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06.09.2013

Septembre

blog.JPGCette lumière inclinée, bientôt translucide, qui couche sur les prés l’ombre de plus en plus longue des lisières tranquilles, qui fait encore danser sur les chaumes et les premiers labours les miroitements bleus des tiédeurs s’exhalant du ventre de la terre ; cette lumière, si tu t’attaches un moment à la lire comme tu lis tes livres et tes poèmes, sera la première dépêche du déclin que t’adressera en douceur le grand mouvement des choses.
Car septembre est une charnière et l’antichambre voilée des longues catacombes. Rien ne s’y passe, tout s’y annonce. Les paysages semblent au promeneur inattentif toujours habillés de l’étoffe des belles saisons, pourtant, depuis longtemps déjà le loriot a tu sa mélodie flutée et déserté à tire d’ailes, cap sur les tropiques lointains, les feuillages poussiéreux des grands bouleaux. L’hirondelle fait sa plume, fouille son aile comme pour y vérifier qu’y sont bien emmagasinées toutes les réserves nécessaires au voyage, le martinet est devenu muet, la caille et la perdrix piètent et s’agitent, inquiètes de ces grandes plaines ouvertes qu’aucune forêt d’épis ne vient plus protéger et qui les abandonnent aux cruels appétits des hommes et du faucon.
L’équilibre est fragile et silencieux. Rien n’est encore ni jaune, ni ocre, ni rougeâtre aux arbres des chemins. Il faudra pour cela attendre que la machine ronde bascule de l’autre côté de l’équinoxe, qu’elle perde totalement sa sève printanière, descende à petits pas vers l’abandon du jour, qu’elle abdique, qu’elle fasse allégeance à l’avancée des ténèbres et célèbre leur victoire dans la magnificence des camaïeux.
Cet équinoxe sonne le glas de la fête champêtre : les granges regorgent et les champs sont vidés de leurs graines. Sous les latitudes atlantiques, l’Océan bousculera tantôt ses écumes et chahutera plus nerveusement la coque des navires, des brouillards lascifs épouseront le cours des rivières et dessous leurs ouates en suspension endormiront les marais et les plaines. Sous les latitudes continentales, là où je promène mes jours, les vents prendront source plus à l’est encore, sur la morne platitude des steppes, aiguiseront là-bas leurs couteaux et viendront mordiller aux visages des hommes.
Tout cela n’est inscrit qu’en filigrane sur les jours encore bravaches de septembre, qui tente de donner le change, de résister, comme si l’été, emporté par son élan, ne trouvait plus son terme et décidait cette année de ne pas s’en laisser compter par l’éternel retour des mortes saisons.
Mais le temps tourne une à une les pages des climats, ne referme jamais le livre, passe de la dernière à la première ligne et ainsi de suite, dans une lecture en boucle du monde…
Jusqu’à ce que l’homme, qu’il soit des hautes marches ou du vulgum pecus, qu’il soit rustre ou poète, laid ou beau, arpente sa dernière saison, referme le livre et dans un dernier souffle mouche la chandelle sur la beauté des choses.

09:50 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature, écriture |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

A propos de votre photographie, cher Bertrand :
http://www.fornax.fr/pages/hdb0.php?lng=fr&PHPSESSID=d5e9be3574e073607944e081fd852088

Écrit par : Le Tenancier | 19.09.2013

Merveilleux, cher tenancier !
Je dis " merveilleux" car vous ne pouvez pas vous imaginer le nombre de fois où je me suis amusé à jouer ces hirondelles dans ma tête ou sur la guitare. ça donne des trucs étonnants, fluctuants...
J'ai toujours eu cette image dans la tête...
Merci. Je pensais que c'était un des éléments de ma folie personnelle...Finalement, on est un tas de fous et ça fait du bien (!)

Écrit par : Bertrand | 20.09.2013

Les commentaires sont fermés.