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12.04.2016

Un poème de Monsieur Brassens

RETOUCHES À UN ROMAN D’AMOUR DE QUATRE SOUS

(Que je chante ICI,  si toutefois le cœur vous en dit....)

 

 Madame, même à quatre sous
Notre vieux roman d'amour sou-
-Ffrirait certes quelque mévente.
Il fut minable, permettez
Que je farde la vérité,
La réinvente.
La réinvente.

 On se rencontra dans un car
Nous menant en triomphe au quart,
Une nuit de rafle à Pigalle.
Je préfère affirmer, sang bleu !
Que l'on nous présenta chez le
Prince de Galles.
Le Prince de Galles.

 Oublions l'hôtel mal famé,
L'hôtel borgne où l'on s'est aimé.
Taisons-le, j'aurais bonne mine.
Il me paraît plus transcendant
De situer nos ébats dans
Une chaumine.
Dans une chaumine.

 Les anges volèrent bien bas,
Leurs soupirs ne passèrent pas
L'entresol, le rez-de-chaussée.
Forçons la note et rehaussons
Très au-delà du mur du son
Leur odyssée.
Leur odyssée

 Ne laissons pas, quelle pitié !
Notre lune de miel quartier
De la zone. Je préconise
Qu'on l'ait vécue en Italie,
Sous le beau ciel de Napoli
Ou de Venise.
Ou de Venise.

 Un jour votre cœur se lassa
Et vous partîtes - passons ça
Sous silence - en claquant la porte.
Marguerite, soyons décents,
Racontons plutôt qu'en toussant
Vous êtes morte.
Vous êtes morte.

Deux années après, montre en main,
Je me consolais, c'est humain,
Avec une de vos semblables.
Je joue, ça fait un effet bœuf,
Le veuf toujours en deuil, le veuf
Inconsolable.

C'est la revanche du vaincu,
C'est la revanche du cocu,
D'agir ainsi dès qu'il évoque
Son histoire : autant qu'il le peut,
Il tâche de la rendre un peu
Moins équivoque.
Moins équivoque.

15:38 Publié dans Musique et poésie | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : musique, poésie, litétrature, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET

04.04.2016

Białowieża se meurt...

20160401_172044.jpgC’est un diadème posé sur le crâne de la Pologne.
Une immense sylve au nord-est, à cheval sur la frontière polono-biélorusse, vestige dernier de ce qui,  aux temps jadis, était la grande forêt hercynienne, de ses ombres gigantesques recouvrant toute la plaine européenne .
Là croissent des plantes et grignotent des insectes qu’on ne retrouve nulle part ailleurs sur la planète. En un mot comme en cent, c'est un inestimable jardin que se partagent les chercheurs et les poètes.
J’en veux pour preuve amusante qu’il y a deux ans, j’accompagnai Roland et son fiston dans un endroit mythique, la Réserve Biologique Intégrale, où l’homme ne touche à rien depuis plus d’un siècle.
Dans ce temple de la création universelle, l’imaginaire déploie ses ailes et vole au-dessus des contingences humaines. Malheureusement, notre guide, au demeurant fort bonhomme, n’arrêtait pas de jacasser sur tout, brisant ce que nous étions venus précisément goûter, le silence ancestral, tant que je me vis contraint, un tantinet énervé, de lui demander de se taire un peu….
Nous avons su plus tard qu’il avait commenté, presque s'excusant : Je croyais qu’ils étaient des scientifiques et ils étaient des poètes !
Brave homme ! C'est  à moi de lui présenter quelques excuses...

Habitée par les loups, les bisons et autres lynx, cette  forêt primaire est située à cent cinquante kilomètres de ma maison. Une partie du roman sur lequel je travaille en ce moment, aura d'ailleurs  ses  lisières pour cadre.
Nous y allons souvent mais, hélas, depuis quelques mois non sans douleur.
La perle est en danger de mort. De grosses mains, indélicates et besogneuses, risquent d'en broyer tantôt la fragilité.
Car les gens qui gouvernent aujourd’hui la Pologne n’en ont que faire de ce bijou de leur écologie. Ils en ont d’ailleurs que faire de tout ce qui touche de près ou de loin à la culture, à la poésie, à la biodiversité ou autres amusements de demeurés !
Le Ministre de l’environnement, qu’une revue de grande qualité a cadré comme « chasseur avec une mentalité de bûcheron», a autorisé les coupes intensives dans le grand corps forestier, au prétexte que les épicéas y seraient rongés par les scolytes. La vérité est que le lobby de l’exploitation forestière, en conflit depuis des décennies avec la politique de sauvegarde de la forêt, a eu enfin gain de cause. Le Directeur du Parc National, un homme que je connais personnellement, un homme estimable, a été licencié du jour au lendemain comme un malpropre par l’appareil politique de Varsovie, au motif «d’une coopération insuffisante avec les forestiers. »

20160401_172056.jpgOn ne peut être plus clair dans l'obscurantisme militant.
Car il faut savoir que les populistes ont remporté les élections d'octobre 2015 sur la foi d'une promesse faite aux familles de leur attribuer 500 zlotys par enfant. Mais attention, hein, aux vraies familles ! Pas aux mères seules, célibataires ou divorcées, les garces, ni aux couples en union libre, les dépravés ! Cette discrimination est tout simplement anticonstitutionnelle, mais il faut savoir aussi qu'il n’y a plus de Conseil constitutionnel en Pologne. Muselé, le Conseil constitutionnel ! Les mains  sont libres pour galvauder et tripoter... Il leur faut donc du fric, aux populistes,  pour tâcher de tenir, au moins pendant quelque temps, une promesse que même les pays les plus riches ne sont pas en mesure de tenir... Il leur faut donc brader le patrimoine, là comme partout ailleurs.

Car, franchement, soyons sérieux, qu’est-ce qu’une forêt antique à côté d’une victoire électorale ? De la roupie de sansonnet ! Du sperme de grillon !
Mais c’est en même temps un désastre. La forêt de Białowieża saigne aujourd'hui par tous ses troncs sous les mâchoires assassines des tronçonneuses.
Les Polonais, en témoignent ces pancartes que j’ai photographiées samedi, s’indignent et s’organisent. Le combat est engagé… L'issue en est plus qu'incertaine.

Sabotage ! La forêt vous supplie ! Hommes, où êtes-vous ? disent, entre autres choses,  ces panneaux.

Et les Européens,  les socialistes français au premier rang avec leur COP 21 organisée à grands coups de millions d'euros, de champagne grand crû et de courbettes diplomatiques, quand est-ce qu’ils vont s’indigner, eux ?
Toute mon estime à ceux qui résistent et honte à ceux qui, par leur silence, leur approbation, leur désintérêt ou leur profit, participent au crime !

Merci, si tant est qu'il soit à votre goût, de faire circuler ce texte...

12:47 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : poésie, nature, écologie, politique, europe, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET

04.02.2016

Fable à chute malpolie

L’ÉLECTION

Deux bons vieux camarades d’une célèbre école,
De celles qui vous promettent les plus beaux Ponts d’Arcole,
Parcourant un beau jour le même terrain de chasse,
Eurent à simuler un violent face-à-face :
Au grand jeu quinquennal de notre République,
Tous deux cherchaient victoire après débat public…
Allons, rugissait l’un, aux plus infortunés
Vous voulez distribuer un pain que vous prendrez
Au moulin des plus riches et des grands capitaines,
Dont la sage industrie est pour tous une aubaine !
Ainsi les ruinerez et vos nécessiteux
N’auront pour pleurnicher tantôt plus que leurs yeux.
Bon sang, fulminait l’autre, vos sales capitalistes
Saignent notre nation en infâmes égoïstes ;
Amassent des fortunes quand les populations
Ne savent plus comment résoudre l’équation,
Aux inconnues multiples, d’une vie de misère !
Sus aux grands financiers ! Partageons le dessert !

 Tous deux dans le privé lassés de jouer leur rôle,
En faisant bonne chère se tapaient sur l’épaule…
Celui qui, gloussaient-ils, sera l’heureux élu,
A ce qu’il vient de dire devra tourner le cul.
Mais le poste majeur vaut bien ce ridicule,
Tant le peuple électeur adore qu’on l’encule !

littérature,poésie,écriture,élections,politique

06.05.2015

Petite piqûre de rappel

Le 24 avril dernier, j'avais déjà mis en ligne cette annonce au profit de la compagnie de théâtre Je suis ton père.
La date du spectacle approchant, je réitère, car, entre gens du même esprit :

Aidons-nous mutuellement, comme dit le poète...

*

" Mon cher ami,

Nous avons longuement discuté de toi ce dernier dimanche. Cornes d'Auroch s'obstinait à te vouloir fait pour la philosophie. J'ai gueulé. Je lui ai dit qu'aider un ami à tout abandonner pour suivre la voie de la poésie ne pouvait jamais être une faute. Car un poète est à la fois philosophe, philologue, moraliste, historien, physicien, jardinier et même marchand de maisons. De plus, on ne trouve la quadrature du cercle que par la poésie. Émile a trop réfléchi et inutilement. Moi, je sens que si tu persévères dans tes recherches métaphysiques, tu te perdras dans une forêt. Nom de Dieu, j'insiste ! Sans doute, ta récente définition de l'art est très belle, mais pourquoi ne pas la remplacer par des ailes de moulin ? Il faut que ça bouge, comme sur l'écran. Le reste se fait tout seul. Ce n'est pas à toi d'expliquer les mécanismes ; c'est aux autres de les deviner et de les démonter eux-mêmes. Tu perds ta force et ton temps à faire le travail des imbéciles. Oui, je sais : Bergson est quand même un poète. Et toute la poésie de Valéry est faite d'opérations critiques. Et tu ne le sais que trop, toi. Mais il me semble que tu t'exténues en t'imposant déjà, par goût de la cérébralité, des exigences qui ne tarderont pas à devenir surhumaines. Que veux-tu que cela me fasse, à moi, que tout « fond apparent représente ce que la forme n'a pas pu exprimer » ? Suis-je plus avancé maintenant que tu me l'as fait savoir ? Non, je sais une pensée de plus.

Extrait d’un lettre de Georges Brassens à son ami Roger Toussenot

 

BrassMuse.jpgLe jeune Brassens, à cette époque, croupit au fond de l’impasse Florimont.
Croupit ? Ah, nom de dieu !  Voilà bien le langage de la « canaille bourgeouille » pour qualifier l’existence du gueux !
Non ! Brassens, complètement méconnu, vit une vie précaire, économiquement misérable, certes, mais il la vit chez des gens de cœur, tels que notre époque n’en produit plus : Jeanne Le Bonniec et son mari Marcel Planche, à qui il dédiera – sans le nommément dire – L’Auvergnat.
Et il écrit, il écrit, le jeune Brassens… Il écrit et il lit sans relâche et il écume les bibliothèques et les marchés aux puces pour y trouver des livres à quatre sous, mais aux mots les plus riches.
C’est d’ailleurs, soit dit en passant, sur un de ces marchés aux puces, en 1942 porte de Vanves, qu’il dénichera, signé d’un obscur inconnu, Antoine Pol, un recueil de poésies non moins obscur mais duquel il extirpera, tel le chercheur de pépites fouillant les cailloux de la rivière,  le poème devenu fameux Les Passantes.
En cette période de vaches maigres – Pierre Onteniente confiera plus tard : « Nous avions peur qu’il ne devienne un gangster » - le jeune homme entretient avec son ami Toussenot, journaliste et philosophe  anar,  une correspondance assidue, pleine de verve, d'intelligence et d’émotion. Les deux compères s’étaient rencontrés au siège du journal Le Libertaire. Roger Toussenot vivait alors à Lyon.
Je suis d’ailleurs ému d’entendre le Poète parler ici de Cornes d’auroch, alias Émile Miramont, avec lequel j’ai passé quelques agréables soirées à picoler quelques ballons et à rigoler sur tout et sur rien,…  Assis côte à côte, nous dédicacions alors chacun notre livre et Emile me glissait à l’oreille : "fais comme moi, Redonnet, fais un brouillon d’abord, c’est mieux."
Immanquablement, je lui entonnais, à l’oreille également :

Et sur les femmes nues des musées, ô gué ! ô gué !
Faisait l’brouillon de ses baisers,  ô gué ! ô gué !

Émile m’a, par courrier postal, plusieurs fois gratifié de sa prose enjouée …. Un extrait d’une de ses lettres figure à la quatrième de couv' de mon bouquin Brassens, Poète érudit, aux côtés d’un texte de mon ami Dominique Le Saout.
Émile y écrit :

[….] Tu as bien mérité de Georges ! Comme à la la pétanque ; il a envoyé superbement le bouchon et tu as bien pointé [….]
Quelle meilleure critique pouvais-je donc recevoir ?  Et de quel homme, miladiou !
Fraternellement, je salue ici ta mémoire, Emile !

 

unnamed.jpgMais foin des évocations nostalgiques et quelque peu narcissiques ! Faudra quand même que je finisse par prendre au sérieux une autre quatrième de couv', celle de mon dernier bouquin, Le Silence des chrysanthèmes !  Ah ha ha ha !
C’est donc cette correspondance entre Toussenot et Brassens qu’une compagnie de théâtre, Je suis ton père,  a eu l’idée de mettre en scène. Idée lumineuse, s’il en est ! Et je regrette bien de ne pas être de passage «  en la mère patrie J)»  pour avoir le plaisir d’aller goûter la performance.

Toi, tu es l'ami du meilleur de moi-même.
Ainsi parlait Georges Brassens de son ami Roger Toussenot, quelques années avant "Le Gorille".
A travers ses lettres, Toussenot, le Philosophe, provoque intellectuellement Brassens, le Poète.
Au fond de l'impasse Florimont, chansons et coups de gueule baignent d'insolite la misère quotidienne.
Accompagné de sa Muse, reflet espiègle de son imagination, Georges Brassens dévoile les contours de son univers poétique et libertaire.

Le spectacle présente un pan méconnu de la vie de Brassens à travers une correspondance d'une grande richesse humaine et littéraire qu'il échangeait avec Roger Toussenot. Ces lettres, adaptées et mises en scène pour le théâtre, sont un trésor de littérature intime d'un poète doté d'une âme soignée, d'une grande pudeur et dont la renommée n'est plus à faire.

  Du 8 mai au 14 juin 2015, au Guichet Montparnasse (Paris 14),
les vendredis et samedis 19h ainsi que les dimanches 15h

 ICI, Interview d'un des metteurs en scène et scènes filmées en répétition

Illustrations :
1 : La compagnie Je suis ton père, en scène
2 : Affiche

 

07:26 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature, poésie, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET