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20.02.2018

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littérature,écritureEn suivant de lourdes lisières, j’arpente la plaine enneigée.
Parfois un improbable layon me tend les bras et je m’engouffre sous les pins. Le vent y est moins cruel et les pas encore plus étouffés sur la blancheur du sol.
Là, sous les sous-bois, m’accompagnent les traces qui se croisent et s‘entrecroisent des animaux de la nuit.
C’est bien, je crois, le comble de la solitude que n’être accompagné que par des traces.
Accompagné par du passé.
Ce qui m’invite à  me poser une question d’archéologue : où sont maintenant ceux qui ont griffé ce présent ?
Disparus.
Comme les hommes de ma vie.
Je n’ai plus que des empreintes à lire. Le monde et ses fantômes s’éloignent.
Je sors des sentiers, un peu plus loin sur une vaste prairie. Et je souris au soleil du matin qui sur le ciel bleu et blanc jette comme un voile dansant.
Je pense à quelqu’un que j’ai beaucoup apprécié et qui, après avoir disparu sans raison, comme ça, comme si je n’existais pas, n’avais jamais existé, sinon comme une idée,  me demandait hier de mes nouvelles : comment  ça va ?
Comme un cheveu tombé sur la soupe.
J’ai pouffé.
Sa question n’était qu’une trace laissée par le passé.
C’est toujours triste, une trace.

Et puis, beaucoup plus dramatique, plus douloureux, plus incontournable, tandis-que je vise, là-bas sur l’horizon fumant une autre lisière où engloutir mes pas,  je pense à un ami d’enfance…
L’ami de mon village lointain. Le compagnon des courses folles à travers d’autres bois, d‘autres lisières, d’autres plaines, d’autres chemins.
Nous avions vingt ans quand nous nous sommes séparés. Déjà ouvrier, avec un salaire qui tintinnabulait dans ses poches alors que je fouillais, moi, pour la beauté du geste, le latin et le grec sur les bancs d’un lycée, il me payait mes petits verres de blanc du dimanche et mes entrées au bal populaire, parce qu’un étudiant, ça n’a jamais un traitre sou devant soi.
Complicité de la pauvreté contre la pauvreté. Un frère.
Que le crabe, encore lui, toujours lui, vient de mordre aux  poumons et qui souffre.
Ô Soleil aux  horizons suspendu, soleil blanc de l’hiver blanc, soleil étranger, si loin de tout ce que ce matin réveillent mes tristes pensées, éclaire un peu ma promenade jusqu’à la dernière lisière !

12:13 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Tags : littérature, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET