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29.04.2010

Contes et légendes de Podlachie - 5 -

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La légende du rêve

Sur son beau trône cousu d’or et d’argent, le roi des rois, le bon roi des Yadzvingues, gémissait et se morfondait à faire peine.
Son cœur en effet était la proie de la plus terrible des douleurs : son fils, son fils bien aimé, le futur souverain  du pays des Yadzvingues,
étendu sur sa couche depuis des lunes, muet, les yeux obstinément perdus dans le vague, se mourait lentement d’une étrange maladie qu’aucun savant ni sorcier n’était jusqu’alors parvenu à identifier.
Au désespoir, le roi des rois, le bon roi des
Yadzvingues, se résolut à faire venir en son palais l’astrologue, celui qui savait lire dans le grand ciel des nuits d'été, celui qui parlait aux étoiles lointaines et prédisait par-delà les horizons.
Il lui enjoignit de se rendre immédiatement au chevet du dauphin et d’en deviner tout le mal.
Le lecteur des astres et du grand mouvement des choses veilla alors sur le sommeil de son royal patient et quand Vénus brilla au-dessus de sa couche, l’éclairant d’une fine et pâle lueur qui vacillait, il vit apparaître la maladie qui accablait le jeune garçon.
Ce après quoi, morose, il revint en informer le bon roi.
Parle  ! Ne me fais pas languir, parle ! Dis-moi la souffrance de mon fils chéri !
L’astrologue hésita un moment, s'inclina légèrement en  frottant sa grande barbe blanche et murmura que le jeune Yadwvingue se mourait d’amour…
À ces mots inattendus, le roi des rois éclata de rire et tendit ses bras charitables vers le savant des firmaments.
Approche, que je t'embrasse ! Approche !  Je te couvrirai d’or et de diamants, astrologue, puisque tu nous délivres aujourd'hui de bien funestes présomptions ! Si le prince est malade d’amour, alors, je saurai le vite guérir. Sois béni, divin astrologue !
Si celle qu’il aime est encore vierge, elle sera sa  femme avant que la lune n'atteigne son plein.
Si elle est mariée, alors je déclarerai la guerre à nos plus proches voisins, je placerai son mari aux premières lignes de la bataille, il tombera aussitôt, couvert de gloire et de bravoure (accessoirement de sang, NDLR) et nous fêterons
en même temps ses funérailles et le mariage de la veuve et du prince.

(Voyez dès lors comme je ne vous ai point abusés, lecteurs et lectrices, en vous signalant que ce roi était vraiment bon...)

L’astrologue cependant frottait de plus en plus sa barbe en baissant de plus en plus la tête.
Mais, roi des rois, bon roi, on ne peut épouser qu'une femme vivante…
Le roi pâlit, se leva d’un bond et s’écria : Comment ? Que me chantes-tu là, astrologue de malheur ? La femme idéale de mon fils, celle dont ils est épris au point d'en avoir sombré, serait -elle  morte ?
Elle n’a pas pu mourir, répondit dans un murmure l’astrologue qui se courbait maintenant. Elle n’a pas pu mourir puisqu’elle n’a jamais vécu…
Je l’ai vue néanmoins devant moi, qui dansait sous la lumière étrange des étoiles du ciel…Cette femme est délicieusement belle, roi des rois. La plus belle et la plus inaccesible de toutes les femmes. Ses yeux sont grands et scintillent comme les mille broderies de la nuit, ses cheveux sont noirs et lourds et des reflets d'azur brillent autour de leur long ruissellement, son parfum évoque des rivages inconnus aux couleurs chatoyantes et son corps est plus fin que le plus fin des diamants.
Le prince, hélas,
jamais ne la serrera dans ses bras et longtemps se languira encore à vouloir la posséder…Il se languira jusqu’à en mourir bientôt.
Parle,
maudit astrologue ! Parle ou  je te fais trancher la tête sur le champ, rugit le roi des rois, le bon roi desYadzvingues
…Parle ou je te livre à d’odieuses tortures, je te fais arracher la langue,  je te fais dresser un bûcher, je te damne à jamais !
Dis le nom de cette femme !

(Voyez derechef comme je ne vous ai point abusés, lecteurs et lectrices, en vous signalant combien ce roi était bon...)

L’astrologue s’inclina alors très bas, tellement bas que sa barbe en effleura le sol et il chuchota  enfin :
Cette femme s’appelle…le Rêve.

