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09.03.2009

Ècrivain : Réponse à Marche romane

Cher Feuilly,

Mais pourquoi t’obstines-tu à vouloir confronter, comparer, mettre en parallèle, faire se jauger, le statut social d’un homme d’une part et son ambition, ses velléités, son talent ou sa médiocrité d’écrivain, d’autre part ?
Je sens bien que la question  te turlupine, plusieurs fois sur le tapis, ici ou là, qu'elle revient.

L’écrivain, qu’il soit de génie, de talent intermédiaire ou pitoyable grimaud, est un homme qui écrit. C’est là, tout bêtement, la source étymologique. C’est l’écrivain au sens large. Humain, pourrait-on dire.
La définition sociale, plus restreinte, c’est qu’il est un homme ou une femme, de génie, de talent intermédiaire ou piètre grimaud encore une fois, qui est publié(e) et qui touche à cet égard des droits d’auteur, contractuels et au prorata des ventes de ses ouvrages, quoique l’espace numérique investi comme lieu de création littéraire ait profondément modifié cette définition du concept social.
En effet, tu es un écrivain et je le suis. Débla est un écrivain,  Solko, Andréas sont des écrivains, Michèle, philip (dont je n'ai plus de nouvelles mais que je salue très amicalement au passage), et tous les autres que je ne cite pas et qui me le pardonneront, sont des écrivains qui disent des choses qui s’inscrivent dans une volonté d’être lue et qui le sont. Peu importe à quel niveau...
Il faudrait  y revenir dans un autre débat. Il y a beaucoup, beaucoup  à dire là-dessus.

Mais revenons à l’écrivain, tel que précédemment défini. Ce qu’il fait ou ce qu’elle fait par ailleurs de sa vie n’intéresse que médiocrement l’amateur de littérature. Et c’est là qu’à mon sens tu te perds dans des conjectures qui n’aboutiront pas, parce que tu confrontes deux sujets totalement étrangers l’un à l’autre.
L’écrivain publié, qu’il soit rentier, professeur, prisonnier, capitaine de gendarmerie, chômeur, rien du tout sinon écrivain, clochard  ou ministre des finances, donne à lire la sensibilité qu’il a du monde par lui traversé, le témoignage de sa fonction autre qu’écrivain, son idéologie, ses tourments, ses joies, ses erreurs ou ses convictions.
Pourquoi ? Parce qu’il en a le droit. Même si c’est pour noircir de conneries  et de mensonges des tonnes de papier qui seraient mieux exposées dans les latrines que chez les libraires, parfois.
Souvent même.
Mais là, si j’ai bien compris, n’est pas le propos.
Je crois que tu ne trouves pas le bon chemin parce que tu t’obstines à vouloir faire de l’écrivain une profession. Un métier. Ça peut l’être mais ça peut aussi ne pas l’être. Et cela ne change rien, absolument rien à la qualité, excellente ou misérable, de l’écrit.
Tu cherches une morale, une éthique, plutôt, là où il n’y a pas lieu d’en chercher et je dirais même : où il n’en est nul besoin.. Parce que le lecteur est souverain dans son plaisir. Même quand il prend plaisir à lire d’immondes bêtises.

Si je te dis Choderlos de Laclos. Tu peux me dire que c’était un officier militaire, intrigant malpropre près le Duc d’Orléans, puis chez les Jacobins, royaliste et courtisan félon, puis républicain artisan de Valmy, puis bonapartiste, inventeur de l’obus, et finalement crevé je ne sais où et dont la sépulture fut profanée et détruite par les Bourbons revenus au pouvoir. Je  te répondrai :  oui c’est  ça,  Choderlos de Laclos . Comment pourrais-je te dire le contraire ? Nous parlons d’un homme.
Mais si tu t’en fous de tout ça, de la saleté politique, de l’armée et de l’histoire, et que nous sommes devant un verre en train de parler littérature, dès la première syllabe du nom, tu vas évoquer - magistralement, j'en suis sûr - une oeuvre majeure du patrimoine littéraire.
Je te cite cet exemple – il y en a des foules de la sorte – pour dire que, dans le débat d’une définition de l’écrivain, l’essentiel est de savoir de quoi on parle : de littérature ou de la façon qu'a le littérateur de mener sa barque…
Personnellement, ça ne m’intéresse pas de savoir ce que les hommes et les femmes font de leur survie et de leur vie ailleurs que ce qu’ils en font dans le domaine précis qui serait susceptible de m’intéresser, de s’adresser à moi.
Parce que les gens que je lis ne sont pas mes amis. Au mieux et à un moment donné, des complices.
Ceci dit, il y a souvent corrélation entre la teneur de l’écriture et la position sociale de l’écrivain. Je te l’accorde sans difficultés.
Mais c’est encore  un  autre débat et encore une fois : le lecteur, de quelque horizon, pourri ou somptueux, qu’il vienne, est souverain.

Amitiés
Bertrand

13:32 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

J'adore l'épistole... (Npc avec les pistoles, hein).

Écrit par : michèle pambrun | 10.03.2009

L'épistole ou les pistoles, je les changerais bien, des fois, contre des pistolets...

Écrit par : B.redonnet | 10.03.2009

Hello mes amis,mes soeurs, mes frères,

Quel bonheur de retrouver, après une absence due à mes passions orientales, ses homologues de la francophonie en plein débat sur la Figure de l'écrivain. Ici au moins on s'engueule sur des vrais sujets. Entre Belges, Suisses et Français. Et votre débat les amis n'est pas si déplacé que vous voulez bien le dire et le croire, et vous avez raisons de vous étriper sur ce sujet car la littérature qu'à connue nos pères, c'est-à-dire l'héritage du roman du XIXè siècle, tel que le conçoit Balzac par exemple, ce roman fait de détails et des petites misères individuelles, et que nous avons tenté de sauvegarder tant bien que mal face aux assauts de l'image, du son, du roman de gare sentimental entre autre, cette littérature donc est en plein désarrois, pour ne pas dire plus.

A travers la crise de la Figure de Notre Père L'Ecrivain assis à son bureau, ne montrant que rarement sa bouille et ne se prononçant presque jamais en direct sur des questions d'actualité, Figure que l'agitation promotionnelle a totalement remis en cause depuis trente ans déjà, eh oui déjà, c'est la Littérature elle-même qui se révèle en péril. Ne laissons pas la littérature aux fumistes et aux marchands.

Les fumistes, c'est cette clique universitaire, composée de ces soi-disant penseurs postmodernes qui ont érigé la littérature en terrain d'analyse de la seule textualité. Ces gens soutiennent que ce qui est important, dans un texte littéraire, n'est pas ce qui y est pensé et, moins que tout autre chose, ce qui y est pensé sur des questions comme celle de la morale et de la vie, mais seulement le texte lui-même et les propriétés qu'il a, en tant que texte, et plus précisément en tant que texte littéraire.

La littérature devient un champ clos de manoeuvres pour nombrilistes égotiques , elle n'a plus pour finalité de nous faire connaître et réfléchir sur la condition humaine. L'idée même de la littérature est pervertie, rabougrie, elle se désintéresse du monde extérieur, du monde commun au moi et aux autres, pour ne s'intéresser qu'à elle même. La littérature est devenue un dogme coupé de la vie, elle ressemble de plus en plus à une véritable religion de plus en plus désertée par ses fidèles et ses adeptes.

L'objet de la littérature c'est la condition humaine. La littérature est la meilleure manière de comprendre les conduites et les passions humaines. Nous devons remettre au centre de la littérature la critique et la description minutieuse des illusions dans lesquelles nous baigne l'idéologie économiste et productiviste régnante, pour nous faire comprendre l'économie des affects sur laquelle repose nos sociétés de contrôle, pour nous faire critiquer tous les discours d'autorité (politique, scientifique, pseudo-philosophique) qui prônent la soumission aux institutions et aux tendances "naturelles" du moment.

Je ne prononcerai pas la "Mort de la Littérature", comme se plurent à le faire Lautréamont, Mallarmé ou Blanchot et dernièrement la revue Tel Quel. Mais la littérature a du retard dans sa réponse aux nouveaux dispositifs de représentation de la condition humaine mis en place et en force par les médias modernes.

Quoique des individus et des collectivités écrivent et lisent des textes fictionnels depuis plusieurs millénaires, et quoique tout laisse penser qu'ils continueront à le faire tant qu'il y aura de l'humain sur cette planète, il n'empêche que le type d'activité à laquelle nous nous référons à travers le mot "littérature" ne relève nullement d'une catégorie intemporelle, mais peut recevoir une date de naissance vers la fin du 18è, début du 19è et serait donc susceptible de recevoir une date de mort qui pourrait-être la fin du XXe et le début du XXIè.

Le nouage très particulier d'une certaine aventure scripturaire, d'un certain statut social, d'une certaine prétention épistémologique, d'une certaine mission formatrice et d'une certaine vertu salvatrice - nouage qui constitue LA LITTERATURE - s'il n'était nullement donné en 1650, pourrait bien ne plus être opératoire en 2008.

Bon, ben on arrête pour cette nuit. Et moi qui voulait bosser sur la Pologne B et la Pologne A à ce soir, pour rédiger une belle missive au Maître des lieux de L'Exil des Mots, me voilà peu avancé.

On y bossera demain. Amitié à vous deux. Je suis peut-être un peu hors sujet, mais cela m'a fait du bien et il me semble que si on se met d'accord sur ce que pourrait être encore la Littérature on pourrait dégager une Figure de l'Ecrivain pas trop trompe l'oeil. Philip

Écrit par : Philip Seelen | 11.03.2009

Tout ceci demanderait une longue réponse. Elle viendra dès que possible, quand mon emploi du temps le permettra.

Écrit par : Feuilly | 11.03.2009

Je n'en doute point cher Feuilly. Mes amitiés à Madame. Philip.

Écrit par : Philip Seelen | 11.03.2009

Salut la compagnie, la bonne compagnie,

Oui, ça fait un plaisir énorme de retrouver parmi nous le verbe de l'ami, de l'artiste et du compagnon Philip !
Moi itou, j'exposerai bientôt le résultat de mes cogitations (je vérifie si j'ai pas oublié le "g"), j'exposerai le résultat de mes cogitations, disais-je, nées de ce débat qui fait couler beaucoup de commentaires chez Marche Romane et ici..

C'est vrai, ça, on entend jamais parler de Madame Feuilly ! Je suis sûr qu'elle existe, pourtant ! Et qu'elle est charmante, en plus !
C'est une boutade, bien sûr...
Amitié à tous et toutes

Écrit par : Bertrand R | 11.03.2009

J'ai tout de même bien aimé le morceau de bravoure concernant Choderlos de Laclos. Il y a des Liaisons dangereuses littéraires et vécues ! L'aspect historique peut être un bon complément à la réflexion sur la littérature.

Variante à ces questions : qu'est-ce qu'un artiste ???

Cordialement.

Écrit par : Pivoine | 18.03.2009

@Pivoine :

"Un artiste est quelqu'un qui dit des choses compliquées de façon simple. Un intellectuel fait exactement le contraire." D'après Bukowski

Écrit par : Bertrand. R | 18.03.2009

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