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09.11.2012

Le ciseleur

P.jpgAvec Les deux oncles, La tondue (1964) fut un des titres les plus contestés de Georges Brassens.
Ce sont là deux textes qui sautillaient allègrement sur cette ligne ténue, entre tolérance, humanisme et collaboration ; cette ligne sur laquelle vous guettent toujours les croquants, les braves gens et les faux-culs, pour voir si vous n’allez pas perdre l’équilibre et franchir, pour leur délectation, les zones honnies.
Ce sont des textes à hauts risques. D’autres que Brassens, parmi lesquels de nombreux écrivains de renom, s’y sont brûlé les doigts.
La Tondue fut interdit sur les ondes radiophoniques parce que le poème rendait quelque justice, sur le ton de la dérision, aux femmes tondues à la libération, souvent par des résistants de la dernière heure, souvent par esprit de revanche malsain, souvent de façon abusive, sur des femmes dont le crime avait été d’aimer «un ennemi», ou, dans le pire des cas, d'éconduire un con patriote transi.
Censurée, donc, la chanson, car la mémoire était encore très vive sur le sujet, tant du côté des «tondeurs de chien» que de leurs victimes.
Je dis cela en gros ; il y a bien d’autres messages dans ces vers menés de façon alerte. J’en reparle car ils recèlent une des plus belles figures de style du sieur Brassens, avec une syllepse absolument savoureuse.
Le narrateur assiste donc, impuissant et silencieux, au massacre d’une belle chevelure par des bonnets phrygiens excités comme des poux. Lâchement, il laisse faire. Mais quand les exécuteurs en ont terminé de leur basse œuvre, il ramasse dans le ruisseau une mèche de cheveux et se la colle à la boutonnière. Pour rendre un hommage attendri, en quelque sorte, à la victime et, du même coup, tourner en dérision le patriotisme des justiciers à la ramasse, en s’affublant d’une décoration postiche.
Cela n’est évidemment pas du goût patriotique des coupeurs de nattes :

En me voyant partir arborant mon toupet,
Arborant mon toupet,
Tous ces coupeurs de nattes, m’ont pris pour un suspect,
M’ont pris pour un suspect.

Qu’arbore donc cet insolent ? Son culot ou, plus prosaïquement, plus visuellement, une touffe de cheveux ?
Au choix… Parce que les deux.

On ne se lasse ainsi jamais de chanter Brassens parce que, outre le plaisir de la musique - qui n’est rudimentaire que pour ceux qui n’ont jamais été musiciens -,  il y a cette orfèvrerie des mots, partout présente.
Dans cette même chanson, où il est dit :

J’aurais dû prendre un peu parti pour sa toison,
Parti pour sa toison

je ne puis m’empêcher, à chaque fois, de penser aux Argonautes.
Et je ne m’inquiète pas de savoir si le poète l’a voulu ou non. Le fait est que la musique des mots est là, qui ouvre plus loin, bien plus loin, que les mots.


10:07 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

Ah oui ! Et quel plaisir d'entendre Les deux oncles, cet été, dans un petit bar estonien !

Écrit par : Alfonse | 09.11.2012

En estonien ?

Écrit par : Bertrand | 09.11.2012

Je ne connaissais pas La Tondue... et pour cause... Quel courage de la part de Brassens pour l'époque, quel esprit d'indépendance... Mais ça on le savait : les croquants qui ont tondu les femmes qu'avaient ils fait, eux...

Écrit par : Rosa | 10.11.2012

Mais je n'ai pas eu accès à la vidéo...

Écrit par : Rosa | 10.11.2012

Bonjour Rosa,
Dommage que vous n'ayez pas accès à la vidéo. Essayez directement sur Youtube. Le poème entier est succulent.

Écrit par : Bertrand | 12.11.2012

Les commentaires sont fermés.