UA-53771746-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

30.07.2010

Bye....

Un à un, les blogs et sites amis baissent le rideau estival...

Normal. La présence sur le net, pour gratifiante qu'elle soit, demande beaucoup  de disponibilité d'esprit.

Prendre l'air fait du bien.

Ce que je me propose de faire. Reviendrai vers vous d'ici une dizaine de jours.

Bon été à tous et toutes.

On se quitte sur un "classique" des années soixante-dix...

Amicalement

Bertrand

13:24 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (4) |  Facebook | Bertrand REDONNET

24.07.2010

A Monsieur le Président de la Chose publique

Bohémiens en voyage

bohémiens en voyage.jpg

La tribu prophétique aux prunelles ardentes
Hier s'est mise en route, emportant ses petits
Sur son dos, ou livrant à leurs fiers appétits
Le trésor toujours prêt des mamelles pendantes.

Les hommes vont à pied sous leurs armes luisantes
Le long des chariots où les leurs sont blottis,
Promenant sur le ciel des yeux appesantis
Par le morne regret des chimères absentes.

Du fond de son réduit sablonneux, le grillon,
Les regardant passer, redouble sa chanson;
Cybèle, qui les aime, augmente ses verdures,

Fait couler le rocher et fleurir le désert
Devant ces voyageurs, pour lesquels est ouvert
L'empire familier des ténèbres futures.

Charles Baudelaire - Les fleurs du mal (1857)


Lire absolument ici les témoignages de François (1998) et ici, mes propres souvenirs d'enfance.

Avec ça qui swingue dans la tête :



09:26 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

22.07.2010

Considérations non intempestives

P9140009.JPG

Je continue mon ménage d'été et ouvre les fonds de tiroir de L'exil.
Avec plus ou moins de bonheur.

Déjà publié en juin 2008

1 - Certaine modernité toujours encline à câliner la langue dans le sens du bon goût, celui qui privilégie l'apparent au détriment de l'essentiel, commande que l'on dise désormais un tapuscrit.
Ira-t-elle jusqu'à qualifier quelqu'un de beau clavier plutôt que de belle plume ?
Je verrais bien aussi un écrivain déclarer qu'il a tapé son livre en un an.
- Combien de livres a tapé Machin ? Qui a tapé tel roman paru chez un tel ? C’est un beau clavier, ce tapeur-là !
Une écriture tapée.
Sans doute ne croit-elle pas si bien dire, la modernité.

2 -
Il ne me déplait pas d'être considéré comme un tantinet béotien.
Je n'ai jamais su vraiment ce qu'était un chef-d'oeuvre.
Certains monuments jugés incontournables de la littérature m'ennuient profondément tandis que des hors-d'oeuvre ont su me parler.
En peinture, une croûte peut m'inspirer alors que je trouve la Joconde vraiment moche.
En musique, je n'ai jamais pu écouter jusqu'au bout un grand classique, sinon peut-être, Vivaldi.
En archi, sorti du gothique flamboyant, et encore, je ne connais rien.
En cinéma, c'est la catastrophe. Outre que je déteste la promiscuité des salles, ma prédilection irait aux westerns série B, avec des fourbes et des justes qui se canardent à qui mieux mieux.

3 -
Je ne hais personne, ça rend trop malheureux.
Je n'aime pas grand monde non plus, ça ne rend pas assez heureux.

4 -
Je ne cherche pas à démonter les mécanismes et finalités d'un système pour le plaisir intellectuel de démonter ou parce que j'aurais une certaine idée morale de ce qui est bien et de ce qui ne l'est pas pour une société. C’est beaucoup plus simple, moins méritoire et plus ambitieux.
Je cherche à dénoncer, pour ma gouverne et en tant qu'acteur-témoin de ce monde, en quoi les multiples ramifications de ces mécanismes et de ces buts, sont des obstacles à vivre pleinement ma vie, telle de plaisir que j'estime qu'elle vaille la peine d'être vécue.

5 -
Sarkozy, en tant que personnage réifié de la décadence politique et usurpateur de l'intelligence publique, est un espoir historique incomparable : Après lui - et quelle que soit la suite des non-évènements - ça ne pourra pas être pire.

6 -
La coexistence pacifique entre la planète, comme lieu de résidence des hommes, et l'idéologie de la croissance est absolument incompatible.
La lutte est permanente et ne peut s'achever que par la mise à mort de l'une des deux combattantes.
Le développement durable est un lapin exhibé de leur chapeau par les escamoteurs-valets de la grande finance, en guise de modus vivendi capable de distraire l'attention et pour tâcher de camoufler un temps les douleurs de plus en plus stridentes de la contradiction.
Le développement du râble est un langage réservé aux éleveurs de lapins.

7 -
Ce qu'on appelle écologie n'est que - mais c'est énorme - le reflet idéologico-politique, récupéré et réducteur, d'une exigence première, fondamentale et atavique : l'occupation humaine de la planète.

