sur le sujet naissant, se termina malheureusement en jus de boudin.
On était vers le milieu des années quatre-vingt. Il y avait là, entre autres, un pionnier de l’informatique, par ailleurs excellent contrebassiste.
Nous jouions parfois Brassens ensemble.
Comme on le fait souvent entre amis après un repas bien parfumé aux arômes de la treille, on chanta.  Je pris ma guitare et interprétai quelques modestes chansons de mon non moins modeste répertoire.
Le musicien pionnier d'informatique rentrant alors en un courroux aussi subit qu’intempestif, me prit violemment à partie, disant que tout cela, c’était révolu ! Finis les littérateurs, finie cette conception sensible du monde, finie la dictature intellectuelle des poèmes et de l’écrit ! On allait être balayés par un monde nouveau !  Lui, avec son ordinateur, il avait conversé tout à la fois dans l’après-midi avec un Japonais, un Québécois et un Pakistanais et cette nouvelle manière de se transmettre spontanément, par-delà les barrières de la culture et de la géographie,  rendait totalement surannées toutes autres formes de diffusion de la pensée et de l’émotion !
Il avait bien trop bu, évidemment. Il n’était d’ordinaire pas si sot. Mais il voulait surtout faire montre,  au prix de n’importe quelle ineptie sans queue ni tête, qu’il était entré dans la nouvelle ère et que moi, avec ma guitare à la noix et mes chansonnettes à la con, j’appartenais au vieux monde larmoyant.
Déstabilisé autant par la violence du propos que par les vapeurs opalines d’une énième Mirabelle, j’en pris stupidement ombrage alors qu’il eût fallu en rire. Je rétorquai donc violemment que discuter avec les antipodes était ridicule. Ce qui m’importait c’était la teneur du propos et non la distance – le téléphone avait déjà fait la preuve de son verbiage - et qu’il avait, lui, l’air d’un bouffon  en calecons à palabrer comme ça avec le monde entier alors qu’il ne disait même pas bonjour à son voisin de palier.
Nous nous insultâmes sans retenue et nous nous quittâmes finalement très fâchés.

Nous ne nous sommes jamais revus.
Ce que je regrette beaucoup aujourd'hui  tellement c’est bête.

Ce fut donc là ma première véritable rencontre avec l’idée de cette étrange chose dont tout le monde parlait, même ceux qui ne savaient pas trop de quoi il en retournait. Beaucoup croyaient en effet nécessaire de faire savoir qu’ils n’en ignoraient pas l’existence, se vantaient même pour avoir cliqué deux ou trois fois de-ci de-là et que c’était formidable,  sans trop savoir cependant ce que ça venait foutre dans le monde.

La Bizarrerie  n’était donc pas encore dans la vie mais déjà  dans les têtes.

J’en avais moi-même, bien avant cette malencontreuse altercation d’après libation, un vague pressentiment.
Car j’étais alors forestier et la Chambre de Commerce nous avait gracieusement dotés d’un minitel. Ne me demandez pas pourquoi, je n'en sais bigrement rien. Pour annuler l'annuaire et faire ainsi des économies énormes de papier, m'avait-on quand même renseigné.
L'argument m'avait paru d'une déconcertante faiblesse, mais comme mon métier c'était de couper des arbres et qu'avec les arbres ont fait du papier et etc...

Je me servais donc de cette petite machine comme annuaire en composant le 11, ou alors pour savoir l’enneigement sur les pentes des Pyrénées à Noël ou encore pour demander - ce qui arrivait souvent -  un crédit à la banque.
Déjà, je trouvais ça confortable de négocier avec l’écran, bien au chaud chez moi en train de piailler qu’on versât une énième provision de liquide dans mon tonneau des Danaïdes à dix chiffres,  sans avoir à affronter les sourcils toujours moralisateurs et toujours infantilisants d’un banquier.
Il y avait là un confort nouveau et fort séduisant...Ce furent mes premiers pas vers l'écran-médiateur.
Je n’étais donc pas complètement ignare quant à la Bizarrerie. D’après ce que j’en entendais, de-ci, de-là, je faisais le rapprochement entre elle et mon minitel, pour l'heure préposé à me renseigner sur l'enneigement des stations de ski et aux demandes récurrentes de renflouement de mes découverts.

A suivre ...

11:14 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

17.11.2010

Des mots pour les sportifs qui ont du souffle

800px-Taksim_Square.jpgOn aura peut-être remarqué que je parle ces derniers temps  assez souvent de la langue polonaise. C’est sans doute à défaut justement de ne la pas parler suffisamment.
Mais c’est aussi que je suis un peu jaloux.

