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11.06.2014

Lutte des classes et paysages

atv5arbres-or.jpgIls sont de vénérables ancêtres, de vertes estampilles laissées par des temps révolus et on les appelle les têtards ; les frênes têtards.
Hiératiques, ils bordent les conches, les canaux et les moindres fossés du marais mouillé, là-bas, du côté de Niort.
L’été, ils caressent les eaux dormantes de leurs épaisses frondaisons, offrant au promeneur en barque une voûte rafraîchissante et à l’anguille lucifuge la pénombre.
Ils sont une curiosité.
Habitants à part entière des paysages de Lacus duorum corvorum, ils en sont presque une image d’Épinal.
Et on pourrait difficilement les classer : arbres d’ornement ou arbres de métier ? Arbres des caprices naturels ou façonnages des hommes ?
Ils sont sans doute tout ça. Du moins le sont-ils devenus.
Car l’histoire de leurs singulières silhouettes nous ramène aux siècles du seigneur et du manant. Le premier se réservait en effet la part du lion, le grain plutôt que l’ivraie, et il était dès lors interdit au second de couper le moindre frêne sur ses terres. Le hobereau permettait seulement à son paysan de couper les branches. D’émonder.
Ce qui a donné le têtard.
La propriété, c’est le vol, disait Proudhon.
Certes. Dans bien des cas. Mais c’est aussi son histoire, à cette propriété honnie, qui sculpte aujourd’hui nos paysages. Et une fois que le temps a fait son travail de deuil, nivelant les iniquités et les rapports de subordination, il nous laisse ces formes singulières, ces témoins qui ne prennent la parole que si on les interroge de près.
Que si on leur tend l’oreille.

11:03 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : littérature, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

Comme je sais que vous avez pas mal de connaissances en la matière, Bertrand, j'aimerais bien savoir qui perpétue désormais cette pratique, car l'Ancien Régime est tout de même assez loin et on coupe toujours les branches....

Écrit par : le Tenancier | 11.06.2014

Ah, bonjour, Tenancier disparu !
La tradition avait été reprise ( de justesse) par les paysans locaux, principalement de petits éleveurs, car une branche pousse bien plus vite qu'un tronc et ils y trouvaient donc bénéfice pour leur bois de chauffage.
Mais vinrent les céréaliers qui effectivement voulaient ( et avaient commencé de..) éliminer fossés, prairies et marais au profit de leurs abominables maïs...
Il y a eu disputes...
D'autant qu'il m'en souvienne, j'ai quand même vu des centaines de frênes têtards coupés au pied, arrachés même, pour faire de grandes parcelles exploitables par ces C....

http://www.francebleu.fr/environnement/marais-poitevin/les-frenes-tetards-sauves-716640

Écrit par : Bertrand | 11.06.2014

On voit de temps en temps des arbres qui ne sont plus que des moignons quand on parcours le paysage de campagne.
Je pense que le remembrement est également passé par votre coin, en effet.

Écrit par : Le Tenancier | 11.06.2014

Les morts qui ont cherché à "posséder le monde" ont dû finalement le léguer. Ces paysages sculpturaux sont donc des legs. Or, pas de legs sans propriété initiale.
Ce qui absout ces morts du crime d'avoir volé en cherchant à posséder, non ?

Écrit par : solko | 11.06.2014

Les arbres du canal du Midi doivent tous disparaître, par contre, pour cause de maladie.

Écrit par : Feuilly | 12.06.2014

A force de grenouiller, la lutte des classes a donné des têtards :)) Hiiiiiiiiiiiiiiiiii
Merci à Tous

Écrit par : Bertrand | 12.06.2014

Les commentaires sont fermés.