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30.06.2014

7 et 950

littérature,écritureLe 3 juillet, jeudi donc, l’Exil des mots soufflera ses sept bougies.
Sept ans que j’ouvre régulièrement cette lucarne et la nourrit de mes différents textes, celui-ci étant exactement le neuf cent cinquantième.
Avec le recul cela me semble énorme et même un peu fou.
En ces sept années, j’ai publié six livres. Ce n’est pas mal, me direz-vous, mais une broutille quand même, si, en volume et peut-être même en audience, on les compare à ces près de mille textes qui jalonnent ce blog.
Et il y a dans cette activité gourmande quelque chose qui m’échappe : le but. Autant dire l’essentiel.
N’est-ce pas là un des paramètres sournois qui définit l’aliénation à ?
Dans la houle de quels flots  m’évertué-je ainsi à jeter ma bouteille? A quel ou quels besoins répond une telle assiduité ? Quelle volonté préside à une telle pérennité ? Je serais bien en peine de vous le dire, n’ayant jamais été ni assidu ni constant dans mes activités, si ce n’est, justement, dans leur renonciation successive. Jusqu’au paradoxe de la ténacité du velléitaire.
Il faut croire alors – à défaut de comprendre – que toute cette constance relève de l’équivoque expression d’un appétit non satisfait. Peut-être celui de se faire entendre. Quel homme, même celui qui n’a rien d’essentiel à dire – et nous sommes nombreux dans ce cas-là - ne rêve-t-il pas de se faire malgré tout entendre ? D’ailleurs, quand nous prêtons une oreille au brouhaha du monde, qu’entendons-nous qui serait digne d’être écouté et qui nous transcenderait un peu, qui nous élèverait l’esprit jusqu’au jamais-vu-encore, qui ouvrirait d’autres perspectives que les jours cheminant pas à pas derrière les nuits, et inversement jusqu'au froid terminus ?
Les hommes et les femmes qui ont la parole n’ont strictement rien à nous dire.
Alors, le blog… Un balbutiement miniature du balbutiement général ?  Un besoin de balbutier aussi. De barboter dans la mare déjà surpeuplée ? Comme pour ne pas être en reste, comme pour dire, le doigt levé : moi aussi, Monsieur, j’ai balbutié ma  vision des choses.
La vision des choses…Tout écrivain est un homme qui lutte contre l’idée de la mort ; un homme qui a choisi, quelque part, de tenter sa maigre, son infinitésimale chance de frapper à la porte de l’éternité. Un homme qui refuse de façon névrotique l’absolu silence des chrysanthèmes.
C’est comme ça qu’on se découvre mégalomane… Mais la mégalomanie c’est, comme l’utopie, un antidote à la résignation.
Mais je ne dis pas pour autant que je suis un écrivain, miladiou ! Je dis que je voudrais, que j’ai toujours voulu, en être un. Car un écrivain, un artiste en général, porte en lui le drame essentiel de toute existence en ce que son sort dépend essentiellement des autres. Ce sont les autres qui le font ce qu’il veut être.
Il n’y a pas grand-chose de plus pitoyable au monde que l’artiste autoproclamé. Ou frauduleusement proclamé par le spectacle social, ce qui revient strictement au même.
L’Exil des mots est peut-être alors tout simplement – je dis bien tout simplement - l’aveu d’une impuissance de son auteur à être réellement un écrivain.
Par l’inflation, la présence et la constance.
Car ce n’est pas avec un blog – du moins en douté-je fort – qu’on frappe aux portes de l’éternité.

Mais vous vous demandez sans doute ce que j’ai voulu dire. Je comprends. Je me le demande moi-même. Tout cela est décousu, mal maitrisé. A reprendre un jour.
Ce serait  plutôt cela un blog : un atelier.

