UA-53771746-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

24.09.2012

L'enracinement de l'exil - 25-

migrations.jpg

Géographie - 1 -

Un dicton polonais prévient que c’est à la sainte Anne, le 26 juillet donc, que les nuits commencent à se faire plus fraîches. C’est assez dire que l’équinoxe venu, elles sont déjà  froides. La lumière en déroute profite encore un moment de cet équilibre  fugace du partage de la souveraineté avec les ténèbres.
Premières gelées, encore timides, premières fumées aux toits des maisons fermées. Le renversement des saisons est assez brutal.
Ce matin, l’herbe blanche déjà crissait sous les pas et le mercure s’était réconcilié avec le zéro.
Je relis Guerre et paix, pour la troisième fois en trente ans, avec toujours autant de plaisir. En voyant les premiers clins d’œil des rudes saisons, qui guettent l’heure de  leur entrée en scène, blotties peut-être là-bas, derrière la vallée du Bug, dans les steppes orientales, je pense à l’histoire, au conquérant et à son soi-disant génie.
En art militaire et en façon de conduire une politique de tueries des populations, sans doute, mais en cerveau capable de comprendre la géographie et les climats, deux assesseurs pourtant indispensables à la réussite d’une invasion, certainement pas.
Rentrer en Russie en août pour essayer d'en sortir à la mi-octobre, avec plus de six cent mille hommes à pied et à cheval, ne semblent pas en effet des décisions prises par un surdoué.
Les historiens affirment qu’il y fut contraint par la politique de terre brûlée menée par les Russes et que ceux-ci, qui connaissaient bien leurs saisons et leur climat, n’avaient fait, en faisant mine de se retirer, que d’attirer leur ennemi le plus à l’est possible, sachant que derrière lui se refermait inexorablement le plus redoutable des pièges.
Le climat comme une arme.
C’est bien à cela que je pense quand je sens, en septembre, les prémisses du froid continental planer dans l’air.
L’air bleu encore. Octobre peut en effet être lumineux ou, comme je le vis il y a trois ans, déjà sous la neige. En tout cas, les avertissements sont donnés. On a déjà un pied, du moins la tête, dans l’hiver.
Ce qui me frappe chaque automne. Je me souviens des équinoxes du Poitou-Charentes, en tee-shirt, et puis de la cueillette des champignons en forêt de Benon ou de l’Hermitain. Je me souviens aussi de l’île de Ré enveloppée dans son drap bleu, encore chaud, et l’air au-dessus des jachères sablonneuses qui tremblote jusqu'au rivage.
C’est en confrontant les images de ma mémoire aux sensations directes du présent, que je mesure la largeur de trois pays, Pologne Allemagne et France, et voit clairement la distance qui me sépare de l’océan. Cette distance, les oiseaux la connaissent. Ils ont déjà fait leur valise et leurs formations en triangle traversent le grand ciel, cap résolument mis sur l’ouest. Plus fins que Napoléon…
J’imagine, il me plaît d’imaginer, que ce vol là, qui cacane sous les nuages juste au-dessus de ma cour, a le cou tendu vers l’île de Ré ou la Baie de l’aiguillon.
J’aimerais apprendre leur langage et avoir leur science exacte, sensuelle, de la terre.
Comme une géographie innée au service de la vie.

12:48 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

Je viens de voir, cher Bertrand, un grand vol en V au détour d'une boucle de la Seine.

Écrit par : Moons | 24.09.2012

Alors, ils sont déjà là-bas, les grands bohémiens de l'automne !

Écrit par : Bertrand | 25.09.2012

Ils vagabondent.

Écrit par : Moons | 25.09.2012

Les commentaires sont fermés.