21.11.2014
Les Editions du Bug
C’est juste un détail. Mais j’ai la faiblesse de penser que c’est aussi un détail juste.
Nous avions décidé, avec mon coéquipier, que les livres que publieront les Éditions du Bug, seraient brochés.
Plus aucun livre en France n’est broché, m’assure Roland, et ça donnera une touche d’originalité qualitative à nos publications.
Les devis ayant été établis par l’imprimeur, c’était largement jouable. J’ai examiné sous toutes les coutures- c’est le cas de le dire ou jamais – des livres imprimés et cousus par le susdit imprimeur… Beau travail, assurément, et du solide ! Avec cependant ce petit renflement en haut de la tranche, si la couverture est souple, qu’on ne trouve plus nulle part et qui, sincèrement, ne me plaisait pas trop, en fait…
Mais là n’est pas le problème.
La décision était prise et c’était une bonne décision.
Mais voilà que des gens sérieux, des gens qui travaillent dans le livre, qui ont de l’expérience et qui à notre égard nourrissent des sentiments amicaux, nous ont déconseillé ce brochage.
- Et pourquoi donc ?
- Vous passerez pour des snobs.
Voilà donc le travail de sape, réussi, de toute une époque qui se complaît dans des normes admises comme définitives et incontournables. Faire de la qualité autre est mal vu et relève d'un esprit obsolète et précieux.
Un peu comme un cordonnier farfelu dont la caboche de ringard s'obstinerait à proposer des souliers artisanaux, par lui faits main.
On le moquerait sans doute, sous cape ou ouvertement.
Nos livres seront donc collés, solides, très solides, j‘en ai fait le test en tirant dessus comme un malade. Ce qui m'a un peu désolé quand même, c'est que l'imprimeur semblait dire que c'était là une sage décision.
Il faudra donc chercher un peu plus en profondeur ce en en quoi ils n'épousent pas forcément tous les critères de leur temps et, la quête positivement achevée, ne pas rester bouche cousue.
08:56 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : littérature, écriture | Facebook | Bertrand REDONNET
Commentaires
C'est dommage. C'est tellement plus chaleureux un livre broché. Il n'y a aucun snobisme là-dedans. L'amour des belles choses, c'est différent. Une forme de nostalgie peut-être.
Moi qui vous proposais en plus de les vendre non massicotés !!!
Un p'tit conseil, toutefois, si vous me le permettez : ne vous laissez pas impressionner par tous les pisse-froids qui après avoir pincé du nez sur votre reliure jugeront vos polices trop ceci, votre papier trop cela.
Laissez les consommer leurs Musso, leur Gavalda, leur Levy sur leurs tablettes et faites vous plaisir. Seul cette ligne directrice, celle de votre plaisir, vous permettra de durer et d'être fiers de ce que vous faites. J'en ai déjà entendu plus d'un, des éditeurs, me confier : si j'avais suivi mon intuition plutôt que de suivre les "yakafocon" des cohortes de "conseilleurs"...
Bref... sans vouloir faire mon "yakafocon" à mon tour, écoutez vos désirs et faites vous confiance...
A+
Stéphane
Écrit par : stephane | 21.11.2014
C'est un peu l'histoire de ton paysan dont tu viens de raconter l'histoire. On se moque de lui pcq il est archaîque.
Bon, il faudrait voir si le fait de renoncer au livre broché en diminue fortement le prix, sinon j'aurais tendance à suivre le point de vue que Stépahe a exprimé ci-dessus.
Écrit par : Feuilly | 21.11.2014
J'en sais rien , en fait... Tous les conseils, avis, sont bons du moment qu'ils émanent d'une personne amicale.
Ce qui est le cas ici pour vous deux... Je vais laisser mon coéquipier répondre s'il passe par là car, évidemment, je le sais très occupé.
Feuilly, le prix de revient, non, ne peut être argumenté. La différence entre collé et cousu est dérisoire. Ce qui fait que je ne comprends pas trop le choix des éditeurs et des imrimeurs.
Écrit par : Bertrand | 22.11.2014
Ces choix correspondent à des effets de mode. On a habitué les lecteurs à aimer des livres formatés aussi bien sur le fond que sur la forme. Après, il n'y a pas non plus que des moutons sur terre. Ce n'est pas parce que McDonalds vend à pas cher de jolis petits sandwiches tous ronds que l'on n'a plus le droit d'aimer la blanquette de veau !
Aujourd'hui, sortir des sentiers battus est un pari, c'est évident. Je le vois bien avec les éditions du Petit Véhicule, lors des salons, où certains lecteurs viennent spontanément vers notre stand parce que les livres reliés à la chinoise les intriguent. Ils les achètent aussi pour ça. Alors que d'autres, même s'ils nous disent que nos livres sont beaux ne vont pas les acheter parce qu'ils ne ressemblent pas assez à des livres !!!
Quand je parlais du non massicotage avec Philippe Ayraud l'autre jour, il me répondait un peu la même chose : certains lecteurs achèteront presque d'office un livre non massicoté (moi par exemple) parce que le plaisir de couper ses pages est un plaisir devenu rare, alors que d'autres jugeront que c'est "bizarre" de vendre un bouquin comme ça, "pas fini". Les premiers seront-ils plus nombreux que les seconds, là est le pari.
Idem pour ce qui est du brochage ou du collage, même si je doute que cette différence là ait un gros impact sur les ventes.
En sachant aussi, à l'opposé, que si les éditions du Bug, pour faire comme tout le monde, font des livres qui ressemblent au modèle type du livre d'aujourd'hui, leurs publications se noieront dans la masse énorme de ce qui se publie. Pas sûr qu'en termes d'image et de ventes cela soit plus profitable
Ce que j'essayais d'expliquer dans mon précédent commentaire, c'est que pour qu'un éditeur perce aujourd'hui, il doit avoir une âme, une patte, une couleur, un combat presque. Cette âme doit être ferme, prête à revendiquer ses choix, même décalés, même archaïques, même iconoclastes car si elle commence déjà à se soucier de compromis à l'air du temps, aux conseils éclairés, elle perd ce qui fait sa force.
Ce qui me gène dans ces tergiversations Bertrand, c'est que je ne sens pas ici cette fermeté d'âme qui doit signaler la griffe de l'éditeur. La question ne mérite pas tant de doutes. Deux hypothèses seulement : soit le brochage est pour toi un marqueur fort, une conviction, et tu n'as aucune raison objective de le laisser tomber ; soit c'est un point de détail qui ne t'intéresse qu'à la marge et tu ne t'emmerdes pas, tu fais du collé.
A+
Écrit par : stéphane | 22.11.2014
J'ai un bouquin de chez Gallimard, édition 1992, "Passages de l'Est" de Danièle Sallenave, qui est en mille morceaux, tous les feuillets démantelés. Non d'avoir été trituré (même si je l'ai beaucoup relu), mais parce que très mal collé. Je l'avais à l'époque ramené chez le libraire par deux fois (deux exemplaires différents) car je ne trouvais pas ça normal, le troisième (et donc sans doute beaucoup de ses semblables) est dans le même état.
Pour moi, Corti reste inégalé.
Le Temps qu'il fait et Cheyne éditeur cousent leurs livres.
http://www.moulinduverger.com/reliure-manuelle/roret-22.php
Écrit par : Michèle | 22.11.2014
Non, non, Stéphane, ce ne sont pas des tergiversations et ça ne me prend pas trop le chou... je m'en fiche un peu, brochés,collés, je veux du texte, du vrai texte dans des livres solides, qu'ils soient collés ou brochés. Ce n'est pas ça qui m'interpelle. Mon propos était plus général à savoir qu'une certaine idée de la qualité puisse apparaître aux yeux d'un certain public comme de la préciosité. C'est tout. Qu'il s'agisse de livres ou de toute autre chose.
Mais, concernant les Editions du Bug, ce n'est pas là-dessus non plus que nous recherchons à être originaux. Nous n'en faisons pas une fixation.
Luc, oui, a touvé un créneau original... Il se voit, il est remarquable.... Mais je suis presque certain que 95 pour cent des gens qui aiment lire se fichent comme de l'an quarante de lire dans du "broché" ou dans du "collé". Il ne faut pas confondre, à mon sens, le goût du livre avec le goût de la littérature.. Poussé à l'extrême, il y a des tas de gens qui collectionnent des livres et qui ne lisent jamais.
Il s'agit donc pour nous de ne pas confondre l'ampoule et la lumière, tu vois ce que je veux dire ?
Michèle, heu, pour TQF, pas toujours. "Zozo" est broché, "Géographiques" est collé
Écrit par : Bertrand | 22.11.2014
De fait, la première volonté d'un auteur (pas la dernière, hein !) est d'être lu et compris, avant d'être collé ou broché.
Il n'empêche : un livre broché demeure plus soigné qu'un livre collé. Il dit mieux qu'il est livre, avec son petit renflement sur la tranche. La question qu'on peut se poser demeure son adéquation à son époque et à son public. Vivons-nous une époque soignée ? Suffit de mater les rayons des grandes surfaces, les vitrines des magasins de sapes, les gens dans la rue, pour voir qu'on aura tout fait en haut lieu pour enlaidir l'être humain et le petit peuple
Parce qu'on pourrait aussi rejoindre William Morris et sa Kelmscott press, je ne me sens pas très éloigné de leur typo et de leurs enluminures, ni de leur philosophie à la fois anar et réac, élitiste et proche des gens, du moins dans le discours, parce que dans la réalité, c'est tout le contraire.
Bref. La nuit portant conseil, comme disent les sages, on en reparlera demain.
Écrit par : solko | 22.11.2014
Bientôt ce sera simplement lire qui sera snob. De toute façon, lorsqu'on voit la marchandisation des "auteurs" cités ci dessus - les Levy, Musso, Gavalda - je me dis que l'on vit dans un système qui n'a plus besoin de censure pour occulter ce qui est vraiment de la littérature.
Écrit par : cléanthe | 23.11.2014
Je crains fort que vous n'ayez raison, Cléanthe. Mais le peu de gens qui restent et qui lisent de la littérature sont bien plus importants que la masse qui lit Levy, Musso, Gavalda et le Chasseur français
Écrit par : Bertrand | 24.11.2014
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