08:14 Publié dans Contes et légendes de Podlachie | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

24.04.2010

Quand les mots servent le rire et l'absurde...

...ils sont aussi littérature .

09:00 Publié dans Musique et poésie | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : litttérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

23.04.2010

Dialogue de sourds

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« C'est ici un livre de bonne foi, lecteur. Il t'avertit, dès le seuil,  que je ne m'y suis proposé d'autres fins que familiales et personnelles. Je n'y ai nul souci de ton intérêt ou de ma gloire : je n'ai pas assez de force pour concevoir un tel dessein : j'ai destiné ce livre à la commodité personnelle de mes parents et de mes amis, afin que...»  blablabla blabla...

Michel Montaigne
Les Essais

 

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«Je ne connais qu'un écrivain que, sous le rapport de la probité, je place au rang de Schopenhauer et même plus : Montaigne.
Qu'un tel homme ait écrit, vraiment le plaisir de vivre sur cette terre a été augmenté...C'est à son côté que j'irais me ranger s'il fallait réaliser la tâche de s'acclimater sur cette terre.»

Frédéric Nietzsche
Le gai savoir

 

« Doit y avoir une erreur quelque part.... »

Bertrand Redonnet

09:48 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

22.04.2010

Contes et légendes de Podlachie - 4 -

Rêveries solitaires.jpg

La légende des  âmes

La solitude de l'âme, chantée par les poètes et, plus trivialement, auscultée par les mécaniciens de la psychanalyse et de la psychiatrie, ne serait en fait, si j'en crois les mots de cette légende, que le résultat d'une grossière erreur de calcul.
Mais oyez plutôt...
Quand le grand manitou créa le monde, il créa d'abord des âmes, puis des individus censés bientôt en porter chacun une.
Hélas, au moment de la distribution, il s'aperçut qu'il s'était, dans sa frénésie créatrice et tout parfait qu'il fût, fourvoyé et avait en son céleste atelier
conçu deux fois plus d'hommes et de femmes qu'il n'avait façonné d'âmes.
Le problème était ardu. En supprimer ? Allons, allons, soyons sérieux...Un créateur sacré, ça crée. Ça ne supprime pas. L'élimination pure et simple est d'essence humaine, pas divine.
Mais foin des entourloupettes !  Comment résoudre la délicate équation ?
Cependant qu'il réfléchissait, se traitant in petto de gars de rin et de fichu distrait, le grand manitou avisa son glaive d'or incrusté de diamants, négligemment posé là, à ses côtés, sur un nimbostratus des plus moelleux.
Oui, je vous sens un peu dubitatifs(ves), là. Pourquoi un dieu posséderait-il un glaive ? Pour quoi faire ? Un dieu belliqueux ? Irascible ? Paranoïaque ?
Je n'en sais rien. Je vous raconte tel que j'ai entendu raconter et je n'ai jamais vu de dieu de ma vie...Disons que ça lui servait d'ornement. Il y a bien des gens qui ont chez eux de vieilles lampes de chevet  du 18ème  (siècle pas arrondissement) et des lampions dernier cri pour économiser l'énergie, un ordinateur, un téléphone portable...Pour quoi faire une lampe de chevet style Directoire, hein ?
Bon...les goûts et les couleurs...
Mais foin
encore une fois des entourloupettes ! On cause, on cause et on ne s'occupe pas de l'ardu problème du grand manitou..
Le glaive, donc...Voilà l'instrument qui tranchera la question. Ultima ratio deorum.
Le grand manitou, brandissant son glaive qui ne lui servait à rien sinon à décorer ses nuages, coupa donc les âmes en deux et en distribua une moitié aux hommes et l'autre moitié aux femmes. Puis, se frottant les mains et bienheureux de s'être
si facilement tiré d'embarras, il se reposa longtemps en ses sphères éthérées.
Là, c'est moi qui suis dubitatif . Je verrais plutôt une pagaille énorme, un brouhaha inextricable, une ruée, une foire d'empoigne, une bousculade, certains et certaines emportant une âme entière et les autres, bernique, étant condamnés à ne pas en avoir, ce qui, convenons-en, expliquerait pas mal les déboires futurs de l'humanité...
Mais, tout agréable que me soit cette interprétation, ça n'est pas comme cela qu'il en advint et il faut dire les légendes telles qu'elles nous ont été transmises. Non mais, des fois  !

