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13.05.2014

Un texte d'abord pas facile

gelines 1.jpgCelui qui écrit cherche toujours, peu ou prou, à être profond.
Il se doit de dire des choses, sinon nouvelles, du moins fortes. Des choses qui frappent l’imagination. Ou le manque d’imagination. Tout ça dépend de la qualité complice que l’écrivain entretient avec son lecteur.
Donc,  je vais l’être, profond. Histoire de ne pas être en reste. Non mais !

A quatre heures du matin, celui que j’ai désormais nommé Chanteclerc tandis que  Jagoda l’a baptisé Richelieu, salue le jour nouveau qui, là-bas, juste en face de lui, trace un trait déjà bleuté sur les rives du Bug.
Joli ça, coco… Très joli même.
Richelieu- Chanteclerc salue d’un cocorico un peu enroué… Un cocorico de pubère.
Il est alors pour moi l’heure d’aller ouvrir la porte du poulailler, chaque soir soigneusement refermée à cause du goupil qui musarde, chafouin et gourmand, aux lisières toutes proches.
C’est  bien dit, hein ? C’est pas profond, ça ?
Bon, continuons dans la profondeur… A touché le fond mais continue de creuser, disait le bulletin scolaire d’un cancre sous la plume acerbe et vindicative de son professeur.
Dames Gélines, elles, toutes plumes encore ensommeillées, restent tranquillement perchées, attendant sans doute que passe la crise d’égocentrisme du maître des lieux, haut en couleurs, tête haute, et qu’il descende d’un coup d’aile princier au petit déjeuner, fait d’un délicieux mélange de blé, de maïs, de petits pois et de… et de…
Hum ? Dois-je l’avouer ? Bon, tant pis ! … de soja transgénique… Hé oui, c’est écrit sur le sac ! Je n’ai pas trouvé mieux, à mon grand dam !
Mais, pour ma défense, il faut dire que les carottes sont cuites. Il n’y a plus de soja dont les gènes n’aient pas été bidouillés par les multinationales de la sacro-sainte mondialisation. José Bové et ses arracheurs de maïs, c’est déjà de l’histoire ancienne. D’ailleurs, vous allez voir ce que vous allez voir, quand sera signé le traité sur le commerce transatlantique… N’est-ce pas, Hollande ?
Quel traître, cet ennemi de la finance !
Alors, bon sang de bon sang, que je me dis, avec mon soja sans gêne, j’espère que tout cela ne va pas ramener un beau jour mes paisibles pensionnaires à leur stade initial et féroce de tyrannosaures !
Sait-on jamais, quand on commence à magouiller avec les origines de l’origine ?
Profond encore, ça, n’est-il pas ? Philosophique même, et tout et tout… Un tantinet alarmiste même, car chacun sait qu’au commencement était le chaos…
Si un matin j’entends un horrible et démentiel hurlement en lieu et place du cocorico gaulois, pas question d’aller ouvrir la porte. D’ailleurs, il n’y aura certainement plus de porte. Plus de poulailler non plus. Peut-être même plus rien du tout autour. Qu’un cauchemar.

Pour l’heure, Richelieu-Chanteclerc, donc, a salué le jour nouveau. C’est lui le chef ici, au poulailler fortement masculiniste. Un poulailler de macho. Chanteclerc y donne ses ordres et veille au respect des bonnes manières dans son harem.
Un poulailler réac. Ce coq-là, il  a quand même de la chance d’être tombé chez un phallocrate modéré ! Chez Vallaud Belkacem, par exemple et par hasard, son destin se solderait très vite dans une sauce au vin, avec des p’tits champignons et des oignons frits.
Mais je m’égare, je m’égare… Je m’égare toujours quand je parle de cette poule dame !
Le petit déjeuner au code naturel légèrement modifié étant pris, tout ce petit monde fait sa toilette. Fait sa plume, quoi… Belle expression, hein ? Je vous signale là,
messieurs-dames, s’agissant de poules, une syllepse. Pas mal vu, convenez-en ! Mais je vous avais prévenus : un texte pas facile.
Enfin toiletté, chacun des membres de la petite communauté s'en va vaquer à ses occupations et, après l’avoir observée un moment, moi-même m’en retourne aux miennes.
Mais, ce faisant, je réfléchis que je ne vois jamais, bon sang d’bonsoir, Richelieu-Chanteclerc honorer d’une petite galipette une de ses poulettes…
Qu’est-ce qu’il me chante alors, ce coq- là ?
Un prude ? Un timide ? Un gay ? Un intégriste chrétien ? Un idéologue ? Un exclusif jusqu’à la névrose ?
Je me demande quand même si je ne vais pas supprimer le soja.
Mais, me dit-on, le maïs c’est pareil…
Et le blé ?
Ça ne va pas tarder…Peut-être même que...
Ah, diantre ! Nous vivons donc dans un monde modifié !

Profonde, cette conclusion. Très profonde… On s’y noierait.

13:14 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

Il va te falloir cultiver ton propre soja et ton propre maïs :)) C'est un comble quand même : habiter au bout du monde et ne trouver que des grains transgéniques !

Écrit par : Feuilly | 13.05.2014

Je ne sais pas ce que c'est, l'URL, on va voir si ça marche quand m'aime.
J'avais un copain, je parle de jadis, qui se prenait pour un écrivain, il était assez mauvais dans ses romans avortés, nouvelles vieillottes, poèmes trop bien rimés, mais il était excellent, vraiment excellent, dans les lettres qu'il m'envoyait. C'était un épistolier de première. Un jour, j'ai eu le courage de lui dire, c'était pas facile. Au lieu de m'en vouloir, il s'est mis à écrire de plus belle, je recevais lettre sur lettre, et m'en délectais.
Un jour, il m'a demandé de conserver précieusement ses envois pour utilisation ultérieure. Ce que j'ai fait, en ami obéissant. Hélas, petit à petit, les missives prenaient des allures de "correspondance de..." ,devenaient plus réfléchies, on sentait qu'il s'écoutait écrire. Et c'est ainsi que j'ai tué la poule aux oeufs d'or.
C'est pas toi, ce copain, je reconnais avec plaisir la différence entre l'écrivain et l'épistolier. Ce texte est celui de l'épistolier, bien loin de Zozo et de Gustin, mais si près de Fred. Il y en a d'autres, je sais, c'est ce qu'on appelle un blog.
Bisoudom

Écrit par : Dom | 13.05.2014

@Feuilly : Tu sais, ce bout du monde-là, libéralisme européen oblige, ressemble de plus en plus à l'autre bout.
Comme l'écrivait Stasiuk, (en substance ): "les temps viendront où l'Europe centrale ne sera plus qu'une notion météorologique."

@Dom : première fois, je crois, que tu signes ton passage sur "L'Exil des mots." Et quelle signature ! Mais avant d'aller plus loin, que je te présente à mes lecteurs :

http://lexildesmots.hautetfort.com/archive/2007/09/04/petites-anecdotes-de-concerts.html

Voilà, c'est fait... J'espère que vous avez particulièrement savouré le passage " Scandale sur un titre" et que vous savez désormais qui est Dom.

Ce que tu dis de ton ancien copain qui n'était pas moi est édifiant, ma foi. " S'écouter écrire". Là, c'est foutu !
Me souviens que tu m'avais raconté, (mais je ne sais plus si tu parlais de toi ou d'un autre copain qui n'était pas moi), en tout cas il s'agissait d'un instit qui avait perdu le feeling, le goût d'enseigner et qui avait l'impression de se "regarder enseigner".

Gustin : joli raccourci, ma foi !
Bises

Écrit par : Bertrand | 14.05.2014

Ce coq ferait donc partie de cette espèce démocratique du macho transgénique ?
Lisez lui chaque soir une ou deux branches non émasculée du roman de Renart. Ou quelque fabliau médiéval joliment troussé. Ça ira mieux.

Écrit par : solko | 14.05.2014

Solko, vous m'effrayez ! Un coq socialiste ? Un bobo ? Un... ? Mon dieu !
Oui, vite, quelques pages du roman de Renart... Judicieux conseil

Écrit par : Bertrand | 14.05.2014

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