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28.04.2012

Aimer faire ce que l'on fait

Deux.jpgUne fois n’est pas coutume, j’ai envie de vous parler de ce que je vais faire, à peu près, de ma vie ce week-end. Ceci dit, je ne suis pas certain que le sujet soit de nature à vous follement intéresser, mais bon… Ecrire, n’est-ce pas  surtout satisfaire - partiellement du moins -  une envie ?
Tout d’abord,  je ne suis absolument pour rien dans ce qui se prépare : il va faire très beau et même très chaud, aux alentours de 30 degrés.  Il y a deux mois, il faisait également 30 degrés, mais dans la partie congélateur du thermomètre.
Le ciel sera donc vide et bleu au-dessus des verdures premières, et il y aura certainement un léger vent, du sud, qui aura pris naissance sur les rivages de la mer noire. Je regarderai ces paysages à angle plat entrecoupés par la forêt. Il y aura du silence, du beau silence ; je serai à des années-lumière des préoccupations tapageuses du monde, notamment de celles de mon pays, qui est en train de se mordre la queue et qui, in fine, d’une colline mille fois fouillée ne sortira qu’à peine une souris.
Dans les grands bouleaux que la sève fait frémir, je guetterai le loriot. Je ne l’ai pas encore entendu. Il me tarde. J’aime cet oiseau, son chant, son habilité à se camoufler, son jaune et noir, une plume pour l’anarchie, une autre pour l’opprobre.
Je ferai tout ça en finissant de fendre mon bois. Du pin qui sent bon la résine, le jus de la forêt. Car il ne faut jamais perdre de vue le soleil : s’il monte en ce moment, pris d’une mégalomanie de lumière, je sais bien qu’il déchoira, emporté par son élan, fusillé par le grand basculement des choses et qu’un jour, les arbres se remettront à geindre sous des griffes gelées. Il faudra alors suppléer son absence par de grands feux. J’aime cette idée de travailler sous le soleil pour un temps où il ne sera plus qu’un sourire falot des  horizons en déclin. J’ai toujours aimé savoir comment je n’ai pas froid. Je n’ai jamais supporté ces maisons et ces appartements dans lesquels on ne voit pas la source de chaleur, sinon par un immonde tuyau ou un radiateur vissé au mur, laid comme le cul des chiens. La chaleur, ça a, ça doit avoir, quelque chose d’esthétique. D'humain. Sinon, c’est froid. Ça ne chauffe que la peau.
Je travaillerai donc pour construire de la chaleur à venir.
Et quand je serai fatigué ou quand descendront les ombres, je lirai. Je continuerai ma lecture d’une écriture colossale, qui m’emporte et me fait frémir. C’est un livre impromptu, tombé dans ma boîte aux lettres cette semaine. Un livre que j’avais lu dans ma jeunesse, enfin, non, vers quarante balais je crois, un livre qu’on m’avait offert à Paris. La Gana, Fred Deux, alias Jean Douassot. C’est sous pseudonyme que Maurice Nadeau avait publié le livre en 1958. La réédition de George Monti, 2011, est établie, elle, sous  le nom véritable de l’écrivain.
Je lirai et je fendrai du bois.
Je suis sûr que le loriot viendra.

Illustration : Fred Deux, photo empruntée à Georges Monti

08:17 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (3) |  Facebook | Bertrand REDONNET

25.04.2012

L'extrême-droite en France : une pantomine au service de tous

le_pen_sarkozy.jpgA mon sens, il faut d’abord comprendre l’histoire de l’extrême-droite en France depuis les années 60, savoir d’où elle vient et les objectifs qu’elle poursuit, avant de se lancer dans tout commentaire qualitatif sur ses succès électoraux depuis 1986, dont le dernier aurait eu lieu dimanche 22 avril, sous les yeux effarouchés des démocrates frileux et ceux triomphants des nostalgiques atrabilaires des Camelots du roi.
Le Front national est né d’un mouvement que nous connaissions bien lors de nos affrontements de jeunesse sur les campus des années 70, Ordre Nouveau. Ce groupuscule violent, - mais pas plus que nous autres situés à l’autre bout de la galaxie de l'idéologie révolutionnaire, bien au-delà du PCF, du PS et même des lénifiants trotskystes- souvent armé de barres de fer et autres frondes, se distinguait d’abord par le courage convaincu dont faisaient montre ses membres, n’hésitant pas à trois ou quatre seulement - je m’en souviens très bien - pour venir provoquer de leurs saluts nazis des assemblées entières où grouillaient des centaines et des centaines de gauchistes de tout bord, certains brandissant le drapeau rouge du stalinisme à la Mao ou du trotskysme emberlificoté, d’autres le drapeau noir du romantisme anarchiste, d’autres le drapeau noir et rouge de l’anarcho-syndicalisme espagnol, et d’autres encore, sans drapeau mais le verbe acerbe de la théorie situationniste aux lèvres ; ma sympathie, sinon mon appartenance, allant à ces derniers.
Disons que c’est dans leurs maigres mais fort joyeux rangs, que je comptais quelques valeureux amis, que j'ai gardés pendant des décennies.
Plus tard, la frénésie des A.G s’étant apaisée et le souffle de la révolte perdant de son enthousiasme, chacun est devenu apparemment ce qu’il était essentiellement. La plupart laissèrent en route leurs fougues pour finir au PCF ou, dans le pire des cas, au parti socialiste, d’autres, au contraire, continuèrent la bataille en apaches isolés, avec coups reçus, défaites cuisantes, enfermements psychiatriques ou cellulaires à la clef, marginalisations et, aussi, quelques victoires non spectaculaires engrangées.
De ces victoires de l’ombre qui permettent de rester propre et debout. Même avec soixante printemps au compteur. Victoire essentielle, également, pour n’avoir jamais cédé un pouce de soi-même à l’organisation de la non-vie. Victoire et, forcément, défaite totale sur le plan de la réussite sociale, cela irait sans dire si certains phraseurs-bloggueurs d’aujourd’hui, peinardement installés dans le coton du salariat systémique et dont, peut-être, les seules luttes vaillantes ont été menées en vue de l'obtention de promotions internes, n’avaient pas la prétention de venir nous donner la leçon.

Mais revenons aux assemblées post-soixante-huitardes : quand tout ce beau monde s’est dissous, le combat d’Ordre Nouveau, lui, semblait devoir finir faute de combattants. Dans la pensée de ses quelques dirigeants, le moment était donc venu de sortir des caves de la subversion pour venir affronter le monde sur son propre terrain, celui de la politique.
Ainsi ces dirigeants partirent-ils à la pêche au notable fascisant, capable de leur assurer une aura et une sorte de légitimité sur la scène politique.
Alain Robert et François Brigneau, chefs d’Ordre Nouveau, repèrent alors un certain Jean-Marie Le Pen. Un poujadiste, un ancien député de la IVe république qui a abandonné son mandat pour partir combattre en Algérie. Un para qui est revenu de ce combat honteux avec une réputation de tortionnaire et de brutalité. Tout cela fait bien leur affaire. Leur intention est d’en faire un homme de paille, une potiche, un drapeau, et d’accéder ainsi à la voix publique sous son couvert.
C’était mal connaître le bonhomme. De son propre aveu : cela ne m’intéressait pas de parader à la tête d’un groupe de jeunes gens énervés.
Son ambition est de fonder un grand parti à la droite de la droite. L'homme est un pragmatique et il phagocytera tout le monde, après que le gouvernement eut interdit en même temps la Ligue communiste révolutionnaire et Ordre Nouveau pour leurs affrontements, bénis par le stratège Le Pen,  à la Mutualité en 1973.

L’auteur du premier programme du Front National est alors un jeune loup, aujourd’hui ministre de Sarkozy, ministre de la défense, excusez-moi du peu : Gérard Longuet, plus tard compromis dans des affaires de haute corruption… Dans cette mouvance de jeunes fascistes, venue d’Ordre Nouveau et du mouvement Occident, on trouve aussi un certain…Patrick Devedjian. Que du beau monde, donc, autour du Président républicain !
D’autres cadres sont recrutés au FN et je vous laisse apprécier leur honorable  pedigree :
- Victor Barthélémy, engagé volontaire chez les SS,

- François Gauchet, collaborateur qui reprochait à  Pétain d’être trop mou quant aux directives données par Hitler,
- Léon Gautier, ancien milicien, grand chasseur de résistants,
- François Duprat, néo-nazi activiste, assassiné par on ne sait toujours pas qui et dont le FN fera un martyr…

La suite, on la connaît. L’ascension du Front National, Le Pen médiatisé éructant ses fantasmes sur la place publique. Ça, il le doit essentiellement à Mitterrand qui, encore plus fin que lui dans l’art de la perversion politique, répond favorablement à sa demande écrite d’être admis sur les plateaux de télévision au même titre que les autres leaders politiques. Le Président dit socialiste compte sur la montée de l’extrême droite (dont il connaît tous les mécanismes, et pour cause) pour faire exploser son opposition officielle, la droite parlementaire. La machine est enclenchée. Le Pen fait de l’audience, les médias le considèrent donc comme un excellent client, bien juteux pour leur tirelire et lui offrent régulièrement leurs plateaux.
L’ogre est sorti de sa caverne et crache sur le soleil pâlot de la démocratie désastreuse.

Le même Mitterrand ouvre au Front National les portes du Palais Bourbon avec son bricolage de proportionnelle en 1986 et c’est là que la machine fasciste commence à s’enrayer. Elle ne s’enraye pas dans la défaite, mais bien dans le succès. Vitrolles, Orange, des mairies sont conquises. Maigret, enthousiaste, s’écrie alors devant le chef : "Nous sommes prêts ! Nous sommes à deux doigts de prendre le pouvoir !"
Ce à quoi, flegmatique, Le Pen répondra : "Dieu nous en garde !"
Le rideau tombe douloureusement sur l'ambition chauffée à blanc des jeunes cadres du FN : Le Pen ne désire pas le pouvoir, ne l’a jamais désiré. Il s’y perdrait. Ce qu’il veut, c’est conduire son parti, le gérer comme on gère une PME, en chef incontestable, et qu'il  pèse dans le paysage, qu'il soit incontournable, qu'il fasse et défasse des rois, pollue tout le débat républicain, le pervertisse et l’accable, que chacun de ces saltimbanques démocrates soit contraint et forcé de se positionner par rapport à lui.
Sa victoire est alors totale quand Chirac, piteux, lui demande une entrevue entre les deux tours de l’élection présidentielle de 1988. Mitterrand est aux anges : les loups se prennent à la gorge et, lui, d’un œil plus apaisé que jamais, fait mine de veiller à la tranquillité républicaine d’un troupeau d’imbéciles.
Mais le grand victorieux est in fine Le Pen. D’une intelligence redoutable et d’un talent politique remarquable, il a tout compris du spectacle et s’est attribué, à l'intérieur de ce spectacle, le rôle qu’il a toujours voulu y jouer. Etant certain que ses outrances ne seraient jamais applicables dans un programme de pouvoir, il en est d'autant plus fort pour les défendre avec la conviction que l'on sait, maniant en même temps la contradiction et la provocation verbale. Chaque scrutin est donc pour lui une victoire en ce qu'il frôle de très près la ligne entre opposition battue et élection réussie, en prenant toujours grand soin de ne pas franchir cette ligne qui l'enverrait tout nu devant la nation et l'obligerait à mettre en pratique l'impraticable. Qui le priverait, donc, de la parole.
Sur cette lisière subtile de l'échec réussi est l'avenir, la survie, de son personnage politique. Et là seulement.

Alors la question qui se pose aujourd’hui : Marine Le Pen est-elle dans la stratégie de son père ou dans celle de Maigret ?
Je serais tenté de dire qu’elle est dans la stratégie de son père. Celui-ci ne lui a pas donné les clefs d’une boutique construite de si haute lutte sans promesses résolues faites sur l’avenir. Il lui a donné les clefs de la pérennité, et, dans ce cas, la France entière est manipulée, 18 pour cent de ses électeurs votent pour l’ambition d’une dynastie de bouffons qui ne veut surtout pas les représenter, la France est pervertie dans son fonctionnement, elle assiste à un ballet répugnant dont les citoyens sont les instruments décoratifs, ballet auquel se prêtent avec complaisance et profit tous les acteurs de la vie politique.
Au premier rang desquels sont les deux rescapés du premier round de la farce tragique, mi-élus, mi-nommés par les tout-puissants sondages.

12:46 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : littérature, politique |  Facebook | Bertrand REDONNET

23.04.2012

La France, triste émule de la Hongrie

1588722327.jpgLa cinquième impuissance mondiale a roté voté.
Faut-il en prendre note autrement qu’en baissant la tête parce qu’un sur cinq de ces «voteurs» est un abruti d’extrême droite ?
Que dis-je ? Bien plus que ça, en fait… Car dans ce que le petit pervers de l’Elysée a pu engranger, se cache au moins une bonne moitié qui n’en pense pas plus trivialement.
Le ventre de la bête immonde, banalisée depuis plus de trente ans par les médias, dans les têtes, dans les cœurs, dans les propagandes, régulièrement remis à la Une par des drames spectaculaires (au sens premier du terme) dont on se demande comment ils peuvent survenir, s’étale désormais sans vergogne et sans tabou sur la place publique.
Triste pays, que j’aime pourtant, triste époque, que je vis pourtant, triste Europe, qu’on m’impose pourtant, tristes hommes, dont je suis pourtant !
Et tristes imbéciles du confusionnisme intéressé qui, dans leur rejet épidermique du socialiste - oh, que je peux comprendre ! - marchent dans la merde jusqu’aux genoux en se disant incommodés par une autre odeur, délétère, mais pas encore à la portée de leurs narines, celle-là. Des fascistillons par anticipation intellectuelle.
Mon sentiment ce matin s’apparente à de la honte. Rien de ce qui a été vécu, enseigné, dit, pensé sur les dangers de la haine en histoire n’a été retenu par les esprits reptiliens des urnes dominicales. Qu’y faire ?

La Pologne qu’on glose, en faisant le laïc éclairé, pour être catholique - certes, elle l’est à m’en faire parfois frémir - n’oserait jamais donner vingt pour cent de ses voix à un discours systématique de rejet de l’autre, un discours de détestation, d’orgueil national et de visées barbares. Je le sais bien. Je le vis. Je suis un étranger, un athée assumé, et ne vois autour de moi pour m’accueillir que gentillesse et urbanité.
La Pologne sait trop, elle, que la haine finit toujours par tremper son drapeau dans le sang. Ce que semblent
encore ignorer - à moins qu'ils ne le désirent - vingt pour cent de citoyens de chez Rousseau et Montaigne.

Je n’ai jamais rien attendu des hommes de la politique pour tenter d’être heureux. Pour changer le monde de la marchandise pure en monde humain.
Mais, pour l’étiquette, pour un sursaut de dignité, je souhaiterais vivement que le socialiste déclare sans ambages préférer perdre cette élection plutôt que d’avoir à se compromettre avec toute la racaille d’extrême droite. Qu’il laisse aux valets de la grande finance le soin de se tremper les doigts dans l’infecte mélasse de la perversion des esprits.
Ils en ont déjà le discours. Leur manque plus que l’audace de ce discours ; audace que leur légitimeront bientôt les isoloirs et les intellectuels à la ramasse.
Mais je ne rêve pas trop. Du moins pas à un sursaut de dignité de la politique. Une élection se gagne par queues de poisson exécutées par des ambitieux devant d'autres ambitieux en même temps qu'une forêt de pieds-de-nez en direction des électeurs.

Image : Philip Seelen

12:17 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : littérature, politique |  Facebook | Bertrand REDONNET

21.04.2012

Ciel, un ciel !

littératureDepuis le temps qu’il y a des hommes et qui ont au-dessus de leur tête un firmament, peu sont venus pour le contempler d’un juste regard.
Ou du moins sont-ils dramatiquement de moins en moins nombreux, si je m'en réfère à ce que j'ai lu récemment.
C’est pourtant beau, un ciel, la nuit quand la nuit est sans nuage. Merveilleuse mise en scène d’un univers chaotique, fait de gaz et de roches, de trous noirs, de feu, de déluges vindicatifs et d’explosions titanesques, mais qui, vu de si loin, vu de la prairie qu’enveloppent les ténèbres, ne semble dispenser ses paisibles et innocents clins d’œil que pour l’émerveillement du poète ou les considérations pascaliennes des esprits en mal de philosophie.
Le ciel est une illusion d’optique, mais quelle illusion ! Tellement prégnante que l’art, et en particulier la littérature, s’en est emparé au point de reléguer
au rang d'un affligeant poncif toute considération esthétique sur le sujet .
N’est-ce pas ?
Sans doute. Mais il y a cette surpopulation de la planète, fortement concentrée dans les grandes métropoles, et qui, force lui fut faite, opta pour les éclairages publics, sortes de forêts de lumière qui cachent l’arbre des lueurs.
Ainsi, lors du tremblement de terre de Los Angeles en 1994, l’immense cité s’était-elle
soudain retrouvée plongée dans l’obscurité totale et les services de secours avaient alors été inondés d’appels - bien sûr, c’est normal - mais beaucoup d’entre eux pour signaler dans le ciel la présence de phénomènes inquiétants et qui faisaient mention absolument paniquée d’une attaque d’extra-terrestres : il s’agissait en fait de la voie lactée, pour la première fois aperçue par de nombreux habitants ! 

08:00 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

20.04.2012

Même les plus grands...

200px-Gustave-Flaubert2.jpgÈcrire un livre qu'on se propose de proposer à l'édition demande des soins exigeants, minutieux, moult relectures dans l'ombre... Précisions qui s'ajoutent, passages qu'on biffe, mots superflus qu'on raye, traits de caractère qu'on peaufine, dates qu'on vérifie, inepties qu'on s'empresse de mettre à la poubelle, allusions historiques dont on prend soin qu'elles soient effleurées à bon escient...
Forcément, quand on pense en avoir fini, qu'on ne trouve plus rien à retoucher, on se dit que, cette fois-ci, le manuscrit est paré pour la grande aventure.
La correction des épreuves vient alors apporter la démonstration du contraire. Les échanges avec l'éditeur sont, à ce niveau-là, d'une importance capitale et d'un
indéniable enrichissement. On est même fort surpris de n'avoir pas vu certaines  choses, d'avoir laissé passer quelques incohérences.

Et puis, le livre est sous presse. Alea jacta est, le Rubicon en moins. Et on se dit que, sans doute...

Nous savons, à ce titre, que Flaubert plancha cinq ans sur Madame Bovary, refit dix fois les mêmes phrases et livra au bout de son travail acharné un immortel monument à la littérature.
Style d'une perfection quasi absolue, mots aiguisés comme des rasoirs, scènes décrites à la loupe, les âmes fouillées comme au scalpel. Ses contemporains, hélas, n'y verront que l'exposé d'une dépravation des bonnes mœurs et un procès. C'est vraiment con, des contemporains !
Seuls, peut-être, Baudelaire et Hugo salueront un chef-d’œuvre.

Et bien malgré tout ça,  je relève, assez perplexe :
Emma a rendez-vous avec son amant Rodolphe sous la tonnelle du jardin. Leur départ - du moins le croit-elle - est enfin décidé après une kyrielle d'atermoiements mensongers.  Il est soi-disant prévu pour le lundi 4 septembre et nous sommes le samedi 2 septembre.....
La lune monte  au-dessus de la prairie, les ombres des grands peupliers s'étirent, les deux amants sont enlacés, quoique, dans leur âme, ils soient à des années-lumière l'un de l'autre.
La nuit embaume des odeurs du...seringa !
Jamais vu, et ne verrai sans doute jamais, de seringa fleurir en septembre, pas plus que d'orangers sur le sol irlandais.
Comme quoi...
Modestie, modestie...Outre les soins apportés à la rédaction, c'est bien ce qui doit animer, en tout premier lieu, l'homme qui se met en devoir d'écrire.

12:20 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

19.04.2012

Présidentielles élections

LE SIEUR HOLLANDE :

 LE SIEUR SARKOZY :

 LE RESTE DE LA CLIQUE :

Le Roi boiteux

Un roi d'Espagne, ou bien de France,
Avait un cor, un cor au pied;
C'était au pied gauche, je pense;
Il boitait à faire pitié.

Les courtisans, espèce adroite,
S'appliquèrent à l'imiter,
Et qui de gauche, qui de droite,
Ils apprirent tous à boiter.

On vit bientôt le bénéfice
Que cette mode rapportait;
Et de l'antichambre à l'office,
Tout le monde boitait,boitait.

Un jour, un seigneur de province,
Oubliant son nouveau métier,
Vint à passer devant le prince,
Ferme et droit comme un peuplier.

Tout le monde se mit à rire,
Excepté le roi qui, tout bas,
Murmura: "Monsieur, qu'est-ce à dire ?
Je vois que vous ne boitez pas."

"Sire, quelle erreur est la vôtre!
Je suis criblé de cors, voyez :
Si je marche plus droit qu'un autre,
C'est que je boite des deux pieds."

Gustave Nadaud - Musique G. Brassens

10:17 Publié dans Musique et poésie | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature, politique |  Facebook | Bertrand REDONNET

18.04.2012

Le calcul et la vie

P1150150.JPGAssez dramatiquement amusé de m'être récemment livré à quelque mathématique distributive sur ma vie, alors que je fendais du bois, au soleil de printemps et aux lisières de la forêt. Car quand on fend du bois, on pense à tout, sauf à fendre du bois, bien sûr.
A soixante balais, donc, et selon les normes qui établissent que l’homme dort en moyenne huit heures par jour, j’ai dormi pendant 20 ans !
Ça me fait froid dans le dos et ça me donne soudain envie de bâiller. Pas vous ?
Sur les 40 restants - et bien que j’aie toujours fui comme la peste le travail salarié - j’ai quand même travaillé pendant 22 ans !
Vous pensez bien que je n'archive pas ces 22 années au rayon de ce qui constitue l’art de vivre... Je les en retranche même d’une soustraction rageuse.
M’en reste donc plus que 18. Ça ne fait pas lourd, tout ça ! Et encore, bon an mal an, je considère que si je mets bout à bout, dans ses dix-huit ans, les moments où je me suis profondément ennuyé, il faut que je retranche encore, disons... Allez, deux ans.
La portion congrue laissée à la jouissance de vivre s’élève donc - s’abaisse plus exactement - à 16 ans  !

Du coup, je me suis assis sur un vieux tronc d’arbre, ma lourde hache posée entre mes cuisses. J’ai allumé une clope et j’ai écouté le vent dans les pins et les oiseaux de si loin revenus qui se chamaillaient dans les sous-bois. Et je me suis dit que là, j’étais en train de vivre… Mais quelle misère, tous ces gens qui sont allés, vont, ou iront jusqu’à quatre-vingt printemps, qui auront porté le joug du salariat pendant quarante quatre ans et dormi  pendant vingt six !
Faites le calcul : ils auront passé 10 ans sur terre ! Pour peu qu'ils se soient fait chier pendant deux ou trois ans, de-ci, de-là, ces respectables vieillards ne seront plus, quant au plaisir de vivre, que des têtes blondes en culottes courtes.
Les pauvres !

Un des graffiti de Mai 68, laconique, aigu, précis, lapidaire telle l’arme de précision, un des plus beaux, le plus beau même, prévenait pourtant : VITE !

Illustration : pour ceux d'entre vous qui ont lu Polska B Dzisiaj et, surtout, Le Théâtre des choses, voici Cigogneau sur nid venant de me "taper" une cigarette, lequel Cigogneau, depuis 5 ans, me dit qu'il a 80 ans !
Il a tout compris des sournois calculs de la vie, lui, Cigogneau !

10:27 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

16.04.2012

Pouvard et Bécuchet

bouvard-et-pecuchet_couv.jpgEn cessant de publier pour un temps sur ce blog, j’attendais aussi un déclic.
Qui n’est pas venu, celui du recul et du plaisir reconquis à babiller mes émois  sur l’Exil.
Force m’est alors faite de constater que j’ai perdu une bonne part du goût que j’avais à écrire ici. Du moins à la cadence où je le faisais auparavant.
Je me suis retrouvé en effet avec beaucoup plus de temps libre, aussi bien au niveau de la pendule solaire que de la tête, et j’ai consacré ce temps à la lecture, à la relecture-corrections de manuscrits, à des occupations diverses de la campagne, "fendage" du bois, balades… Bref, beaucoup de choses données en contrepartie du silence, alors que l'illusion de la parole même ne m’apportait plus rien.
Je reviens donc, bêtement et contradictoirement, plus persuadé que lorsque je suis parti du fait que tenir un blog relève de cette bêtise vaniteuse dont les parangons littéraires pourraient bien être Bouvard et Pécuchet. Une activité de copiste du monde sans aucune utilité quant à la marche de ce monde. Une activité qui veut tout embrasser à la fois et qui, effleurant ce tout du bout de ses doigts maigres et virtuels, ne touche absolument à rien, exactement comme les deux imbéciles flaubertiens qui expédient tour à tour l’agronomie, l’arboriculture, le jardinage, la conserverie, la distillerie, la chimie, l’anatomie, la physiologie, la médecine, la nutrition, l’astronomie, la zoologie, la géologie, l'archéologie, la littérature, la politique, l'amour, la philosophie, la gymnastique, le spiritisme, la religion, l'éducation, l’histoire naturelle et qui, finalement, ne comprenant rien à rien en ayant néanmoins un avis important sur tout, en reviennent à leur infâme besogne de copistes.
Avec ces deux niais, Flaubert avait fait le projet d’écrire une sorte d’encyclopédie de la bêtise humaine. Il s’est noyé dans l’accumulation de sa documentation, plus de 1500 livres inutiles, plus ennuyeux les uns que les autres, il s'est fait bouffer par ses deux personnages jusqu'à en devenir, presque, ces personnages mêmes, et, survenant la Faucheuse, il  n’a pas mené son projet à terme.
Mais s’il y a encore un Flaubert dans la salle, je suis sûr qu’il pourrait reprendre le flambeau et mener à bien le projet de l’écrivain en recopiant les milliers de blogs de cet espace de liberté de l'enfermement qu’on appelle Internet. De celui de la mamie qui raconte son chat à celui de l’intellectuel critique littéraire qui se prend pour tout sauf pour une merde, en passant par le mien et tous les autres.

Quand on est seul dans la campagne, qu’on y est bien, dépollué du bavardage, on a parfois des idées idiotes. Les idées de la solitude apaisée. Vous le savez aussi bien que moi. Mais vous ne l’écrivez pas. Vous n’êtes pas si c… Un après-midi, assis sur l’herbe fraîche enfin retrouvée après des mois ensevelie sous la neige, donc, j’observais deux grands corbeaux, énormes, des vrais, aux envergures puissantes, de ceux qui jadis hantaient les gibets et les champs jonchés des putréfactions guerrières. J’aime ces oiseaux à sinistre réputation, car ce que les névroses humaines qualifient de patibulaire a forcément une certaine noblesse. Le soleil sur leurs épais plumages renvoyait des éclairs bleutés. Ils virevoltaient lourdement à la frontière des prairies et des forêts et s’apprêtaient à s’aimer, à échafauder un nid dans les parages. Ils se poursuivaient en donnant des cris rauques, montaient vers les nuages blancs, se laissaient un moment porter, redescendaient, revenaient à leur branche et lustraient là leurs plumes, avant de s'envoler derechef sous le ciel venteux. Je me suis dit alors que ces deux oiseaux, s’ils tenaient un blog n’auraient pas grand chose à dire mais que cette chose là serait plus élégante que tous les textes que j’ai pu écrire ici ou lire sur les divers blogs, parce qu’ils voyaient le monde d’en haut et qu’ils n’étaient préoccupés que d’eux-mêmes, sans souci de le faire savoir à qui que ce soit…

Je regrette beaucoup qu’on ait tué en nous l’animalité au profit d’un ersatz culturel qui fait de notre éphémère passage un accident in-signifiant et de notre cerveau un photocopieur qui se croit un créateur.
Je crois aussi que si l’écriture est un art, elle mérite mieux que ces apparitions sporadiques sur fond d’écran, où elle semble s'amuser à combler son vide.

14:27 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET