04.04.2016
Białowieża se meurt...
C’est un diadème posé sur le crâne de la Pologne.
Une immense sylve au nord-est, à cheval sur la frontière polono-biélorusse, vestige dernier de ce qui, aux temps jadis, était la grande forêt hercynienne, de ses ombres gigantesques recouvrant toute la plaine européenne .
Là croissent des plantes et grignotent des insectes qu’on ne retrouve nulle part ailleurs sur la planète. En un mot comme en cent, c'est un inestimable jardin que se partagent les chercheurs et les poètes.
J’en veux pour preuve amusante qu’il y a deux ans, j’accompagnai Roland et son fiston dans un endroit mythique, la Réserve Biologique Intégrale, où l’homme ne touche à rien depuis plus d’un siècle.
Dans ce temple de la création universelle, l’imaginaire déploie ses ailes et vole au-dessus des contingences humaines. Malheureusement, notre guide, au demeurant fort bonhomme, n’arrêtait pas de jacasser sur tout, brisant ce que nous étions venus précisément goûter, le silence ancestral, tant que je me vis contraint, un tantinet énervé, de lui demander de se taire un peu….
Nous avons su plus tard qu’il avait commenté, presque s'excusant : Je croyais qu’ils étaient des scientifiques et ils étaient des poètes !
Brave homme ! C'est à moi de lui présenter quelques excuses...
Habitée par les loups, les bisons et autres lynx, cette forêt primaire est située à cent cinquante kilomètres de ma maison. Une partie du roman sur lequel je travaille en ce moment, aura d'ailleurs ses lisières pour cadre.
Nous y allons souvent mais, hélas, depuis quelques mois non sans douleur.
La perle est en danger de mort. De grosses mains, indélicates et besogneuses, risquent d'en broyer tantôt la fragilité.
Car les gens qui gouvernent aujourd’hui la Pologne n’en ont que faire de ce bijou de leur écologie. Ils en ont d’ailleurs que faire de tout ce qui touche de près ou de loin à la culture, à la poésie, à la biodiversité ou autres amusements de demeurés !
Le Ministre de l’environnement, qu’une revue de grande qualité a cadré comme « chasseur avec une mentalité de bûcheron», a autorisé les coupes intensives dans le grand corps forestier, au prétexte que les épicéas y seraient rongés par les scolytes. La vérité est que le lobby de l’exploitation forestière, en conflit depuis des décennies avec la politique de sauvegarde de la forêt, a eu enfin gain de cause. Le Directeur du Parc National, un homme que je connais personnellement, un homme estimable, a été licencié du jour au lendemain comme un malpropre par l’appareil politique de Varsovie, au motif «d’une coopération insuffisante avec les forestiers. »
On ne peut être plus clair dans l'obscurantisme militant.
Car il faut savoir que les populistes ont remporté les élections d'octobre 2015 sur la foi d'une promesse faite aux familles de leur attribuer 500 zlotys par enfant. Mais attention, hein, aux vraies familles ! Pas aux mères seules, célibataires ou divorcées, les garces, ni aux couples en union libre, les dépravés ! Cette discrimination est tout simplement anticonstitutionnelle, mais il faut savoir aussi qu'il n’y a plus de Conseil constitutionnel en Pologne. Muselé, le Conseil constitutionnel ! Les mains sont libres pour galvauder et tripoter... Il leur faut donc du fric, aux populistes, pour tâcher de tenir, au moins pendant quelque temps, une promesse que même les pays les plus riches ne sont pas en mesure de tenir... Il leur faut donc brader le patrimoine, là comme partout ailleurs.
Car, franchement, soyons sérieux, qu’est-ce qu’une forêt antique à côté d’une victoire électorale ? De la roupie de sansonnet ! Du sperme de grillon !
Mais c’est en même temps un désastre. La forêt de Białowieża saigne aujourd'hui par tous ses troncs sous les mâchoires assassines des tronçonneuses.
Les Polonais, en témoignent ces pancartes que j’ai photographiées samedi, s’indignent et s’organisent. Le combat est engagé… L'issue en est plus qu'incertaine.
Sabotage ! La forêt vous supplie ! Hommes, où êtes-vous ? disent, entre autres choses, ces panneaux.
Et les Européens, les socialistes français au premier rang avec leur COP 21 organisée à grands coups de millions d'euros, de champagne grand crû et de courbettes diplomatiques, quand est-ce qu’ils vont s’indigner, eux ?
Toute mon estime à ceux qui résistent et honte à ceux qui, par leur silence, leur approbation, leur désintérêt ou leur profit, participent au crime !
Merci, si tant est qu'il soit à votre goût, de faire circuler ce texte...
12:47 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : poésie, nature, écologie, politique, europe, écriture | Facebook | Bertrand REDONNET
20.04.2015
L'Ours lâche ses loups
Il faut être polonais pour éprouver ce sentiment de rancœur et de méfiance que ce peuple nourrit encore à l’égard des Russes.
Si les Anglois avaient rayé notre pays de la carte de l’Europe, s’ils avaient pendant 123 ans imposé leur langue dans les écoles, imposé la religion anglicane en lieu et place de la catholique, s’ils avaient ensuite, 20 ans après le fragile retour de notre identité, installé chez nous un régime coercitif pendant 50 ans, nous éprouverions pour eux le même, sinon bien pire, ressentiment.
Déjà, qu’on a du mal à leur pardonner les guerres de cent ans et Sainte-Hélène !
Il faut donc être un polonais.
Moi qui vis avec eux, qui les apprécie, je comprends ce sentiment, sans jamais pour autant l’éprouver, mes aïeux n’ayant pas été assommés pendant plusieurs générations par les coups de griffes de l’Ours.
Et je leur dis sans ambages chaque fois que j’en ai l’occasion, aux Polonais.
A leur tour, ils me comprennent…
Le drame dans tout cela, à mon sens, c’est comment l’OTAN*, les Américains et L'Europe mettent à profit cette inimitié historique, presque fédératrice, pour étendre leur influence maligne à l’est ; comment ils se servent de la Pologne et des Pays Baltes comme fers de lance dans leur espoir d’anéantissement économique et militaire de la Russie. Comment, par ce biais, ils attisent les haines et justifient toutes les peurs et tous les fantasmes.
Là, mes amis Polonais, je ne les comprends pas. Pas du tout, même. Ils devraient quand même avoir appris que les grandes puissances ne les aiment pas pour leurs beaux yeux de Polonais ! Ils devraient avoir intégré que les véritables amis jamais n’attisent les feux mais tentent au contraire de les éteindre. Pour que vive la paix et se taisent les canons.
Poutine, lui, sait tout ça. Et, en bon joueur d’échecs, il en joue.
Je prends dès lors tel un jeu provocateur, moqueur, le fait que ses amis-motards, les Loups de la nuit, pour célébrer le 70ème anniversaire de la victoire de l’Armée rouge sur les Nazis, se proposent de s’élancer bientôt sur la route suivie par cette Armée rouge, de Moscou à Berlin.
Dans la tête des Polonais effrayés, ça résonne fort. Des hordes russes, tatouées et pétaradantes, qui traversent le pays telle une colonne de chars, ils prennent ça comme un avertissement, comme un pied-de-nez… Comme une mise en scène de leurs angoisses ataviques.
Poutine n’a évidemment aucune intention – ni les moyens - d’envahir la Pologne, comme le susurrent les esprits les plus fous, les plus aigris, les plus paranoïaques ou encore les plus pervers ; ceux qui ont intérêt à ce que perdure la haine.
Il a sans doute, en revanche, la ferme intention de réveiller l’histoire par un spectacle allégorique. Un peu comme on fait avec les enfants quand on leur raconte Le Petit chaperon rouge, en faisant de grotesques grimaces de loup et en prenant une voix caverneuse.
Et il se dit peut-être : ils me prêtent des intentions loufoques, ils se racontent, avec leurs amis américano-européens, des histoires à dormir debout, offrons-leur donc un succédané de leurs divagations, comme au théâtre, comme au cinéma.
Et ça marche, en plus ! Les Polonais sont bon public.
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* Rappelons cette évidence : l'OTAN a été créée pour contrebalancer le pacte militaire communiste dit "Pacte de Varsovie " et aurait dû dès lors être dissoute à la dissolution du susdit Pacte...Cette organisation belliqueuse avait, en outre, signé un traité en 1991 selon lequel elle ne chercherait pas à s'étendre à l'est après la chute du mur.
Et la voilà aujourd'hui qui guigne sur l'Ukraine, après avoir guigné sur la Géorgie et après avoir englobé les Pays Baltes et la Pologne...
Où sont les véritables agresseurs ?
14:24 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : écriture, europe, histoire | Facebook | Bertrand REDONNET