Image : Philip Seelen

18:32 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET

25.06.2014

Un mécréant messager des dieux

littérature

Au cours d’un été que torsadait une terrible sécheresse, j’avais mis le cap sur la Lozère.
Plus précisément sur un village dont j’ai oublié le nom, pas très loin de Mende, que je connaissais pour y avoir séjourné plusieurs fois avec des amis, et, plus précisément encore, chez une vieille dame du nom de Marie.
Un village magnifiquement reclus dans la montagne, avec ses toits en lauze, ses bergeries à l'odeur forte, son four à pain pour toute la petite communauté, ses maisons de pierres jaunes, ses ruelles abruptes telles des échelles de meunier, ses sentiers, ses senteurs méditerranéennes, son fier silence.
Si un jour je devais rebrousser chemin et revivre en France, je crois que c'est dans ce village-là que j'irais compter mes dernières étoiles.
Le berger y était alors un berger communautaire ; je veux dire par là qu'il menait paître sur les causses tous les moutons des trois ou quatre fermes. Sa solitude était telle qu'il m’avait un jour reconnu du haut d’une colline et m’avait fait de larges signes pour que je le rejoigne, qu’on se salue et qu’on partage un bout de fromage et sa  chopine, alors que je n'étais pas revenu sur les lieux depuis trois ans.
J’aime encore cet homme-souvenir.
Cet été là, donc, j’étais allé frapper chez Marie. Je me souvenais qu’elle avait derrière sa maison une  prairie fortement pentue, où je projetais de planter ma tente pour quelques nuits. Fumer mon herbe sous le ciel nuitamment peuplé, en rêvassant à d'autres mondes possibles.
Je me souvenais aussi que Marie faisait du pastis avec les fleurs cueillies dans les montagnes, du pastis divin, aussi délicieusement enivrant que l'absinthe. Du beurre également, jaune comme les boutons d’or d’avril, et des fromages qui embaumaient le lait fleuri des altitudes. De tout ça, je me souvenais et je me souvenais surtout de l’exquise gentillesse de Marie, veuve sublime, tragiquement humaine, solitaire, avec ses longs cheveux blancs toujours caressés par un souffle de la vallée.
Mais pour arriver jusques là, j’avais dû cette fois-ci traverser des paysages affreusement mutilés par la soif, jaunis, desséchés, morts, et j’avais enjambé, sur des ponts de grosses pierres plates, les lits caillouteux des torrents exsangues, assassinés de canicule. On eût dit qu’une catastrophe s’était abattue sur tout le pays. Il ondulait encore sous la chaleur tremblante, mais il craquait de partout et les arbres le long des chemins semblaient gémir et devoir mourir bientôt, eux aussi.
L'âcre odeur d'une poussière invisible stagnait dans l’air et se mêlait aux chants de milliers de cigales éparpillées dans les chaos rocheux.
Une sorte de page dessinée par Giono du Hussard sur le toit.
J’atteignis le village en fin d’après midi.
Deux années que je n’étais venu, pourtant Marie me reconnut tout de suite et me serra entre ses bras maigres. Bientôt, sanglotant, elle me dit oui, bien sûr, que je pouvais planter ma tente chez elle, mais il faudrait ne pas me laver, pas même les dents, ni les pieds, rien, l’eau manquait, c’était l’angoisse, les puits étaient à sec et les sources taries… Six mois que le ciel n’avait daigné donner une seule goutte et elle me montrait, dans la pénombre attristée, sa prairie dont on ne distinguait plus qu’une terre mise à nue, cruellement blessée par de longues crevasses comme autant de  bouches cherchant à implorer le ciel.
C’en était presque terrifiant. Pour faire sourire un peu mon adorable hôtesse, je lui dis que tant pis, je boirai mes pastis secs, comme ça, à la hussarde. Elle sourit effectivement, s'éloigna et revint aussitôt avec un verre et une dose de sa délicate alchimie. Je lui en achetai une chopine entière et me retirai sur la prairie, à mi-pente. Un vieux pommier entortillait ses branches dans la pénombre tiède.

Je ne pris même pas la peine de monter ma toile. A quoi bon ? Le ciel au-dessus des monts et des vallées était percé d’étoiles.
Longtemps je sirotai et je fumai, les yeux immobilisés sur toute cette solitude,
sur le calme aride de la nuit et sur les toits silencieux de ce hameau perché au bout du monde et des siècles.
Je m’allongeai bientôt sur mon sac de couchage.
Je rêvais. Je rêvais de la fraîcheur tant attendue et des gouttes épaisses, lourdes, éparses, venaient frapper mon visage et m’inonder la barbe. Des chariots dans de lointains vallons, transportant sans doute des barriques d’eau d’un village à l’autre, grondaient sur des chemins incertains. On était peut-être même à une fête : il  me semblait voir comme des fusées multicolores jaillir et courir sur l’horizon de la montagne.
Alors je crus que je me noyais, je suffoquai et me levai d’un bond. Le ciel se liquéfiait littéralement sur moi, l’orage éclatait, torrentiel, la pluie vindicative frappait le village, rebondissait sur les toitures, gargouillait le long des murs et tout paraissait bleuté sous la colère des éclairs.
Il pleuvait, il pleuvait à seau.
Je courus vers l’abri de la bergerie. La boue dégoulinait déjà, emportant sous mes pieds la prairie.
Et là, dans ma fuite éperdue, je tombai nez à nez avec Marie, en robe de nuit, blanche, collée à son corps par la bourrasque détrempée, translucide sur son vieux corps agité. Elle levait les bras,  se signait, remerciait les cieux, elle s’agenouillait et puis, se relevant, elle me baisa frénétiquement le front et les joues, en hoquetant à mon oreille, merci, merci, merci à toi, avant de se signer encore…
J’en fus atterré, tant que je faillis hurler que je n’y étais absolument pour rien …et, en même temps, serrant la vieille dame dans mes bras, j'étais heureux de la voir tellement joyeuse sous  son orage providentiel !

Le lendemain, le ciel, calmé, froid, sans âme, était bas et tout gris et la pluie tombait, tombait, tombait doucement, doucement, désaltérant les paysages, la terre, les arbres, les prairies, les vallées et les espoirs de Marie, ma vieille camarade.
Les monts et les vallées alentour étaient enfouis sous un profond brouillard.

Je repris la route. Je quittai les montagnes. Je rentrai sur La Rochelle. Ma villégiature avait fait naufrage. Ratée.
Où que tu sois, bien loin sans doute, de l'autre côté des nuages où il ne pleut jamais, Marie, aujourd’hui, vois-tu, je me suis souvenu un moment de notre orage pour t'offrir cette page.

16:00 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

24.06.2014

Samedi 21 juin, Hélène Cadou nous a quittés


"Après la sortie de la Revue 303 – Cadou, Bérimont et l’école de Rochefort ( avec le Conseil régional des pays de Loire), la réalisation du film René Guy Cadou ou les visages de solitude avec Emilien Awada ( Cinergie Production & TéléNantes), Une émission sur France Culture consacrée à Cadou ( émission de Sophie Nauleau, ça rime à quoi ? et dernièrement le cahier d’étude des poètes de l’Ecole de Rochefort-sur-Loire n°4 : René Guy & Hélène Cadou poésie et éternité (Université permanente de Nantes avec Georges Fargeas et  le Petit véhicule), nous continuerons à travailler pour les œuvres croisées de René Guy et Hélène Cadou, deux grands de la poésie française.
LE PAYS  BLEU DE RENÉ GUY OUVRE SA FRONTIÈRE AU PAYS BLANC D’HÉLÈNE ( lisez ce pays chez Rougerie éditeur et Brémont pour l’essentiel). Les deux poèmes vivent  l’amble désormais au-delà des lisières.

Voici une lettre de Benin avec qui nous avons réalisé trois Compact disc sur Cadou. Nous reviendrons sur l’ensemble de nos travaux.
Pour Hélène, infiniment et orphiquement....

                                                                            Luc Vidal - Editions du Petit Véhicule -

 Hélène…

Première rencontre en 1984 (trente ans presque pile), grâce au passeur Luc (Vidal), mon guide dans la découverte de la poésie de Cadou, quelques mois en amont. Cela s’est passé sous les auspices bienveillants de Roger Toulouse, ami peintre des Cadou…
Fulgurance du regard. Radieux, pénétrant, timide, et ce sourire perpétuel aux coins des lèvres, comme une invitation…
Pour tout prologue, je chante « Hélène » et « Je t’attendais ».
Le silence qui suit est perceptible, comme un doux refuge à l’émotion qui plane dans la petite pièce. Quelques larmes coulent sur le visage d’Hélène. Le temps est suspendu. Son regard demeure aussi vif et pénétrant, et le seul mot qui émane d’elle est : « Merci… ». Je le reçois comme un doux assentiment protecteur, moi qui ai osé ce jour là faire chanter les mots de Cadou, en présence même de sa muse inspiratrice !
Voila pour cette première fois

Ensuite, la bienveillance d’Hélène, pudique, ébouriffée parfois de reconnaissance, ne s’est jamais tarie. Elle aimait la vie, le puits profonds de la poésie, le genre humain et son René, d’une même gerbe, d’un même élan. Lumineuse malgré elle dans sa parure de veuve éternelle, ou plutôt d’éternelle fiancée avec son beau prince en poésie parti trop tôt…
Je lui dois cette fidélité à ce qui nous fonde chacun : Cette face de lumière en nous.
Hors du temps, des modes, des sirènes nonchalantes de nos démesures contemporaines.
Hélène demeurait courtoise, distante, dans ses allures de dame du siècle dernier.
Elle devait bien sentir voleter au-dessus d’elle une nuée d’anges malicieux (son regard pétillait si souvent !)…
J’en arrivais plus tard, dans les années 90, à poser mon chant sur les mots d’Hélène aussi, conscient de leur valeur limpide.
A présent, Hélène et René se sont rejoints. Ce doit être la douce fête au paradis…
A moins qu’ils n’en aient profité pour poser l’acte d’une escapade, lui qui lui « avait donné rendez-vous dans le ciel pour des promenades éternelles » (17 juin 1943).
 Je suis ému de leurs retrouvailles, mais aussi, un peu plus responsable d’appartenir au petit carré de passeurs, désormais…

 Morice Benin, le 23 juin 2014.

16:42 Publié dans Musique et poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET

21.06.2014

Ah, la criiiiiise !

La crise.jpgSapiens sapiens, définition : animal bipède terrestre en crise perpétuelle.
Crise de foie, crise de foi, crise de nerfs, crise du logement, crise amoureuse, crise de l'édition, crise cardiaque, crise des valeurs, crise morale, crise de l’emploi, crise économique, crise familiale… tout plein de crises. Partout des crises. Un univers de crises, l'univers de sapiens sapiens.
Sans doute faudra t-il attendre, mais pas certain qu’il arrive un jour, homo sapiens sapiens sapiens pour en finir enfin avec cet état de déséquilibre permanent dans lequel est englué l’animal qui se dit néanmoins le plus intelligent de la planète.
Comment peut-il être toujours en crise, s’il est si intelligent que ça ? Peut-être, me dis-je,  parce qu’il est en perpétuelle crise d’intelligence.
C’est ça, le gros problème.

Tiens, au hasard, une crise financière, qu’est-ce que c’est ? hein ? Qu’est-ce que c’est que ça ? Alerte rouge : le monde connaît une crrrriiiiise financière énooooorrrrme !
On tremble d’effroi dans les chaumières et le vent furibond secoue les volets tout de guingois. On claque des dents. On a le cerveau rivé à la télé... Une crise financière ? Où ça ? Comment ça ? Qu'est-ce que c'est encore ?
Dans les chaumières, on panique à juste titre que soit annoncé, d’en haut, de très haut, des olympes métaphysiques, du château, du palais, un événement catastrophique qui tomberait comme des cheveux gras sur la soupe qui ne l’est pas, grasse, événement avec lequel on vit depuis la nuit des temps : pas de sous pour faire réparer le toit, pas de sous pour changer la voiture, pas de sous pour les vacances, pas de sous pour  aider le gamin à se lancer dans sa vie, pas de sous pour aller au théâtre, pas de sous pour goûter les grands crus (obligés qu'on est de se rabattre sur d'infâmes pîquettes), pas de sous pour rembourser les dettes qu’on a contractées parce qu’on n'avait pas de sous… Bref, c’est quoi la crise, hein, qu’est-ce qu’ils nous veulent encore, avec leur crise à la gomme ?
Crise pas, je t’explique. La crise financière, c’est quand les banques n'ont plus d’sous ! Plus d’sous, les banques ? Alors ça, c’est la tuile ! Comment on va faire, nous, pour leur en emprunter, des sous, qui rembourseraient ceux qu’elles nous avaient gentiment prêtés pour acheter de quoi survivre un peu mieux ? Hein ?
T’énerve pas, Chaumière. Tu me fais penser au manant d’avant la tête à Louis XVI qui se désolait parce que le seigneur du voisinage n’avait plus assez de fortune pour se payer de beaux équipages qui forceraient bientôt le cerf et le goupil dans ses blés en herbe.
Les banques n'ont plus d’sous parce qu’elles ont acheté trop d’argent. Voilà tout.
Ah ? Tiens... Je savais que les banques vendaient de l’argent. Je ne savais pas qu’elles en achetaient.
Si. Beaucoup même. Le tien, par exemple. Celui que tu n’as jamais eu. Ta vie, si tu préfères...
Glups ? ! ?
Oui, mon gars, c’est comme ça…Et, à force, les banques, comme elles ont acheté de plus en plus de sous, elles n’ont plus eu de vrais sous pour acheter des vrais sous, alors elles ont acheté des sous qui n’existaient pas avec des sous qu’elles n’avaient pas…Tu me suis ?
Non. Pas trop.
Je m'en doutais. Contente-toi de savoir que c’est ça, la crise financière. Des trucs qui sont en train de crever pour n’avoir jamais existé. Comme un gars qui n'aurait jamais mis les pieds sur terre et qui se mettrait en tête de vouloir y revenir !
C’est grave ça !
Ben oui, c'est grave ! Ecoute, Chaumière, il faut que je t’explique quand même le mot… La crise, en fait, ça ne veut pas dire ça… C’est un vieux mot. Un mot aussi vieux que toi, Chaumière. Ça vient du XIVe siècle, tu vois que c’est pas d’hier… Crisis, «le moment le plus grave d’une maladie.» Hé, hé, pour qu’il y ait crise, faut donc une maladie en amont... Tu vois ?
Je commence, oui... Je commence... Qu’est-ce qu’on peut faire, alors, pour guérir tout ça ?
Ecoute, si tu peux t’approcher du malade - mais n’y compte pas trop, il est bien gardé ; si tu pouvais  quand même te porter à son chevet en douce, tu sais quoi ?
Non.
Fais-toi sapiens sapiens sapiens, Chaumière : débranche les tuyaux.

13:00 Publié dans Critique et contestation | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

20.06.2014

Je me souviens de Georges...

9782913511019FS.gifÊtre un poète dans sa vie, dans son cœur, dans ses tripes, dans son rapport aux autres, dans sa conception vécue du monde, ce n’est pas tant faire rimer des mots et se faire balancer des phrases que de voir les choses comme ça :

« Je me souviens avoir lu quelque part que Georges avait prêté de l’argent à un ami, lequel insistait pour lui donner un reçu :
- Mais si, Georges, il pourrait m’arriver quelque chose.
- S’il t’arrive quelque chose, crois-tu que c’est l’argent que je regretterai ?
Cette anecdote pourrait réunir tous ceux qui courbent l’échine en attendant que s’arrête de souffler l’horreur économique

*

 «Je me souviens que Georges portait volontiers, chez lui, des vêtements en matière synthétique qui n’étaient pas, à mon humble avis, d’un goût parfait. Il s’en fichait d’ailleurs et me disait souvent, (à mon grand dam puisque j’avais basé ma vie sur le sens de la vue) :
- Je ne me sers pas souvent de mes yeux…
Et il ajoutait cette précision que cite André Tillieu (le plus proche de Georges parmi les biographes de Brassens) :
- Sauf pour regarder ceux des autres ».

*

«Je me souviens de cet aphorisme de Georges : Une femme est un cadeau qui vous choisit.»

*

« Je me souviens que Georges m'avait dit (peut-être pour me déculpabiliser) :
- Un artiste - un vrai - n'a de compte à rendre à personne.
»

Pierre Cordier, Je me souviens de Georges, Éditions Arthémus - 1998 -

13:15 Publié dans Brassens | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET

18.06.2014

"Le Diable et le berger" sur Solko

Roland Thévenet rend compte de sa lecture récente de mon dernier livre, Le Diable et le Berger, publié en mars dernier à l'enseigne des Éditions du Petit Véhicule.
Il m’avait aussi proposé une petite interview à distance à propos de ce  livre.
Je l’en remercie bien vivement.
Si le cœur vous en dit, vous trouverez tout ça ICI.

Je remercie également mon ami Feuilly de s'en être  fait l'écho il y a quelques semaines.

Nous sommes de petits écrivains boudés par le spectacle culturel.
Alors, on se débrouille entre nous.
Ceci dit sans dépit et même avec joie.

 1324103993.JPG

 

20:29 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET

14.06.2014

Auprès de mon arbre

P6082588.JPGJe l’avais découvert un matin du mois de mai et j’avais été à deux doigts - deux orteils plus exactement - de l’aplatir tout net sur l’humus de la forêt.
Je l’avais cependant aperçu juste à temps, sans doute parce que dans cette ombre attristée des grands pins sylvestres, sur le gris des tapis d’aiguilles et parmi des sous-bois chétifs, ses cinq ou six jeunes feuilles, d’un vert lumineux, détonaient tel le coup de pinceau malséant du peintre dont la main dérape.
Il était au ras du sol. Né de l’année. Un mal-né, un bâtard des sous-couches, un zonard de l’orphelinat promis à la souffrance et à la disparition prématurée. Rien autour de sa jeune vie n’avait en effet été disposé pour qu’il y trace un chemin joyeux. L’ingrate nature, la marâtre nature comme chantait le poète à Hélène de Surgères, l’avait jeté là comme pour s’en débarrasser, sur une saute du vent dispersant une graine inutile.
Coincé entre un énorme pin qui s’élevait bien droit comme tous ses congénères et qui, comme eux, touchait de sa tête le bleu invisible du ciel et un robuste sorbier des oiseaux en large floraison, son berceau était bardé d’épines et entouré de concurrents malveillants. Il allait s'étioler avant même d’avoir vu la lumière des jours.
Je l’ai soulevé de terre, soigneusement, je l’ai extirpé de ce sol où, manifestement, il n’avait rien à faire : il n’y a pas de place dans le sous-bois des forêts de résineux pour un érable.
Il était une incongruité, une erreur.
J’ai transplanté l’erreur en mon jardin.
Sans grand espoir pourtant de jouir un jour de son ombre. Planter un arbre au mois de mai, c’est un peu comme donner à boire à un citoyen en train de se noyer dans une fontaine. Le remède peut s’avérer très vite bien pire que le mal.
Alors, au début, il a boudé, il a recroquevillé ses maigres rameaux, il a pâli, il a tremblé, cacochyme, triste, à deux souffles de la mort… Et puis, sa racine jugeant sans doute que, de là, on pouvait peut-être espérer un jour grimper jusqu’aux nuages, il s’est ressaisi, il a ouvert tout grand son maigre feuillage, fait le plein de chlorophylle, s’est redressé,  a bu  à pleine branche la pluie et le soleil et s’est mis à jouer avec le vent.

Il a maintenant trois printemps inscrits à ses rameaux et il a fière l’allure. A l’automne, avant de s’endormir sous les neiges et le gel, il me fait la fête et, Argonaute résolument sédentaire, sur la pelouse dépose sa toison d’or. Chaque mois de mai, pour l’anniversaire de sa résurrection, il se pare de nouvelles pousses prometteuses et fait le coquet.
C’est un adolescent plein de fougue. On dirait qu’il est désormais  de  la trempe des grands rustiques qui bravent les aquilons et auxquels tout semble zéphir.
Mais comme il sait bien ne pas être un chêne et que, de surcroit, il n’y a pas de roseau dans son voisinage, il n’en fait pas exagérément montre.
Il vit simplement sa vie d’arbre souverain dans le grand mouvement des choses.
Comme moi qui le contemple en mon jardin, sa terre d’exil et de hasard...

21:27 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET

12.06.2014

Critique radicale

Elle sort du théâtre avec sa classe, un peu vannée, la moue peu engageante aux lèvres.

Je risque alors une question de simple urbanité :

-         Alors, dis-moi, c’était comment ?
-         Complètement kitch !
-         Comment ça «  complètement kitch » ?
-         T’as déjà vu un Roméo et Juliette pas kitch, Toi ?
-         Humm… Fait beau, hein ?

18:50 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (1) |  Facebook | Bertrand REDONNET

11.06.2014

Lutte des classes et paysages

atv5arbres-or.jpgIls sont de vénérables ancêtres, de vertes estampilles laissées par des temps révolus et on les appelle les têtards ; les frênes têtards.
Hiératiques, ils bordent les conches, les canaux et les moindres fossés du marais mouillé, là-bas, du côté de Niort.
L’été, ils caressent les eaux dormantes de leurs épaisses frondaisons, offrant au promeneur en barque une voûte rafraîchissante et à l’anguille lucifuge la pénombre.
Ils sont une curiosité.
Habitants à part entière des paysages de Lacus duorum corvorum, ils en sont presque une image d’Épinal.
Et on pourrait difficilement les classer : arbres d’ornement ou arbres de métier ? Arbres des caprices naturels ou façonnages des hommes ?
Ils sont sans doute tout ça. Du moins le sont-ils devenus.
Car l’histoire de leurs singulières silhouettes nous ramène aux siècles du seigneur et du manant. Le premier se réservait en effet la part du lion, le grain plutôt que l’ivraie, et il était dès lors interdit au second de couper le moindre frêne sur ses terres. Le hobereau permettait seulement à son paysan de couper les branches. D’émonder.
Ce qui a donné le têtard.
La propriété, c’est le vol, disait Proudhon.
Certes. Dans bien des cas. Mais c’est aussi son histoire, à cette propriété honnie, qui sculpte aujourd’hui nos paysages. Et une fois que le temps a fait son travail de deuil, nivelant les iniquités et les rapports de subordination, il nous laisse ces formes singulières, ces témoins qui ne prennent la parole que si on les interroge de près.
Que si on leur tend l’oreille.

11:03 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : littérature, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET

09.06.2014

Le papillon de nuit

france_affiche_lepen_1974.jpgUn monde d’imbéciles déprimés gouverné par des imbéciles heureux qui se prennent pour de fines intelligences et qui en parodient plus ou moins bien le langage, ne peut que s’enfoncer de plus en plus dans l’erreur dès qu’il fait mine de  comprendre quoi que ce soit de son destin et des petits épiphénomènes politiques qui en balisent le chemin.
C’est une évidence pour moi, qui ne suis pourtant pas plus intelligent ni plus fin qu’un autre, mais qui possède peut-être l’inappréciable avantage de ne se sentir concerné que par un essentiel : la course du soleil autour de ma maison, le bonheur immédiat de ceux (celles) qui partagent avec moi la fuite du temps, l’écriture et le faible écho que peuvent me renvoyer mes quelques livres.

Ainsi, je rigole ce matin de la cacophonie autour d’un énième dérapage minutieusement contrôlé du sieur Le Pen. Les bien-pensants portent plainte, ils ne savent guère faire que ça, s’aller moucher à la pèlerine, les politiques les plus corrompus lèvent les bras au ciel et tordent la bouche dans un ensemble harmonieux et avec une moue imitant parfaitement l’indignation (un fourbe est toujours content de tomber sur plus fourbe que lui, ça le dédouane aux yeux du monde de sa propre duplicité), et tout ça pourquoi ? Pour du vent.
La fausse conscience parle à voix haute, jusqu’à s’égosiller, dans un tumulte masquant totalement la réalité des uns et des autres.
Car le vieux chef d’extrême-droite, lui, suit sa stratégie déclinante, celle qui a toujours été la sienne, c’est-à-dire qu’il cherche, comme il l’a toujours cherché, à éloigner son parti du risque d’accession au pouvoir que lui font courir ceux à qui il en a confié la direction.
Je reprendrai donc ici quelques éléments que j’avais déjà publiés en avril 2012 sur l’histoire récente de l’extrême droite française, éléments que confirment les nouvelles élucubrations de Le Pen autant que l’opposition dont est obligée de faire montre sa fille devant les susdites élucubrations.
Entre le vieillard et ses enfants, la guerre est ouverte et les autres imbéciles heureux qui font mine de s'offusquer ne comprennent rien à rien des enjeux de cette guerre.

Il faut donc d’abord comprendre l’histoire de l’extrême-droite en France depuis les années 60, savoir d’où elle vient et ses objectifs, avant de se lancer dans tout commentaire qualitatif sur ses succès électoraux depuis 1986, dont le dernier aurait eu lieu aux européennes du 25 mai, sous les yeux effarouchés des démocrates frileux et ceux triomphants des nostalgiques atrabilaires des Camelots du roi.
Le Front national est né d’un mouvement que nous connaissions bien lors de nos affrontements de jeunesse sur les campus des années 70, Ordre Nouveau. Ce groupuscule violent, - mais pas plus que nous autres situés à l’autre bout de la galaxie de l'idéologie révolutionnaire, bien au-delà du PCF, du PS et des lénifiants trotskystes- souvent armé de barres de fer et autres frondes, se distinguait d’abord par le courage convaincu dont faisaient montre ses membres, n’hésitant pas à trois ou quatre seulement - je m’en souviens très bien - pour venir provoquer de leurs saluts nazis des assemblées entières où grouillaient des centaines et des centaines de gauchistes de tous bords, certains brandissant le drapeau rouge du stalinisme à la Mao ou du trotskysme emberlificoté, d’autres le drapeau noir du romantisme anarchiste, d’autres le drapeau noir et rouge de l’anarcho-syndicalisme espagnol, et d’autres encore, sans drapeau mais le verbe haut et fier de la théorie situationniste aux lèvres.
Ma sympathie, sinon mon appartenance, allait à ces derniers.
Disons que c’est dans leurs maigres mais fort joyeux rangs, que je comptais quelques valeureux amis,  gardés pendant des décennies.
Plus tard, la frénésie des A.G s’étant apaisée et le souffle de la révolte perdant de son enthousiasme, chacun est devenu apparemment ce qu’il était essentiellement. La plupart laissèrent donc en route leurs fougues pour finir au PCF ou, pour les plus malins, au parti socialiste, d’autres, au contraire, continuèrent la bataille en apaches isolés, avec coups reçus, défaites cuisantes, enfermements psychiatriques ou cellulaires à la clef, marginalisations et, aussi, quelques victoires non spectaculaires engrangées.
De ces victoires de l’ombre qui permettent de rester debout.

Mais revenons aux assemblées post-soixante-huitardes : quand tout ce beau monde s’est dissous, le combat d’Ordre Nouveau, lui, semblait du même coup devoir finir, faute de combattants à combattre. Dans la pensée de ses quelques dirigeants, le moment était donc venu de sortir des caves de la subversion pour venir affronter le monde sur son propre terrain, celui de la politique.
Ainsi ces dirigeants se mirent-ils en devoir de partir à la pêche au notable fascisant capable de leur assurer une aura et une sorte de légitimité sur la scène politique.
Alain Robert et François Brigneau, chefs d’Ordre Nouveau, repérèrent alors un certain Jean-Marie Le Pen, un poujadiste violent, un sacré tribun, un ancien député de la IVe république qui avait abandonné son mandat pour partir combattre en Algérie. Un para qui était revenu de ce combat honteux avec une réputation de tortionnaire et de brutalité.
Tout cela faisait bien l’affaire des jeunes idéologues d’Ordre Nouveau. Leur intention était d’en faire un homme de paille, une potiche, un drapeau, et d’accéder ainsi à la voix publique sous son couvert. Quitte à le jeter par la suite comme un vieux chiffon.
Mais c’était bien mal connaître le bonhomme et ils firent ainsi rentrer un puissant renard dans leur maigre poulailler. Le Pen dira d’ailleurs plus tard : cela ne m’intéressait pas du tout de parader à la tête d’un groupe de jeunes gens énervés.
Son ambition était alors de fonder un grand parti à la droite de la droite.
L'homme était un pragmatique. 
Il phagocytera ainsi tout le monde, après que le gouvernement eut commis l'erreur d'interdire en même temps la Ligue communiste révolutionnaire et Ordre Nouveau pour leurs violents affrontements, bénis par le stratège Le Pen, à la Mutualité en 1973.