8 -
La mondialisation, concept savamment flou, désigne en fait dans ses dernières extrémités, le jardin indispensable à l'âge triomphal de la grande finance.
Cette ultime mainmise sur la planète pourrait s'avérer être le point de basculement, tout comme chez Clausewitz l'effort consenti par le conquérant lors de l'offensive à son point culminant, conduit à l'épuisement de ses forces-ressources, bientôt à son effondrement.
La survie d'un conquérant est cependant toujours fonction de ses nouvelles conquêtes, comme la sauvegarde d'un mensonge est toujours au prix d'un nouveau mensonge.
Les diverses tentatives de conquête de l'espace peuvent être lues comme la recherche de nouvelles richesses à extorquer au cosmos, de nouvelles poubelles à exploiter, voire d'intelligences à asservir.
En un mot comme en cent, comme le projet d'un recul encore plus lointain des clôtures de la croissance.

9 -
Si les refrains religieux me dégoûtent, les couplets tout aussi péremptoires des matérialistes athées ne me satisfont pas.
La chanson est sans doute d'une écriture plus complexe.

10 -
Le rat est un commensal de l'homme, l'homme un commensal du capital.
Des richesses, des miettes et des poubelles.
Equilibre alimentaire trompeur : Supprimer le capital ne supprimera ni l'homme, ni le rat. Supprimer le rat, tout le monde est d'accord.
Supprimer l'homme, c'est en bonne voie.

11 -
Lorsque je fais mon archéologie, les bribes et les tessons mis au jour finissent par faire un tout chaotique mais cohérent.
C'est une satisfaction, je le dis tout net.

12 - Quand on séduit tout le monde, c'est qu'on ne plaît à personne.
Et comme disait le poète sétois avec des moustaches : Il ne me déplait pas de déplaire à certains.

13 - La relation qu'on a à soi ne diffère pas de celle qu'on entretient avec le monde.
Au risque de fausser les deux.

14 -
Aucune valeur au monde ne peut exiger que nous nous endormions dans l'ennui.
Vient un moment où il faut, avec joie, larguer les amarres.
Même celles, et peut-être surtout celles, que nous pensions être ancrées le plus profondément en nous et par nous.

15 -
Je vis dans une organisation humaine qui ne me convient pas. Cela suffit pour que je puisse affirmer sans erreur qu'elle est mauvaise.
Mon bonheur est alors forcément subversif.
Un parti pris.

16 -
Je ne compte pas assez de doigts aux mains, quand bien même les affublerais-je de mes orteils, pour dire le nombre de bas courtisans, d'imbéciles, de staliniens repentis, voire d’idéologues de la vieille droite, que j'ai pu croiser et qui, sans vergogne, faisaient l'éloge de La Société du spectacle ou du Traité de savoir-vivre, allant même jusqu'à se réclamer de la justesse de leur analyse.
Comme quoi la mêche situationniste a définitivement fait long feu.

17 -
L'état actuel de la pratique numérique a poussé plus loin encore, au point de les contredire, les affirmations de la théorie situationniste selon laquelle " le directement vécu s'est éloigné en images."
Il n'y a en effet pas eu de conflit d'intérêt entre l'image et le vécu où la destruction de l'un eût été la condition sine qua non de la pérennité de l'autre.
Le directement vécu ne s'est pas éloigné au sens de mal-vécu et d'anéantissement de la présence humaine dans les activités humaines. Il s'est fait image à part entière et inversement.
L'image et le vécu, au lieu de s'engager dans une lutte à mort, ont pactisé dans la synthèse.
L'erreur consistait encore, même chez les situationnistes, à préjuger d'une certaine qualité de la vie, prédéfinie, posée comme postulat et point de ralliement de la critique.
Que la synthèse s'engage à son tour ou non dans un autre conflit qui la dépasserait ou la vérifierait, ça,  j'en sais bougrement rien.

18 -
Pris d'une douloureuse crise existentielle, le site Internet d'une collectivité départementale titre enfin : A quoi servons-nous ?
Les vraies questions sont souvent posées par inadvertance.

19 -
Toutes les grandes passions amoureuses naissent d'une infidélité.

20 - Est-ce que les chats mangent du caviar ?
Non !
Alors cessons de nommer gauche-caviar ce qui n'est que bouillie pour les chats.

21 -
Les Français sont vraiment versatiles dans leur tête :
Giscard avait une tête de noeud,
Mitterand une tête de Machiavel,
Chirac n'avait pas d'tête.
Ce après quoi ils ont élu une tête de con.

22 -
Aucun homme au monde ne peut acquérir l'habitude de la misère, alors qu'à peu près tous composent dans la misère de l'habitude.

23 -
Dialectiquement, le faux est un moment du vrai.
En politique aussi mais avec cette nuance que le faux est un cabotin qui tarde à passer le micro.

24 -
Faire l'âne n'est pas sans risque : on ne sait jamais à quel moment précis le renversement s'opère.
Quand c'est l'âne qui vous fait.

25 -
Un voyageur qui sait dans quel lit il mourra est déjà mort.

26 - Mathématique de notre modernité éclairée : L'espérance de vie qui n'en finit pas de s'allonger est inversement proportionnelle à l'espoir de vivre.

27 -
Toute ma vie, j'ai eu peur de la mort....
Me reste plus qu'à espérer de n'avoir pas peur de la vie toute ma mort…

28 -
Tous les catholiques que j'ai pu rencontrer abusaient de la syllepse :  ils étaient de mauvaise foi.

29 -
Même peu reluisante, la crise de foie d'un alcoolique est toujours moins grotesque que la crise de foi d'un catholique.

30 -
Nietszche est mort.
Signé Dieu

31 -
Si nous vivons le triomphe des idéologies libérales et de la grande finance, le regain de vigueur de la calotte et le répugnant retour de toutes les valeurs les plus mensongères et les plus aliénantes pour l'intelligence, le bonheur et la liberté humaines, ce n'est pas au génie stratégique des pouvoirs en place que nous le devons mais bien aux systèmes - aujourd'hui déchus - qu'on avait installés un peu partout, principalement en Europe de l'est et centrale, sous le nom usurpé de "communisme".
C'est en mettant en avant ces faux exemples, en taisant leur sédiment historique et en les introduisant ainsi dans la tête de leurs moutons comme ayant été la réalité du communisme, que le capital et la finance font perdurer leur domination et continuent d'étrangler la vie des hommes par amalgame.
Et pour très longtemps encore...
Tant qu'il restera un seul de ces communistes-là et un seul de ces prétendus adversaires de ce communisme-là, amusant la galerie chacun avec son usurpation d'identité.
Après, c'est inéluctable, les générations réécriront le mot tout neuf.
Mais pour tout dire, je m'en fiche.
Longtemps que je serai de l'autre côté de l'horizon.

32 - Quand on tombe amoureux, on perd l'équilibre...
Ça tombe sous le sens.

16:37 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

20.07.2010

Des lumas, des bananes et des poules

557739312_small.jpgLes grandes institutions ont ceci de particulier, même si elles s’opposent le plus souvent à la qualité et à la volonté de vivre de l’individu au nom d’une loi unique établie pour tous, qu’elles en arrivent à faire rire aux éclats tant leur volonté de nivellement - par le bas  au profit du haut - épouse parfois le grotesque et la bouffonnerie.
L’Europe, cette grande idée confisquée par les usurpateurs habituels, en constitue une  preuve éclatante.

Forte de 27 pays qui ne voient pas le même midi briller à leur porte, elle est contrainte de légiférer sur de l’absurde, de modifier des faits avérés pour assurer ses ambitions et satisfaire tant bien que mal aux intérêts nationaux, le plus souvent divergents.
Sans rentrer dans les détails, commençons par les lumas, les cagouilles si vous voulez, bref, les escargots, si vous n’êtes pas aguerris aux patois locaux.
Tous les pays n’apprécient pas à sa juste valeur l’exquise saveur des lumas, en sauce bordelaise ou au beurre persillé. Bien loin s’en faut ! Si vous avez des Anglais qui s’éternisent
chez vous, par exemple, servez-leur des escargots au dîner. Vous les chasserez plus sûrement et plus vite que ne le fit jadis la Pucelle d’Orléans et vous les verrez, en outre,  faire une moue de profond mépris et de dégoût !
De même les Polonais. Ils n’aiment pas du tout les lumas. C’est pour les cigognes, qu’ils disent. Et bien d’autres peuples encore….Combien de pays, en fait,  consomment-ils des escargots ? Je ne sais pas…Les Français, oui, les Espagnols aussi, les Portugais  (à l’apéro) et d’autres peut-être encore…

Alors comment subventionner le commerce de ces charmants lumas ? Comment les faire entrer dans le cadre des produits alimentaires, quand ils charment les uns et répugnent les autres ?
C’est simple : Il n’y a qu’à dire que ce ne sont pas des gastéropodes, mais des poissons !
Chose aussitôt dite, chose aussitôt faite, signée et contresignée, donc.
Et si, par les chemins creux humidifiés par un récent orage, vous en rencontrez un qui chemine peinard, en bon européen, courez donc vite le jeter dans la rivière la plus proche, son élément !
Mieux. Si votre bambin vous réclame un  poisson rouge pour son aquarium, offrez -lui donc un lumas gris ! Et s'il n'est pas content, pleurniche et fait des histoires, expliquez-lui calmement, à cet ignare anarchisant, qu'on vit en Europe et qu'il y a des lois et des concepts qui valent pour tous.

Il  y a les bananes aussi…J’ignore ce qui s’est passé exactement pour ces pauvres bananes, mais je sais que les révisionnistes européens ont dû définir une courbe légale, un galbe impeccable, statutaire, que doit arborer ce fruit exotique pour satisfaire à je ne sais quels sombres appétits du commerce ou lointains intérêts ex-coloniaux.
Ils ont dû, ceux qui siègent à Bruxelles, faire de savants calculs de trigonométrie et si vous voulez désormais être aux normes avec vos bananes, en bons européens, allez-y, avant de passer à la caisse, de vos sinus et autres cosinus…Rappelez-vous comment on calcule une tangente et sachez que celle-ci forme, à son point de contact avec une courbe, un angle nul.
Au moins, avec ce dernier mot, le champ lexical sera respecté.

Le dernier exploit intellectuel de la Grande Europe porte, lui,  sur les œufs…Ils ne seront plus vendus à la douzaine, à la demi-douzaine ou par trois, bref au nombre, mais au poids !
-   J’voudrais deux kilos d’œufs de poule, s’il vous plaît
- Voilà, voilà, tout de suite,  cher monsieur…

J’ignore pourquoi. Les voies du législateur sont souvent tellement impénétrables !
Peut-être que les autruches, ou les cigognes, ont porté plainte pour discrimination.

Quelle misère !
Et comme disait un célèbre humoriste en salopette : Rigolez pas, les gars,
tout ça c’est avec votre pognon !

09:06 Publié dans Critique et contestation | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

18.07.2010

Rêve

31.jpgJe dévalais la colline et ne maîtrisais plus mes pas.
En bas, il y avait un rideau de grands peupliers et, juste derrière ce rideau d’ombre tremblotante, la rivière qui bousculait des eaux transparentes et en cascades.
Je la reconnaissais, la rivière. C’était celle dans laquelle je pataugeais enfant. Celle de tous les opprobres quand je rentrais les chaussettes noyées de ses eaux froides. La Bouleure. On disait alors, par métonymie spontanée sans doute et quand chaque pas gargouillait dans les galoches, qu’on avait boulé.
Pour l'heure, il me fallait éviter la rivière à tout prix, donc tamponner un peuplier. Je n’avais pas le choix. La peur des punitions était plus forte que la peur du choc frontal. Je préférais, je m’en souviens nettement, m’écraser contre l’arbre plutôt que d’affronter le courroux maternel.
Je visai donc un arbre énorme, je fermai les yeux, mon galop s’accéléra encore et mon corps sembla prendre du poids.
Je trébuchai, heurtai tangentiellement le tronc et dans le choc une profonde blessure s’ouvrit à l’arcade sourcilière qui dégoulina tout rouge.
Tel un ricochet, je sombrai corps et âme  dans le cours d’eau.
Ce fut étrangement chaud et ma plaie se referma aussitôt en une large cicatrise qui barrait mon visage, de l’œil jusqu’au menton. Je n’étais pas mouillé comme si mon corps se fût soudain revêtu des plumes d’un cygne.
Je me hissai sur l’autre berge, très à l’aise. Des gens que je reconnus pour avoir habité les mêmes chemins que moi, applaudissaient et riaient aux éclats.
D’autres, sinistres, que j’avais croisés pêle-mêle dans ma vie, des femmes ou des hommes que j’avais oubliés même, des passants insignifiants de ma mémoire, interchangeables,  me montraient du doigt et semblaient vouloir me livrer à je ne sais quelle vindicte.
Il faisait un soleil éclatant au zénith et les prés bas sentaient fort la menthe sauvage.
J’étais en culottes courtes. Ma chemise était déchirée, de la morve me pendait au nez et j’avais chaud. Très chaud.
Quoique cautérisée et comme déjà ancienne, l’indélébile blessure me défigurait et me donnait l’air patibulaire d’un tueur.

Je n’ai pas aimé ce rêve.

Je n’aime pas les rêves qui,  comme les rivières, sont trop limpides.

 

Texte publié en juillet 2007

16:51 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

16.07.2010

Contes et légendes de Podlachie - 15 -

perles-nacre-huitre.jpg

Le pêcheur de perles

Au bord du lagon, les hommes plongent et replongent encore.
L’air de l’été est chaud. Très chaud. Une brise accablante dessine sur l’eau des vaguelettes que le soleil fait miroiter tel qu’on dirait des diamants à la dérive.
Les hommes nus s’élancent, plongent et reviennent à la surface, essoufflés, leur longue chevelure ruisselante, avant de disparaître encore dans la profondeur des eaux.

Un homme cependant demeure immobile sur la rive déserte. Il ne plonge pas. Son regard, obstinément, fouille les bords du lagon, là où il vient mourir dans un clapotis tranquille.

Viens avec nous ! Viens ! Nous ramènerons des perles et ce soir au village, les femmes et les enfants nous fêteront. Les enfants danseront et les femmes mettront dans leurs cheveux bruns des fleurs multicolores et des parfums délicats. Nous déposerons à leurs  pieds toute la richesse bleutée de nos trésors ! Viens plonger !

Pêcheurs, cherchez sous l’eau encore le rêve de votre vie. Moi, je reste ici, sur les berges désertes.

Car un jour, un jour de plein été tel qu'aujourd’hui, j’ai plongé tout comme vous.
Et des fonds secrets du lagon, j’ai ramené une perle merveilleuse, énorme, polie et ciselée par les temps infinis passés sur son éclat.

Mais peut-être n’était-ce pas une perle. Elle était tellement grosse ! Peut-être n’était-ce qu’une simple pierre et le soleil jouant dessus m’a fait croire un moment que j’avais trouvé la richesse…
Oui, sûrement, c’était un vulgaire caillou…Un mirage.
Avec dédain, je l’ai rejeté loin dans l’eau et là, juste avant de s'engouffrer sous l'eau,  il a brillé avec tout l'éclat fugitif du diamant.
J’ai cru…J'ai frissonné...J'ai été épouvanté.
J’ai compris que si c’était une perle, c’était la plus fabuleuse de la terre, la plus précieuse, la plus recherchée, la plus mirobolante...

Mais non. Ça n’était sans doute qu’un caillou.
Mais si c‘était une perle, alors je venais de rejeter à l’eau tous mes rêves, tous mes espoirs les plus fantasques...

Et depuis lors, je guette et j'attends que le lagon me la rende.
Pour savoir si c’était une perle fabuleuse ou une pierre comme on en trouve des milliers, partout.
Mais qui me le dira ?

Saurai-je un jour la vérité ?

Plongez ! Plongez ! Je reste sur la rive déserte.
Tenaillé par un doute
affreux.

08:29 Publié dans Contes et légendes de Podlachie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

12.07.2010

Lire Balzac

balzac tombe.jpg

Pour les étourdis qui ne liraient  pas Non de  non,  je mets ici en ligne une lettre que m'adressa récemment Roland Thévenet, et parce que je la trouve, cette lettre, à bien des égards   essentielle.

Cher Bertrand,

Il fut temps, je crois, où les jeunes gens qui lisaient Balzac avec une ferveur non feinte, (celle avec laquelle ils écoutaient aussi Wagner), trouvaient dans la Comédie Humaine une sorte de dépucelage social, qu’ils prenaient très au sérieux ; pour eux, le roman dit d’apprentissage  fonctionnait à plein tube. Ce temps, c’était la fin du XIXème et le début du XXème. J’en trouve quelques témoignages chez des Lyonnais que j’affectionne, les Chevallier, Champeaux, Béraud :

« Ce fut un éblouissement. Il admira qu’on put apprendre tant de choses, tout en se laissant emporter au fil du récit romanesque. En quelques mois, les sciences les plus abstruses –la médecine, la procédure, la théologie et l’économie politique – lui révélèrent leur secret. Il avait maintenant une teinture de toutes les connaissances. Rien, de lui, demeurait étranger. Les plus savants débats s’ouvraient à ses lumières », écrit Champeaux (1). 
Chevallier rajoute pour sa part : « L’art passe pour un amusement aux yeux de ceux qui ne s’y sont pas affrontés. Mais nous lisions Balzac, qui connaissait bien la question  (…) Michel-Ange,  Shakespeare, Cervantès, Balzac ont accompli des choses plus étonnantes qu’Alexandre, César ou Napoléon. Les seconds se sont emparés d’une humanité passive, crédule et malléable ; ils l’ont modifiée et bouleversée. Mais les premiers ont créé une humanité fictive qui n’est encore point morte, et longtemps encore servira de compagne et de modèle aux humains.»

Quant à Béraud, il fit mieux, fort en gueule et vêtu comme un dandy dans le Lyon mille neuf cents, je crois qu’on peut sérieusement avancer qu’il se prit pour Balzac, encouragé en cela par une cour de fidèles admirateurs.

Puis les lectures qu’on fit du vaillant Honoré perdirent cette espèce de naïveté très Belle Epoque, très autodidacte.
Les universitaires d’après-guerre, c’est triste à dire, avaient pris le pouvoir sur le monde des Lettres :  A l’ombre soit d’un grand Wurmser, soit d’un grand Bardèche, les lectures de Balzac étaient devenues informées, idéologiques, partisanes : Valéry et sa marquise sortant à cinq heures étaient aussi passés par là, l’ancienne société dépeinte par Balzac avait été balayée par une guerre mondiale, une crise économique, une seconde guerre mondiale, Proust et Céline avaient parachevé le tout, l’un ayant conté le choléra qui avait frappé ses cimes, l’autre la gangrène qui avait dépecé sa base.
Dans les facs ouvertes à tous les vents de l’après soixante-huit, on continuait à parler de Lucien de Rubempré et de Coralie, de César Birotteau et de Louis Lambert, de Madame de Mortsauf et de Vautrin comme de personnages réalistes. Soit.
Mais qui, franchement, s’attendait encore à les rencontrer dans une station service ou sur un quai de métro ? Le sérieux Genette nous avait-il pas à tous expliquer en plusieurs tomes qu’il ne fallait plus confondre la personne avec le personnage ? Et la bataille contre l’Etat-Civil, avec le temps écoulé et tant de thèses expirées, avait cessé, faute de combattants.

Qu’en est-il aujourd’hui ? Ce que je vous disais dans une précédente lettre : Balzac fait chier la jeunesse !  Et pour ce qu’elle est intéressante, la jeunesse, Balzac le lui rend bien ! Quand j’habitais à côté du Père Lachaise, j’allais le lire, le cul posé sur sa tombe, face à celle de Gérard. J’ai toujours beaucoup aimé cette allée, pavée et ombragée, et si littéraire. Un après-midi, je l’ai déjà raconté sur Solko, je rencontrais un vieux monsieur qui se présenta à moi comme un amoureux de Nerval car, m’avoua-t-il, la lecture de Gérard lui avait sauvé la vie. Aussi fleurissait-il sans avarice le rectangle de sa tombe. Nous engageâmes la conversation, - une conversation très douce et fort érudite, qui rompait rudement avec l’odieuse sécheresse de ces années mille neuf cent quatre-vingts durant lesquelles le socialisme matois et décomposé de quelques rusés dirigeants français avait commencé à dresser la table dans le pays au libéralisme sauvage et mondialisé qui triompha depuis -. Il me proposa, puisque j’aimais l’auteur de Louis Lambert, de me faire découvrir la tombe d’Esther, celles de Lousteau, de Goriot, de Nucingen… la tombe de leurs modèles, aurait corrigé Gérard Genette, mais ce vieux monsieur restait balzacien jusque dans le double discours. Et, plissant les paupières, humides de quelque réminiscence :

« -quelle pitié, l’abandon de ces travées... L'abandon de ce siècle…

- 1822... Deux ans avant Louis Lambert, fis-je alors remarquer devant l’une d’elle.

- C’est exact, me dit mon spirituel guide, retroussant contre sa nuque son col de fourrure de martre élimé. Puis, comme si ma remarque l’avait ramené à la réalité :

- Nous ne trouverons pas Louis parmi ces allées… »

Mais j’avais découvert, dans la statuaire du cimetière parisien d’où Rastignac avait poussé son fameux cri, et grâce à ce vieillard, une entrée nouvelle dans l’œuvre, une entrée de chair, si l’on peut dire. Il m’en avait fait flairer quelques relents.

Nous sommes d’accord une fois de plus : ce Splendeur et Misères des Courtisanes, qui voit une moitié de Paris se battre contre l’autre pour emporter la grâce d’un sourire de Lucien, est certainement l’un des meilleurs. La Cousine Bette, également. Et bien sûr ces Paysans. Mais, quand on trempe un doigt de pied dans la mer, on a souvent envie d’y plonger à nouveau le corps  tout entier, n’est-ce pas ?

Voici donc juillet et le temps du farniente. Je veux dire, le temps du farniente social. Echangerons-nous de loin en loin durant l’été une plus clairsemée correspondance ?
Je ne sais encore. Je vous retrouverai avec plaisir à la rentrée.

Amitiés

Roland

(2). Champeaux – Le roman d’un vieux groléen

(2) Gabriel Chevllier - Chemins de Solitude.

13:20 | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | Bertrand REDONNET

08.07.2010

Contes et légendes de Podlachie - 14 -

1620799426.JPG

La joubarbe

Un homme en haillons, les mains liées et meurtries par de lourdes chaines, entouré de soldats Jadzvingues armés jusqu’aux dents, allait sur un sentier brûlé par le soleil,  mal aisé et battu par un vent du sud, un vent chaud, sec, chargé d’une âcre poussière et qui coupait le souffle.

Il advint que la petite troupe, longeant un maigre ruisseau qui gargouillait entre de hautes herbes, croisa le chemin d’un vieux mendiant, lui aussi en haillons, mais libre de ses mouvements.
Il portait avec lui un sac en peau de chèvre et une large coupe à boire.

Le chef des soldats - car les soldats, comme vous le savez, ont toujours un chef à leur tête, quand bien même ne seraient-ils que deux - enjoignit alors au vagabond de descendre au ruisseau, d’y remplir immédiatement sa coupe d’eau et de venir la porter aux lèvres desséchées du prisonnier.
L’homme ne regarda même pas le soldat, secoua la tête et passa son chemin en disant qu’il était un pèlerin et qu’il n’avait pas le droit de s’arrêter n’importe où.
Le pauvre prisonnier, passant sa langue sur ses lèvres douloureuses, en fut accablé. Il parvint cependant à murmurer, la tête basse : Si tu es un pèlerin, alors, sois éternellement pèlerin et ne t’arrête jamais !

Quelques jours plus tard, dans un village tapi à l’ombre  des forêts, le prisonnier fut pendu haut et court par ses juges.

Et le mendiant, des années après cet évènement, mourut lui aussi, mais de vieillesse, quelque part dans un village de la plaine, parmi les siens retrouvés.

Et sur sa tombe, parmi les mousses et les fines herbes, on vit alors croître une plante étrange, qu’on n’avait jamais vue auparavant, une petite plante aux fleurs dorées, aux feuilles légèrement piquantes.
Elle rampait d’un tombeau à l’autre, parcourait les allées,  tant qu’elle parvint à sortir bientôt du cimetière…On la vit alors qui rampait encore le long des chemins difficiles, brûlés par le soleil et battus par un vent du sud, un vent souvent sec et chaud, chargé d’une âcre poussière.

Depuis, la joubarbe rampe, elle rampe toujours dans les paysages les plus surchauffés de la campagne, et elle fuit l’eau, elle déteste l'ombre et la fraîcheur.
On a beau la fouler au pied, l’arracher, elle repousse et  reprend sans jamais arrêter sa course de reptile au ras du sol, sous les feux du soleil.

Et les Jadzvingues disent que c’est là l’âme du vieux mendiant qui expie son inhumanité et qui rampera éternellement, par les dieux chassé du firmament .

NB : Sur cette légende, je vous dois quelque vérité.
Si j’en ai respecté la trame, je l’ai entièrement réécrite. J’ai surtout supprimé les héros, car je soupçonne l’auteur d’avoir récupéré de la mémoire collective au profit de sa propre idéologie…
En fait, sous la plume de Maria Kasterska,  le prisonnier s’appelle Jésus et les soldats sont ceux de Ponce Pilate.
Ça ne tient pas debout et ça m’a d’autant plus énervé que l’étymologie de joubarbe "jovibarba", signifie "barbe de Jupiter".

08:00 Publié dans Contes et légendes de Podlachie | Lien permanent | Commentaires (20) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

02.07.2010

Consultations juin

Ça baisse toujours un peu, mes p'tites affaires, mais ça a au moins le mérite d'être dit....Doucement, mais sûrement, que ça baisse. Une espèce de stabilité dans la médiocrité, comme en politique....

Par rapport à mai, 113 visiteurs uniques, 9 visites quotidiennes, 1043 pages et  381 visites mensuelles, tout ça  en moins.

Alors, puisque je suis parti sur une analogie avec la politique, je vais faire comme l'imbécile du proverbe chinois : Le doigt semblant vouloir me montrer le soleil, je vais regarder le doigt.

Cette baisse tendancielle (ça vous rappelle quelque chose ?) doit donc être due à une vilaine météo contraire à l'ordinateur, à la lecture et à  l'écriture : La chaleur. Ah, la chaleur ! Quelle poisse !

Je me dis aussi (parce que faut bien se dire quelque chose si on veut continuer) que la passerelle entre livre traditionnel et écriture numérique ne fonctionne pas bien, si tant est qu'elle fonctionne : Le fait d'avoir inscrit l'adresse de  " L'exil des mots " sur deux livres, (Capharnahome chez Antidata et Géographiques au Temps qu'il fait , n'a pas draîné sur ces pages un seul lecteur supplémentaire.

Mais peut-être aussi que ceux-ci sont en même temps ceux-là...
Ah, que c'est compliqué, tout ça !

Merci en tout cas à vous tous et toutes qui êtes là, bien amicalement et bonnes vacances si vous avez des projets d'évasions géographiques ou autres !

Moi, je vais faire le contraire des chiffres, histoire de les emmerder  : Ils baissent le nez, je vais lever l'pied.

Bertrand

Résumé

Visiteurs uniques Visites Pages Pages par jour (Moy / Max) Visites par jour (Moy / Max)
904 3 705
11 403
380 / 1 456 123 / 182

Statistiques quotidiennes

Visites: 109Pages: 378 Visites: 147Pages: 455 Visites: 144Pages: 236 Visites: 107Pages: 206 Visites: 114Pages: 528 Visites: 118Pages: 232 Visites: 157Pages: 354 Visites: 109Pages: 244 Visites: 108Pages: 390 Visites: 107Pages: 320 Visites: 134Pages: 255 Visites: 111Pages: 206 Visites: 93Pages: 210 Visites: 146Pages: 301 Visites: 96Pages: 297 Visites: 178Pages: 296 Visites: 169Pages: 414 Visites: 147Pages: 563 Visites: 126Pages: 239 Visites: 182Pages: 936 Visites: 175Pages: 624 Visites: 110Pages: 231 Visites: 150Pages: 340 Visites: 108Pages: 405 Visites: 154Pages: 597 Visites: 91Pages: 165 Visites: 82Pages: 142 Visites: 85Pages: 198 Visites: 103Pages: 1456 Visites: 95Pages: 185 Visites: 125,2Pages: 380,1
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 Moy

08:55 Publié dans Statistiques | Lien permanent | Commentaires (7) |  Facebook | Bertrand REDONNET

01.07.2010

Contes et légendes de Podlachie - 13 -

lys-blanc_2735.jpg

Le lys d'or

Aux temps d’autrefois, toujours sur les plaines de Podlachie où vivait le peuple des Jadzvingues, était un jeune prince.
La légende ne dit pas s’il était charmant, mais elle affirme qu’il était triste, très triste, triste à en mourir, d’une mélancolie maladive et trouvant même un certain bonheur à cette mélancolie.
Un romantique bien avant l’heure, pourrions-nous avancer avec un peu d’audace, si nous en avions...
Son mal de vivre était si poignant, il se croyait tellement le plus malheureux des hommes de la terre, qu’il se retira du monde  un beau jour et vint vivre ses accablements en son palais, situé aux confins de la Podlachie, aux portes d’un désert.

C’était un beau palais entouré de jardins luxuriants et agrémentés d’arbres gigantesques, de plantes délicates et de fontaines de toutes sortes ; Un palais comme seuls en possèdent les gens de haute lignée.
Là, dans une volupté secrète, le prince s’isola donc et de sa solitude attisa encore ses douleurs et ses chagrins.
Un matin de grand soleil, très tôt, cependant qu’il était penché à sa fenêtre et contemplait sans les voir  son grand parc et ses arbres centenaires, une main se posa sur son épaule.
C’était une jeune femme. Un fantôme de jeune femme plutôt, car elle était toute vêtue de blanc et son visage était entièrement voilé.
Sais-tu, dit l’apparition, qu’il y a en tes jardins un lys d’or qui a soif et qui ne doit pas mourir ?  Il doit fleurir aujourd’hui même. Je le sais. Viens avec moi, aide-moi à le découvrir, nous l’arroserons et tous tes jardins en resplendiront d’autant, et la vie jaillira par chaque plante, par chaque fleur, par chaque arbuste et par chaque arbre.

Car vois-tu, la rosée du matin est encore perlée sur les herbes des allées, mais le soleil va monter au zénith et bientôt tout sera desséché. Alors, il sera trop tard…

Mais le prince mélancolique, tout à l’examen de ses blessures et de ses chagrins intimes, se dit que la journée serait longue et que s’il fallait trouver un lys d’or aujourd’hui, il avait encore bien du temps devant lui.
Il n’écouta pas la jeune femme et se réfugia dans ses noires pensées.

Vers midi cependant, sous les feux brûlants de l’azur,  la femme revint et l’implora encore. Cette fois-ci, remarqua négligemment le triste prince, ses voiles blancs étaient poussiéreux et sa voix tremblait légèrement.
Longtemps j’ai marché à travers les déserts torrides pour venir te dire et te montrer le lys d’or. Je suis lasse, très lasse.  Viens avec moi chercher le lys d’or de tes jardins. Regarde le soleil qui flamboie et incendie déjà la vie. Viens vite. Il faut trouver le lys d’or et le rafraîchir d’une eau claire, sans quoi il sera irrémédiablement perdu.

Mais le prince mélancolique, tout à l’examen de ses blessures et de ses chagrins intimes, se dit que la journée serait longue et que s’il fallait trouver un lys d’or aujourd’hui, il avait encore bien du temps devant lui.
Il n’écouta pas la jeune femme et se réfugia dans ses noires pensées.

Au crépuscule, le petit fantôme tout blanc réapparut pour la troisième fois, mais cette fois-ci, son habit était maculé de terre et de sang, sa voix n’était plus qu’un gémissement et, au travers des voiles, par endroits déchirés, qui recouvraient le visage, le prince vit de grosses larmes qui coulaient.
Pour la troisième fois aussi, il ne l’écouta pas.
Beaucoup plus tard cependant, dans la nuit encore tiède, il s’extirpa enfin de son atrabilaire rêverie, se souvint de l'apparition  et voulut l’appeler.

Seul lui répondit le grand silence des étoiles et du ciel. Une chouette passa dans l’ombre épaisse et le frôla de son aile chuintante. Le  prince tressaillit.
Il descendit aux jardins.

Dans la grande allée, près d’une fontaine qui ne coulait plus,  gisait un magnifique lys d’or, mais il était détruit, flétri, fané et toutes les herbes, toutes les plantes, toutes les fleurs alentour étaient jaunies, desséchées, lamentablement recroquevillées sur le sol, comme si les sables du désert tout proche avaient franchi l'enceinte du palais et  s'étaient jusqu'ici répandus.
Le prince crut alors reconnaître, tout près du lys d’or, un morceau de voile souillé et cruellement déchiré.

Et, cette fois-ci, sa douleur fut tellement réelle et tellement vive, qu’il en perdit complètement la raison.

08:00 Publié dans Contes et légendes de Podlachie | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET