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14.09.2012

L'enracinement de l'exil - 18 -

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Courage, fuyons !

Certes, la raison première pour laquelle j’ai "choisi" de vivre en Pologne, je la connais fort bien. J'ai cependant toujours été persuadé du fait que la rencontre amoureuse est avant tout l’œuvre capricieuse de l’énergie des contraires qui se télescopent : on rencontre tout à fait par hasard ce que l’on voulait provoquer.
Fuir. Telle était l’idée sous-jacente de mon hasard et telle est la conclusion à laquelle j'en suis arrivé, un crépuscule du soir aux lisières de ma forêt, le cul dans l’herbe chaude et le soleil qui me faisait des clins d’œil entre deux lourds nuages d’été.
Non pas fuir un pays, dont je n’avais que faire d’y habiter ou non puisque je n’avais pas une conscience critique de mes lieux, de ma langue, mais fuir l’incommensurable pesanteur des habitudes.
Les bonnes comme les mauvaises. Même bonnes, les habitudes n’engendrent que de l’ennui. Et l’ennui, c’est un  poison qui distille la mort à petites doses souffreteuses. Il y a tellement de gens qui s’ennuient sans vraiment le savoir, que lorsqu’ils seront morts, ils n’auront pas vraiment l’impression d’avoir changé de vie (!)
Fuir les horizons dont on sait tous les points de chute. Fuir l’alcool, les euphories du soir et les nausées de l’aurore, fuir le désordre des désirs, le travail et ses lobotomies, les jours qui s’enchaînent et veulent, tel un calendrier parallèle, extérieur à votre marche, vous conduire jusqu’au tombeau sans plus de surprises ni autres incartades.
Fuir les mots qui ne disent plus rien, toujours les mêmes ! Fuir mon identité.  J’avais en effet l’impression de ne plus rien avoir à donner à quiconque, puisque, aimé là pour ça, détesté là-bas pour autre chose, méprisé ailleurs par des méprisables, des pigeons et des pigeonnes n’ayant jamais volé plus loin qu’un perchoir lustré, j’étais, comme tout le monde, prisonnier d’une image socialement bradée comme définitive.
Quoi dire et quoi faire qui soit source de surprise joyeuse, d'étonnement, face à des gens qui prétendent vous connaître à fond ? Faire semblant d’être fou, peut-être. Ou picoler comme un trou.
Casser tout ça. Faire des acquis tranquilles du bonheur, un champ de ruines. Des victoires, faire des défaites.
J’y ai d’ailleurs tellement réussi qu’un ami qui m’avait fréquenté pendant plus de vingt-cinq ans, aimé, apprécié, m’a soudainement pris en pitié et déclaré que peut-être, j’étais malade… Que peut-être tout ça, ça se soignait avec des médicaments, avec de la chimie neuroleptique… Diantre ! Que mille fois diantre !
Mais je ne lui en veux nullement, à cet ami passé. Je semblais tellement proche des gens que je fréquentais - car je suis comme ça, extraverti, démonstratif, amical, déconnant, serviable avec ceux que j’aime, détestable aussi, souvent même- que cette fuite leur a semblé totalement anormale. Une maladie. Comme une aliénation. Comme l’irruption soudaine d’une folie latente.
Je déteste, j’ai toujours détesté, je détesterai toute ma vie, cet affreux mot : normal.
Les gens normaux meurent jeunes. Dès qu’ils ont décidé d’être normaux au détriment de leur désordre intérieur. De leur chaos constitutif.
La normalité est un achèvement pour les humains qui, par essence, sont d’abord inachevés.
L’exil, même statique, donne toujours cette sensation d’être en perpétuel mouvement, en perpétuel recommencement.
Il n'est jamais un port tranquille.
Jamais à l'abri d'une tempête venue de l'intérieur. D'une lame de fond.

08:14 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

D'accord avec vous. Se "mettre en danger" dans sa vie professionnelle comme personnelle, c'est un moyen efficace (le seul ?) pour rester bien vivant. En outre, la singularité donne de l'éclat ; je remarque qu'elle attire les bonnes ondes.

Écrit par : corinne | 15.09.2012

"Se mettre en danger" apprend à ne pas trop s'endormir avant l'heure.

Écrit par : Bertrand | 17.09.2012

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