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30.03.2009

Sans titre

Parce que la viande était à point rôtie
Parce que le journal détaillait un viol
Parce que sur sa gorge ignoble et mal bâtie
La servante oublia de boutonner son col

Parce que, d'un lit grand comme une sacristie,
Il voit sur la pendule un couple antique et fol
Et qu'il n'a pas sommeil et que sans modestie
Sa jambe sous le drap frôle une jambe au vol

Un niais met sous lui sa femme froide et sèche
Contre son bonnet blanc frotte son casque à mèches
Et travaille en soufflant inexorablement

Et de ce qu'une nuit sans rage et sans tempête
Ces deux êtres se sont accouplés en dormant
O Shakespeare, et toi Dante ! il peut naître un poète.

Stéphane Mallarmé - Gallimard NRF/Poésies 1998 - Page 156

10:47 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

27.03.2009

La conjuration du sablier

arbre.jpgLa plaine qui n’ondulait jamais était humide et la forêt tout au bout mettait brutalement fin à son destin de plaine.
C’était un mur de pins sombres où bataillait le vent, la forêt, et c’était vers ce mur que je marchais, cependant que le soleil tout pâle glissait sur les dernières plaques de neige. Derrière moi, il n’y avait rien. Que du souffle invisible sur le silence de mon histoire.
J’ai levé les yeux au ciel. J’y  cherchais un oiseau, j’y cherchais un voyage qui pût me rassurer du mien, me chuchoter tu n’es pas si seul dans la désespérance, pas si perdu dans tes errances, regarde la blessure fatiguée de mes ailes, regarde l’immensité des nuages à l’assaut desquels me porte cette blessure, regarde le sang par les vents injecté dans mon œil, vois l’impossibilité de mes chimères ataviques et vois la mort au bout sans qu’aucun vide, nulle part, ne s’inscrive sur la face du monde. Mort anonyme. Sépulture introuvable. Néant dérisoire.
Mais le ciel était muet. Pas même un nuage en forme d‘allégorie, de ces nuages qu’on lit, comme des monstres ou comme des jouets,  quand on a refermé tous ses livres.

Je marchais vers la forêt parce que j’y avais cru voir la silhouette chancelante d’un homme. On ne voit pas beaucoup d’hommes par ici. On ne voit que la plaine et sa toile de  fond, le rideau des pins.
Que viendraient faire ici les hommes ? Depuis longtemps mon pacte avec eux avait été rompu. A tel point que même là, sous le vent, sur la neige éparse et sous le ciel immaculé, la forêt semblait reculer devant moi, comme si elle refusait que je la rejoigne, comme si sous mes pas s’allongeait la plaine et comme si l’intrus échoué là bas, à la lisière, s’obstinait à repousser l’échéance d’une rencontre.
C’est alors que j’ai vu l’oiseau. Non. J’ai d’abord vu son ombre qui se déployait sur le sol. Après seulement, j’ai reconnu un corbeau. Un vrai corbeau. Pas une de ces corneilles ou autres freux qui habitaient là-bas, autrefois, sur les marais et les labours paisibles des brises océanes. Un grand corbeau. Un lointain consanguin des nettoyeurs d’Austerlitz. Tellement noir qu’il m’en a semblé  bleu.
Il a plongé sur la lisière et je me suis arrêté tout net. C’était un signe. Je devais m’arrêter là. Il  y avait de la mort blottie sous l’envergure puissante de ses ailes.
La forêt est venue jusqu’à moi. Un nuage est passé et le soleil s’est tu, vaincu par la pénombre.
L’oiseau picorait avec force délectation les yeux de l’homme sur le sol étendu. Le mort n’était pas mort et se prêtait au jeu. Il embrassait le bec et caressait la plume à chaque lambeau de chair arraché à sa vie.
Quelqu’un a frappé. J’ai cru. C’était le vent qui secouait violemment les volets.
En sursaut, j’ai regardé par la fenêtre. La lune dormait encore entre deux branches livides.
Je me suis levé. J’ai bu la dernière eau-de-vie de mon histoire et me suis mis à écrire.
Je n’ai depuis lors jamais cessé de tenter de remonter le temps.
Faire reculer la forêt.

Image : Philip Seelen

10:05 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

26.03.2009

En attendant le dégel...

 

Incompréhension.jpg

IMAGE : Philip Seelen

08:20 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

23.03.2009

Tempête

DSC04669.JPG

(Premières et dernières lignes d'un roman qui ne verra jamais le jour)

C’en était presque effrayant.
L’hiver hurlait des souffles gonflés de pluie et les arbres se tordaient en tous les sens en sifflant telles des âmes errantes, prises d’épouvante. Des nuages épais et si noirs qu’on les eût dit chargés d’encre ou de charbon, traversaient le ciel au triple galop et déversaient des trombes furieuses sur les chemins qui ruisselaient.
Des tôles mal arrimées aux portes des granges ou aux lucarnes des fenils, battaient violemment au vent, tandis qu’allongés de tout leur corps devant les feux, absolument indifférents aux vacarmes du dehors, les chats ronflaient.
Mais des turbulences s’engouffraient parfois dans les cheminées, chahutant la flamme qui devenait rouge et se mettait à vrombir. Des brandons incandescents étaient alors projetés dans la fourrure épaisse des mistigris. Ils se réveillaient en sursaut, s’ébrouaient, maugréaient, trottinaient jusqu’à leur pâtée comme des automates et reprenaient leur sieste.
Les fumées sur les toits se couchaient au ras des tuiles et filaient sous la noirceur du ciel, où elles s’évaporaient aussitôt, comme diluées dans les tourbillons.
Sur les labours et les tout jeunes blés, sur les marais, sur les prairies et sous les peupleraies, les fossés et les canaux avaient depuis quelques jours déployé une grande nappe d’eau qu’agitaient de courtes mais brusques vaguelettes. Des colonies inquiètes de mouettes et de goélands délogées de leurs falaises et de leurs plages par l’incessante tempête, y voguaient, moroses, en attendant que les cieux retrouvent la sérénité,  que le vent tourne au nord ou à l’est, que la gelée des matins perle enfin sur l’herbe des fossés et que le pâle soleil de décembre réapparaisse.
Le vent ébouriffait leur plumage blanc.
Mais pour l’heure, les jours étaient noirs comme des nuits et sanglotaient d’un crachin nerveux, fouetté par la bourrasque.
Un gros cargo battant pavillon panaméen, venant d’Anvers, était en détresse au large d’Oléron. La télé en parlait et montrait des images d’écumes vociférantes se jetant à l’assaut du mastodonte en perdition, lui harcelant les flancs de puissants coups de butoir, comme avec une opiniâtre volonté de le vouloir fracasser.
Pris au piège des éléments, le titan des mers gîtait dangereusement, tanguait et semblait même vouloir piquer du nez, tel un monstre marin surgi des profondeurs abyssales et qui tenterait, touché à mort, de s’y réfugier.
On finit tout de même par annoncer que la tourmente avait jeté par-dessus bord neuf fûts de la cargaison, neuf fûts d’un terrible poison, avec un nom imprononçable et long comme un jour sans pain. Ils dérivaient sans doute vers les côtes charentaises. Ou bretonnes. Vendéennes peut-être, voire celles de l’Aquitaine. En tout cas, interdiction absolue était formulée, d’un ton grave et responsable, d’y toucher si par hasard un promeneur - follement audacieux par ce temps de chien - venait à en découvrir un, gisant sur le sable ou échoué parmi les rochers.
C’était dangereux. Voire mortel.
Il fallait vite le signaler aux autorités si vous veniez à trébucher sur une de ces ordures.


Deux jours et deux nuits durant, le vent mugit, ne faiblissant que par instants, comme pour reprendre son haleine et repartir de plus belle à l’assaut des villages et des bois.
Pas question par ce temps de chien d’aller abattre en forêt sans risquer d’y périr écrasé sous un arbre.
Quentin était donc cloué à la maison près de la cheminée. Comme le chat.
Il naviguait des rideaux de la fenêtre, qu’il écartait pour voir si la tempête ne manifestait pas quelque signe d’épuisement, jusqu’au baromètre qu’il tapotait de son index, vingt fois par jour, comme si ce geste nerveux eût été capable d’inverser la tendance.
Mais l’aiguille ne remontait pas, désespérément bloquée en dessous des mille hectopascals.
Quentin revenait alors s’asseoir près du feu, reprenait son livre, lisait trois pages sur la bataille de Borodino et les grandes manœuvres opposées de Koutouzov et de Napoléon, vaste partie d’échecs où s’éventraient des hommes, tâchait d’apprécier les visions épiques de Tolstoï puis, refermant l’ouvrage, caressait le chat et en revenait à sa fenêtre et à son baromètre, non sans avoir, à chaque voyage, fait le détour par la cuisine, sur la table de laquelle trônait une bouteille de vin, flanquée de son verre.
Sa femme l’observait du coin de l’œil et bougonnait. Il n’en avait pas marre de s’agacer en rond, comme ça ? Est-ce que ça changeait quelque chose qu’il se tourne les sangs en eau de Javel ? Ça finirait bien par se taire, cette tempête….
Alors il prenait sa guitare, égrenait deux ou trois accords mineurs et revenait à Tolstoï, à la fenêtre, au baromètre et au chat, ou bien il allumait la télé, cliquait sur toutes les chaînes et l’éteignait aussitôt en pestant contre tant d’imbécillités.
- Tu devrais tout de même aller voir à tes oiseaux.
- Je ne veux pas me prendre une tuile sur le coin de la gueule. Ou une tôle qui me sectionnerait le cou…
Mathilde riait :
- Tu exagères. Il faudra bien que je sorte pour mes visites, moi.
- J’ai mis une protection. La volière est à l’abri…Si mon rideau a tenu le coup… Ce qui m’inquiète, c’est le retard de la coupe. J’aurais dû la finir ces jours-ci. La replantation est prévue pour début janvier.
- Ils la retarderont, voilà tout. Tu n’y es pour rien.
- Tes malades attendront aussi. Tu n’y es pour rien non plus.
- Tu dis des bêtises.

15:42 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

20.03.2009

Tout simplement parce que...

Parce que nous avons, dans ce qu'elle a d'essentielle de joie et de tristesse, la même lecture du monde, Philip Seelen m'a offert de mettre en ligne quelques uns de ses regards sur les paysages.

Regards de poète. Regards de celui dont le monde s'inscrit à la pupille et qui nous le restitue en images. Plus condensé, par lui réfléchi.

Merci, Philip, pour cette empreinte gravée ici par l'amitié.

Rêveries solitaires.jpg

Rêveries solitaires

 

Solitude.jpg

Solitude

 

Murailles des peines.jpg

Murailles des peines

 

Moi !.jpg

Lui !

 

Le Retour.jpg

L'éternel retour

 

13:27 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

18.03.2009

Le sacerdoce du crime

photo_1221414270230-7-0.jpgNous sommes en 2009.
Nous avons derrière nous 2009 ans d’oppression des âmes par la chrétienté, nous avons les innommables tortures de l’Inquisition, arrachages de langues, yeux crevés, défenestrations, les bûchers, les massacres catholiques des guerres de Religion, le sang des Albigeois, les séquestrations dans les couvents, avec rapts, viols et tortures, découverts en 1989,* le silence complice au cours de "la solution finale", l’interdiction d’avortement pour les jeunes filles bosniaques violées par les soldats serbes...etc.
Nous sommes en 2009 et ils pavoisent de plus en plus fort ! Ils ont Benoît je ne sais combien et sa répugnante idéologie du crime et du mensonge.
Ancien serviteur des jeunesses hitlériennes, ce Tartufe perché sur la plus haute branche de la croix, croassait il y a quelque temps, à Auschwitz même, que l’holocauste n’était le fait que d’une petite poignée de criminels !
Il a refusé récemment d’excommunier un évêque fasciste et négationniste.  Un des siens.

Il proscrit aujourd’hui, en Afrique et devant le monde entier, l’utilisation du préservatif sur un continent où les hommes, les femmes et les enfants ravagés par le virus du sida, sont tués par milliers !

Je le crie ici et j’en prends l’entière responsabilité : Cette déclaration ne peut relever que d’un esprit  profondément criminel ou irresponsable jusqu'au désastre !

Ce qui, vu la charge de l'auteur de cette ignominie, revient exactement au même.

 

* Voir Jules Michelet " Histoire de la Révolution française"

13:24 Publié dans Critique et contestation | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

13.03.2009

Etre écrivain - Dernière suite, enfin !

Finalement, tout ce débat, c'est du blabla, de la bouillie pour les chats errants, de la crotte de chiens faméliques.

De l'écume aux lèvres désoeuvrées de la planète solitude.

De l'onanisme besogneux à l'ombre des forêts crevées.

Parce que, être écrivain, du moins le devenir, c'est simplement ça :

Le lien ne fonctionne pas, alors copiez/collez. Ça vaut le détour.

http://www.lemotif.fr/fr/actualites/actualites-du-motif/bdd/article/307

Et  qu'on ne me parle plus de tous ces pauvres types autodidactes :

Flaubert3.GIFhugo82.jpgStendhal.gifCeline.jpgVaillant.jpg

 

Maupassant.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

etc...etc...etc...

09:52 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

11.03.2009

Etre écrivain - suite -

Tout d’abord merci à Feuilly d’avoir "répondu à la réponse" que je lui avais formulée ici même sans qu’il en fasse la demande, donc une vraie réponse, une réponse étant toujours plus à propos quand on ne vous demande rien alors que vous êtes concerné par le sujet livré au public.
Merci à celles et ceux également qui ont apporté leur contribution sous forme de commentaires, Michèle, Débla Rosa, Philip, Meriem, commentaires que je vous invite à consulter ici et chez Marche Romane, ce qui m’évitera de les reprendre et de d’y faire référence sans entrer pour autant dans le détail de chacun.  En filigrane, donc.

Si le sujet mobilise, c’est bien qu’il est essentiel pour nous autres qui écrivons et qui lisons sur la toile et ailleurs, qui sommes édités ou qui ne le sommes pas encore, qui nous éditons nous-mêmes, via nos blogs respectifs.
Crise existentielle ?
Feuilly est parti d’une recherche, assez réduite à mon sens, de ce qu’est l’écrivain et je lui ai donc fait écho, de façon pas assez précise à mon goût. En outre, les débats qui ont suivi ont partiellement fait évoluer ma réponse spontanée. Feuilly a offert alors des précisions dans un deuxième texte et, ma foi, si on a un peu avancé, on en est pour l’essentiel au même point : on ne sait toujours pas à partir de quand on peut dire de quelqu’un qu’il est un écrivain et on ne sait toujours pas si on doit qualifier d'« écrivain » un idiot(e) vautré(e) avec ses livres de merde sur les étals insolents de la marchandise pure.
Ceci dit, un épicier qui vend des petits pois véreux, reste un épicier. Mauvais, certes, mais un épicier quand même, avec un numéro de SIRET à la chambre du commerce...


Recommençons donc par le commencement : être édité. C‘est quoi ?
C’est tomber d’accord avec un éditeur pour qu’il imprime et distribue votre œuvre. Qu’il fasse de vous, donc, socialement, un écrivain. Pas une vedette. Un écrivain. Quelqu’un qui a écrit un livre qu’on peut trouver en librairie. Encore que... J’y reviendrai bientôt.
Le compte d’auteur ne compterait pas, alors ? Le compte d’auteur, c’est un gars qui écrit des trucs, que personne ne veut de ses trucs, mais que lui, il  est tellement persuadé qu’il est un écrivain,  qu’il finit par payer un imprimeur et qu’il se démerde ensuite tout seul à refiler son bouquin à ses amis, à sa famille, à ses anciens copains de lycée, à ses perruches, à ses chats et à ses chiens, s’il en a…
J’ai l’air de moquer. Hé bien non ! Parce qu’un gars qui fait ça, il a une qualité essentielle, que j’admire et qui nous manque peut-être à tous : il est convaincu de la qualité de son art. A tort ou à raison, peu importe.
Moi, en matière d’art, je respecte la conviction qu’on a de soi.
En tout cas, c’est pas une pute. C’est même tout le contraire parce que, lui, il paye pour se vendre !
Pour ne citer qu’un seul  mais lumineux exemple dans ce sombre océan de l’échec : Apollinaire a publié d’abord Les Onze Mille Verges sous le manteau, à compte d’auteur. Heureusement qu’il était convaincu de son art, celui-là !
Bref, si je reprends, en substance, ce qui a été dit ici et là, au gars qui aura fait son bouquin en solitaire, on ne daignera dire en public, autour d’un  verre, dans une soirée ou inopinément dans la rue, qu’il est un écrivain que s’il a trouvé autour de lui assez de réseaux sociaux pour écouler ses cartons de bouquins.
Permettez-moi de vous dire - et que personne ici n’en prenne ombrage -  : Ça ne tient pas debout ! C’est comme les choux : Ça n’a ni queue ni tête.
J’ai déjà dit par ailleurs, dans ce débat, que j’avais été édité trois fois, que mon premier livre s’était vendu à 2000 exemplaires et que, pour autant, je ne me présenterai jamais à quelqu’un en qualité d’écrivain. J’aurais l’air de bomber le torse et je crois que je baisserais les yeux, honteux de ma ridicule fatuité.
Je dirai plutôt alors, si vraiment je suis sommé de dire ce que je fais de mes dix doigts,  que j’écris et que, oui, j’ai été publié et le serai encore bientôt. Mais j’ajouterai aussitôt, et peut-être même que je commencerai par là, que je tiens un blog et j’en donnerai l’adresse.
Parce que l’essentiel de mon activité d’écriture, en volume, en temps, en diversité et en écho que j’en reçois, se passe ici !

Alors, la question de qui a le droit, sans être un usurpateur, de se déclarer écrivain ou pas, est une fausse question. La partie visible d'un iceberg à la dérive.
C’est une question d’intimité personnelle : celle de la conscience qu’on a de soi.
J’ai entendu un copain un jour, en Bretagne, un éditeur, un chanteur et un poète, oui un anar si vous voulez, dire à un connard qui lui cassait les oreilles avec je ne sais plus quelle balourdise sur la chanson, que Brassens et Ferré ne faisaient pas le même métier que Mike Brant.
Dont acte ici :
- François Bon ou Pierre Bergounioux ne font pas le même métier qu’Amélie Nothomb,
- Qu'un imbécile ou qu'une imbécile qui a commis une merde chez Gallinacés, Talbin Missel ou Tartapion, une merde qui marche bien parce que Gallinacés, Talbin Missel ou Tartanpion ont les moyens de fourguer des vessies comme étant des lanternes,  se déclare écrivain, je m’en fiche éperdument.  Du moment qu’il ou qu'elle ne prétend pas me donner la leçon et ne me prend pour son complice.

J’en reviens maintenant à ce que je disais s’agissant des livres qu’on trouve en librairie.
Si tout le monde est un peu perdu dans ces notions d’écrivains, d’auteurs et d’éditeurs, c’est parce que les grandes maisons d’édition se sont faites les avocats du Diable Marchand. Elles ont biseauté les cartes, avili la noblesse du métier, réduit notre art à des palettes de gribouillis livrables rayon culture chez Leclerc ou Carrefour.
Le système a parfaitement été explicité par François Bon et d’autres avec lui. Je schématise à outrance : un éditeur édite à tour de bras, inonde les librairies, retour au bout de 15 jours tout au plus, pilonnage et hop…Il y en a un ou deux qui vont « marcher »…Ça suffira pour couvrir les frais et réaliser une plus-value substantielle. D'autant que c'est l'auteur, in fine, qui paye les frais de retour avec des exemplaires non rémunérés.
Et le gars qui a édité son livre, personne ne l’aura vu, personne n’en aura entendu parler, sauf lui, ses amis, sa famille, ses perruches, ses chats et ses chiens, s’il en a…Il aura été, en fait, édité à compte d’auteur par un éditeur parce que c’est lui qui aura fait les frais de ses désillusions. Pire : il aura contribué par son anonymat englué dans la masse d'autres anonymats à promouvoir un autre livre que le sien !

Mais, en dépit de cet ignoble gâchis, la littérature n’est pas morte, n’en déplaise à tous ceux qui aiment célébrer prématurément les obsèques des grandes activités humaines. Laissons cela à ceux qui, de plus en plus besogneux dans leurs érections, déclarent tout à coup que le genre humain a cessé de bander et accusent je ne sais quelle déviance médico-technique du corps social !
La littérature est prise en otage par les perversions marchandes et spectaculaires, à tel point que le bon grain n’est plus dissocié de l’ivraie.
Un écrivain, cher Feuilly, c’est quelqu’un qui essaie, avec ses moyens, de soustraire cette littérature aux griffes de ses répugnants geôliers.
Un éditeur, c’est quelqu’un qui fait sienne la devise du Monsieur qui m’éditera au mois d’avril :
« Nous avons choisi d’éditer des auteurs plutôt que des livres », ou qui, comme Publie.net, propose de court-circuiter le bordel marchand en diffusant des créations littéraires à l’écran, en complémentarité de l’édition traditionnelle digne de ce nom.


Oui, j’ai cité mes deux éditeurs.
Parce que j’en suis fier. D'une fierté qui n'a pas à rougir. Une fierté militante, à des années-lumière de la forfanterie.

Amitié à toutes et à tous.

PS : Sitôt après avoir mis en ligne, je vois que Feuilly, ici, écrivait en même temps que moi et sur le même sujet. Nous nous sommes croisés...Nous nous retrouverons bientôt, comme toujours les amis se retrouvent. En tout cas, une nouvelle fois, merci à lui...

Comme il le dit lui-même : arg ! ça va trop vite !

 

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09.03.2009

Ècrivain : Réponse à Marche romane

Cher Feuilly,

Mais pourquoi t’obstines-tu à vouloir confronter, comparer, mettre en parallèle, faire se jauger, le statut social d’un homme d’une part et son ambition, ses velléités, son talent ou sa médiocrité d’écrivain, d’autre part ?
Je sens bien que la question  te turlupine, plusieurs fois sur le tapis, ici ou là, qu'elle revient.

L’écrivain, qu’il soit de génie, de talent intermédiaire ou pitoyable grimaud, est un homme qui écrit. C’est là, tout bêtement, la source étymologique. C’est l’écrivain au sens large. Humain, pourrait-on dire.
La définition sociale, plus restreinte, c’est qu’il est un homme ou une femme, de génie, de talent intermédiaire ou piètre grimaud encore une fois, qui est publié(e) et qui touche à cet égard des droits d’auteur, contractuels et au prorata des ventes de ses ouvrages, quoique l’espace numérique investi comme lieu de création littéraire ait profondément modifié cette définition du concept social.
En effet, tu es un écrivain et je le suis. Débla est un écrivain,  Solko, Andréas sont des écrivains, Michèle, philip (dont je n'ai plus de nouvelles mais que je salue très amicalement au passage), et tous les autres que je ne cite pas et qui me le pardonneront, sont des écrivains qui disent des choses qui s’inscrivent dans une volonté d’être lue et qui le sont. Peu importe à quel niveau...
Il faudrait  y revenir dans un autre débat. Il y a beaucoup, beaucoup  à dire là-dessus.

Mais revenons à l’écrivain, tel que précédemment défini. Ce qu’il fait ou ce qu’elle fait par ailleurs de sa vie n’intéresse que médiocrement l’amateur de littérature. Et c’est là qu’à mon sens tu te perds dans des conjectures qui n’aboutiront pas, parce que tu confrontes deux sujets totalement étrangers l’un à l’autre.
L’écrivain publié, qu’il soit rentier, professeur, prisonnier, capitaine de gendarmerie, chômeur, rien du tout sinon écrivain, clochard  ou ministre des finances, donne à lire la sensibilité qu’il a du monde par lui traversé, le témoignage de sa fonction autre qu’écrivain, son idéologie, ses tourments, ses joies, ses erreurs ou ses convictions.
Pourquoi ? Parce qu’il en a le droit. Même si c’est pour noircir de conneries  et de mensonges des tonnes de papier qui seraient mieux exposées dans les latrines que chez les libraires, parfois.
Souvent même.
Mais là, si j’ai bien compris, n’est pas le propos.
Je crois que tu ne trouves pas le bon chemin parce que tu t’obstines à vouloir faire de l’écrivain une profession. Un métier. Ça peut l’être mais ça peut aussi ne pas l’être. Et cela ne change rien, absolument rien à la qualité, excellente ou misérable, de l’écrit.
Tu cherches une morale, une éthique, plutôt, là où il n’y a pas lieu d’en chercher et je dirais même : où il n’en est nul besoin.. Parce que le lecteur est souverain dans son plaisir. Même quand il prend plaisir à lire d’immondes bêtises.

Si je te dis Choderlos de Laclos. Tu peux me dire que c’était un officier militaire, intrigant malpropre près le Duc d’Orléans, puis chez les Jacobins, royaliste et courtisan félon, puis républicain artisan de Valmy, puis bonapartiste, inventeur de l’obus, et finalement crevé je ne sais où et dont la sépulture fut profanée et détruite par les Bourbons revenus au pouvoir. Je  te répondrai :  oui c’est  ça,  Choderlos de Laclos . Comment pourrais-je te dire le contraire ? Nous parlons d’un homme.
Mais si tu t’en fous de tout ça, de la saleté politique, de l’armée et de l’histoire, et que nous sommes devant un verre en train de parler littérature, dès la première syllabe du nom, tu vas évoquer - magistralement, j'en suis sûr - une oeuvre majeure du patrimoine littéraire.
Je te cite cet exemple – il y en a des foules de la sorte – pour dire que, dans le débat d’une définition de l’écrivain, l’essentiel est de savoir de quoi on parle : de littérature ou de la façon qu'a le littérateur de mener sa barque…
Personnellement, ça ne m’intéresse pas de savoir ce que les hommes et les femmes font de leur survie et de leur vie ailleurs que ce qu’ils en font dans le domaine précis qui serait susceptible de m’intéresser, de s’adresser à moi.
Parce que les gens que je lis ne sont pas mes amis. Au mieux et à un moment donné, des complices.
Ceci dit, il y a souvent corrélation entre la teneur de l’écriture et la position sociale de l’écrivain. Je te l’accorde sans difficultés.
Mais c’est encore  un  autre débat et encore une fois : le lecteur, de quelque horizon, pourri ou somptueux, qu’il vienne, est souverain.

Amitiés
Bertrand

13:32 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET