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13.01.2015

Bande à part

littérature, écritureTôt le matin et noir encore sur un ciel qu’on ne voit pas… Le vent souffle de l’ouest. A contre-sens de l’hiver, ces jours derniers. Le village sommeille, enveloppé de silence et de solitude.
Ces instants sont comme des recueillements. On y voit plus clair en soi… Et je repense plus tranquillement aux massacres de ces derniers jours survenus en France, puis à cette espèce d’unité nationale et à ces millions de gens qui ont proclamé, comme un seul homme, leur changement d‘identité pour endosser – le temps que dure une émotion - celle des victimes. Il y a quelque chose de tellement incongru dans tout ça que cette évidence s’impose soudain à moi : il y a plus de deux ans, depuis octobre 2012, que je ne suis  pas rentré au pays.
Je ne le connais  plus. Je ne sais  plus qui il est. Je ne sais plus les gens qui vivent là-bas.
Et j’ai bien tort, dès lors, de faire part de mon sentiment, de mettre mon grain de sel dans une sauce qui n’a pourtant guère besoin d'être assaisonnée !
Je ne suis plus de ce monde compliqué, tordu, avec des blancs bien gaulois dans leur tête, des noirs, des beurs, des juifs, des arabes gentils comme tout, des arabes méchants comme la gale, des banlieues écrasées de démissions, des écrivains à la mode qui surfent là-dessus, des chroniqueurs qui font scandale, des politiques, des flics, des militaires, du sang, de la haine, de la compassion, des beaux sentiments étalés comme des réclames ou des justifications a posteriori de soi-même.

Tout est décidément plus simple ici.
Tout est plus simple quand on est un étranger dont personne n’a peur et qui n’emmerde personne avec son dieu, sa république, sa langue, ses coutumes, ses diktats.
Les Polonais sont vraiment des gens admirables. Ils ont payé une grosse facture à l’histoire. Au prix fort. Avec de lourds intérêts de retard, même.
Alors ils te tendent la main et te frappent sur l'épaule, tout contents que tu sois venu partager leur bout de ciel.
La France, elle, je crois, vit à crédit… Elle paye tout ce qu’elle a "emprunté" à l’histoire en oubliant -  frivole, orgueilleuse aussi - de rembourser les traites.
Les agios sont pesants…

Je suis trop loin, dans tous les sens du terme, pour comprendre.
Pour ressentir, plutôt.
Je serais même tenté de dire : de quoi me mêlé-je ?
Car je suis quasiment plus concerné, dans ma vie, par le canon qui gronde à l’est, - 5000 morts depuis le mois d’avril, messieurs et mesdames les défileurs de beaux sentiments, ce qui ne semble pourtant pas vous obscurcir
beaucoup le cœur -, que par la mitraille qui sème la terreur à l’Ouest, avec 20 morts…
Même si, qu'on ne lise pas ce que je n'écris pas, un mort, c'est déjà trop et que les tragédies ne se mesurent pas forcément à leur nombre de dépouilles.

Tôt le matin et noir encore… Le vent souffle de l’ouest. A contre-sens de l’hiver, ces jours-ci. Le village sommeille, enveloppé de silence et de solitude.
Ces instants sont comme des recueillements. On y voit plus clair en soi…

14:38 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : littérature, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

Vous ne vous mêlez que d'être vous, ce qui n'est pas rien.

Écrit par : solko | 13.01.2015

Il faut donc la nuit pour y voir clair. Assurément car alors on rentre en silence en soi-même.

Écrit par : Feuilly | 13.01.2015

"Il faut donc la nuit pour y voir clair." Humour noir alors:)))

Écrit par : Bertrand | 14.01.2015

J'ai toujours été très impressionnée de te savoir vivre en Pologne, et je parle comme si je te connaissais de toujours, ce qui est, en même temps que n'est pas, le cas. Poil au ca.. heu :)

En tout cas je me rappelle cet échange que tu avais eu sur ton blog avec Cécile Portier qui venait de publier "contact" : tu lui avais dit que tu ne lirais pas son livre parce que ce dont elle parlait - partir - toi tu l'avais fait.

Mais ce que je veux dire surtout dans mon commentaire, c'est ceci :

"La comparaison des malheurs et des peines est, dans tous les cas, une ignominie. Tous les malheurs sont uniques. La douleur des victimes des uns et des autres, ou de leurs proches ou des survivants, est immense dans tous les cas et ne se mesure pas par des comparaisons."
(La Palestine expliquée à tout le monde, Elias Sanbar, p. 37)

Écrit par : Michèle | 14.01.2015

Oui, je me souviens... C'est François Bon, alors au seuil, qui publiait.
Le temps passe, a passé... Ce que je dis dans ce petit texte, là, est vrai ressenti. Je crois que je ne comprends plus trop bien ce qui se passe dans la tête des Français et dans leur conscience sociale.
Il y a un Polonais qui m'a dit, sans méchanceté aucune, au contraire, à peine sarcastique, quand Hollande a déclaré Paris "capitale du monde" :
" Ca, c'est typiquement français. Faire des catastrophes un succès pour se hausser"
En substance
J'ai eu cette impression étrange qu'il connaissait les Français mieux que moi.. Je te jure. Bizarre.
Il est temps que j'aille prendre "un bain de France !":))

Et pour la deuxième partie de ton com, oui. La douleur d'un individu qui perd un morceau de son cœur est unique, incomparable et les catastrophes ne sont jamais quantitatives.

Écrit par : Bertrand | 14.01.2015

En fait ce qui m'impressionne c'est bien évidemment ce que tu écris. C'est pour l'écriture que je suis là, et bien sûr ce qui en découle, l'amitié :)

Écrit par : Michèle | 14.01.2015

Nos com se sont croisés :)

Écrit par : Michèle | 14.01.2015

"Se croiser", n'est-ce pas ce que font, en ce moment, ces millions de gens à qui l'on veut faire croire qu'ils se rencontrent ?
Le pouvoir ne déteste rien moins que les rencontres...

Écrit par : Bertrand | 14.01.2015

Les commentaires sont fermés.