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06.05.2015

Petite piqûre de rappel

Le 24 avril dernier, j'avais déjà mis en ligne cette annonce au profit de la compagnie de théâtre Je suis ton père.
La date du spectacle approchant, je réitère, car, entre gens du même esprit :

Aidons-nous mutuellement, comme dit le poète...

*

" Mon cher ami,

Nous avons longuement discuté de toi ce dernier dimanche. Cornes d'Auroch s'obstinait à te vouloir fait pour la philosophie. J'ai gueulé. Je lui ai dit qu'aider un ami à tout abandonner pour suivre la voie de la poésie ne pouvait jamais être une faute. Car un poète est à la fois philosophe, philologue, moraliste, historien, physicien, jardinier et même marchand de maisons. De plus, on ne trouve la quadrature du cercle que par la poésie. Émile a trop réfléchi et inutilement. Moi, je sens que si tu persévères dans tes recherches métaphysiques, tu te perdras dans une forêt. Nom de Dieu, j'insiste ! Sans doute, ta récente définition de l'art est très belle, mais pourquoi ne pas la remplacer par des ailes de moulin ? Il faut que ça bouge, comme sur l'écran. Le reste se fait tout seul. Ce n'est pas à toi d'expliquer les mécanismes ; c'est aux autres de les deviner et de les démonter eux-mêmes. Tu perds ta force et ton temps à faire le travail des imbéciles. Oui, je sais : Bergson est quand même un poète. Et toute la poésie de Valéry est faite d'opérations critiques. Et tu ne le sais que trop, toi. Mais il me semble que tu t'exténues en t'imposant déjà, par goût de la cérébralité, des exigences qui ne tarderont pas à devenir surhumaines. Que veux-tu que cela me fasse, à moi, que tout « fond apparent représente ce que la forme n'a pas pu exprimer » ? Suis-je plus avancé maintenant que tu me l'as fait savoir ? Non, je sais une pensée de plus.

Extrait d’un lettre de Georges Brassens à son ami Roger Toussenot

 

BrassMuse.jpgLe jeune Brassens, à cette époque, croupit au fond de l’impasse Florimont.
Croupit ? Ah, nom de dieu !  Voilà bien le langage de la « canaille bourgeouille » pour qualifier l’existence du gueux !
Non ! Brassens, complètement méconnu, vit une vie précaire, économiquement misérable, certes, mais il la vit chez des gens de cœur, tels que notre époque n’en produit plus : Jeanne Le Bonniec et son mari Marcel Planche, à qui il dédiera – sans le nommément dire – L’Auvergnat.
Et il écrit, il écrit, le jeune Brassens… Il écrit et il lit sans relâche et il écume les bibliothèques et les marchés aux puces pour y trouver des livres à quatre sous, mais aux mots les plus riches.
C’est d’ailleurs, soit dit en passant, sur un de ces marchés aux puces, en 1942 porte de Vanves, qu’il dénichera, signé d’un obscur inconnu, Antoine Pol, un recueil de poésies non moins obscur mais duquel il extirpera, tel le chercheur de pépites fouillant les cailloux de la rivière,  le poème devenu fameux Les Passantes.
En cette période de vaches maigres – Pierre Onteniente confiera plus tard : « Nous avions peur qu’il ne devienne un gangster » - le jeune homme entretient avec son ami Toussenot, journaliste et philosophe  anar,  une correspondance assidue, pleine de verve, d'intelligence et d’émotion. Les deux compères s’étaient rencontrés au siège du journal Le Libertaire. Roger Toussenot vivait alors à Lyon.
Je suis d’ailleurs ému d’entendre le Poète parler ici de Cornes d’auroch, alias Émile Miramont, avec lequel j’ai passé quelques agréables soirées à picoler quelques ballons et à rigoler sur tout et sur rien,…  Assis côte à côte, nous dédicacions alors chacun notre livre et Emile me glissait à l’oreille : "fais comme moi, Redonnet, fais un brouillon d’abord, c’est mieux."
Immanquablement, je lui entonnais, à l’oreille également :

Et sur les femmes nues des musées, ô gué ! ô gué !
Faisait l’brouillon de ses baisers,  ô gué ! ô gué !

Émile m’a, par courrier postal, plusieurs fois gratifié de sa prose enjouée …. Un extrait d’une de ses lettres figure à la quatrième de couv' de mon bouquin Brassens, Poète érudit, aux côtés d’un texte de mon ami Dominique Le Saout.
Émile y écrit :

[….] Tu as bien mérité de Georges ! Comme à la la pétanque ; il a envoyé superbement le bouchon et tu as bien pointé [….]
Quelle meilleure critique pouvais-je donc recevoir ?  Et de quel homme, miladiou !
Fraternellement, je salue ici ta mémoire, Emile !

 

unnamed.jpgMais foin des évocations nostalgiques et quelque peu narcissiques ! Faudra quand même que je finisse par prendre au sérieux une autre quatrième de couv', celle de mon dernier bouquin, Le Silence des chrysanthèmes !  Ah ha ha ha !
C’est donc cette correspondance entre Toussenot et Brassens qu’une compagnie de théâtre, Je suis ton père,  a eu l’idée de mettre en scène. Idée lumineuse, s’il en est ! Et je regrette bien de ne pas être de passage «  en la mère patrie J)»  pour avoir le plaisir d’aller goûter la performance.

Toi, tu es l'ami du meilleur de moi-même.
Ainsi parlait Georges Brassens de son ami Roger Toussenot, quelques années avant "Le Gorille".
A travers ses lettres, Toussenot, le Philosophe, provoque intellectuellement Brassens, le Poète.
Au fond de l'impasse Florimont, chansons et coups de gueule baignent d'insolite la misère quotidienne.
Accompagné de sa Muse, reflet espiègle de son imagination, Georges Brassens dévoile les contours de son univers poétique et libertaire.

Le spectacle présente un pan méconnu de la vie de Brassens à travers une correspondance d'une grande richesse humaine et littéraire qu'il échangeait avec Roger Toussenot. Ces lettres, adaptées et mises en scène pour le théâtre, sont un trésor de littérature intime d'un poète doté d'une âme soignée, d'une grande pudeur et dont la renommée n'est plus à faire.

  Du 8 mai au 14 juin 2015, au Guichet Montparnasse (Paris 14),
les vendredis et samedis 19h ainsi que les dimanches 15h

 ICI, Interview d'un des metteurs en scène et scènes filmées en répétition

Illustrations :
1 : La compagnie Je suis ton père, en scène
2 : Affiche

 

07:26 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature, poésie, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

Une belle originalité que Brassens. On a l'habitude de l'écouter, moins de le lire à travers ses multiples écrits ( écrits libertaires, préfaces, poèmes et romans)

Écrit par : Alezandro | 25.04.2015

Les commentaires sont fermés.