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14.11.2012

Appel des 451 : réponse partielle à monsieur Pierre Mari

littérature

Signataire de l’appel des 451, je vous engageais il y a quelque temps, ici même, à signer ce texte. En consultant la liste des signataires, j’ai d’ailleurs récemment eu le plaisir de constater que quelques camarades y avaient apposé leur nom, suite à mon invitation.

J’ai également eu l’occasion de lire une critique de cet appel, faisant écho, semble-t-il, à sa parution dans le Monde du 12 septembre dernier.
Et c’est à cette critique signée Pierre Mari et publiée sur le blog de Juan Asensio, qu’il me plaît de réagir, à titre tout à fait individuel.
Je passe rapidement sur le ton tantôt cordial et sérieux, tantôt émaillé de quelques pointes trempées au curare aussi méchantes qu’inutiles, telles que celle qui taxe les signataires de tartufferie. Monsieur Mari, ce qui l’honore, semble réclamer un élargissement et une clarification du débat. Le moins que l’on puisse dire c’est que, déjà, il ne va pas contribuer beaucoup à cette clarification en usant de tels qualificatifs, faciles, éculés, passe-partout, et, surtout, à la portée de n’importe quel imbécile faisant mine de s’opposer à n’importe quel engagement ou projet.
De même le choix de son titre : Confusion et comédie.
- Confusion, je suis prêt à cautionner. Le sujet est tellement complexe que bien malin qui l’embrasserait tout entier dans un seul texte de deux pages. Sans doute pas plus les 451 que monsieur Pierre Mari lui-même. Disons un condensé troublant des problèmes abordés. C’est peut-être, effectivement, un défaut du texte, mais ces problèmes sont tous intimement liés les uns aux autres et en aborder un pour en négliger un autre pervertirait sans doute l’approche et le raisonnement.
Et puis ce texte est une invite à la résistance, sinon à l'offensive. Il est donc d'abord d'ordre général. Nous verrons bien en quoi - les esprits s'aiguisant dans la pratique plus sûrement et plus courageusement que dans la spéculation -il deviendra plus clair et plus opérationnel.
- Comédie,
voilà encore un de ces jugements moraux, un de ces jugements à l'emporte-pièce, mettant là directement en cause la bonne foi des signataires, ce qui ne participe pas non plus d’un esprit franchement tourné vers la critique sereine sur un sujet qui nous tient tous à cœur, mais du procès d'intention pur et simple. Presque de la charge ad hominem.
C’est bien dommage parce que beaucoup de traits mis par ailleurs en exergue par Pierre Mari méritent de retenir l'attention.

En substance, celui-ci, énoncé en conclusion : «Il y a des raisons d’estimer que le livre numérique est un gadget dérisoire et barbare (j’avoue que je les partage très largement); mais devant le spectacle de la gent plumitive et caqueteuse, déchaînée contre l’e-book émissaire pour mieux faire oublier sa propre impuissance, il y a d’aussi bonnes raisons, pour peu qu’on garde le sens de la farce sociale, de se laisser aller à la plus explosive hilarité. »
Nous souhaitons tout d’abord bon éclat de rire à Pierre Mari, en espérant vivement que ce rire, faisant écho aux ébrouements d’une gent plumitive et caqueteuse, ne se mue pas bientôt en un disgracieux et misérable gloussement de dindon.
Mais soyons sérieux et restons concentré :
pour m’y être moi-même un moment fourvoyé avec deux ouvrages publiés chez pubis.pet en 2008 et 2009,  je suis bien d’accord pour dire que le fichier numérique (et non le livre numérique, monsieur Mari, car ce fichier de bricolage néo-technique n’est pas plus un livre qu’une poule pondeuse n’est un tyrannosaurus même si elle présente avec lui, paraît-il, quelques infimes similitudes génétiques), pour dire, donc, que ce fichier est un gadget.
N’accusons cependant pas, effectivement, son effervescence et son relatif succès chez les courtisans thuriféraires de la modernité de l’objet au mépris du sujet, d’être peu ou prou responsables de la décadence du livre ; ce serait faire bien trop d’honneur aux ravaudeurs de numérique que de leur attribuer une quelconque influence sur le cours dramatique des choses.
Ces Bouvard et Pécuchet de la littérature dite dématérialisée ne sont en fait que les petits opportunistes d’une grosse décadence, dont les racines sont beaucoup plus lointaines et profondes. Ils sont mouches grouillant sur un cadavre dont ils ne sont nullement les assassins ; ils ne sont pas des prédateurs mais des charognards. En gros, le fichier numérique participe d’un abandon général (et ancien) de l'exigence de qualité dans la lecture et l’écriture, celles-ci s'étant honteusement soumises aux conditions ambiantes d’un monde exclusivement mercantile. J’insiste, monsieur Mari, sur l’adverbe exclusivement, parce qu’il sépare profondément notre présent de règne absolu de la marchandise et des rapports sociaux spectaculaires (qu’on me passe la phraséologie situ) «de la monarchie de Juillet ou le Second Empire», où cette même marchandise en était encore à l’aube de ses développements, quoique déjà fort expressifs, et non au stade de la marchandise pour la marchandise se développant et se recréant uniquement pour la pérennité de son image au détriment de son utilité.

Le livre a donc disparu - ou tend à disparaître - derrière une image du livre.
Le fichier numérique, autoproclamé livre, participe ni plus ni moins de cette chose que les spécialistes chargés de mettre le néant en action appellent l’e-économie et d’une résignation de l’esprit dans la littérature, comme dans toutes les autres formes d’art. Il n’est qu’un épiphénomène sur lequel il serait malsain de s’attarder : on risquerait de lâcher la proie pour l’ombre.
Adel Abdessemed et sa grotesque statue de Zidane ne sonnent pas le déclin de l’art sculptural : ils sont ce déclin.

Il y aurait, évidemment, bien d’autres points sur lesquels le texte - bien écrit, notons le - de monsieur Mari mériterait réponse plus exhaustive.
Je ne m’en sens pas le courage aujourd’hui et n’en ai guère le temps. L’objectif de ce billet est surtout de porter ce texte et ce débat embryonnaire à votre connaissance et, vœu pieux s’il en est, de vous engager à y participer.

14:05 Publié dans Appel des 451 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

Mon cher Bertrand, je vous ai fait état par ailleurs de ma réticence à participer à une telle réponse, à un billet publié dans un blog tenu par un imprécateur pathologique, son séide le marquant à la culotte dans la boursouflure. Je sais bien que l'on a toujours plaisir à piquer des baudruches et à écouter le bruit que cela fait, mais est-ce bien raisonnable, enfin ? Car répondant à ces podagreries fascistoïdes vous manifestez apparemment non seulement l'intention d'être lu — ce qui est du domaine du possible — mais d'être compris. En cela, je précise que si la teneur sémantique de vos propos sera sans doute perçue, je doute qu'elle parvienne à accomplir sa mission. En bref, vous situez mal le siège de la pensée chez ces pauvres créatures.
Je ne puis cependant vous retenir car ce que vous répondez est plaisant. On aimerait surtout que vous eussiez à répondre à des personnes capables.
Seulement capables.
Pour vous documenter (et j'en remercie mon camarade Grégory) voici quelques amuses gueules pour vous :

http://consanguin.blogspot.fr/2008/10/quest-ce-quun-franais-de-souche-2_19.html
http://consanguin.blogspot.fr/2008/03/la-grande-tache-sombre-par-juan-asensio.html

En attendant, est-il utile, est-il nécessaire de tenir pour sérieuses les considérations de ces quelques naufragés d'eau bénite ? Cela sent la chaussette chaude et le rutabaga, la chambrée de séminariste défroqués, la pensée morticole, un vieux monde qui n'en finit pas de crever de ses effarouchements de nantis et qui bombe le torse de ses petites cochoncetés susurrés entre deux bonbons à la violette.
Pouacre !

Amitié libertaire, mon cher.

YL

Écrit par : Le Tenancier | 16.11.2012

Cher tenancier, j'ai fait valser mon commentaire précédent,trop cru pour faire un bon plat.
Et en fait parce qu'il se résumait à cela : je ne m'inquiète pas de savoir qui critique - surtout avec quelques traits aussi gratuits que méchants -une initiative à laquelle j'ai cru bon de participer.
Y répondre, même partiellement, me met plus à l'aise dans mes basques.
Bien à Vous et amitiés du même tonneau
BR

Écrit par : Bertrand | 20.11.2012

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