L’auteur du premier programme du Front National est alors un jeune loup : Gérard Longuet, plus tard compromis dans des affaires de haute corruption… Dans cette mouvance de jeunes fascistes, venue d’Ordre Nouveau et du mouvement Occident, on trouve aussi un certain Patrick Devedjian. Que du beau monde, donc.
D’autres cadres sont recrutés au FN et je vous laisse apprécier leur honorable  pedigree :
- Victor Barthélémy, engagé volontaire chez les SS,
- François Gauchet, collaborateur qui reprochait à  Pétain d’être trop mou quant aux directives données par Hitler,
- Léon Gautier, ancien milicien, grand chasseur de résistants,
- François Duprat, néo-nazi activiste, assassiné par on ne sait toujours pas qui et dont le FN fera un martyr…

La suite, vous la connaissez. L’ascension du Front National, Le Pen médiatisé éructant ses fantasmes sur la place publique. Ça, il le doit essentiellement à Mitterrand qui, encore plus fin que lui dans l’art de la perversion politique, répond favorablement à sa demande écrite d’être admis sur les plateaux de télévision au même titre que les autres leaders politiques. Le Président socialiste compte sur la montée de l’extrême droite (dont il connaît bien tous les mécanismes et pour cause) pour faire exploser son opposition officielle, la droite parlementaire. La machine est enclenchée. Le Pen fait de l’audience, les médias le considèrent donc comme un excellent client, bien juteux pour leur tirelire et lui offrent régulièrement leurs plateaux.
L’ogre est sorti de sa caverne et crache sur le soleil pâlot de la démocratie désastreuse.

Le même Mitterrand ouvre au Front National les portes du Palais Bourbon avec son bricolage de proportionnelle en 1986 et c’est là que la machine fascisante commence à s’enrayer.
Elle ne s’enraye pas dans la défaite, mais bien dans le succès. Vitrolles, Orange, des mairies sont conquises. Jeune loup montant, Maigret, enthousiaste, s’écrie alors devant le chef : "Nous sommes prêts ! Nous sommes à deux doigts de prendre le pouvoir !"
La vérité toute crue tombe alors des lèvres de Le Pen lui-même, glaçant les espoirs de ses cadres qui n’ont encore rien compris : Dieu nous en garde !
La douche glacée est jetée sur l'ambition chauffée à blanc.
Le Pen ne désire pas le pouvoir, ne l’a jamais désiré. Il s’y perdrait. Ce qu’il veut, c’est conduire son parti, le gérer comme on gère une grosse PME, en chef incontestable, et qu'il  pèse dans le paysage, qu'il soit incontournable, qu'il fasse et défasse des rois, pollue tout le débat qui n’en a pourtant pas besoin tant il est déjà délétère, le pervertisse et l’accable, et que chacun de ces saltimbanques démocrates soit contraint et forcé de se positionner par rapport à lui.
Et toute l'histoire récente lui donne raison. Les susdits saltimbanques n'ayant plus rien à sauver que des apparences s'évertuent chacun dans son coin à se définir comme le plus sincère anti-Le Pen du moment.
On sait pourtant depuis la nuit des temps ce que valent les identités construites sur leur contraire : du vent.
Sur le cadavre en cours de décomposition de ce que les politiques continuent d’appeler arbitrairement la République, sur cette espèce de Directoire mouillé jusqu’au cou par les scandales et les malversations de tout ordre, Le Pen veut être le ver qui grouille et se repaît à son aise.
Il ne veut surtout pas être la chair de ce cadavre-là !
Sa victoire est alors totale quand Chirac, piteux, lui demande une entrevue entre les deux tours de l’élection présidentielle de 1988.
Mitterrand, lui,  est aux anges : les loups se prennent à la gorge et, lui, d’un œil plus apaisé que jamais, fait mine de veiller à la tranquillité républicaine d’un troupeau d’imbéciles.
Mais le grand victorieux est in fine Le Pen. D’une intelligence redoutable et d’un talent politique remarquable, il a tout compris du spectacle et s’est attribué, à l'intérieur de ce spectacle, le rôle qu’il a toujours voulu y jouer. Étant certain que ses outrances ne seraient jamais applicables dans un programme de pouvoir, il en est d'autant plus fort pour les défendre avec la hargne que l'on sait, maniant en même temps, avec brio, la contradiction et la provocation verbale. Chaque scrutin est donc pour lui une victoire en ce qu'il frôle de très près la ligne entre opposition battue et élection réussie, en prenant toujours grand soin de ne pas franchir cette ligne qui l'enverrait tout nu devant la nation et l'obligerait à mettre en pratique l'impraticable.
Qui le priverait, donc, de la parole. C'est dans l'outrance qu'il est crédible. Le raisonnable en ferait un homme politique du commun.
Sur cette lisière subtile de l'échec
réussi en permanence est l'avenir, la survie, de son personnage politique. Et là seulement. 
Tel le papillon de nuit dans l'expérience constante des limites, Le Pen frôle la lumière le 21 avril 2002, sûr de lui, certain qu'il ne s'y brûlera pas les ailes, sachant reculer au moment précis où il le faudra pour assurer sa survie.

Las ! Las ! Las !
Voilà que sa fille, à laquelle il a confié la poursuite de l'œuvre de toute une vie, a des ambitions tout autres : elle veut du pouvoir, elle veut le pouvoir et être reconnue comme une dame politique honorable.
Pour ce faire, il lui faut à tout prix changer le destin de la statue façonnée par Pygmalion-père.
Le Pen le voit bien et il sait que dans cette voie-là, après quelques succès prometteurs dus à l’impéritie des vrais-faux démocrates, le bateau qu’il a construit de ses mains court au naufrage. Parce que tout parti qui accède au pouvoir est promis à sa chute et à sa désagrégation.
Alors, de temps en temps, il tâche de rectifier le tir, il tâche de remettre le navire à flots, sur le bon cap, et il lâche le pet à peine foireux d'un éternel antisémitisme primaire.
La fille héritière s’oppose aussitôt, scandalisée qu’on vienne
ainsi souiller le costume qu’elle a eu tant de mal à rendre à peu près présentable. Elle traite dès lors le vieux chef de «ringard» qui commet des fautes.
Lequel vieux chef rétorque aussitôt que les fautes viennent de ceux qui prennent les patins des adversaires qu’ils prétendent combattre : on ne s’oppose pas à la démocratie avec un discours de démocrate !
La guerre est donc déclarée. Une guerre intestine entre deux conceptions de l’extrême droite, l'une du siècle passé, l'autre bien contemporainement politique.
De ce conflit qu'ils n'entrevoient qu'à peine se nourrissent tous les autres insectes du clan politique, pour telles ou telles raisons de basse stratégie et qui ne sont, bien évidemment, jamais celles publiquement déclarées.

14:14 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : histoire, politique, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET

07.06.2014

Marc Villemain

littérature,écritureJ’eus récemment le plaisir de rédiger quelques lignes dans le numéro 49 de Chiendents, édité par Les Editions du Petit Véhicule et consacré à Marc Villemain.
J’avais à cet effet été sollicité par Stéphane Beau et je lui avais positivement répondu.
Pour deux raisons.
La première parce que Stéphane est un bon copain. Mais ça ne suffit pas pour avoir envie d’écrire sur commande. Il faut un petit plus. Un grand, plus exactement.
La seconde raison est donc que Marc Villemain est un écrivain à part dans le paysage humain de la littérature, et, même si je ne l’ai rencontré qu’une seule et brève fois, j'y suis attaché.
C’est comme ça. Sa personnalité qui se laisse deviner plus qu’elle ne s’offre ostensiblement, son écriture appliquée, ses choix de vie que dévoile discrètement ce numéro de Chiendents,
sa façon bien à lui de dire son ressenti du monde sans être, comme mézigue bien souvent, ni abrupt ni excessif.
Et puis, Marc a des pas inscrits sur le sol charentais… Il a grandi dans un village que je connais bien ; un de ces villages de sable, d’embruns et de vent, riverains de l’Atlantique.
Ça crée des liens, sensibles dans l’imaginaire seulement, et, partant, peut-être les seuls à ne pas subir l’inéluctable érosion du directement vécu.
Tout cela a fait que…

C’est donc ICI.

19:11 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET

03.06.2014

Expérience du hasard, hasard de l'expérience

gb_tyrannosaurus.gifJe vous entretenais récemment de mon coq Chanteclerc- Richelieu et de ses gélines, sujet qui, je n’en doute pas un instant, vous passionne au plus haut point :))
Ce faisant, je prétendais, sur la foi de bien des affirmations scientifiques, que les gallinacés, au premier rang desquels sont les poules et leurs coqs, descendaient en droite et longue ligne du plus terrible et du plus grand des dinosaures carnivores que
la terre n’ait jamais porté,  Tyrannosaurus rex.
D’ailleurs, les observant courir en leur jardin de verdures, les gélines, c’est vrai que j'entrevois dans leur déhanchement un peu pataud comme un lointain écho… Rendons cependant grâce de ce que l’évolution, musardant pendant plus de 65 millions d'années,  ait en cours de route oublié de transmettre les dents et la force colossale des mâchoires !

Les scientifiques ont donc découvert un gène commun aux fossiles du terrible lézard et à la paisible pondeuse.
Bien. Mais il n’en reste pas moins vrai que d’autres scientifiques, d’autres grands paléontologues, tout aussi chercheurs et tout aussi minutieux que les premiers, contestent fermement cette théorie de la poule Tyrannosaure.
C’est normal. Un scientifique qui n’en contesterait pas un autre ressemblerait à un politique qui dirait amen à tout ce que fait et dit un politique du camp contraire. Sauf qu’en matière scientifique ces différentes contestations font peu ou prou avancer la connaissance, tandis qu’en politique elles ne vont qu’empiler des erreurs sur d’autres erreurs.
Mais revenons à nos poules.
Ce qui m’a amusé dans l’argumentation de la partie contestataire, c’est, en manière de vulgarisation, le filage de la métaphore.
Ils disent, oui, vous avez bien découvert un gène commun, mais combien de différents en avez-vous trouvé ?  Et sur combien de spécimens ? Ouvrez Word sur votre ordinateur, mettez un singe au clavier et laissez-le s’amuser. Il va tapoter partout, toucher à tout, et, au bout de plusieurs jours, en farfouillant sur toutes les touches, c’est bien le diable s’il ne finit pas par vous écrire BONJOUR ou MERDE.
Devrez-vous en conclure pour autant que votre singe sait écrire ?

MORALE ou MORALITÉ, comme vous voulez :

Combien de hasards prenons-nous ainsi pour des vérités définitives et combien de vérités définitives dont nous ne voulons pas qu'elles viennent compliquer l'impassible horizon de nos certitudes, taxons-nous de hasards ?
Tout est dans le raisonnement dicté par une volonté de. Par un désir plutôt que par l'allégeance faite à l’empirisme.
Sur ce, je vous laisse philosopher in petto et je m’en retourne à mes dinosaures emplumés.

10:55 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET