30.03.2009
Sans titre
Parce que la viande était à point rôtie
Parce que le journal détaillait un viol
Parce que sur sa gorge ignoble et mal bâtie
La servante oublia de boutonner son col
Parce que, d'un lit grand comme une sacristie,
Il voit sur la pendule un couple antique et fol
Et qu'il n'a pas sommeil et que sans modestie
Sa jambe sous le drap frôle une jambe au vol
Un niais met sous lui sa femme froide et sèche
Contre son bonnet blanc frotte son casque à mèches
Et travaille en soufflant inexorablement
Et de ce qu'une nuit sans rage et sans tempête
Ces deux êtres se sont accouplés en dormant
O Shakespeare, et toi Dante ! il peut naître un poète.
Stéphane Mallarmé - Gallimard NRF/Poésies 1998 - Page 156
10:47 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature | Facebook | Bertrand REDONNET
Commentaires
Rien à Faire pour "le vol de corbeaux" d'Enrico Morovich. Solin-Actes Sud ne m'autorisent pas à mettre le texte en lignes. (C'est d'autant plus dommage que j'ai la nette impression que ce livre tombe dans l'oubli) Mais tu vois, ce qu'il y a d'étrange, c'est que je comptais illustrer le texte avec le portrait de Mallarmé par Gauguin, où on découvre... Je te le donnes dans le mille : un corbeau...
Cliquer sur le lien pour le reluquer.
Écrit par : Stéphane Prat | 30.03.2009
Salut Stéphane,
Très beau en effet et la traduction de Mallarmé (Poe) reste aussi un chef d'oeuvre du genre
Tu vois, le pataquès dans ces histoires de droit de diffusion, c'est ça : au lieu de protéger et de faire vivre un texte, cette législation obsolète contribue à tuer l'oeuvre.
François Bon sur "le tiers livre" avait dû retirer des textes d'Artaud à redécouvrir, des textes qu'il portait aussi à la connaissance d'étudiants dans ses ateliers d'écriture, sur l'injonction d'un des ayants droit du poète...Lamentable ! Effet inverse obtenu..
Amitié au Manchot-Epaulard, que je recommande, en passant, à mes lecteurs, lectrices ici...
Écrit par : Bertrand | 31.03.2009
Oui,je pense que je ne pouvais que servir l'auteur.
Mais en fait, il y avait méprise de ma part, et c'est pourquoi j'ai dû demander l'autorisation officielle : comme ces "Miracles quotidiens" se déroulent à Fiume dans les années 20, (Rijeka, aujourd'hui, Croatie), récits écrits et publiés avant-guerre (1936, 1938) à Florence, et dont le style d'écriture, très simple, paraît miraculeux et ne trouve pas d'équivalent, actuellement, je situais cet auteur plus loin de nous qu'il ne l'était réellement (il n'a disparu qu'en 1994!... Mais il écrivait déjà dans les années 20, 30...) La question des droits de reproduction est donc compréhensible. Mais il ne m'en semble pas moins oublié. (Même si les éd. Verdier s'intéressent à nouveau à lui.)
Ces "miracles" sont des histoires quotidiennes, pour la plupart paysannes, dont les protagonistes, croqués dans leurs faits et gestes les plus insignifiants, banals, parlent à la mort, lui font des farces, épinglent par inadvertance des spectres sur un fil à linge, recueillent un ange chez eux (ou un corbeau). Des textes généralement très courts, d'une simplicité magique, des bobars merveilleux et cul-terreux en même temps.
Actes Sud-Solin, comme la plupart des maisons d'éditions, autorisent la seule reproduction de la présentation qu'ils font eux-même des livres et de leurs auteurs. Le problème, avec Morovich et ce livre (magique), c'est qu'ils n'en font pas la moindre présentation... Mais voilà ce que Morovich disait lui-même dans la préface italienne, en 1988 :
" Je suis habitué aux chemins dérobés. Je suis exilé, mais pas nostalgique. (...) Je crois que j'écris un peu comme un médium, inspiré par une force inconnue. A Fiume, je vivais au coeur d'une réalité que je décrivais ; puis mon univers est devenu onirique, mon cadre s'est fait mental, et il me plaît comme cela. Je considère la littérature comme un rêve animé par un souffle : je commence à écrire sans savoir où aller, puis j'arrive, entraîné par cette force inconnue, à la fin de la page. Je crois que la vie continue à l'intérieur, au-delà de la mort, et je n'ai donc pas peur. Je préfère écrire des nouvelles; pour être bon romancier, il faut être patient. Mais aujourd'hui, il ne me reste que la mémoire"
Bon, je file lire la main du mardi...
Écrit par : Stéphane Prat | 31.03.2009
Tu me donnes envie très forte de lire Morovitch (Mortauxvaches !)
Trève de plaisanterie. Lors de mon passage à Paris, j'essaierai donc de tomber dessus. Où je demanderai à l'ami Philip, l'imagier, de fouiller en éclaireur. Tu crois que c'est encore possible ? Et où ?
Droits : bien sûr, que c'était légitime ta demande, mais c'est presque scandaleux... En fait, l'éditeur travaille là contre lui-même et contre les ayants droit de Morovitch, s'il y en a....Jusqu'en 2064, donc !
Écrit par : Bertrand | 31.03.2009
Je suis bien d'accord avec tes conclusions, à propos du vérouillage éditoriale : "épuisé" mais "interdit de citer". Et je pensais naïvement que le simple fait de demander l'autorisation me l'accorderait assez naturellement. (Faut pas demander, faut croire...) D'autant plus que ma banquise n'est pas vraiment aussi fréquentée que le club med et qu'en plus cela pouvait pousser à l'achat des quelques exemplaires qu'on trouve encore, ici ou là, sur le net. Je joins d'ailleurs un lien assez rebutant mais qui présente l'avantage de montrer la couverture : http://www.amazon.fr/Miracles-quotidiens-Enrico-Morovich/dp/2853760960
Alors où trouver ce livre?
Je l'ai moi-même acheté chez un bouquiniste il y a quelques années, et je suppose qu'on doit pouvoir le dénicher sur les bords de la seine. Il est introuvable sur le site "livre-rare", mais les bouquinistes ne mettent pas tous leurs titres en lignes. Je pense donc qu'on doit encore tomber dessus relativement couramment chez les librairies de livres d'occasion. Tu es bon pour la flânerie...
Ah, ce n'est pas très agréable de laisser le lecteur sur sa faim, hein... Surtout que tu as une réelle proximité, je crois, avec cet acrobate-là, sans le savoir apparemment.
A bientôt.
Écrit par : Stéphane Prat | 31.03.2009
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