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14.06.2013

Des branches branchées

savoir.jpgDans un autre monde, dans un pays lointain, dans  une structure honorable mais en des temps pas si reculés que ça, des esprits bienveillants  m'avaient un jour choisi  pour être un communiquant.
Un qui relaierait sur toutes les branches et brindilles de l’arbre de la susdite structure honorable, les messages des grands décideurs perchés tout là-haut sur les cimes azurées, trop haut pour être entendus de tous.
A moins qu’ils ne se soient mis en devoir de crier, ce qui aurait été quand même peu élégant et peu convenable en ces lieux réputés pondérés.
On aurait pu raccourcir l’arbre, certes, enlever des branches pour qu'il soit plus lisible, l’émonder quoi ...
Bien-sûr… Oui sans doute… C’eût été une solution… J'y pensais même souvent... Surtout qu'il y avait beaucoup de ces branches qui n'étaient que du vent : on ne les voyait que lorsqu'elles bougeaient.
Mais tel  ne fut pas le cas, alors on me  gratifia  de cette grande marque de confiance qui consistait à être le haut-parleur des Olympes. Des esprits chagrins, des fâcheux, des qui n'sont jamais contents du sort des autres, allaient même jusqu’à dire « à être la voix de son maître ».
C'est malin !
Faisant fi de ces bas sarcasmes et bombant même avantageusement le torse, je m’étais senti  investi d’un bien noble mandat.
Je fus en outre affublé du titre de chargé de communication et c'est ainsi travesti que je me mis d'arrache-pied au travail. Travail de réunion,  travail de compilation d'informations, travail de synthèse  et de rédaction.
Mais, tout chargé que je fusse, j’avais juste au-dessus de ma tête une branche plus chargée encore, à qui je devais pépier mes élucubrations, laquelle branche avait elle-même une autre branche au-dessus d'elle, une surchargée, à qui elle devait gazouiller l’avancée de mes travaux et dont elle recevait aussi des directives.
Pas facile, tout ça…Un qui pépie, un qui gazouille, l'autre qui siffle, arrivé là haut, ça finit par faire une belle cacophonie.
Bref, ces trois branches-là, dont moi, causèrent longtemps pour mettre au point une stratégie de distribution des messages.
Et là, je n’y entendis soudain plus goutte.
J’avais naïvement pensé qu’il s’agissait d’écrire, de bien écrire, clairement… Mais il était question de schéma directeur, de croquis barbares, de flèches qui montaient vers les cimes et qui en  rencontraient d’autres qui chutaient comme des vertiges et d’autres encore qui fuyaient dans le sens transversal, de gauche à droite et de droite à gauche, et puis des outils qu’il fallait aiguiser, des trucs qu’il fallait dire comme ci et pas comme ça, à ce moment là plutôt qu’à tel autre, des cloisons qui s'écroulaient, en ne blessant personne, bien sûr.
Je suais sang et eau, je m’épongeais le front dans tout ce brouillard, tant que je finis par avouer à mes deux branches supérieures, que, moi, j’étais vraiment débranché, que ce travail n’était pas fait pour moi, que je n’étais pas compétent, qu’il fallait choisir quelqu’un d’autre, que je n’étais pas à la hauteur et qu'il valait peut-être mieux que j'aille me percher sur une autre branche.
On s’esclaffa, on brocarda, on se tint les côtes, on se tapa sur les cuisses en disant, les yeux rougis par le fou rire, quel ballot tu fais !  Nous non plus, on ne comprend pas vraiment ! En revanche, on sait que c’est comme ça qu’on doit parler de communication et de management quand on est posé sur un arbre moderne !
C’est-à dire, en ai-je conclu, qu’il fallait faire profession de comprendre ce qui, de propos délibéré, ne signifiait strictement rien.
Conclusion bien appliquée : Je fus, les quelques années que dura ma pause dans l'arbre, excellemment noté par toutes les ramifications supérieures.

Avant de prendre mon envol, à tire-d'aile et vers des cieux où les arbres, déjà alourdis par les givres et la neige, ne supporteraient pas le poids des ambitions.

Image : Philip Seelen

Janvier 2011

12:00 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : littérature, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

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Ça aurait pu aider, à l'époque.

Écrit par : Le Tenancier | 14.06.2013

C'était à peu près ça. Merci tenancier. Ce langage ! Chaque fois ça me donne des boutons partout...

Écrit par : Bertrand | 14.06.2013

L'enfumage est vieux comme le monde. Selon deux principes : soit vous proférez des assertions/explications/affirmations simplistes et "indiscutables", soit vous optez pour un charabia incompréhensible car inepte. Bon nombre de textes religieux réussit le tour de force de mixer les deux, par ailleurs. Cela fonctionne souvent, en tout cas...

Otto Naumme

Écrit par : Otto Naumme | 15.06.2013

Quel texte Bertrand !
Décidément l'arbre c'est ton totem :)

Écrit par : Michèle | 16.06.2013

C'est vrai, Michèle. Mon totem mais pas mon tabou.

Cher Otto, en fait, Bukowski résumait ainsi : "L'intellectuel dit des choses simples avec des mots compliqués, l'artiste des choses compliquées avec des mots simples."

Écrit par : Bertrand | 17.06.2013

Cher Bertrand, je ne suis pas grand fan de Bukowski, mais il faut avouer que, pour le coup, on ne peut que lui donner raison...

Otto Naumme

Écrit par : Otto Naumme | 17.06.2013

Pas très fan, non plus, je vous rassure, Cher otto.

Écrit par : Bertrand | 17.06.2013

Les commentaires sont fermés.