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28.03.2008

Quelques évidences savamment occultées

1- La coexistence pacifique entre la planète, comme lieu de résidence des hommes, et l'idéologie de la croissance est absolument incompatible.
La lutte est permanente et ne ne peut s'achever que par la mise à mort de l'une des deux antagonistes.
Le développement durable n'est donc qu'une sorte de lapin exhibé de leur chapeau par les escamoteurs du capital en guise de modus vivendi capable de distraire l'attention et pour tâcher de camoufler un temps les douleurs de plus en plus stridentes de la contradiction.
Le développement du râble est un langage qui devrait être réservé aux éleveurs de lapins.

2 - Des hommes nouveaux et de bonne volonté devront un jour établir clairement que la croissance n'est nullement source de bonheur des hommes. Bien au contraire. Elle n'est qu'une condition sine qua non à la satisfaction des appétits de plus en plus voraces, exponentiels, du capital*. Ce que l'on veut nous faire avaler comme apparences de bonheur ne sont que les miettes parcimonieusement distribuées aux plus nantis et une assistance secourable consentie aux plus démunis.

3 - Ce qu'on appelle écologie n'est que - mais c'est beaucoup - le reflet idéologico-politique, récupéré et réducteur, d'une exigence première, atavique et fondamentale : l'occupation humaine de la planète.
C'est la seule préoccupation qui ait un sens. C'est une préoccupation de poète et d'artiste, au sens le plus fort, le plus subversif et le plus élargi de ces termes. 

4 - La mondialisation, concept sciemment flou, désigne en fait dans ses dernières extrémités, le jardin indispensable à l'âge d'or du capital.
Cette ultime mainmise sur la planète pourrait s'avérer être le point de basculement, tout comme chez Clausewitz l'effort consenti par le conquérant dans la guerre positive, lors de l'offensive à son point culminant, conduit à l'épuisement de ses forces-ressources, à la complexité grandissante de son organisation, bientôt à son effondrement.

5 - La survie d'un conquérant est cependant toujours fonction de ses nouvelles conquêtes, comme la sauvegarde d'un mensonge est toujours au prix d'un nouveau mensonge.
Les diverses tentatives de conquête de l'espace peuvent être lues comme la recherche de nouvelles richesses à extorquer au cosmos, de nouvelles poubelles à exploiter, voire d'intelligences à asservir.
En un mot comme en cent, comme le projet d'un recul encore plus lointain des clôtures de la croissance.
 
6 - Le drapeau américain flottant sur la lune vaut à cet effet quasiment acte de propriété. 
 
 * Petit exemple tout simple : En pologne, pays à  la croissance vertigineuse, la plus forte d'Europe, le taux d'intérêt pratiqué par les banques ne cessent de suivre allègremment la courbe de cette croissance, sous des arguments abscons comme seuls savent en produire doctement les banquiers du monde entier. Un peu comme quand le médecin vous annonce en latin la maladie dont vous souffrez....

15:25 Publié dans Critique et contestation | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

27.03.2008

Je voulais y aller

781592849.JPGJ’avais pointé l’endroit sur ma carte. Tout juste une cinquantaine de kilomètres de chez moi.
Je voulais y aller.
Palper de mes yeux cette forêt de folies et de sang.
Peut-être parce que ce nom sur ma carte, si près de ma maison, m’effrayait. Peut-être pour autre chose. Je pensais aussi à Stasiuk dans sa quête de la tombe de Jakub Szela. Je pensais aussi à sa complicité avec une vieille  carte recollée.
Nous y sommes allés.
Nous avons pris par Włodawa, sur la frontière ukrainienne. Le ciel était bas et gris avec une lumière d’une tristesse sans nom, une tristesse de Pâques et de dimanche après-midi au bout du monde.
Nous nous sommes arrêtés pour photographier la première cigogne de retour sur son gros nid. Ça sent le printemps ?
Mal lui en prit à notre première cigogne. Le lendemain sera une tempête de neige, un blizzard, le pays englouti.
Notre cigogne avait-elle mal lu sa carte des étoiles ?

Nous avons longtemps longé la frontière à travers une forêt épaisse sur une route approximative. Au fur et à mesure que nous approchions, il y avait de la brume mélancolique dans l’air sans un mouvement. La lumière grisâtre descendait du ciel entre les arbres.
Les villages sont pauvres ici, dénudés, comme figés dans l’absence de lumière. Je trouve que c’est inquiétant : pas une âme qui vive.
Je le dis. D me dit que c’est une région pauvre et que c’est l’hiver encore.

Et puis au détour d’un virage qui n’en finit pas, le village que nous cherchons. Perdu, secret, camouflé, on le dirait complètement inhabité. Que du silence tout pâle. Sommes-nous bien dans un des plus hauts lieux de la barbarie humaine ?
Rien ne l’indique. Je suis pourtant chamboulé. Mon instituteur disait ce nom avec effroi. Je me souviens. Ou alors ce silence, cette grisaille, cette immobilité, c’est cela qu’il faut voir, toucher et lire. Comme une damnation qui pèserait là.
Nous traversons le village. Nous n’avons pas vu un humain. Peut-être n’y a t-il plus d’humains ici et que ces maisons en bois, là, accablées de solitude effrayante, viennent d’ailleurs.
Nous nous enfonçons longtemps dans la forêt par un chemin de terre. La voiture cahote. Il fait sombre. Il fait froid.
Et puis soudain les rails posés là, comme jetés dans la forêt. Je les ai déjà vus ces rails à nuls autres pareils. Ce sont des rails rouillés, qui ne sortent de nulle part, ou alors des entrailles de la terre. Des rails courbés sous le poids du sang transporté. Deux parallèles sinistres sur la broussaille des lieux. Les chemins de fer de la honte.
Nous arrêtons là. Nous descendons de voiture.
Deux ou trois maisons dont une à moitié écroulée, abandonnée aux halliers, de briques rouges, d’un rouge insolent qui détonne, qui crie presque sur le  ton délavé de tout.
La gare. C'est la gare. Là où ils débarquaient. Fusils dans le dos, crocs répugnants des chiens au mollet.
La gare et tout autour, pas un bruit, pas un pas, pas un oiseau, pas un souffle de l’air, pas un rideau qui ne se soulève aux fenêtres comme mortes.
La pancarte est dégoulinante de rouille.
Longtemps je me suis  arrêté devant cette pancarte. Prononçant le mot à voix basse, à voix haute. Je twisterais le mot s’il fallait le twister…Pendant que je lis et que je relis ces trois syllabes, la gamine s'amuse à me prendre. Elle a l'âge des histoires qui amusent. Pas encore de l'histoire. Surtout quand elle a cette couleur de ciel.
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Le musée est fermé. Tout est fermé ici. Nous sommes dans un espace fermé au reste du monde, bouclé au fin fond des forêts, prisonnier de ses drames, un enclos infernal.
Pourquoi là ?
Il me semble que je ne retrouverai pas le chemin du retour.
Nous avançons. Les monuments sont là. Je regarde le ciel noir entre les hauts pins et les bouleaux.
Il me semble entendre gémir de la douleur.
La nôtre aussi que nous transmettent nos mains.
Nous nous taisons.
Un groupe de quatre ou cinq personnes arrive que nous croisons sur le petit sentier qui mène à des pierres posées sur le sol avec des noms, des noms, des noms et des prénoms, avec de la mémoire qui murmure enfin dans tout ce paysage pétrifié de tristesse. Ce groupe que nous croisons,  premiers traits d'union avec la réalité meurtrie de ce dimanche.
Des gens qui bougent. Je soupire. Personne n’a oublié.
Je regarde encore le ciel.
Faire taire ce couteau qui serre mes amygdales.
A quand l’espoir d'un grand soleil et des éclats de rire, de rire, de rire ?

Ici sont les griffes de la cruauté.
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10:53 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

19.03.2008

28 décembre 1999 au matin

707338038.JPGAussi loin que pouvait porter le regard, par-delà l’étendue d’eau qui recouvrait les vastes prés communaux et qui  miroitait sous le soleil oblique, jusqu’au canal et bien plus loin encore, si loin qu’on apercevait sur le ciel bleuté des clochers de village qu’on n’avait jamais vus d’ici, les peupliers si hauts, si fiers, et qui d'ordinaire dans les marais habillent  l'horizon, gisaient maintenant, impeccablement alignés, comme posés là par une main monstrueuse. Ils avaient en chutant soulevé d’énormes blocs de terre et ces blocs s’élevaient très haut dans l’air, accrochés à leurs racines qui serpentaient et dégoulinaient de la tourbe détrempée.
A l’emplacement de chaque arbre, un grand trou, glaireux comme un tombeau, s’ouvrait à ciel ouvert.
- C’est effroyable, finit par murmurer Quentin
- Oui. Mathilde mesurait  aussi l'ampleur du désastre. Elle s’appuyait sur son bras.
En direction de Mauzé dont on apercevait maintenant les premiers toits, les peupleraies inondées étaient broyées et les arbres jetés avec violence, pèle-mêle dans l’eau. Certains avaient été sectionnés à mi-tronc et ils laissaient pendre des lambeaux pitoyables de bois, telles des plaies barbares.
Quentin crut deviner alors une ambiance anormale, mystérieuse presque, qui planait et jetait sur tout ce désordre un éclairage plus dramatique encore. Il regardait tous ces arbres foudroyés, il regardait au loin dans la brume évanescente des clochers, il scrutait les bosquets de frênes et de broussailles qui semblaient avoir moins souffert mais au travers desquels on voyait tout de même de grands frênes effondrés sur les sous-bois. Il cherchait  à comprendre, dans ce paysage meurtri, l’impression confuse d’une étrange mélancolie déployée en filigrane, comme si quelque chose échappait à sa conscience.
Quelque chose comme une absence. Une immobilité aussi.
Il chuchota enfin :
- Il n’y a pas un oiseau.
Pas un pigeon en effet, pas une corneille, pas une tourterelle, pas le moindre pinson traversant le ciel de son vol saccadé, pas un bruissement d’ailes, pas un merle, pas un pépiement et pas un mouvement sur les champs dénudés.
Tout ce silence inquiet avait pénétré l’âme du bûcheron, habitué à vivre avec toutes les animations discrètes et tous les petits  murmures de la vie sauvage.
Quentin eut un frisson.
- Ils ont dû partir ailleurs, chassés par le vent, dit Mathilde
- Je ne sais pas. C’est étrange…On dirait la mort...
Ils marchèrent jusqu’au canal. L’eau filait à toute allure et déversait son trop plein entre les cadavres alignés sur ses berges. Quand un arbre s’était abattu en travers de son cours, elle bouillonnait et faisait une cascade d’écume en franchissant l’obstacle.
Quentin s’accroupit et ramassa sous des branchages le corps d’un gros pigeon ramier. Il souffla sur le beau poitrail rose, sur la collerette blanche et sur le dos tout bleu, cherchant une blessure. Il n’en trouva pas. Il reposa l’oiseau, exactement là où il était tombé.
Il passa la main sur son front. Il regarda le bleu malade du ciel.
- Ils ont été projetés de leur perchoir. Ceux qui ont voulu s’enfuir ont certainement été fracassés. Ils n’ont plus où se percher dans tout ce chantier,  et Quentin montrait d’un geste las le marais sur lequel déclinait la lumière, toute pâle, toute triste, comme la bougie d’une première nuit de deuil et de veille.
-  C'est pas vivable un monde sans oiseaux...
Ils rebroussèrent chemin.
Sa femme se souleva un peu sur la pointe des pieds et l’embrassa sur la joue :
- Tu ne t’es pas rasé, bandit …plaisanta t-elle.
Il lui sourit. Il se sentait désappointé, fatigué, touché au moral et la colère nouait sa gorge.
Comme si toute cette hécatombe était profondément injuste et l’eût personnellement atteint. Il aurait aimé faire exploser cette colère, vider la coupe. Mais sur qui ?
- Ils ont de la chance, les gens qui ont un  dieu…
- Comment ça ?
Ils marchaient côte à côte sur le chemin humide. La lune se levait sur la tristesse du ciel. La nuit serait froide.
- Rien. Je suis chamboulé et ça me fait dire des conneries.

 

12:40 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

17.03.2008

Lettre ouverte à Benjamin Renaud

Le site de Benjamin Renaud, Tache-Aveugle, est un site de qualité. Il y distille des choses intelligentes.
Si tel  n'était  pas le cas, si c'était une merde qui dit des conneries, je m'en battrais l'oeil comme de l'an 40.

Je précise au passage que cette dernière expression fait référence à une prophétie annonçant la fin du monde pour 1040 et non, comme on a tendance à le croire bien souvent, à 1940.

Bref, quand un site qui me plaît dit des choses qui me déplaisent, j'ai envie de réagir : cet article me semble entaché de quelques erreurs d'appréciation d'ordre idéologique. Je ne l'ai pas sous les yeux, j'y vais pêle-mêle, de mémoire.

L'auteur me le pardonnera.

La référence aux calamités qu'a pu engendrer l'antiparlementarisme est exact. A cette précision près tout de même qu'il s'agissait d'un certain antiparlementarisme, bien cadré historiquement, après la guerre la plus meurtrière de l'histoire, sur fond de crise et que, historiquement justement, le copier/coller, ne fonctionne jamais.

Je dis aujourd'hui que la façon dont agit et est élu le parlement est une escroquerie. Que je suis violemment contre et en suis même révolté.
Par exemple, je ne compte pas le nombre de Maires ou de Présidents de Conseils généraux s'indignant devant leurs ouailles locales de décisions prises par l'Etat, décisions qu'ils avaient eux-mêmes votées en tant que députés !  J'en passe et des meilleures...
Calculez bien aussi les calculs du scrutin majoritaire. Un hold-up ! Désolé.
Je ne veux pas pour autant être taxé d'antiparlementariste : Je rêve d'un autre parlement, passionné et véritable représentation des gens.
Les élections truquées par le bourrage de sondages de crânes, le vol de nos vies quotidiennes, la politique mise en spectacle, les mensonges et les confusionnismes intéressés de tout poil, sont effectivement un piège à cons. Je le revendique.
Je ne veux pas pour autant être taxé de dangereux anti-élections. C'est tout le contraire, que je suis.
Ces élections sont un moment de notre histoire. Elles ne sont pas Les Elections et je fais mienne encore cette facétie de 68 : Donne ta voix, tu perds la parole.

La référence à Cohn-Bendit est très mal venue sur ce sujet, Benjamin. Cohn-Bendit est (déjà à l'époque) un pur produit des médias affolés et cherchant à donner en pâture aux bourgeois et paysans un bouc émissaire, allemand, rouquin et débraillé. Il est 68 mis en spectacle comme le furent Sauvageot et Geismar, ce dernier ayant été le plus conséquent après la fin de la représentation.

Les révolutionnaires de 68, les poètes créateurs de 68, ils étaient dans les CMDO (Comités pour le Maintien des Occupations ), dans le conseil de Nantes, celui de Lyon et et caetera. Pas devant les caméras.

Cohn-Bendit est au mouvement de 68 ce que le champagne éventé est à fête.

Les mots de 68 sont donc, eux aussi, à replacer dans leur contexte passionnel. Je m'autocite, qu'on me pardonne l'immodestie : Les mouvements qui bouleversent l'histoire sont intuitifs, leur chute ou leur pérennité sont discursives.

Ces mots de 68 avaient un sens, au moment de leur écriture spontanée. J'ai crié moi-même face aux chiens de garde casqués : CRS SS et je ne le regrette pas, ça n'était pas une erreur mais la violente métaphore d'une rébellion. Nul ne songe évidemment à soutenir que les CRS sont des SS.

Mais, au fait, qui songe à rectifier la bave haineuse du pouvoir désemparé nous traitant d'agitateurs payés par l'étranger, de voyous alcooliques et d'obsédés sexuels ? Hein ?

Tout comme " Il est interdit d'interdire" avait un sens exact face à la violence de l'autorité. Nous savons bien que le meurtre, la pédophilie, le viol sont interdits,  non pas parce que le législateur les interdit - tant mieux qu'il le fasse - mais parce que notre dignité humaine, notre amour de la vie, notre sang et nos tripes d'hommes debout nous l'interdissent d'eux-mêmes.

Faire aujourd'hui une sorte de procès de la signification réelle, sémantique, des cris de la révolte est profondément malhonnête. Je dis ça pour Conne Bendit. Pas pour Benjamin Renaud.

Je ne connais pas les deux signataires de l'article auquel fait référence Benjamin Renaud. Bien sûr que signer "machin doctorant" quand le propos n'a rien à voir avec le doctorat en question est une usurpation, un mensonge, un abus de pouvoir, une tentative de prise illégale d'intérêts.

Mais il ne faut pas confondre les égarements - discursifs encore une fois- de ce qui se dit " extrême gauche", nébuleuse politique du champ spectaculaire, avec les quelques individus dissiminés par ci par là et qui, eux, dans leur vie de hasard et de bohême, sont extrêmes en ce qu'ils ne se sont pas encore totalement avoués vaincus.

Halte aux amalgames qui satisfont à bon compte tous les protagonistes !

Quant au peuple, voilà bien ce que, par ailleurs écrit , j'en pense :

"Le mot peuple est un mot en mouvement, un concept de l'irruption.

Il désigne des gens lassés des conditions faites à leur existence, de quelque horizon social qu'ils viennent. Des gens qui prennent d'assaut les palais du mensonge, par les armes et par la voix, renversent les statues, brisent les interdits, voire coupent des têtes, parce qu'ils exigent que leur soit restituée la poétique initiale de leur vie.

Le mot peuple désigne l'instigateur et l'acteur de la mutinerie sociale.

En période de modus vivendi, il ne signifie qu'un terreau vague, un tas de fumier sur lequel guignent les politiques pour y ensemencer à bon compte et dans l'endormissement général les graines de leurs misérables ambitions. "

Cordialement

Bertrand Redonnet 

 

14:37 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

14.03.2008

Les derniers mots d'un Cygne

1270008899.JPGLa nuit tombait sans doute sur la rue mélancolique du monde.
De l'école, rentraient des enfants aux lourds cartables en piaillant des gros mots. Fin octobre se languissait dans le ciel déjà bleu gris du Sud.
Ca sentait comme un peu l'hiver bientôt. Ce serait dans quelques jours la Toussaint.
La lumière n'avait pas été allumée dans la pièce. On y veillait la peur.
La pénombre s'enroulait nonchalamment autour des meubles comme autour de la silhouette de l'homme maigre, affaibli, qui se tenait debout  devant la fenêtre et  regardait ce bout de monde défiler devant le crépuscule de ses yeux.
A quoi pensait-il ? Que de silences obscurs !
Il n'est plus debout, le chêne ou le sapin de mon cercueil.
- On était bien ensemble...L'homme s'était retourné lentement vers la femme assise à l'autre bout de la pièce et qui le regardait.
Sa compagne de toujours. Sa muse. Pour elle, avait écrit de tellement belles strophes. Mais la musique jouait maintenant ses derniers accords.
L'homme savait.
Alors d'un geste las soulevant le rideau, regardant ces enfants qui piaillaient, ce bleu gris du ciel du Sud, presque noir déjà, cette nuit qui tombait sur la mélancolie des rues, cette rue qui bientôt allait s'endormir, l'homme a murmuré :
- J'aurais bien aimé vivre encore un peu...
Ses grands yeux, ses grands yeux timides, ses grands yeux gourmands, ses grands yeux des bontés nostalgiques, ont-ils versé une larme ?
Elle ne le sait pas. Il tournait le dos.
Il a laissé tomber le rideau sur la fenêtre silencieuse. Qui ne s'est plus jamais relevé.
Georges.
 Cet homme avait nom Georges Brassens.

09:46 Publié dans Brassens | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET