UA-53771746-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

22.04.2016

Se faire un ami...

littératureSe faire un ami.
L’ami est celui qui vous aime et que vous aimez. Pour de multiples raisons, ou pour une seule, et pour un temps seulement.

J’eusse pourtant aimé avoir des amis éternels, l’éternité palpable commençant au premier vagissement et courant jusqu’à la première pelletée de terre jetée sur un cercueil. Après, tout est domaine du Grand Peut-être.   
L’ami est celui qu’on rencontre par un hasard qui n’en est jamais vraiment un. L'amitié a d'ailleurs cette indéniable supériorité sur l’amour qu’elle comble un vide plus clair, mieux défini.
Bien évidemment, l'ami pourra être décevant ; il pourra être rétrogradé au statut de copain, de camarade, voire à celui d’ennemi, hélas ! mais le temps qu’il passera chez vous, il aura son identité bien définie, son fauteuil à lui, son propre couvert. Vous saurez exactement pourquoi il est là.
L’amour, c’est beaucoup plus délicat. Ça veut combler tous les vides, remplir toutes les missions - physiques, intellectuelles, morales - et ça veut être unique. Comme une névrose.
Ça ressemble un peu à Dieu, tout ça. Et ça fait peur. Selon ce qu’en disait Nietzsche, c’est surtout de la sensualité qui passe au spirituel, et je me garderais bien de citer ici la petite phrase de Céline que tout le monde connaît - on connaît même, parfois, que ça du Voyage et on s’en sert de passeport pour faire croire qu’on l’a tout lu et bien retenu - mais j’y fais allusion quand même parce que c’est un peu ça.
Oui, c'est un peu ça... Car c’est tellement puissant, l’amour, c’est tellement grand, tranchons le mot sublime, qu’on est effectivement en droit de se demander pourquoi les hommes s’en mêlent et ce qu’ils peuvent bien y comprendre.

Se faire un ami, donc.
Je sais bien que la langue française fait feu de tout bois avec ce verbe-là : faire l’âne, faire beau, faire le beau, faire froid, faire chaud, faire soleil, faire la pluie et le beau temps, faire du vélo, faire l’amour, faire croire, faire la soupe, faire une connaissance, faire une rencontre, faire semblant, faire peur, faire bouillir, faire la peau à..., se faire chier, faire pleurer, sourire, rire, faire mal, faire du thé, faire la gueule, faire la guerre, faire sa plume, faire une maison, faire pipi, voire caca, faire l’important, faire grosse impression, faire son devoir... Faire, faire et refaire !
Que ne fait-on pas avec ce faire ? Et sans ce faire, on ne ferait plus rien. Ou pas grand-chose.
Sans faire, on repasserait ! On irait se faire voir chez Plumeau ! Oyez comme il est verbe d’action dans tous ses états, ce verbe-là !


Alors, se faire un ami, pourquoi pas ?  Notons bien le pronominal. Déjà présent dans se faire chier, se faire mal ou se faire rouler dans la farine. Parfois de safran, d'ailleurs. Un pronominal, dont on dirait bien qu’il subit  souvent l'action. Se faire tout petit, par exemple: raser les murs, admettre son erreur, en avoir honte peut-être. Se faire ce faisant.
Mais est-ce qu’on dirait «je me suis fait un amour», par exemple ? Imaginez un corniaud qui dirait, pour dire qu’il a rencontré la femme de sa vie, qu’il s’est fait un amour ! Ridicule… On froncerait du sourcil, on toussoterait, on détournerait le regard… S’il disait carrément «je me suis fait une femme», ah, là, d’accord, tout le monde comprendrait ! Et bien, même.

Donc, se faire un ami, quand on est hétérosexuel, c’est un peu bancal comme formule. Un peu con pour l’autre aussi, si tant est qu’il soit du même tonneau hétéro.
Laissons donc ce se faire se faire tout seul… Après, on verra bien… De toutes façons, ça n’est pas très raisonnable que de croire qu’on va se faire une amitié dur comme fer.
C’est se faire des illusions. Encore un abus de ce satané faire ! Car les illusions, ce sont elles qui nous font.
Dans tous les sens adoptés par le verbe et voyez comme ils sont légion !

Image : Philip Seelen

10:58 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET

Les commentaires sont fermés.