07.09.2012
L'enracinement de l'exil - 16 -
DEUXIEME PARTIE
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Sommes-nous les habiles artisans de notre histoire et les vaillants timoniers de notre voyage ? Est-ce que nous sommes les architectes autonomes du libre-arbitre quant à tout ce passé accumulé comme autant de choses nous appartenant en propre ?
Ces questions d’une naïveté première, je me les pose souvent et n’y trouve pas de réponse.
Oui, elles sont bien naïves, ces questions. Des questionnements d’adolescent presque. Des questions à la Sartre. Mais je me fous comme de ma première chemise d’être un naïf ou pas. Parce que je me fous du soi-disant cynisme qui aborde toute question comme résolue, vaine, ou d’un autre temps, et je me fous de cette posture des gens faisant mine d’être revenus de tout pour n’avoir jamais osé aller nulle part. Sinon tourner en rond dans la posture.
Je ne trouve pas de réponse, mais des soupçons de réponse. Et d’ailleurs peut-être devrais-je employer le je. Ce nous est abusif, qui semble généraliser un cas personnel.
Ce n’est pas très galant, ça, de faire porter sa valise par tout le monde.
Dans tous les actes importants de ma vie, ceux qui lui ont donné une direction souvent capricieuse, je crois n’avoir jamais rien fait contre ma volonté. Mon désir plus exactement. La volonté, ça n’existe pas. Elle est un épiphénomène de quelque chose de plus obscur, de plus labyrinthique que le simple je veux. La volonté s’impose comme une force décisionnaire, alors qu’elle n’est qu’une manifestation secondaire. La partie visible d’un iceberg.
Ce n’est pas lieu ici, qui n’est que page d’écriture, de confier moult détails. Je résumerai donc ainsi : j’ai maintes fois voulu ce que je n’aurais pas voulu vouloir et je n’ai parfois pas voulu ce que j’aurais bien aimé vouloir… Et c’est l’origine de ce premier degré du vouloir qui me turlupine, sans pour autant aller jusqu’au tourment.
N’est-il qu’une pulsion déguisée en détermination ? Il se présente en tout cas, à partir du moment où il se manifeste, comme une promesse de bonheur et cela suffit pour qu’il soit, selon moi, suivi sans autre tergiversation, dès lors que cette pulsion, cette envie de vivre, de faire, ne porte aucunement atteinte à l’intégrité physique ou morale d’une autre personne.
La précision est hélas nécessaire tant le terme pulsion est entaché d’instincts criminels. J’ai pour ma part le bonheur de n’avoir jamais désiré tuer ou violer qui que ce soit et j’aurais pu, si j’en avais eu le talent, écrire mot pour mot, virgule pour virgule, les strophes du bon moustachu :
Je n’ai jamais tué, jamais violé non plus
Y’a déjà quelque temps que je ne vole plus.
Si l’Eternel existe, en fin de compte, il voit
Qu’je m’ conduis guère plus mal que si j’avais la foi.
Un inextricable magma préside sans doute à la naissance de ce vouloir qui, donc, en dernier ressort, ne veut rien du tout. Magma de dispositions internes d’origines très diverses, de sensibilités intimes, de morceaux d’archéologies, de hasards, de formations personnelles et didactiques, de fantasmes, de réels, de souvenirs, d’idées philosophico-sociales, originales ou reçues, et tutti quanti, chacun de ces éléments étant eux-mêmes imbriqués les uns dans les autres par d’occultes relations de causes à effets.
Si je vous barbe avec ces considérations toutes simples et d’apparence amphigourique, c’est que je suis un paysan. D’origine, de caractère, de culture et de goût. Un paysan amoureux des paysages, d’une certaine tradition, d’un langage et d’une approche directe, brute, du monde.
Un paysan, ça se définit d’abord par l’ancrage profond de ses racines, qui lui remontent jusque dans la tête.
Or, j’ai voulu vivre en exil…
A suivre...
09:35 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature | Facebook | Bertrand REDONNET
Commentaires
On disait jadis :
"Ce qu'un cheval fait par contrainte il le fait mal".
(moi aussi je suis un cheval)
Écrit par : Alfonse | 07.09.2012
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