Chacun s'en fut donc avec sa moitié d'âme et n'eut désormais de cesse qu'il n'ait retrouvé de par le vaste monde, l'autre moitié, l'âme sœur....

Bonheur à ceux et celles qui ont eu de la chance - ou du flair - et qui réussirent à recoller les deux morceaux, réalisant ainsi l'harmonie parfaite, les autres étant voués à une perpétuelle quête, à la solitude et à la mélancolie.
Mais comme les âmes étaient, au départ, toutes ressemblantes et, partant, les moitiés itou, que d'erreurs, que de vilaines surprises, que de méprises et..... que de vaisselle cassée dans les chaumières !

Image : Philip Seelen

08:00 Publié dans Contes et légendes de Podlachie | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

20.04.2010

Vitrine

Depuis mes lointaines contrées, ayant pour l'heure peu d'échos de "Géographiques" - mais il est bien tôt et comme me disait François Bon qui en sait quelque chose, "quand on est auteur, apprendre la patience" - c'est avec grand plaisir et sans fatuité aucune que je rends publique cette amicale et délicate attention de Martine Sonnet, qui m'adresse la photo, joliment faite,  de la librairie  Tschann, boulevard du Montparnasse, où le livre est en vitrine.
Je me dis que si il y a un passant sur dix mille qui le lit, il sera vite épuisé.
Mais un sur dix mille, en littérature, ça tient de l'incorrigible utopie....

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10:17 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

19.04.2010

Mais fermez-la donc un peu !

2.jpgJ'avais plus ou moins décidé de rester muet sur les événements tragiques qui ont frappé ces derniers temps la Pologne.
Pour une foule de raisons personnelles, la première étant que ce sont là des événements dus au hasard et que, tout à une écoute consciencieuse du monde que nous prétendons être, les embrouilles a posteriori de sa mise en scène font que nous ne comprenons pas grand chose à ces salades, en Pologne comme partout ailleurs.
Gardons-nous bien de vouloir faire les doctes analystes si  nous voulons en même temps nous garder de dire des conneries.
Mon premier sentiment a été évidemment l'affliction, d'un point de vue strictement humain, sans que cette affliction n'ait pour objet plus précis « les têtes d'affiche » disparues dans la catastrophe. La mort est partout épouvantable. Elle l'est d'autant plus quand elle prend un caractère collectif, qu'elle frappe des symboles ou des quidams.
J'avais donc plus ou moins décidé de rester muet sur ces événements, qui ne sont les effets ni d'une stratégie, ni d'une morale, ni d'une idéologie. La somme d'inepties et d'ignorances que je lis cependant, sur eux et sur ce pays en général, m'oblige quand même à en dire un mot de révolte.
Je lis, par exemple, dans le Figaro pour ne  citer que lui, que
Kaczyński représentait la Pologne profonde....
Et que représentent donc en France - le pays que je connais le moins mal -  Sarkozy, Royal, Bayrou, Cohn Bendit, Le Pen, les plus chéris du suffrage universel de la donneuse de leçons ?
La France des Lumières peut-être ?
Que Kaczyński
ait été un président réactionnaire, obscur dans sa tête et qu'il ait donné à l'extérieur une image peu reluisante de la Pologne, personne ne vous a attendus, surtout ici, pour le savoir...Chirac ne donnait pas non plus de la patrie de Voltaire et de Rimbaud une image des plus futées....
La Pologne profonde, je la connais un peu.
En son sein sont des hommes et des femmes qui ne sont ni homophobes, ni nationalistes, ni partisans de la peine de mort, ni grenouilles de bénitier, ni brutaux, ni actionnaires de Radio Marya.
Bref, avant de noyer un pays dans une potion gluante et globale, pensez un  peu, messieurs-dames du journalisme de masse, que si la Pologne existe enfin, c'est qu'il y a des Polonais qui n'entrent pas dans vos tiroirs de folliculaires.
Commencez donc par balayer devant votre porte.
Ça devrait vous occuper un moment...

Photo Wikipédia : Maria Skłodowska (Marie Curie)

10:31 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

15.04.2010

Contes et légendes de Podlachie - 3 -

Nid de cigognes blanches Cambron Casteau_Fasol.JPG

La cigogne


Il était une fois...
Non, ça n'est pas vraiment très habile de commencer de la sorte. Je crois savoir que ce début fut déjà
utilisé pour ouvrir d'autres contes et légendes.
En des temps jadis...Hum, c'est mieux. Mais ça fleure encore un peu  le déjà vu....Autrefois, alors ?
Allons-y pour autrefois. C'est un mot passe-partout.
Autrefois, donc, en ces temps reculés où  les Jadzvingues nomadaient encore sur les plaines de Podlachie, vivait parmi les hommes un homme pauvre, ce qui n'est pas très original, et de cœur foncièrement honnête, ce qui l'est déjà beaucoup plus, s'agissant d'un homme.
Cet honnête homme, cet homme honnête plus exactement, hélas, n'aimait point à réfléchir. Disons qu'il n'était pas très futé dans sa tête loyale.
Il advint qu'il reçut, gravé sur de l'écorce de chêne, un message de haute tenue et qui le priait
de se rendre chez le grand Péroun, dieu des foudres et des tempêtes.
L'homme bon ayant diligemment obtempéré - comme tout homme destinataire
d'une divine missive l'eût fait  -  s'entendit alors confier une mission de la plus haute importance.
Voilà, lui dit la puissance céleste, un sac très lourd. Je te serai éternellement reconnaissant et ton nom méritera d'être inscrit sur le front des nuages si tu le portes jusqu'au Bug et l'y jettes très loin, parmi les remous les plus profonds...Je t'ai choisi parmi tous les Jadzvingues parce que tu es bon et honnête. Car il s'agira de te garder d'ouvrir ce sac, sous quelque prétexte que ce soit.
Va, mon ami, et que le Bug engloutisse à jamais ce fardeau !
Notre homme était perplexe, on s'en doute sans doute, mais promit cependant d'obéir.
Chemin faisant, il arriva au cœur d'une petite clairière qu'inondaient les pâleurs de la lune.
De esprits menaient là grands tapages, dansaient, s'enivraient, chantaient et, même, se livraient sur les mousses du sol à de suaves et frénétiques plaisirs que rigoureusement ma mère m'a défendu de nommer ici.
Ces joyeux lutins interpellèrent gaiement le brave homme croulant sous son faix, firent autour de lui  une joyeuse sarabande et se mirent en devoir de le
gentiment brocarder.
Sais-tu ce que tu portes là, sur ton dos fatigué ? Ce sont tous les vices et tous les malheurs du monde...Et tu vas les jeter dans le Bug sans même les avoir jamais vus ? Mais comment peux-tu prétendre être un homme vertueux si tu n'as jamais vu, de près, les vices et les passions des hommes ?
Ouvre ton sac, regarde-les bien dans les yeux et, ainsi, en plus d'être honnête, tu seras devenu un sage parmi les sages puisque,  ayant touché de tes mains les luxures, tu les auras bravées...
Le messager du dieu trouva, ma foi, le discours des lutins fort intelligent et, piqué par la curiosité, ouvrit tout grand son fardeau.
Tous les vices et tous les malheurs du monde s'évadèrent alors de leur prison, ricanant et poussant vers la lune des hurlements de joie, accompagnés par les applaudissements des lutins facétieux.
Le pauvre homme, jugeant, un peu tard, qu'il avait été la dupe de ces farfadets, s'en revint tout penaud vers le dieu, assis sur les foudres et les éclairs.
Est-ce besoin de vous dire que ce dernier lâcha la bonde et donna libre cours à son ire ? Et un dieu qui lâche la bonde, ça n'est jamais très bon, certes,  mais ça l'est encore moins s'agissant d'un dieu ayant en charge l'administration des orages et des ouragans.
Tu es un mauvais serviteur et un parjure. Je te condamne à l'errance éternelle, d'un point du globe à un autre, tourmenté par l'insatisfaction permanente, en proie aux éternels regrets, sans maison ni patrie.
Et le dieu saisissant un morceau du charbon avec lequel il avait coutume d'allumer les foudres, en frappa le pauvre homme, au niveau des deux épaules.
Le coupable aussitôt se métamorphosa en cigogne et le grand oiseau garda sur ses ailes l'indélébile stigmate de sa faute.

Dès lors, la cigogne n'a cessé de vagabonder, des plaines de Podlachie aux antipodes de l'Afrique, jamais chez elle.
Qui pleure son nid
en quittant chaque automne la patrie des Jadzvingues et qui regrette  amèrement la tiédeur des climats de ses exils méridionaux, chaque équinoxe du printemps revenu.

10:48 Publié dans Contes et légendes de Podlachie | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

14.04.2010

Ce champ peut ne pas être renseigné - 1 -

la si do ré.jpgVous poussiez la porte de votre maison et tous les objets dans leur agencement contemplatif et muet vous regardaient venir.
Votre quotidien s'étalait à vos yeux, immuable, serein, tel un désert au moindre grain de sable exploré et d'où se sont enfuis les sauvages espoirs de l'aventure.
Votre tête était pesante, accablée par l'épuisement des journées inutiles.
Votre être tout entier réclamait la chimie pour traverser, encore une fois, ce désert amical, ce vide aseptisé, vacciné, protégé des grandes tempêtes.
Vous aviez beau vous dire que
pousser des portes qui s'engouffraient sur du vide patiemment construit, c'était là le lot de tous les gens de la terre, que vous étiez un homme normal, vous n'arriviez pas à traverser seul les chemins balisés.
Alors votre gosier s'était creusé comme les gouffres de la mer et vous jetiez sans relâche dans ce tonneau des Danaïdes des bouteilles dénuées de tout message.

Vous en eussiez-vous ouvert à vos amis, de cette peur de rien, qu'ils ne vous auraient pas entendu, portant en eux, sans doute, le même effroi mais l'ayant, eux,  réduit au silence, sinon vaincu sous les feux de l'illusion maquillée en réel, du moins rangé au rang des tabous dangereux, des boites de Pandore à ne surtout  pas toucher.
Au mieux, pour les plus pressés à éluder, auraient-ils ouvert le premier tiroir à leur portée et déclaré que vous étiez  la proie d'un certain bovarysme.
D'ailleurs, aviez-vous des amis ?

Vous entendiez cependant au matin la première alouette monter à l'assaut des trémolos de l'azur. Oh, joie d'un ciel nouveau, comme une brosse blanche supprimant du tableau les noirs gribouillis de la veille !
Vous poussiez la porte dans l'autre sens et les arbres devant vous frémissaient d'attente, du soleil ruisselait à leurs branches pendantes et votre tête fomentait des chansons, des projets, des grandeurs de faire...Elle ouvrait sous vos pieds légers des avenues qui couraient vers des horizons flamboyants de toutes les promesses.
Comme l'astre du jour et comme l'alouette vous montiez à la conquête des espaces...Vous montiez, vous montiez, vous montiez....
Quelques heures durant.
Jusqu'à l'odeur d'essence, jusqu'au bruit poussiéreux des pas sur les trottoirs,  jusqu'aux grues suspendues aux nuages, jusqu'aux bouts de fer rouillés entrelacés sur la ville, jusqu'aux sourires idiots figés comme dans la cire d'un protocole assassin, jusqu'à ce  que ne s'étale devant vous la perspective assurée d'une nouvelle inutilité de vous.

Alors, lentement, inexorablement, vous redescendiez déjà vers les ombres du soir, vous vous arc-boutiez sous le poids  des convenances.
Huit heures sonnaient aux pendules des monuments gris. Le feu de paille se mourait.
La mer réclamait d'autres messages sans appel...
Et le monde dansait alors un moment, tel le bouffon d'une fête foraine.

Vous poussiez encore et encore la porte de la maison et tous les objets dans leur agencement contemplatif et muet vous regardaient sombrer.

Image : Philip Seelen

11:01 Publié dans Apostrophes | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

13.04.2010

Sacré Debord, va !

images.jpg" Les auteurs à opinions politiques révolutionnaires, quand la critique littéraire bourgeoise les félicite, devraient chercher quelles fautes ils ont commises."

Bon, ben, moi j'ai pas d'opinions politiques précises sur l'échiquier spectaculaire. J'ai juste un truc viscéral, humain, qui me tarabuste et m'empêche de goûter pleinement le monde à son injuste valeur.
Alors, critiques bourgeois, vous gênez surtout pas, hein, félicitez de vos critiques affinées et sans retenue mes quelques et bien maigres opus.
Le pire serait votre silence dédaigneux... Là, je me demanderais bien quelles fautes j'ai pu commettre.
Mais une faute suppose une orthodoxie...Il eût fallu commencer par là !
Et l'orthodoxie, de nos jours, elle en a des kyrielles, de visages !

11:38 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

12.04.2010

La malédiction Katyń

D’autres l’ont déjà souligné : ce qu’il y a de terrible et de traumatisant, par-delà le drame strictement humain, dans cette catastrophe où un état est littéralement décapité, c’est le lieu…
La première réaction des Polonais, dès samedi matin,  fut bien  : Non, ça n'est pas vrai ! Ce lieu nous poursuit de sa malédiction !
Difficile en effet de ne pas  faire un parallèle, fût-il osé et sans objet, entre les 22 000 officiers et intellectuels polonais assassinés en avril 40 par la police communiste à Katyń et le drame de samedi matin.
Tout cela résonne au centuple dans le cœur de chaque Polonais et je crois sincèrement qu’il fait être Polonais pour vraiment le comprendre autrement qu’avec la tête.

Les Polonais sont croyants. Pour la plupart...Ne faisons pas fi de ceux qui ne le sont pas. Ils sont tout aussi Polonais.
Mais ils sont aussi superstitieux…Et puis, tout ça se passe chez les Russes…Alors, ça n’aide pas vraiment à garder son sang froid.
Warszawa_zegna_prezydenta_4056297.jpgLes imaginations les plus folles, les délires les plus inconséquents et les suppositions les plus scandaleuses se murmurent ou, même, se disent à voix haute.
On peut comprendre : cette nation est régulièrement soumise aux  épreuves les plus dures…
Mais on ne peut évidemment pas cautionner.


La première question  à poser, à mon avis, serait :
Comment un pilote des plus expérimentés, trié sur le volet,  qui a entre ses mains la responsabilité de l’élite d’un Etat, peut-il, de son propre chef, passer outre les conseils de sécurité que lui prodiguent les aiguilleurs du ciel de Minsk et de Moscou, à savoir de ne pas atterrir à Smolensk, trop difficile, trop risqué,  vu les conditions météo ?
Le bon sens le plus élémentaire ne peut être que perplexe.

Quand on aura bien voulu répondre à cette question autrement qu’à l’aide du traditionnel, lapidaire et bien commode  « erreur de pilotage », on aura la clef du drame et les suppositions les plus folles s'écrouleront d'elles-mêmes.

Pour l’heure, respect et émotion  devant le drame humain et une pensée toute particulière pour ces membres des familles assassinées à Katyń et qui, se rendant ce 10 avril pour un hommage historique, ont trouvé, comme leurs ascendants directs, une effroyable mort dans la forêt maudite.

10:45 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

08.04.2010

Contes et légendes de Podlachie -2 -

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Les tulipes

Sur les plaines de Podlachie qu'aplatissait le souffle de la Baltique, un souffle du nord, tout gris, tout mouillé d'avoir trop longtemps couru sur l'écume et les sables lointains, l'étranger apparut un soir.
Il semblait surgir de derrière le ciel tombé sur l'horizon. Il montait un cheval ordinaire, sans éclat, sans noblesse, et lui-même n'était ni beau, ni resplendissant. Son visage était long, ses yeux semblaient mélancoliques, ses vêtements étaient pauvres sans être des haillons.
De longs cheveux jaunes flottaient sur ses maigres épaules.
La nuit allait tomber et engloutir le monde de ses ombres d'inquiétudes latentes, tant que l'étranger demanda  l'hospitalité dans un village tapi aux lisières d'une forêt antique.
Pour prix du gîte et du couvert, il offrit de  raconter des contes et de raconter  des légendes.
Toute la nuit, sa voix telle une mélopée, décrivit des guerres d'honneur et des princesses enfuies, des fleurs recouvertes de sang, des rois éperdus d'amour ou d'une cruauté sans limites, des aurores flamboyants tels des incendies, des pays inconnus que berçaient les vagues d'un océan, par-delà la forêt et par-delà la plaine, presque par-delà le monde.
L'étranger chantait plus qu'il ne racontait. Sa phrase était longue et douce, rythmée, et son verbe, haut en couleurs, brillait de tous les feux sacrés de la poésie.
Les Yadwvingues étaient sous le charme et la fille du chef buvait jusqu'à l'ivresse les chants du jeune poète. Son âme avide s'envolait très loin, très loin par-delà la forêt et par-delà la plaine, presque par-delà le monde. Un souffle brûlant soulevait sa poitrine et ses grands yeux noirs refermés sur la nuit, levés sur  les cieux inconnus, laissaient quelquefois perler entre les longs cils, une larme attendrie.
Quand blanchit enfin la plaine, le poète se tut, remercia, baisa la main de la jeune fille, plongea longtemps ses yeux dans ses yeux,  et  reprit sur la plaine sa course vagabonde.
La jeune fille le vit qui s'évanouissait entre les herbes sauvages des champs et tomba à genou, par l'amour anéantie....Le jeune poète se retourna, lui aussi éperdu de désir, mais, plutôt que de tourner bride, il fouetta son cheval et disparut au galop.

À partir de ce jour nouveau, la jeune fille, faite femme, ne connut plus que les affres du mensonge. Elle disait des « je t'aime » à un mari qu'elle n'aimait point, elle n'avait de cesse que de lui dire toute sa tendresse et, disant tout cela, s'adressait au poète que les horizons incertains avaient si cruellement englouti. À la mort de son père, son mari devint le chef du village et elle exerça sur tous les villageois un pouvoir sans douceur ni concessions, comme si elle eût cherché à se venger d'un destin contraire et voulu par la laideur de la méchanteté, effacer la beauté d'un rêve fugitif.
Un matin cependant, que l'été montait doucement à l'assaut d'un grand ciel bleu, que tournoyait là-haut l'aigle pomarin, l'étranger réapparut et, prostré devant elle, lui chanta la fin de son errance et toute l'espérance de son amour.
La femme le dédaigna, le repoussa et ne  voulut point l'entendre.
Elle le fit par son mari chasser durement du village, tandis qu'en son cœur la flamme de l'amour et la flamme de l'orgueil, le désir de partir et le désir de régner, se livraient une bataille échevelée de souffrances.
Le poète congédié sembla, cette fois-ci, s'enfoncer dans la terre, là où elle embrasse la dernière ligne du ciel, et sa voix où roulaient des sanglots, chantait toute la mélancolie du monde.
La femme au village guetta en secret, chaque jour, les brumes de l'horizon, là-bas, au-delà des herbes folles de la plaine.
Tant qu'elle en mourut de chagrin, un chagrin muet, irrémédiablement condamné au silence par l'orgueil, et que son dernier souffle fut en même temps son dernier mensonge.
Et lorsqu'on voulut l'habiller de ses vêtements mortuaires, de grosses fleurs se répandirent  soudain sur le sol, ruisselant en cascades de la froideur de son corps.
Elles avaient des calices rouges, dressés comme des flammes et un mince filet d'or brodait leurs galbes gracieux.
Elles n'exhalaient aucun parfum mais levaient très haut leur superbes têtes, hautaines et vaniteuses.

Ce furent là les premières tulipes qu'il fut donné aux hommes de voir.

13:19 Publié dans Contes et légendes de Podlachie | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

06.04.2010

Contes et légendes de Podlachie - 1 -

koden3.JPGPrésentation

D'où que l'on vienne et où que l'on soit, habiter un pays, une région, autrement que par la stricte présence d'un corps dans un espace, autrement qu'un Anglais installé en Dordogne par exemple, c'est habiter une part de sa mémoire.
C'est s'approprier les lieux dans ce qu'ils ont d'humain. Et de cette appropriation dépend la lecture qu'on fera des habitants, des paysages, du ciel, des climats et, in fine, de soi-même, tous ces éléments n'en constituant, en fait, qu'un seul.
Un homme de France né au pied des pics pyrénéens et qui ira vivre sa vie sur la plaine des Flandres, un Lorrain venant camper son voyage sur les rives de l'océan, un montagnard du sud polonais coulant ses jours sous les ciels de Podlachie, aura besoin, plus ou moins exprimé, de rencontrer la mémoire de son habitat d'accueil.
Il en aura besoin pour qu'en son cœur le sentiment d'appartenance vienne adoucir celui, manifeste ou latent, du déracinement.
Pour habiter un autre pays, une autre langue, une autre histoire, une autre culture, un autre climat, ce besoin s'est évidemment présenté à moi.
J'ai fouillé l'histoire et la géographie de cette région et, derrière tout cela, très loin et en même temps aux portes du quotidien, ses contes et ses légendes, récits antiques distribués par l'oralité, comme dans toute région et dans tout pays ; récits qui flottent autour des hommes, sans qu'ils n'en devinent forcément la présence.
Le tissu littéraire d'un habitat. Presque sa matière première.
Dans ma langue,  je reprendrai donc ici - je veux dire avec les mots que j'emploie pour écrire et décrire et non d'une autre langue à ma langue maternelle - un recueil de contes et légendes de Podlachie, écrit en français par une Polonaise, Maria Kasterska.
En quelque sorte, je réécrirai certains contes de ce recueil, je ferai  un travail d'écriture, l'auteur elle-même confiant qu'elle s'était attachée à transmettre, alors qu'elle habitait à Paris, sans aucun souci d'écriture.
Il s'agit donc d'ajouter au plaisir de savoir,  le plaisir d'écrire.
Si pour vous de lire, alors je serai comblé.

L'auteur

Maria Kasterska est née le 2 février 1894 à Varsovie, dans une famille de propriétaires terriens ruinés.
Son enfance et son adolescence se déroulent en Podlachie. Elle est  élève du collège russe de Biała Podlaska, cette partie de la Pologne étant alors sous la botte du tsar.
En 1914, elle émigre en France. Etudiante à la Sorbonne, elle y prépare avec succès un doctorat en littérature *. Elle s'intéresse surtout à la poésie latine et polonaise et aux relations entre la France et la Pologne. Ecrivain prolixe, elle  travaille aussi avec la revue « Les nouvelles littéraires », dans laquelle elle publie des critiques aussi bien que ses propres œuvres.
Entre les deux guerres, elle revient en Podlachie pour y organiser des rencontres littéraires avec les jeunes.
Interdite de publication dans les revues polonaises par les communistes, elle habite à Paris, 7 rue du Daubenton, dans le 5ème arrondissement.  Ses contes et légendes de Podlachie sont écrits en français et publiés en 1928, à Paris par la librairie Ernest Leroux.
Elle fut la première et, à ma connaissance, la seule à être couronnée du prix de l'Académie.
Décédée en 1969, elle repose au cimetière polonais de Montmorency.

Dans les dernières années de sa vie, elle a épousé un Roumain qui garde aujourd'hui précieusement ses œuvres. Ses amis ont fondé à Paris une bibliothèque roumaine, Pierre et Marie Segresco, 39 rue Lhomond, mais l'accès à cette bibliothèque est aujourd'hui curieusement inaccessible.

* Les familles nobles parlaient français et enseignaient le français à leurs enfants


La Podlachie : Eléments tirés de la préface de Maria Kasterska

Podlachie, en polonais, Podlasie, désignait une province située entre la Lituanie et les provinces de Mazovie, de Lublin et de la Prusse orientale. Elle est aujourd'hui à l'extrême est de la Pologne.
Son étymologie a deux écoles. L'une prétend au las polonais, la forêt, et pod, tout près, tout près de la forêt donc, tandis que l'autre s'en réfère aux Lach, tribu polonaise installée sur l'emplacement actuel de Varsovie. Tout près des Lach. Dans les actes du pape Innocent IV accordant
en 1253 cette terre à Boleslas, prince de Cracovie, elle porte cependant le joli nom latin de subsylvania.
La Podlachie était habitée par un peuple énigmatique, les Yadwvingues, tribu sauvage renommée pour sa bravoure et dont aucun historien n'a encore déterminé avec certitude les origines.
Certains en font une tribu scandinave, d'autres prussienne.
Le géographe grec Strabon nomme parmi les différentes tribus Sarmates, celle des Yadwvingues et situe son habitat sur les rives du Danube. Il décrit ces
Yadwvingues comme bien armés, hommes et chevaux recouverts d'une cuirasse de métal. Ovide, dans ses lettres d'exil, parle également d'une tribu nommée "les Yadwvingues." Ils auraient également été présents dans la plaine hongroise où ils se seraient appelés les Yasok, ou Yazygues. Ils sont mentionnés dans cette plaine du temps d'Alexandre le Grand et lorsque Trajan entreprit la conquête de la Dacie (actuelle Roumanie) ils s'unirent aux Daces. Plus tard, effrayés par les Huns, ils remontèrent au nord et s'installèrent en Podlachie.
Ils ne furent soumis au royaume de Pologne qu'en 1282.

C'est donc les contes et légendes de cette région que j'habite, cette mémoire d'un peuple énigmatique, que je tenterai de vous faire partager,
une fois par semaine.

14:23 Publié dans Contes et légendes de Podlachie | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

02.04.2010

Consultations mars

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Recul de la fréquentation, donc, à n'en pas douter.

Cordialement à tous et toutes.


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