Parce que D. lit Karpowicz.
J’ai envie aussi, alors, pendant qu’elle lit, je la harcèle de mes questions.
C’est comment ? Et l'écriture ? Et qu’est-ce qu’il dit ? Et par rapport à Stasiuk, tu le vois comment ? Même friction au monde ? Est-ce que ça te plaît ?
Elle s’en agace un peu…Difficile de lire quand un énergumène  - pas  vraiment réputé pour sa patience -  gesticule à côté et vous presse d’interrogations débiles.
Elle me racontera et me donnera son avis complet après lecture complète.
Parole tenue et il en est ressorti que j’espère que Karpowicz sera traduit bientôt.

Pour Stasiuk, bon, je suis un peu moins frustré. Je ne le connais pas dans le texte, certes, mais je le connais quand même, La Route de Babadag, Fado, Le Corbeau blanc…
Je me souviens cependant que François Bon écrivait  à propos de La Route de Babadag : que tout ça doit être beau en Polonais !

Tu le connais ?
D. lit  maintenant Taksim, le dernier de Stasiuk, publié en 2009. Pas traduit encore alors, forcément, mes questions reprennent de plus belle.
Essaie de lire dans le texte…C’est facile, regarde. Et elle pointe du doigt un seul mot du livre :

Siedemdziesięciosześciomilimetrowym

Une demie-ligne. J’écarquille les yeux…Notre anticonstitutionnellement est largement battu, que je dis, tout piteux.
Oui, en plus c’est beaucoup plus simple au niveau du sens, parce que anticonstitutionnellement, est-ce que ça veut dire quelque chose, vraiment ? C'est surtout une prouesse technique tirée par les cheveux, non ?

J'en conviens, j'en conviens.

Là,  ce mot, c'est un adjectif qui qualifie le canon d’une arme de soixante-seize millimètres de diamètre.
C’est tout.
La langue polonaise est belle en ce qu’elle adjectivise  le monde là ou les langues romanes font une périphrase ou, au mieux, un complément du nom.
Ulica Ogrodowa, la rue des jardins, par exemple. Littéralement, la rue jardinière, quoi.

Bref, c’est la calligraphie qui fait peur quand ça qualifie beaucoup.

Me tarde de lire Taksim avec périphrases et compléments du nom quand même.
J’’en sais désormais, outre les adjectifs longs comme un jour sans pain, des choses qui me plaisent bien.

Photo Wikipédia : Taksim (Istanbul)

10:40 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

12.11.2010

Ne lire que des signes

PB020007.JPGVous ne connaissez pas votre bonheur.
Vous poussez la porte et vous entrez bien au chaud. Vous vous dirigez vers le rayon littérature et vous ouvrez, vous caressez, vous parcourez quelques pages, vous taquinez du chapitre.
Les phrases murmurent et tombent sous le sens.
Vous n’entendez plus le petit grelot de la porte qui s’ouvre et se referme sur les chalands, vous ne voyez plus la libraire, vous ne sentez plus sur vos glabres mollets l’haleine humide de la rue.
Vous ne connaissez pas votre bonheur, vous dis-je.

Je peux suivre un peu une conversation. Le sujet global. Je peux aussi faire les politesses d’usage, bonjour, au revoir, il neige, combien je vous dois, pardon, et tous ces mots de la convenance sociale qui sont imprégnés sur nos lèvres pour dire aux inconnus qu’on est là.
Mais lire ?

Dans la ville  aux rues frigorifiées par la neige et le vent, c’est pourtant vers les librairies que je vais.
Quand je suis à Varsovie, une seule adresse. Marjanna, dans le hall de l’Institut français.
C’est comme à la maison…
J’y reste des heures.
Mais là, plus à l’est, j’entre dans la librairie, je tape mes chaussures pour en faire tomber la neige, et je vais directement au rayon des beaux livres.
Je caresse leur belle couverture, je les ouvre.
J’ai l’impression de retrouver là de vieux copains qui m’attendaient.
Balzac et « Stracone złudzenia », Stendhal et « Czerwone i czarne », Hugo et « Nędznicy», Camus et « Dżuma », Dostoïevski et « Bracia Karamazow ».
 Mais ils sont tous devenus fous….Je scrute la belle écriture. C’est une belle police et le papier est bien blanc et bien lisse.
Je sais qu’il y a là de belles choses. Je déchiffre, entourés d'une forêt de signes cabalistiques,  Sorel, Valjean, Aliocha. C’est à peu près tout. Alors j’essaie de me resituer dans le récit…
Mes yeux s’embrouillent.
Je me retourne.
Dépité, je prends un livre d’images. Un loup dans un sous-bois, un élan qui traverse la plaine ou alors l’Armée rouge grignotant peu à peu le territoire polonais repris aux bourreaux nazis.
Les images ont un langage universel. Seuls les yeux lisent. Méthode syllabique. C'est sans doute pour ça que le spectacle  - tel que mis au jour par les situationnistes - endort si bien les gens. Quand leur cerveau n'est plus capable de  lire que des images.

