30.07.2013
Célété
C’est une saison admirable, l’été. Un train à Brétigny déraille et fait sept victimes, un autre en Espagne tue plus de soixante-dix personnes, deux autres encore entrent en collision en Suisse. Puis un car italien fait un plongeon dans un ravin et anéantit une quarantaine de gens. Pendant ce temps-là, les orages furibonds estropient un facteur dans les rues de Nantes, détruisent une maison là-bas, tuent plus loin, dévastent, étranglent, saccagent, renversent des toits cul par-dessus tête, inondent des campings, fracassent des arbres qui, dans leur chute, écrasent des automobilistes...
C’est vraiment charmant, l’été. Toujours fidèle à elle-même, c’est une saison qui nourrit grassement le chroniqueur en catastrophes. La peur et la mort, ça fait de l’audience. Beaucoup plus que le bonheur de vivre.
Je me languis donc de revoir septembre et la sérénité de ses couleurs. Je me languis de l’automne, en regardant passer l’été des villégiatures-tragédies.
Sur ce, je ferme la boutique quelques jours, pour bien faire voir que c'est la saison où l'on ferme la porte derrière soi, sans que cela ne soit un drame (!)
Je retourne à ma musique. CD sans doute terminé à la fin de ce mois. Aux premiers jours de septembre. Un mois qui chantera. Peut-être...
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28.07.2013
Attendez-moi sous l'orme !
Depuis le temps – plus de deux siècles c’est sûr - qu’il s’évertue à puiser dans la terre sablonneuse le secret de sa longévité, son feuillage extrême flirte maintenant avec les firmaments.
Il n’est pas à moi. Il n’est à personne, en fait. Il est à lui seul sans doute. Le concept n'eût-il été honteusement galvaudé, que je l'eusse volontiers baptisé "l'arbre de la liberté".
C’est un ormeau, l’arbre qu’un mal sournois a pratiquement rayé des paysages de l’ouest, l’arbre tellement à l’écoute des hommes qu’il a donné là-bas son nom à bien des villages de Charente-maritime ou de Vendée, des Lhoumeau et des Oulmes, par exemple.
Si proche des humains qu’il a même évolué de son berceau latin, ulmus, en oulme, puis carrément en homme, s’inscrivant dans les pierres de la mémoire sous le nom de lieux-dits tels que Le pas de l’homme, Le col de l’homme ou encore Les quatre hommes.
Un arbre véritablement humaniste.
Le mien – enfin, je veux dire celui qui se dresse à dix pas de ma maison dans un no man’s land d’inextricables halliers - fait honneur à la générosité de son espèce : il arrose bénévolement une partie de mon territoire de ses dernières branches qui retombent en de lascives tonnelles, jusqu’à terre bientôt, et sous lesquelles j’aime musarder.
Sous son aile protectrice, je n’attends rien. J’ai les pensées incertaines qu’on a parfois à l’ombre des grands monuments. Celui-ci a connu les démantèlements successifs de la Pologne, il a été Russe, Polonais, Allemand de l’infamie gammée, Polonais encore mais plié sous le collectivisme stalinien, puis enfin Polonais républicain, aux brises largement libérales.
Il a vu passer à ses pieds, courir, fuir et s’affronter des soldats de tout drapeau. Des casqués, des cosaques, des cavaleries échevelées, des artilleurs empêtrés dans la neige, des généraux pressés et vociférant des ordres et des contre-ordres... Peut-être a t-il même bu quelques gouttes de sang, au hasard d’une embuscade assassine.
Il surplombe les environs. De là-haut, il voit loin par-delà le Bug, en Biélorussie. Respect s'impose et, avec lui, la crainte.
Car aujourd’hui, le moindre orage prenant des allures de cyclone torrentiel fouetté par la violence des bourrasques, il me menace. L’ami, l’ancêtre, le témoin des âges anciens, dans sa fragilité majestueuse et sénile, risque de couper un sale jour ma demeure en deux, sous le poids d'une agonie précipitée par l’intempérance caractérielle des cieux.
Je l’ai vu se tordre sous la furie, résister bravement, pencher dangereusement, craquer de toutes ses fibres, gémir et hurler...Tout de même, me dis-je, si la foudre à ce jour n’a pas réussi à l’atteindre, disons depuis la fin du 18ème siècle, qu’aurait-elle la perfidie de venir aujourd’hui le terrasser sous mon nez ?
N’empêche. La prudence recommande qu’on lui fasse baisser pavillon ; Que d’habiles bûcherons, en cinq minutes et trois coups de tronçonneuse, l’amputent d’un siècle et le réduisent de moitié.
Mais les arbres en Pologne sont sous la protection bienveillante du législateur.
Un arbre de plus de cinq ans, où qu’il ait eu le caprice d'installer ses racines, où que vous ayez eu la négligence de le planter – avec cette inconscience coupable des pauvres hères qui s’affublent d’un petit animal de compagnie, serpent, chien, singe ou autre lézard sans prévoir qu’il est un être vivant qui va bientôt envahir l’espace vital – un arbre de plus de cinq ans d'âge, disais-je, ne vous appartient plus.
S’il vous prend fantaisie de vous en débarrasser, de lui jouer un sale tour de tronçonneuse, il vous faudra en faire préalablement la demande écrite et largement motivée à la mairie : préciser son essence, son âge, sa circonférence exacte à un mètre du sol et rédiger clairement les funestes raisons qui vous poussent à vouloir l’expédier soudain au royaume des cendres.
Si vous possédez un bois, une petite forêt privée, ne pensez pas qu’il vous sera loisible d’aller y puiser librement et chaque hiver votre provision de bois de chauffage. Un forestier de l’État vous accompagnera d'abord et vous indiquera nettement quels sujets vous pouvez prélever. S’il n’en juge aucun dans votre patrimoine qui soit indigne de survivre, hé bien, ma foi, il vous donnera gentiment l’adresse d’un marchand de bois ou de charbon.
Je plaisante, bien sûr, par exagération. Mais la réalité est bien telle que.
Par cette politique de l’arbre, dans un pays où le mercure descend régulièrement en-dessous de 20°, où l’électricité est hors de prix, où le fuel domestique coûte une fortune, où l’hiver s’éternise de début octobre aux premiers jours de mai, les Polonais ont bien compris que leurs amis les bois et les forêts, les haies, les bouleaux, les pins, les aulnes, les ormeaux et les vieux chênes étaient en mortel danger de convoitise permanente et qu’il valait mieux se rafraîchir à l'ombre éternelle de leur feuillage plutôt que de se réchauffer à l'éphémère de leur flamme.
Et cette clairvoyance et cette amitié instinctive, que n’ont-elles inspiré les gestionnaires prétentieux de l’ouest, aux climats pourtant timides, et fait se taire la bêtise et la folie hégémoniques des céréaliers de la Beauce, du Lauragais ou de la plaine charentaise !
Les paysages y auraient sauvegardé leur gaieté et eussent été épargnés de cette morne platitude où le regard porte de clochers en clochers, jusqu’à des villages dont on ne sait même plus dire le nom, tant ils sont accrochés aux miroirs d’autres horizons !
Mon ormeau – celui qui me prête son ombre – est un vieux guerrier. Si le vent furibond menace de jeter sa carcasse impériale en travers de mon toit, il n’en reste pas moins sous la protection des lois.
Pour services rendus à la poésie des lieux.
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26.07.2013
Projection
C’est sans doute parce que se profile en septembre la rentrée au collège, que cela lui semble une étape importante, un événement qui jalonnera son parcours, et qu’elle envisage qu’après il lui faudra franchir d’autres étapes encore jusqu’à un métier, qu’elle anticipe sans cesse. Qu’elle fait et refait le brouillon de ses hypothétiques aspirations, disons.
- Finalement, j’aimerais bien être gériatre, plutôt que médecin légiste.
- C’est pas gai de ne soigner que des vieux, que je dis bêtement.
- Il faut bien qu’il y en ait qui les soignent, s’indigne-t-elle à juste titre.
- Certes, certes… Mais je vois que tu remontes le temps. Des cadavres, tu es passée aux vieux… Encore quelque temps et tu voudras être pédiatre, que je rigole.
- Pédiatre ?
- Celui qui soigne les bébés et les enfants.
- Ah, non !J’préfère les vieux ! Je déteste les enfants
- Mais tu es une enfant !
- Oui, et alors ? Tu dis bien, toi, que les vieux c’est pas gai.
Je toussote.
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22.07.2013
...Escaladant la dune sans jamais voir la mer
Quand, sur les plages en été, de Charente-Maritime, de Vendée ou de Gironde, je voyais grouiller, suer, grogner et ramper les corps à demi nus des tristes vacanciers, l’image d’une main invisible, gigantesque et colérique qui aurait frappé le Massif central d’un puissant coup dont ‘l’onde de choc aurait violemment propulsé, dans un inextricable désordre, les habitants de l’hexagone sur ses dernières frontières, me venait régulièrement en tête.
Je voyais donc ça comme une catastrophe humanitaire.
Et quand, pour faire plaisir à quelqu’un - car je n’ai jamais su nager et je déteste au plus haut point de la détestation, bronzer, lire, même un mauvais livre, ou dormir sur le sable - il m’arrivait, rarement, très rarement, de poser mon cul soigneusement non-dévêtu sur un emplacement à peu près libre et dont la superficie ne pouvait accueillir qu'une paire de fesses de modeste calibre, coincé entre la famille Duraton bouffant des gaufrettes chaudes dégoulinantes de confitures et les Bidochon lustrant d’une crème répugnante leur épiderme massacré par les UV, l’image s’amplifiait encore et en arrivait à me terrifier, tant que j’avais envie de hurler – que je l’aurais volontiers fait n’eût été la crainte de la camisole de force - à tous ces pauvres gens de rentrer chez eux, de ne pas obéir comme ça au cataclysme du haut et de revenir bientôt, libres, sur ces rivages engloutis par les tristes brumes de la Toussaint.
Avec des ciels gris, du froid humide qui cogne sur les rochers, des vents salés qui poussent des écumes blanches, avec des goélands inquiets peinant à regagner le large, leurs ailes fatiguées par la force des souffles et avec des solitudes ; des solitudes immenses à marcher sur le désert de l’océan. Délicieuses tristesses.
Bon dieu, que je me disais, incorrigible et impuissant pourfendeur des systèmes et des réflexes sociaux, même au repos acquis de haute lutte, même dans ce simulacre de bonheur censé les éloigner d'un quoditien morose, même là, on oblige donc les gens à être malheureux !
Enroulant prestement ma serviette sous mon bras, je m’enfuyais bien vite, - tant pis pour le copain ou l’ami qui voulait voir la mer - et je m’installais au bar le plus proche, devant un demi, voire deux, voire trois, maudissant naïvement les hommes, les femmes et leurs enfants, saccageurs de paysages et saccageurs de leur propre plaisir !
Une fois, il m’est arrivé là de descendre en enfer.
Je travaillais alors dans une usine d’ensachage de poudre de lait, j’y faisais les trois-huit et j’étais de semaine de nuit…. Comme chantait Béranger : ça vous épanouit la jeunesse, pour le monde on a d’la tendresse.
Bref. Pour faire plaisir à des amis de passage à la maison, des amis continentaux, il avait été décidé - vous noterez le vague très indéfini de la formule - qu’on filerait à la plage à 6 heures du mat, dès que j’aurai pointé la fin de mes huit heures de calvaire.
Je dormirai à la plage. D’accord ?
Ainsi fut fait. Le petit déjeuner fut au demeurant fort agréable, sur le rivage encore désert avec un petit vent de terre qui faisait frissonner le sable, avec de la viande froide et du gros Bordeaux aussi. Plus de Bordeaux que de viande froide, d’ailleurs.
C’était très agréable. Sentir en même temps s’enfuir la fatigue de la nuit besogneuse et monter l’ivresse… Et puis l'inégalable plaisir de dire de grosses conneries entre copains.
J’avais cependant très vite sombré dans un sommeil d’abruti, un sommeil obligatoire, sans plaisir, incontournable, avec le sourd ronflement encore frais de la mer dans les oreilles…. et… soudain dans ce sommeil pesant, empâté, des rugissements horribles, lointains, des présences incongrues, des voix imprécises, caverneuses, des pluies de sable, des cris et des rires étouffés comme venant d’un autre monde, des trépignements, des soubresauts, des couinements, des miaulements, des jappements, des frôlements, des gros mots et des interjections.
Je m'étais réveillé en sursaut au milieu d’une immonde marée de chair, de ventres, d'échines, de cuisses, de seins, de poils et de sueurs...
J’avais, bien injustement, fortement vilipendé tous ces gens égoïstes, en vacances, et qui ne respectaient même pas le sommeil d’un prolétaire épuisé. Un des leurs, en plus.
J'avais déguerpi, vociférant, sous l’œil protubérant, désapprobateur et méprisant du placide et compact troupeau des villégiatures estivales.
Je ne dormirai plus jamais sur une plage.
Ou alors à Noël.
Avec la Grande Ourse toute froide à mon chevet.
Titre emprunté à une chanson de Maurice Bénin : Je vis
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19.07.2013
De la mémoire que nous lèguent les arts
Le 10 août 1792, exacerbée par les sempiternels atermoiements des ténors de la politique dite révolutionnaire, la populace massacre aux tuileries les résidus d’une monarchie séculaire, ouvrant tout grand la porte sur la Révolution par le fait et sur la République.
Robespierre est alors dans sa chambre, effrayé de ne savoir où donner du slogan jacobin. Car rien n'effraie plus un politique que de voir l'Histoire défiler et rugir sous ses fenêtres sans qu'il y soit pour grand-chose.
Danton va et vient, prend le pouls de la rue, ne conseille rien, ne dit rien de précis, ne comprend rien à ce qui se passe sous ses yeux, n’exhorte personne, attendant des événements qu’ils lui dictent l’attitude à adopter.
La nuit sanglante, il la passera finalement bien au chaud dans son lit.
Marat, L'Ami du peuple, terré dans sa cave, voue aux gémonies tous les traîtres de la terre, voit partout des gens à pendre et partout des têtes à désolidariser de leur cou, appelle au massacre et prend bien soin de ne pas s'exposer à la fureur du ruisseau.
Il ne montrera pas le bout de son museau.
Et il en ira de même des Saint-Just, des Desmoulins, des Hébert et des autres icones a posteriori.
De ces pleutres inquiets qui ont pris le train en marche dans l'unique espoir de s'installer bientôt aux commandes de la locomotive, de ces renards seulement préoccupés de leur avenir politique et rêvant de s'élever bientôt au pinacle en se targuant devant l’Histoire d’avoir été les investigateurs de la révolte et les prophètes de la Liberté, nos chanteurs, nos peintres, nos écrivains, nos sculpteurs, nos poètes, et, plus tard, nos cinéastes, ont fait des héros, des martyrs et, in fine, des légendes prédigérées pour simples d’esprit.
Sources : Michelet, Histoire de la Révolution française
12:09 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture | Facebook | Bertrand REDONNET
15.07.2013
Biała Podlaska : Silence, on tourne !
Il semblerait bien que les pouvoirs publics en Pologne souffrent d’une fâcheuse amnésie. Ils devraient pourtant avoir gardé en mémoire que le viol de la vie privée fut le lot de leur pays pendant plus de cinquante ans, que les citoyens en ont souffert et que leur lutte, couronnée de succès, pour retrouver les libertés fondamentales leur avait alors valu l’estime des peuples alentour, eux mêmes accablés sous le joug collectiviste.
Mais les temps ont bien changé et la peste étant définitivement reléguée aux poubelles de l’histoire, on flirte désormais avec ses symptômes, se croyant sans doute à tout jamais immunisé.
Ayant ainsi quelques emplettes à faire au marché du centre-ville de Biała Podlaska, petite ville de 60 000 habitants où stationner son véhicule est un odieux calvaire parce que les parkings de terre battue y sont encore littéralement défoncés, que les parcmètres - impopulaires selon le maire - n’existent pas, que les gens qui travaillent dans les environs occupent donc autoritairement les quelques places disponibles pendant plus de huit heures par jour, et que, de surcroît, suivant le ratio nombre d’habitants/nombre de véhicules, elle est la ville qui possède le plus de voitures en Pologne, j’ai abandonné de guerre lasse la mienne pendant six minutes, bien rangée contre le trottoir mais à cinq mètres seulement d’un passage pour piétons.
Vous pensez bien que je n’ai pas calculé tout ça montre en main. Peinardement installés dans un bureau, sans même avoir la peine de mettre le nez à la fenêtre, les agents municipaux ont fait ça pour moi et ils m’envoient alors une amende assez salée à payer, avec l’heure et le lieu exacts de mon crime, ainsi que le temps qu’a duré mon inconvenance sociale.
Se faire verbaliser, certes, n’est jamais agréable, mais bon… Il faut bien que l’ordre règne, ici, comme partout ailleurs. En revanche, se faire verbaliser par un machin électronique qui vous voit, vous entend, vous jauge, vous enregistre à votre insu et vous dit à quelle heure et combien de temps vous avez mis pour acheter une botte de radis, ça, ça me révulse au plus haut point.
Colère, donc, et me voilà à rechercher partout aux alentours une indication qui m’aurait prévenu que j’étais filmé à mes risques et périls et qui, néanmoins, aurait échappé à mon attention, au demeurant fort peu soutenue sur ce chapitre.
En vain. De plus en plus en colère, je consulte les textes de lois et ceux-ci sont alors très clairs : toute personne filmée sur la voie publique doit en être averti par une signalétique compréhensible par tous.
Oui mais, c’est la loi française, ça. Et en Pologne ? Non, non, on a le droit de filmer les gens comme ça, sans autre forme de procès. Et le droit européen alors, que dit-il ? La Pologne, c’est bien en Europe, non ? C’est même le pays qui a raflé le gros lot des subventions pour ses infrastructures routières lors du dernier budget établi pour six ans à partir de 2014. Alors ?
Hé ben, l’Assemblée parlementaire européenne a pris une résolution le 25 janvier 2008, la résolution 1604 exactement, qui incite fortement les pays membres à mettre en place une législation sur les vidéosurveillances, laquelle législation obligerait les pouvoirs publics à porter à la connaissance des administrés, les rues, les lieux et les établissements où ils sont filmés.
C’est bien la moindre des choses… Elle ne s’est quand même pas fendue d’une grande résolution humaniste, l’Assemblée !
La Pologne fait néanmoins la sourde oreille sur un principe de liberté pourtant élémentaire, principe dont la botte stalinienne l'avait privée pendant un demi-siècle ! Mais il vaut mieux sans doute espionner les gens et, ce faisant, empocher une bonne recette mensuelle de PV plutôt que de se faire chier à construire des parkings dignes de ce nom ! En plus, avertir les citoyens de ce qu’ils sont dans le collimateur d’un fonctionnaire penché sur son écran, ce serait un peu tuer la poule aux œufs d’or, n’est-ce pas ?
Pragmatisme et mémoire courte, donc. Mémoire affligeante ! D’autant plus que les gens actuellement au pouvoir en Pologne, ne le sont, pour la plupart, que parce qu’auréolés de la lutte qu’ils ont su mener jadis contre la dictature communiste. Le premier édile de Biała Podlaska en particulier, ce qui l'honore sans ambages.
Mais il a tort de faire l’autruche pour économiser quatre sous au mépris de la liberté de circuler pour chacun des citoyens, sans être épié par sa technologie… Il a tort, parce que l’histoire, elle, elle a de la mémoire.
Le sachant, par ailleurs, cultivé et lecteur, je ne saurais dès lors que lui conseiller une relecture du fameux ouvrage de George Orwell…
Illustration : la rue où votre serviteur s'est fait filmer en flagrant délit d'incivilité.
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10.07.2013
Vous en reprendrez bien un p'tit chouïa ? Où y'a d'la gêne, y'a pas d'plaisir...
L’actualité du monde est bien dramatique, ma brave dame ! Hé oui, que voulez-vous qu'on y fasse, nous autres ?
Surtout ne pas en dire un mot, au risque de ne dire que de basses âneries. Et puis, un blog est-il fait pour commenter les drames sanglants de la paranoïa humaine ?
Alors disons plutôt, tenez, l’autre versant de l’actualité, l’ubac, celui qu’on ne voit pas toujours, plongé dans l’ombre qu'il est. Celui qu’on ne veut pas voir aussi, qu’on vit pourtant tous les jours dans un endormissement digne de celui des bovins.
Vous aimez les tomates, par exemple ? Est-ce que vous aimez les tomates au saumon, avec un soupçon de crème fraîche et un brin de persil, l’été, sous les frondaisons généreuses d’un tilleul, d’un chêne ou de toute autre essence plantée en votre jardin ? Humm… Absolument délicieux, avec un verre de rosé bien frais. Elle n'est pas belle, la vie ?
Bon, ben, c’est bien joli tout ça, mais, désormais, simplifiez-vous la donc, cette vie ! N’achetez plus que les tomates. Car un bon nombre d’entre celles qui circulent dans vos assiettes où se régalent vos justes appétits, sont bourrées de gênes prélevés sur... des saumons !
Oui, expliquent, bonnards et le verbe suffisant, les scientifiques, ces gênes de saumon sont là pour la résistance du plant de la tomate au gel, car, comme chacun devrait le savoir, le saumon est un poisson qui évolue dans des eaux très froides et ses gênes sont alors de nature- oh quel vilain mot ! - à lutter contre les basses températures.
Hé, hé, on le voit : pour les géants de l'OGM et des marchés qui vont de pair, où il n'y a pas de gênes, il n'y a pas de plaisir !
Mais j'y pense : avez-vous vu le film Soleil vert, cette fiction située en 2022 ? Non ? Bon, ben, faites donc aussi, en sus du saumon, l'économie d'une séance, parce qu'on y est quasiment en 2022 et la fiction, confrontée à la réalité, risque fort de passer pour de l'imaginaire à l'eau de rose.
Bon appétit, messieurs dames !
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09.07.2013
Une résolution humaniste
Elle dit qu’elle fera de très longues études car elle veut être un médecin.
Un chirurgien, plus exactement.
Je fais une moue qui se veut admirative, sinon encourageante.
Et je renchéris que c’est là un métier des plus nobles. Un métier, un art, une science qui sauve la vie des gens. Que j’admire les chirurgiens, capables qu'ils sont d'aller, avec la précision d'un horloger, extraire le mal au plus profond de la complexité du corps humain et que, de surcroît...
Oui, qu'elle interrompt mon dithyrambe, mais moi je veux être chirurgien... Comment dit-on déjà ? Chirurgien qui dissèque…
Médecin légiste ?!
Oui, c’est ça.
Je fais une moue qui se veut interloquée, sinon décourageante.
Drôle d’idée ! Et pourquoi donc ?
Parce que comme ça je ne risque pas de tuer mes patients.
Je fais une moue de je ne sais trop quoi.
Tout en admettant que l'argument est on ne peut plus imparable.
11:21 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : littérature, écriture | Facebook | Bertrand REDONNET
05.07.2013
Nouvelles réjouissantes d'un monde qui ne l'est pas moins
C’est simple comme bonjour, encore que bonjour ne soit pas si simple, parfois. Mais oyez plutôt :
Vous avez un copain qui vous suit partout, qui lit votre courrier en cachette, qui fouille dans votre frigo quand vous avez le dos tourné, qui se cache sous votre lit pour voir et entendre ce qui s’y passe.
Ou ce qui ne s’y passe pas, le cas échéant.
Et vous avez soudain un autre type, un inconnu celui-là, vous ne savez pas trop d’où il sort, ce mec, qui vous aborde un beau matin, vous met la main sur l’épaule et qui vous siffle : hé, imbécile, fais gaffe, ton soi-disant copain, il surveille tout ce que tu fais et entend tout ce que tu dis… Mais le type, après avoir dit ça, bêtement, comme un âne, sans en mesurer les conséquences, vous demande, pour prix du service qu’il croit vous avoir rendu, s’il peut rester à dîner parce qu’il est tard, qu’il fait déjà nuit et qu’il est ennuyé maintenant car on lui veut des crasses terribles pour vous avoir affranchi.
Et vous, pourtant connu pour votre droit-de-l’hommisme ostensiblement affiché sur votre boîte aux lettres, vous ouvrez tout grand la porte et vous le flanquez dehors avec perte et fracas.
Solutions. Vous êtes : soit un pur salaud, soit un cinglé qui adore être écouté et vu, soit vous n’avez rien dans le pantalon et votre copain indiscret est tellement costaud que vous craignez de recevoir une dérouille si vous osez faire montre de votre indignation, soit vous lui devez beaucoup d’argent et vous ne pouvez pas vous permettre de vous fâcher avec lui, même s’il vous fait les pires saloperies dans le dos.
Bref, vous êtes une pute. Mais pas de celles qui annoncent sincèrement la couleur et en font métier. Non, non … Une de ces putes sournoises, avides de cinq à sept, de p'tits avantages et de pouvoir.
Ou alors, si la solution n’est pas dans ces quelques alternatives, elle est peut-être dans cette dernière : tout ça, c’est du pipeau pour amuser la galerie et qui poursuit d’occultes desseins. A n'en pas douter, malpropres.
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Je crois que c’est papa Sigmund - ou un de ses fils spirituels - qui disait aux parents à propos de l’éducation de leurs enfants : faites ce que vous voulez, de toute façon, ce que vous ferez sera mal.
Remis en cause, il voulait dire.
Hé bien le corrézien fait roi, le pauvre, me fait beaucoup penser à papa Sigmund et son lapidaire conseil. Quoi qu’il fasse, sa marmaille fait la gueule. Elle dit de lui qu’il est mou comme une chique, velléitaire, qu’il ne voit pas plus loin que le bout de son appendice nasal, qu’avec lui on ne sait jamais où c’est-y qu’on va aller en vacances et même si on va y aller. Bon, bon, bon…. Mais tout d’un coup, le mou frappe du poing sur la table et ordonne à un de ses garnements d’aller se laver les mains avant de se mettre à ladite table.
Et vlan ! V’la toute la famille scandalisée qui crie au despotisme, à l’autorité malsaine, au connard, et qui lui lance des pierres et qui se mutine et tout et tout et tout.
Effrayé, le pauvre se retire dans sa chambre et se demande finalement s’il ne ferait pas mieux de confier tout ça à l’assistance publique.
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Un gars fait sa pub en faisant payer ses affiches et ses clips vidéo aux voisins. Pris la main dans le sac et sommé de rembourser les susdits voisins, il demande à ses potes de faire la manche car, lui, il est raide comme un passe-lacet.
Aussitôt fait, aussitôt dit. Plus de 300 000 couillons sont prêts à mettre la main au porte-monnaie. Gageons que les «mancheurs» vont ramasser bien plus que prévu et se payer des gueuletons à faire pâlir d'outre-tombe Rabelais lui-même !
Pendant ce temps-là, les adversaires du gars indélicat - parce qu’il en a beaucoup - font le trottoir.
Des qui font la manche, d’autres le trottoir.
Dormez, paisibles chaumines, le monde est entre des mains sérieuses !
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03.07.2013
L'anniversaire et le chien d'Emile Zola
Ce fut un 3 juillet, en 2007, que s’ouvrit la première page de L’Exil des mots, lequel blog devait se substituer à un premier mis en ligne fin 2006, Exil volontaire.
Cette démarche liminaire m’avait alors été conseillée par un gars avec lequel je suis fortement brouillé aujourd’hui, ce qui ne signifie pas que je doive malhonnêtement taire son nom : François Bon.
Notre parcours, le mien comme le vôtre, est pavé d’amitiés et de camaraderies que les réalités sont venues démentir, mais que l’on ne doit pas - selon moi tout du moins - pour autant balayer d’un revers de la main comme si elles n’avaient jamais été, au risque de se faire apocryphe et révisionniste de sa propre histoire, autant dire passablement schizo.
Six ans déjà, donc, pour l’Exil des mots, ses 837 textes, hors ceux qui ont été plusieurs fois édités, et ses quelque 3000 visiteurs uniques mensuels, c’est-à-dire vous, quoique ce chiffre soit à prendre avec précaution dubitative, vu la façon dont «fonctionnent» les statistiques, là comme partout.
Peu importe, à dire à peu près vrai. Vous êtes là, et je suis là, en tant qu’individus et le blogueur s’adresse d’abord à un individu avant de parler pour une foule.
Pour fêter, à ma façon, ces six bougies, je vais vous poser une devinette assez cocasse. J’ignore si la solution en est sur le net, je n’ai pas vérifié ; je me suis refusé à vérifier.
La réponse, pour vous guider un peu, je la tiens directement de Maupassant :
Comment s’appelait donc le chien, le terre-neuve gigantesque, qu’Emile Zola avait toujours en sa compagnie à Médan et qui l'accompagnait partout, même dans son cabinet de travail ?
*
Image : Un gâteau avec six bougies, œuvre de D., … Mais c’était pour une circonstance toute autre !
14:28 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (22) | Tags : littérature, écriture | Facebook | Bertrand REDONNET
01.07.2013
L'Idée
Lorsqu'on pénètre dans ces sanctuaires de l’horreur que sont le camp de Majdanek, la forêt de Sobibor ou la vaste clairière de Treblinka, on est soudain démuni de toute sa personnalité. De celle qui raisonne.
Celle qui, devant un fait, une chose, un événement, une contradiction, une rencontre, un être, s’évertue à trouver des causes, des conséquences, des tenants et des aboutissants.
Celle qui rassure et protège de la folie parce qu’elle s'alimente aux explications rationnelles, fussent-elles déshonorantes.
A Majdanek, Treblinka ou Sobibor, on est là. C'est tout. On est un être vidé de son sens. Il n’y a rien à dire. Rien à penser. Seulement on sait que l’impossible est possible. Est toujours possible. Sera toujours possible. Par-delà le bien et le mal et tant qu'il y aura des hommes.
En descendant plus loin l’escalier infernal, devant ces fours béants, ces pelles, ces instruments, ces salles, ces tuyauteries ingénieuses dont on vous dit qu’elles conduisaient l’eau chaude, chauffée par les fours où calcinaient les corps, et alimentaient ainsi, dans le coin, là-bas, la salle de bain des bourreaux afin qu’ils puissent agréablement prendre leur douche après leur service, on ressent soudain revivre son corps par une brusque nausée.
Mais la tête est toujours douloureusement vide.
On veut s’en aller. On veut voir sur la route de Zamość ces voitures qui filent et se doublent et se croisent, entendre des klaxons, sentir du présent dérisoire, saluer quelqu’un, serrer une main, embrasser une joue, marcher sur de l’herbe.
On veut fuir, ne plus faire devoir de cette mémoire qui empêcherait de vivre plus loin.
Et plus tard, quand cette géographie horrible sur laquelle s’est gravé l’indicible, n’est plus, on reprend peu à peu ses marques, on retrouve la faculté de penser et on pressent soudain, encore plus épouvanté qu’auparavant, que ce qu’on a vu, c’était le triomphe de l’idée.
On s’aperçoit que c’est cela qu’on était venu chercher dans ces enfers. Une vision raisonnée du dément. Connaître le germe qui engendra le Diable : l'idée.
L’idée. Retenue par les puissants barrages de la civilisation, de l’humanité, de la morale, de la culture, et qu’on a laissé s’échapper. Une fuite accidentelle. Une idée jaillie de cerveaux mal fermés et qui s’est répandue, tombant dans d’autres cerveaux mal étanches. Une idée qu’on a creusée jusqu’à l’atome et qui explosa, libérant toute son énergie diabolique.
La catastrophe de l’idée menée à son terme. C’est cela qu’on vient de voir. On tressaille : l'idée est encore dans les cerveaux et on tente de la juguler dans les méandres de ces cerveaux. Une idée toujours active et puissante, comme l’est toujours le réacteur de Tchernobyl, pour l’heure maîtrisé sous des tonnes de béton sans cesse renouvelées.
Le triomphe d'une idée, quelle qu'elle soit, va toujours de pair avec le triomphe des massacres, de la Saint-Bartlémy à Katyń, de l'Arménie aux plaines des Sioux et des Cheyennes, en passant par tous les lieux où l'humanité a retrouvé son originelle sauvagerie.
Et plus l'idée est fissurée profond, exploitée jusqu'à son cœur, plus elle explose dans la démesure.
Ne plus avoir d’idée. Sur rien. Les idées vaincues sont les seules innocentes de nos cerveaux...
13:43 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature, écriture | Facebook | Bertrand REDONNET