20.07.2010
Des lumas, des bananes et des poules
Les grandes institutions ont ceci de particulier, même si elles s’opposent le plus souvent à la qualité et à la volonté de vivre de l’individu au nom d’une loi unique établie pour tous, qu’elles en arrivent à faire rire aux éclats tant leur volonté de nivellement - par le bas au profit du haut - épouse parfois le grotesque et la bouffonnerie.
L’Europe, cette grande idée confisquée par les usurpateurs habituels, en constitue une preuve éclatante.
Forte de 27 pays qui ne voient pas le même midi briller à leur porte, elle est contrainte de légiférer sur de l’absurde, de modifier des faits avérés pour assurer ses ambitions et satisfaire tant bien que mal aux intérêts nationaux, le plus souvent divergents.
Sans rentrer dans les détails, commençons par les lumas, les cagouilles si vous voulez, bref, les escargots, si vous n’êtes pas aguerris aux patois locaux.
Tous les pays n’apprécient pas à sa juste valeur l’exquise saveur des lumas, en sauce bordelaise ou au beurre persillé. Bien loin s’en faut ! Si vous avez des Anglais qui s’éternisent chez vous, par exemple, servez-leur des escargots au dîner. Vous les chasserez plus sûrement et plus vite que ne le fit jadis la Pucelle d’Orléans et vous les verrez, en outre, faire une moue de profond mépris et de dégoût !
De même les Polonais. Ils n’aiment pas du tout les lumas. C’est pour les cigognes, qu’ils disent. Et bien d’autres peuples encore….Combien de pays, en fait, consomment-ils des escargots ? Je ne sais pas…Les Français, oui, les Espagnols aussi, les Portugais (à l’apéro) et d’autres peut-être encore…
Alors comment subventionner le commerce de ces charmants lumas ? Comment les faire entrer dans le cadre des produits alimentaires, quand ils charment les uns et répugnent les autres ?
C’est simple : Il n’y a qu’à dire que ce ne sont pas des gastéropodes, mais des poissons !
Chose aussitôt dite, chose aussitôt faite, signée et contresignée, donc.
Et si, par les chemins creux humidifiés par un récent orage, vous en rencontrez un qui chemine peinard, en bon européen, courez donc vite le jeter dans la rivière la plus proche, son élément !
Mieux. Si votre bambin vous réclame un poisson rouge pour son aquarium, offrez -lui donc un lumas gris ! Et s'il n'est pas content, pleurniche et fait des histoires, expliquez-lui calmement, à cet ignare anarchisant, qu'on vit en Europe et qu'il y a des lois et des concepts qui valent pour tous.
Il y a les bananes aussi…J’ignore ce qui s’est passé exactement pour ces pauvres bananes, mais je sais que les révisionnistes européens ont dû définir une courbe légale, un galbe impeccable, statutaire, que doit arborer ce fruit exotique pour satisfaire à je ne sais quels sombres appétits du commerce ou lointains intérêts ex-coloniaux.
Ils ont dû, ceux qui siègent à Bruxelles, faire de savants calculs de trigonométrie et si vous voulez désormais être aux normes avec vos bananes, en bons européens, allez-y, avant de passer à la caisse, de vos sinus et autres cosinus…Rappelez-vous comment on calcule une tangente et sachez que celle-ci forme, à son point de contact avec une courbe, un angle nul.
Au moins, avec ce dernier mot, le champ lexical sera respecté.
Le dernier exploit intellectuel de la Grande Europe porte, lui, sur les œufs…Ils ne seront plus vendus à la douzaine, à la demi-douzaine ou par trois, bref au nombre, mais au poids !
- J’voudrais deux kilos d’œufs de poule, s’il vous plaît
- Voilà, voilà, tout de suite, cher monsieur…
J’ignore pourquoi. Les voies du législateur sont souvent tellement impénétrables !
Peut-être que les autruches, ou les cigognes, ont porté plainte pour discrimination.
Quelle misère !
Et comme disait un célèbre humoriste en salopette : Rigolez pas, les gars, tout ça c’est avec votre pognon !
09:06 Publié dans Critique et contestation | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : littérature | Facebook | Bertrand REDONNET
Commentaires
çà y est le nouvel ordi est installé;me revoilà; eh bien les belles omelettes que çà fera quand il va falloir peser les oeufs; il n'y a pas que les bananes qui soient calibrées; ici, il y a des pêches qu'on peut dire "données" elles sont un peu boisées(traces quand elle touchaient les branches) ou tordues ou petites; si vous saviez leur saveur!!merci de faire revivre Coluche, il nous manque.
Écrit par : Anne-Marie Emery | 20.07.2010
Ah les escargots persillés!!! Je me souviens en avoir ramasser, lorsque j'étais gosse, des bourriches et des bourriches. Ils restaient dedans plusieurs semaines, puis il fallait les faire dégorger, les ébouillanter, les décoquiller, les laver... Il y en avait des prés entiers. Quand je vois maintenant le prix de la douzaine...
Si les escargots sont des poissons, les européens sont de fameux pigeons.
Écrit par : solko | 21.07.2010
Et pourtant moi je ris. Ton texte Bertrand est d'une saveur exquise : il vaut tous les lumas, toutes les bananes et tous les œufs de poules et autres gallinacés, du monde ! Il est 'trop génial' !
Écrit par : Michèle | 21.07.2010
Heureuse Anne-Marie en sa Creuse ombragée !
Et l'ami Solko, gourmet de fins lumas....Normal, " un homme qui n'aime pas manger des lumas, a des secrets à cacher à ses semblales ", dixit Baudelaire à propos du vin.
Il disait, il écrivait plutôt, " Un homme qui ne boit que de l'eau....etc"
Moi itou, Michèle, j'ai ri en écrivant ce petit texte...parce que devant un tel étalage de bêtise, rire évite de pleurer de honte.
Amitiés à vous trois
Écrit par : Bertrand | 21.07.2010
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