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17.06.2013

Le Docteur Zola

R150074015.jpgEn situation d’attente, par désœuvrement, donc, beaucoup plus que par envie réelle, je lisais ce matin un texte sur la façon dont Emile Zola avait préparé son dernier roman de la série des Rougon-Macquart, le Docteur Pascal.
Comment faire un roman, qui par nature et tradition est une fiction, avec à l’esprit la prétention, sinon d’une démonstration, du moins d’une illustration scientifique ?
Zola consulte des amis professeurs de médecine, tous spécialistes de l’hérédité et de ses lois, relit des notes, découpe dans de vieux journaux des articles sur le sujet, compare, compile, peaufine l’arbre généalogique qui, depuis le début, lui sert de canevas, et en oublie bientôt qu’il lui faudrait quand même un semblant d’intrigue.
Il ébauche la rédaction, s’aperçoit qu’il a trop de personnages, délaye et en supprime, notamment une dénommée Marie, qui ne verra donc jamais le jour littéraire se lever sur son existence putative, supplantée par une certaine Clotilde, nièce et bientôt amante du Docteur Pascal.
Le romancier ne perd cependant pas de vue qu’il fait œuvre scientifique et la dernière note à son feuilleton fleuve doit aussi en être le point d’orgue.
L’écrivain hésite donc entre l’inspiration littéraire et la connaissance didactique qu’il prétend avoir de son sujet.
Tout cela se passe à Médan et tout cela se passe assez bien quand, tout à coup, patatras ! madame Zola découvre la liaison clandestine que monsieur Zola entretient avec Jeanne Rozerot. Un orage furieux secoue alors le couple, on s’en doute un peu si tant est qu’on ait vécu en couple et qu‘on ait voulu, furtivement, vivre un jour une liaison volée au quotidien et à l’ennui des jours. Le bon petit père Zola, on peut s’en douter aussi si l’on a bien lu son œuvre et sa biographie, choisit la fuite en avant, et, pour bien montrer qu’elle reste prioritaire, embarque sa légitime dans un long périple en Normandie, puis à Lourdes (espérait-il un miracle ?), puis à Aix-en-Provence, Marseille, Cannes, Nice, Gênes, Monte-Carlo, délaissant ainsi, ostensiblement, la maîtresse.
Voyager, c’est un peu guérir, sinon son âme, du moins les apparences de cette âme, n’est-ce pas ?
Mais le Docteur Pascal dans tout ça ? Hé bien le Docteur Pascal, lui, prisonnier dans la tête de l’amant pris la main dans le sac, tombe pendant ce temps-là amoureux de sa nièce, un amour impossible, à la limite de l’inceste, un amour de tragédie grecque.
Le romancier peut dès lors se remettre au travail, sublimer sa frustration d’avoir sacrifié son amour fautif au profit de la bienséance sociale, et découvrir le plan général de son livre.
Je dirais donc que sans l’aventure amoureuse de Zola et de Jeanne - la mésaventure plutôt -  le Docteur Pascal aurait certainement suivi un destin tout à fait différent.

J’ai l’air de moquer, mais l’air seulement.
Car peu d’écrits au monde, même les plus peaufinés littérairement, peuvent en effet se targuer d’être pétris dans la pure fiction, nés, un peu comme les microbes de la génération spontanée de Claude Bernard à qui Zola emprunta la méthode et le mot "expérimental" en l'appliquant au roman, de l’imaginaire absolu.
A dire vrai, je ne me souviens plus très bien du Docteur Pascal, lu il y a quelque quarante ans. Mais, ce matin, en situation d’attente, par désœuvrement, donc, plus que par envie réelle, j’ai eu l’impression d’assister à sa véritable naissance et j'ai souri.
L’hérédité et ses lois, dans tout ça, me semblent bien n’avoir que l’importance d’un décor, voire celle d’un prétexte.
Et qu’est-ce qu’on peut ingurgiter comme fadaises, quand même, sur les bancs d’un lycée !

12:04 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : littérature, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

Bonjour Bertrand,
Rien à voir avec Zola mon commentaire.

Peux-tu aller chez Le Tenancier (chez lequel l'accès aux commentaires plante mon ordi) et lui donner la réponse du "supplice de la chèvre" :

C'est le Petit Larousse illustré que veulent les bourreaux du sieur Honorin. C'est grâce au Petit Larousse illustré avec lequel il s'est retrouvé à la cour de François 1er, qu'Honorin prédit l'avenir au Roi et à ses sujets.

Merci Bertrand :)

Écrit par : Michèle | 17.06.2013

Tu peux effacer mes deux commentaires Bertrand (celui-ci et le précédent), j'ai réussi à accéder aux commentaires chez le Tenancier.
Merci de ta patience.
Je reviendrai pour causer de Zola :)

Écrit par : Michèle | 17.06.2013

Pas de souci... Je file chez Le Tenancier pour vouère tout tcheu

Écrit par : Bertrand | 17.06.2013

Pas lu Le docteur Pascal et ne le lirai probablement pas. Mises à part ses prises de position avec son J'accuse, Zola me gonfle.

Mais j'ai eu grand plaisir à lire ton texte Bertrand, grand plaisir.

Écrit par : Michèle | 17.06.2013

L'ennui des jours... Comme disait Jerome K. Jerome, il y a justement des jours où l'on préfèrerait s'ennuyer davantage !

Écrit par : Alfonse | 17.06.2013

Ça m'ennuie d'avoir écrit que Zola me gonflait. Ce n'est pas élégant du tout. Il est tout de même passé à la postérité, a osé écrire après Stendhal, Balzac et Flaubert. Peut-être ne les lisait-il pas, no ho sé.

Écrit par : Michèle | 18.06.2013

Ne sois pas ennuyée, Michèle : Zola est un écrivain qu'on lit une fois, généralement avant vingt ans, et qu'on ne revisite plus. Souvent indigeste, quoiqu'un grand écrivain. Il fait partie, pour son grand malheur, de ces écrivains que la scolarité juge incontournable, avec Gide, Maupassant, Sartre et bien d'autres.
Pour utile que l'enseignement des lettres soit, il n'en demeure pas moins souvent traumatisant.

"Il y a justement des jours où l'on préfèrerait s'ennuyer davantage !" Voilà une phrase, Alfonse, à laquelle, même sous la torture, je refuserais d'adhérer.

Écrit par : Bertrand | 18.06.2013

Eh bien je souscris pour ma part tout à fait à la phrase qu'Alfonse reprend de Jerome K. Jerome. Car s'ennuyer, c'est être béant, garder une certaine vacance, ne pas s'encombrer à ras bord de tous les soucis, questionnements, inquiétudes, peurs, angoisses, tergiversations qui nous étouffent.
S'ennuyer, savoir s'ennuyer, ce serait se laisser aller, ce serait décompresser, se "lâcher", sourire, se dire que la vie est belle, que chaque souffle de vie c'est bon, et zou !

Écrit par : Michèle | 18.06.2013

J'ai l'impression que nous ne parlons pas du tout de la même chose et qu'Alfonse et Toi, Michèle, confondez l'ennui avec l'oisiveté, le désœuvrement, la liberté de faire ce que l'on a envie de faire, la disponibilité d'esprit et de corps, le fait de ne pas être surchargé de travail ou accablé de préoccupations.
Ce que tu me décris là, c'est la jouissance même de vivre, à laquelle j'adhère sans réserve. Mais l'ennui, c'est tout autre chose. L'ennui est un malaise, une sensation de vide, un manque d'intérêt, une légère déprime passagère ou tout semble insipide. L'ennui, par exemple,( quoique pas très grave, celui là ) c'est d'être avec des gens qui ne vous intéressent pas, auxquels vous n'avez rien à dire.
En langue classique, l'ennui, c'était un chagrin causé par la perte de quelqu'un. En langage contemporain, l'ennui est l'inutilité, ressentie comme telle, d'un désœuvrement, d'une occupation monotone, sans intérêt.
C'est de cet ennui-là dont je parle. L'ennui amoureux des couples qui ne s'aiment plus que par habitude, devoir, figure sociale ou complicité lointaine, aussi.. Profond, celui-là. Presque indicible. Souvent même aussi inavouable qu'inavoué. Et qui ne dit son nom qu'à la rupture, si rupture il y a.

Écrit par : Bertrand | 20.06.2013

Les commentaires sont fermés.