18.04.2012
Le calcul et la vie
Assez dramatiquement amusé de m'être récemment livré à quelque mathématique distributive sur ma vie, alors que je fendais du bois, au soleil de printemps et aux lisières de la forêt. Car quand on fend du bois, on pense à tout, sauf à fendre du bois, bien sûr.
A soixante balais, donc, et selon les normes qui établissent que l’homme dort en moyenne huit heures par jour, j’ai dormi pendant 20 ans !
Ça me fait froid dans le dos et ça me donne soudain envie de bâiller. Pas vous ?
Sur les 40 restants - et bien que j’aie toujours fui comme la peste le travail salarié - j’ai quand même travaillé pendant 22 ans !
Vous pensez bien que je n'archive pas ces 22 années au rayon de ce qui constitue l’art de vivre... Je les en retranche même d’une soustraction rageuse.
M’en reste donc plus que 18. Ça ne fait pas lourd, tout ça ! Et encore, bon an mal an, je considère que si je mets bout à bout, dans ses dix-huit ans, les moments où je me suis profondément ennuyé, il faut que je retranche encore, disons... Allez, deux ans.
La portion congrue laissée à la jouissance de vivre s’élève donc - s’abaisse plus exactement - à 16 ans !
Du coup, je me suis assis sur un vieux tronc d’arbre, ma lourde hache posée entre mes cuisses. J’ai allumé une clope et j’ai écouté le vent dans les pins et les oiseaux de si loin revenus qui se chamaillaient dans les sous-bois. Et je me suis dit que là, j’étais en train de vivre… Mais quelle misère, tous ces gens qui sont allés, vont, ou iront jusqu’à quatre-vingt printemps, qui auront porté le joug du salariat pendant quarante quatre ans et dormi pendant vingt six !
Faites le calcul : ils auront passé 10 ans sur terre ! Pour peu qu'ils se soient fait chier pendant deux ou trois ans, de-ci, de-là, ces respectables vieillards ne seront plus, quant au plaisir de vivre, que des têtes blondes en culottes courtes.
Les pauvres !
Un des graffiti de Mai 68, laconique, aigu, précis, lapidaire telle l’arme de précision, un des plus beaux, le plus beau même, prévenait pourtant : VITE !
Illustration : pour ceux d'entre vous qui ont lu Polska B Dzisiaj et, surtout, Le Théâtre des choses, voici Cigogneau sur nid venant de me "taper" une cigarette, lequel Cigogneau, depuis 5 ans, me dit qu'il a 80 ans !
Il a tout compris des sournois calculs de la vie, lui, Cigogneau !
10:27 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature | Facebook | Bertrand REDONNET
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