Je vais rentrer chez moi et  prendre ma Takamine. Je me suis permis de mettre, il y a longtemps, l’Albatros en musique. Comme Ferré, l’emphatique en moins.
Do, Mi mineur, La Mineur, Fa, Do, Sol 7 etc.
Il n’y a pas plus simple. Tout est dans l’arpège et la mélancolie et mes ailes d’exilé n’ont rien de celles du géant.
Ouvrir mes livres aussi  et voir si je sais encore lire.
Oui, je sais encore. La nuit tombe.

Et je sais que demain je pousserai encore la porte de la librairie.
La dame me sourira et me dira « Dzien dobry » puis ne me regardera plus.

Elle me prend pour un grand lecteur, je crois.

 Dernière mise en ligne, septembre 2007

Illustration : Dans le parc du musée   Joseph Kraszewski.

12:20 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

10.11.2010

La langue et sa musique

P9140009.JPGLorsque je m’aventure à parler polonais, Jagoda prétend - avec juste raison sans doute - qu’il y a plus d’accents dans ma prononciation que de véritable parler polonais.
Quels accents ?  que je demande, légèrement vexé.
Tous, qu’elle dit.
Des accents graves, aigus, circonflexes ?  que je plaisante.
Le verdict tombe alors : Plutôt graves.

Ouais, je me doutais bien de la gravité du problème. Ces amoncellements de consonnes chuintantes, Szczygieł, par exemple pour dire un chardonneret…Un vrai calvaire pour un latin ! Et puis cet accent tonique sur l’avant-dernière syllabe,  voire l’antépénultième pour les mots longs,  tout ça, c’est quand même laborieux.
Une langue difficile. Comme toutes les langues, bien sûr, mais celle-ci particulièrement, au point que Norman Davies prétend qu’elle aurait dû être écrite en cyrillique - un signe pour un son - plutôt qu’en alphabet latin.
D. me disait un jour que ça n’était pas non plus une langue très indiquée pour le chant. Parce qu’elle n’a pas assez de voyelles. En  langues romanes, les i, les é, les u, les o chantent, pointent la mélodie, ont une couleur…
Rimbaud. Oui. Peut-être.

N’empêche que Jagoda saute, elle, d’une langue à l’autre, français/polonais ou l’inverse, comme cabri saute le ruisseau…Je ne lui entends aucun accent. Elle parle de tout et comme les enfants de France et de Navarre.
Je ne l’entends plus, en fait. Car quelqu’un qui l’entend pour la première fois, s'amuse de ce qu’elle a un tout petit accent charmant, nous l'avons dernièrement vérifié en France.. Cette avant-dernière syllabe peut-être…Je n'en sais rien, moi, je n’entends rien.
Comme quoi la musique natale de sa propre langue s’estompe ou se module. Comme quoi, aussi, cette musique peut se chanter sur plusieurs tonalités approximatives, sur plusieurs partitions bien écrites, sans déformer l’œuvre initiale.
C’est parce que tu vis depuis longtemps parmi nous, me dit-on.

Sans doute.
Mais en m’écoutant l’autre jour sur l’interview de TV-Villages je me suis découvert un accent poitevin, nasillard même, que je ne m’entends jamais  dire.
Ça fait déjà longtemps que je vis parmi moi-même, que je me suis surpris à murmurer, du coup.
Ah, c’est bien compliqué la musique d’une langue ! Ça met au grand jour tant de morceaux d’archéologie enfouis sous les sédiments de la mémoire et de l'habitude !

Est-ce qu’on peut écrire un accent ? Ècrire à haute voix ?

15:08 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

08.11.2010

Enfin !

 

photo_1289221151062-2-0.jpg

Image AFP

15:17 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

06.11.2010

Voltaire et la Pologne

061207074204239091.jpgEnoncer que Voltaire était un esprit exceptionnellement brillant est un lieu tellement commun qu’il en est déconcertant.
Dire que Voltaire était  également et souvent versatile, sans être tout à fait original, constitue une allégation un peu plus relevée.
Affirmer, comme je me propose de le faire, que c’était aussi  un piètre observateur des choses de son époque, participe alors d’une appréciation scandaleuse que beaucoup ne manqueront pas de ranger au rang des hérésies intellectuelles.
Mais les anathèmes ne m’effraient pas.
D’abord,  si ses écrits, comme ceux de bien d’autres, servirent de terreau fertile aux idées révolutionnaires, ils furent aussi les lumières qui permirent au despotisme de perdurer un peu plus longtemps, en se prétendant justement éclairé.
Mais ne lui en tenons pas rigueur : c’est le lot de toute critique radicalement intelligente que de renseigner l’adversaire sur ses failles les plus réelles et les plus menaçantes pour sa survie afin qu’il y sursoie, tout aussi intelligemment, et assure ainsi la pérennité de sa domination.

C’est le lot de toute critique mais, à mon goût, on le passe bien trop souvent sous silence s’agissant de Voltaire.
Ensuite, s’il fut certes, deux fois embastillé par un régime qu’il conspuait à merveille, il se fit aussi le thuriféraire d’une Angleterre royale, qualifiée par lui de Pays de la liberté, et fut également accueilli à bras ouverts par le roi de Prusse. Passons encore.
Nul n’est prophète en son pays.
Ce qui me dérange beaucoup plus, ce sont ses divagations sur la Pologne, où il n’a jamais mis les pieds, où il ne comptait aucun ami et où il était cependant beaucoup lu et même influent.
Ses détracteurs y étaient bien évidemment les catholiques.

Mais pour être décrié par des catholiques point n’est besoin d’être un grand subversif. Suffit juste d’être un homme qui écrit le mot « liberté ».
Pour être déjà une République, la Pologne intriguait donc Voltaire. Le nom sans doute le fascinait.
Mais une République nobiliaire. Une République avec un roi catholique et des nobles catholiques, donc une forte centralisation du pouvoir. Voltaire y perdait son latin.
Ainsi quand les nobles non-catholiques exigèrent eux aussi de participer au pouvoir, Voltaire les soutint-il en même temps que Catherine de Russie.
On ne peut être que d’accord.
Mais les aristocrates catholiques, soucieux de  leur hégémonie - comme tous les catholiques de l’histoire et du monde - et pour juguler l’influence grandissante de la Russie, ne l’entendirent pas de cette oreille. Ils constituèrent alors la Confédération de Bar, notre Fronde, et s’attirèrent ainsi les foudres de la grande Catherine, qui n’attendait que le prétexte de l’intransigeance de ces catholiques polonais pour voler au secours de son amant, le roi de Pologne, et surtout pour engloutir le pays.

Attiré, subjugué, séduit par les discours de la grande impératrice, despote sanguinaire, plus encline à convaincre ses contradicteurs par le glaive que par  la joute verbale et au regard de laquelle Louis XV eût pu apparaître comme un grand démocrate, Voltaire se prononça avec enthousiasme pour une intervention militaire en Pologne.
C’est quand même assez troublant pour une Lumière.
Une Lumière aveuglée par ses propres reflets et qui ne voyait en la Russie qu’une adversaire redoutable du catholicisme et de « la cour de Rome ».
Funeste et grossière erreur  d’appréciation. La Tsarine nymphomane (paraît qu'elle appréciait aussi beaucoup les chevaux) écrasa les confédérés mais aussi et surtout la Pologne, qu’elle se partagea comme une ogresse avec l‘Autriche et la Prusse.
C’était en 1772. Le premier partage d’une série de quatre dont l'avant-dernier, en  1795, rayera carrément le pays de la carte, même dans sa dénomination, pendant 123 ans, jusqu’au 11 novembre 1918.
Le moins que l’on puisse dire c’est que si Voltaire n’était pas un salopard, il était un candide qui n’entendait strictement rien aux préoccupations expansionnistes des despotismes de son temps et d’Europe.
Il avouera d’ailleurs, dans une lettre à Frédérique II à propos de cette affaire de la mise à sac de la Pologne: « J’ai été attrapé comme un sot .. .»

C’est exactement ce que je voulais dire. Sans vraiment oser.
Mais il l’avait dit mieux que moi.

Dernière mise en ligne : Octobre 2007

16:06 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

04.11.2010

Prendre de la hauteur pour ne plus rien voir

bourg2.jpgJe regardais par le hublot.
C'est que je n’ai pas une grande expérience de l’avion, aussi je m'en étonne toujours assez naïvement…En plus, j’ai la frousse.
Ni du décollage, ni de l’atterrissage - j’accueillerais plutôt ce dernier, fût-il assez brusque, avec un soupir de soulagement - mais du vol lui-même.

Quand il ne se passe plus rien.
Au-dessus, que du bleu, mais qui ne semblait pas plus proche que vu depuis la terre. Normal, le bleu du ciel n’existe que dans nos yeux.
En-dessous que du quadrillage imprégné sur des teintes indécises. Une forêt, un cours d’eau, une route, à moins que ce ne soit l’inverse, des champs, des maisons, un pont, tiens, une ville, reconnaissable au désordre de ses dessins, comme un truc fait à la hâte, dans la panique, puis un grand lac. Enfin, je suppose...
J’aurais bien voulu savoir quand même à quelle géographie appartenait tel  quadrillage à tel moment.
Une fois, il y a quelques années, j’ai volé au-dessus de la mer. C’était beaucoup plus facile. La tête se repère beaucoup mieux dans le rien que dans le tout et rien.

Le soleil frappait cette maquette désordonnée. J’ai cru voir d'obscurs cours d’eau, surplombés de noirs, comme encastrés dans le décor. Les Vosges ou les Ardennes, me suis-je dit. Et puis d’autres points de vue mais qui tous se ressemblaient curieusement. Une géométrie sans grande imagination.
Les paysages sont profondément humains en ce qu’ils réclament la proximité horizontale. Qu’on en palpe l’humidité, qu’on en sente l’aridité, qu’on en étreigne le fouillis, qu’on en respire le froid ou le chaud. Qu'on les regarde dans les yeux, à hauteur d'homme. Pas sur la tête.
Ils ne 
supportent pas d’être survolés, en fait. Comme des livres. Il leur faut de la complicité, à l'intérieur.
Vus du haut, ils n’ont plus aucun sens, les paysages. Ils sont dans un envers  inexprimable.
Mais quand même, que je me disais, c’est là-dedans qu’on vit tous. C’est dans ces rectangles, ces triangles, ces rubans, ces demi-cercles, ces trapèzes qu’on rampe et ces formes géométriques de la géographie ne sont tracées que par l'activité des hommes.
C'est ce qui les rend inhumaines, sans doute.
Juxtaposer tout ça dans un seul coup d’œil, ça n’a pas de sens et ça donne l'impression d'un tableau excécuté à mille mains, sans que Pierre ne voit jamais ce que fait Paul.
 Et ça m’a fait penser aussi à certaines fresques rupestres de Lascaux, chevaux ou autres animaux sauvages,  peintes sur le tournant d’une paroi coupée par un boyau étroit, de sorte que l’artiste n’a jamais pu voir la totalité de son œuvre.*
Et je me demande quelle vision les oiseaux, les grand migrateurs qui voyagent à 10 000 mètres d’altitude,  peuvent-ils avoir du monde, eux qui n'y sont pour rien dans ces découpages et pliages des paysages verticaux ?
A quel moment se sentent-ils le plus  "oiseaux "?
Avec un  seul paysage dans leurs yeux ou avec tous agglomérés les uns aux autres, insensés ?

Quand j’ai commencé à avoir très mal aux oreilles, que Jagoda s’en est plainte aussi, que les paysages se sont rétrécis,  se sont mieux emboîtés pour faire enfin un bout de terre cohérent, que bientôt  la confusion bleue et grise de la grande  agglomération s’est devinée dans la  brume, que même l’ombre de l’avion, en bas, s'est mise à tanguer, alors je me suis dit que tout ça, qui s’était mélangé dans ma tête, ça avait été un sacré moyen de conjurer mes peurs.
De survoler mon vol.

* Si vous ne me croyez pas, demandez à Sarkozy. Lascaux n'a plus de secret pour lui...

13:17 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

03.11.2010

Nous avons deviné que nous étions amis

Voilà l'homme que j'ai rencontré en Deux-Sèvres, qui mit Zozo en voix et qui, inlassablement, le cœur en bandoulière, bat la campagne pour donner sa parole aux textes...


 

13:59 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

02.11.2010

Consultations octobre

Eu égard à mes dix jours de silence cause voyage en France, stabilité honorable.
Merci à tous et toutes, fidèles de l'Exil des mots...
Amitiés

Bertrand

 

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