UA-53771746-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

06.11.2010

Voltaire et la Pologne

061207074204239091.jpgEnoncer que Voltaire était un esprit exceptionnellement brillant est un lieu tellement commun qu’il en est déconcertant.
Dire que Voltaire était  également et souvent versatile, sans être tout à fait original, constitue une allégation un peu plus relevée.
Affirmer, comme je me propose de le faire, que c’était aussi  un piètre observateur des choses de son époque, participe alors d’une appréciation scandaleuse que beaucoup ne manqueront pas de ranger au rang des hérésies intellectuelles.
Mais les anathèmes ne m’effraient pas.
D’abord,  si ses écrits, comme ceux de bien d’autres, servirent de terreau fertile aux idées révolutionnaires, ils furent aussi les lumières qui permirent au despotisme de perdurer un peu plus longtemps, en se prétendant justement éclairé.
Mais ne lui en tenons pas rigueur : c’est le lot de toute critique radicalement intelligente que de renseigner l’adversaire sur ses failles les plus réelles et les plus menaçantes pour sa survie afin qu’il y sursoie, tout aussi intelligemment, et assure ainsi la pérennité de sa domination.

C’est le lot de toute critique mais, à mon goût, on le passe bien trop souvent sous silence s’agissant de Voltaire.
Ensuite, s’il fut certes, deux fois embastillé par un régime qu’il conspuait à merveille, il se fit aussi le thuriféraire d’une Angleterre royale, qualifiée par lui de Pays de la liberté, et fut également accueilli à bras ouverts par le roi de Prusse. Passons encore.
Nul n’est prophète en son pays.
Ce qui me dérange beaucoup plus, ce sont ses divagations sur la Pologne, où il n’a jamais mis les pieds, où il ne comptait aucun ami et où il était cependant beaucoup lu et même influent.
Ses détracteurs y étaient bien évidemment les catholiques.

Mais pour être décrié par des catholiques point n’est besoin d’être un grand subversif. Suffit juste d’être un homme qui écrit le mot « liberté ».
Pour être déjà une République, la Pologne intriguait donc Voltaire. Le nom sans doute le fascinait.
Mais une République nobiliaire. Une République avec un roi catholique et des nobles catholiques, donc une forte centralisation du pouvoir. Voltaire y perdait son latin.
Ainsi quand les nobles non-catholiques exigèrent eux aussi de participer au pouvoir, Voltaire les soutint-il en même temps que Catherine de Russie.
On ne peut être que d’accord.
Mais les aristocrates catholiques, soucieux de  leur hégémonie - comme tous les catholiques de l’histoire et du monde - et pour juguler l’influence grandissante de la Russie, ne l’entendirent pas de cette oreille. Ils constituèrent alors la Confédération de Bar, notre Fronde, et s’attirèrent ainsi les foudres de la grande Catherine, qui n’attendait que le prétexte de l’intransigeance de ces catholiques polonais pour voler au secours de son amant, le roi de Pologne, et surtout pour engloutir le pays.

Attiré, subjugué, séduit par les discours de la grande impératrice, despote sanguinaire, plus encline à convaincre ses contradicteurs par le glaive que par  la joute verbale et au regard de laquelle Louis XV eût pu apparaître comme un grand démocrate, Voltaire se prononça avec enthousiasme pour une intervention militaire en Pologne.
C’est quand même assez troublant pour une Lumière.
Une Lumière aveuglée par ses propres reflets et qui ne voyait en la Russie qu’une adversaire redoutable du catholicisme et de « la cour de Rome ».
Funeste et grossière erreur  d’appréciation. La Tsarine nymphomane (paraît qu'elle appréciait aussi beaucoup les chevaux) écrasa les confédérés mais aussi et surtout la Pologne, qu’elle se partagea comme une ogresse avec l‘Autriche et la Prusse.
C’était en 1772. Le premier partage d’une série de quatre dont l'avant-dernier, en  1795, rayera carrément le pays de la carte, même dans sa dénomination, pendant 123 ans, jusqu’au 11 novembre 1918.
Le moins que l’on puisse dire c’est que si Voltaire n’était pas un salopard, il était un candide qui n’entendait strictement rien aux préoccupations expansionnistes des despotismes de son temps et d’Europe.
Il avouera d’ailleurs, dans une lettre à Frédérique II à propos de cette affaire de la mise à sac de la Pologne: « J’ai été attrapé comme un sot .. .»

C’est exactement ce que je voulais dire. Sans vraiment oser.
Mais il l’avait dit mieux que moi.

Dernière mise en ligne : Octobre 2007

16:06 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

difficile d'adresser des déclarations d'amour (ou presque) à Catherine et d'aimer les Polonais. N'empèche que, erreurs ou non, j'aime Voltaire, surtout quand il est de parfaite mauvaise foi, et que les polonais me pardonnent

Écrit par : brigetoun | 06.11.2010

Ah que j'aime ce billet ! Et que je n'aime pas Voltaire ! Tout ce "bel esprit français" qui sue de ces contes philosophiques... des bons mots dignes de Sacha Guitry, rien de plus. Tout ce dédain rageur pour Rousseau. Voltaire, c'est un penseur pour le bac, rien de plus. Ni la pénétration d'esprit de Rousseau, ni le style de Diderot...
Bref...
J'applaudis à treize mains.

Écrit par : solko | 06.11.2010

Les commentaires sont fermés.