27.08.2013
A la française
Quand nous avons le plaisir d’accueillir des amis polonais à notre table, nous essayons, comme ils en ont exprimé le désir, de «faire français», autant que faire se peut. Ça leur plaît beaucoup. Avec la plaisanterie récurrente cependant : à la condition qu’il n’y ait ni grenouilles ni cagouilles au menu !
Les clichés culturels ont la vie dure, là comme partout ailleurs. Nous-mêmes en sommes bourrés.
Bref, D. cuisine français et je mets mon grain de sel, lequel grain se limite, hélas, le plus souvent, à quelques conseils de bon aloi, puisque je suis un piètre cuisinier.
Quand je m’aventure à faire un plat, j’en fais tout un plat. Qu’on déguste par courtoisie. En revanche, je suis préposé aux confitures, je suis imbattable pour faire des confitures, je suis le cordon bleu du confit et j’aime ça, ces fruits parfumés de soleil et qui se liquéfient sous le feu, que j’arrose de bon sucre, mirabelles, framboises et, surtout, prunes. C’est une de mes grandes et délectables occupations aux portes de l’automne : confiturer. Cette idée de mettre en cage des fruits que je dégusterai aux petits déjeuners, quand les matins d’hiver seront alors transis de vent et de neige, me plait beaucoup.
Je confiture donc à l’excès.
Quand j’aime, je fais tout dans l’excès.
Quand je déteste aussi, d’ailleurs. J’ai une grande admiration pour les pondérés, les modérés, les justes-milieux. Quoiqu’ils m’ennuient assez vite.
Mais revenons aux repas à la française dans ma maison polonaise.
Le premier bouleversement des habitudes autochtones consiste à servir les plats un par un. Car sur la table polonaise, comme sur la suédoise, tous les plats sont présentés à la fois. C’est une bonne idée à mon sens car cela permet aux maîtres de céans de vraiment partager le repas avec leurs convives, de discuter, d’être disponibles plutôt que d’être sans cesse levés pour offrir ceci ou cela, réchauffer, mettre en plat.
L’ordre est rigoureusement français : apéritif, hors-d’œuvre, viande, fromages, desserts, café. Pas d’entorse au protocole culinaire !
Les fromages cependant font figure de gâteries exotiques, les Polonais n’étant pas de grands amateurs de fromage, sinon en casse-croûte pris vite fait sur le pouce ou au petit déjeuner. Ils ont tort. Car ils en font d’excellents, notamment un qui accuse quelque parenté avec le Comté. Bursztyn, ce qui signifie l’ambre, dont il a peu ou prou la couleur.
Mais le clou, la cerise sur le gâteau de ces repas à la française, c’est le vin, fils sacré du soleil, végétale ambroisie ! Là, je suis l’incontestable (et incontesté) chargé de mission. Je les choisis, je les débouche quelques heures avant l'arrivée des amis, j’hume leur arôme… ça me rappelle beaucoup de souvenirs, des bons et des nettement moins bons. Mais j’aime toujours le parfum du vin, j’y vois des coteaux de soleil et des vignes alignées sous l’automne qui flamboie.
Les commensaux, toujours, goûtent du bout des lèvres. Je les exhorte gentiment à vider leur verre, pour resservir…. Je les trouve bien sobres, bien tempérés, peu enthousiastes. Hé oui, le vin, notre grande fierté, notre aristocrate des papilles gustatives, n’est guère apprécié. Les Polonais, hors quotidien, arrose leur repas de petits verres de vodka. Des repas criblés de trous normands, donc !
Alors, parfois, faisant fi de l’ambiance française, pris d’une grande compassion pour mes amis polonais, parce que je les aime bien, je sors les petits verres caractéristiques. Les yeux amicaux s’allument aussitôt, les sourires se dessinent, et je sers un petit verre de vodka… Voire deux.
Car l’amitié, c’est aussi un échange de bons procédés… culturels. Un panache et une alliance.
11:37 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature, écriture | Facebook | Bertrand REDONNET
Commentaires
Amusant,j'étais hier en pleines confitures de prunes
as-tu déjà fait connaitre à tes amis polonais le clafoutis aux prunes? c'est le moment et c'est un délice; c'est vite fait et tu gagnerais des galons de cuisinier
bises A.M.E
Écrit par : Emery Anne-Marie | 27.08.2013
Faut que je mette la main à la pâte.... Le clafoutis, un délice. Chaud surtout. Hum...
Ben à Toué
Écrit par : Bertrand | 27.08.2013
Les commentaires sont fermés.