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21.06.2014

Ah, la criiiiiise !

La crise.jpgSapiens sapiens, définition : animal bipède terrestre en crise perpétuelle.
Crise de foie, crise de foi, crise de nerfs, crise du logement, crise amoureuse, crise de l'édition, crise cardiaque, crise des valeurs, crise morale, crise de l’emploi, crise économique, crise familiale… tout plein de crises. Partout des crises. Un univers de crises, l'univers de sapiens sapiens.
Sans doute faudra t-il attendre, mais pas certain qu’il arrive un jour, homo sapiens sapiens sapiens pour en finir enfin avec cet état de déséquilibre permanent dans lequel est englué l’animal qui se dit néanmoins le plus intelligent de la planète.
Comment peut-il être toujours en crise, s’il est si intelligent que ça ? Peut-être, me dis-je,  parce qu’il est en perpétuelle crise d’intelligence.
C’est ça, le gros problème.

Tiens, au hasard, une crise financière, qu’est-ce que c’est ? hein ? Qu’est-ce que c’est que ça ? Alerte rouge : le monde connaît une crrrriiiiise financière énooooorrrrme !
On tremble d’effroi dans les chaumières et le vent furibond secoue les volets tout de guingois. On claque des dents. On a le cerveau rivé à la télé... Une crise financière ? Où ça ? Comment ça ? Qu'est-ce que c'est encore ?
Dans les chaumières, on panique à juste titre que soit annoncé, d’en haut, de très haut, des olympes métaphysiques, du château, du palais, un événement catastrophique qui tomberait comme des cheveux gras sur la soupe qui ne l’est pas, grasse, événement avec lequel on vit depuis la nuit des temps : pas de sous pour faire réparer le toit, pas de sous pour changer la voiture, pas de sous pour les vacances, pas de sous pour  aider le gamin à se lancer dans sa vie, pas de sous pour aller au théâtre, pas de sous pour goûter les grands crus (obligés qu'on est de se rabattre sur d'infâmes pîquettes), pas de sous pour rembourser les dettes qu’on a contractées parce qu’on n'avait pas de sous… Bref, c’est quoi la crise, hein, qu’est-ce qu’ils nous veulent encore, avec leur crise à la gomme ?
Crise pas, je t’explique. La crise financière, c’est quand les banques n'ont plus d’sous ! Plus d’sous, les banques ? Alors ça, c’est la tuile ! Comment on va faire, nous, pour leur en emprunter, des sous, qui rembourseraient ceux qu’elles nous avaient gentiment prêtés pour acheter de quoi survivre un peu mieux ? Hein ?
T’énerve pas, Chaumière. Tu me fais penser au manant d’avant la tête à Louis XVI qui se désolait parce que le seigneur du voisinage n’avait plus assez de fortune pour se payer de beaux équipages qui forceraient bientôt le cerf et le goupil dans ses blés en herbe.
Les banques n'ont plus d’sous parce qu’elles ont acheté trop d’argent. Voilà tout.
Ah ? Tiens... Je savais que les banques vendaient de l’argent. Je ne savais pas qu’elles en achetaient.
Si. Beaucoup même. Le tien, par exemple. Celui que tu n’as jamais eu. Ta vie, si tu préfères...
Glups ? ! ?
Oui, mon gars, c’est comme ça…Et, à force, les banques, comme elles ont acheté de plus en plus de sous, elles n’ont plus eu de vrais sous pour acheter des vrais sous, alors elles ont acheté des sous qui n’existaient pas avec des sous qu’elles n’avaient pas…Tu me suis ?
Non. Pas trop.
Je m'en doutais. Contente-toi de savoir que c’est ça, la crise financière. Des trucs qui sont en train de crever pour n’avoir jamais existé. Comme un gars qui n'aurait jamais mis les pieds sur terre et qui se mettrait en tête de vouloir y revenir !
C’est grave ça !
Ben oui, c'est grave ! Ecoute, Chaumière, il faut que je t’explique quand même le mot… La crise, en fait, ça ne veut pas dire ça… C’est un vieux mot. Un mot aussi vieux que toi, Chaumière. Ça vient du XIVe siècle, tu vois que c’est pas d’hier… Crisis, «le moment le plus grave d’une maladie.» Hé, hé, pour qu’il y ait crise, faut donc une maladie en amont... Tu vois ?
Je commence, oui... Je commence... Qu’est-ce qu’on peut faire, alors, pour guérir tout ça ?
Ecoute, si tu peux t’approcher du malade - mais n’y compte pas trop, il est bien gardé ; si tu pouvais  quand même te porter à son chevet en douce, tu sais quoi ?
Non.
Fais-toi sapiens sapiens sapiens, Chaumière : débranche les tuyaux.

13:00 Publié dans Critique et contestation | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

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