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18.12.2011

Souscription : réponse à un commentaire

coq.jpgEn optant pour le mode public pour me faire très franchement part de sa réaction à la souscription que j’ai eu l’impertinence de lancer, Sophie a fait un choix qui me donne donc le droit, presque le devoir, d’une réponse publique.
Qu’elle soit d’abord remerciée d’avoir exprimé ce qu’elle éprouve. Ça n’est pas si courant par les temps qui courent et surtout là, sur ces blogs où chacun vient exposer son talent - réel ou supposé - et où chacun a à cœur de lui dire que c’est bien et que c’est beau.
Il n’en reste pas moins vrai que, passant par là ce matin, j’ai quand même pris un coup en lisant Sophie. Parce que, contrairement à ce que beaucoup sans doute pensent, contrairement même à ce qui peut transparaître dans ce que j’écris quelquefois ici, je ne suis pas un individu sûr de lui, en matière d’écriture.
Marc Villemain appuyait sur ce côté-là dans sa critique du Théâtre des choses et je tiens Marc pour quelqu’un qui sait lire et ne prend pas les gants de la flagornerie quand il a quelque chose à dire sur un livre ou sur un auteur. Je le tiens pour un professionnel.
Il ressort donc du commentaire de Sophie que, subodorant une qualité littéraire à mes textes sur la Pologne qui leur donnerait une légitimité à être compilés dans un livre, je serais vaniteux.
Ça m’a brassé. Car si croire un peu, si essayer de croire plutôt, à ce que l’on fait, c’est être vaniteux, alors, oui, je suis un vaniteux et cela ne colle pas avec ce que je ressens profondément de moi, c’est-à-dire avec ce sentiment qui me prend souvent d’être dénué d’un talent littéraire digne de ce nom. Surtout après moult échecs, et non des moindres ces temps derniers...Mon entourage immédiat pourrait en témoigner. Ici, seule vaut ma parole.
Mais il y a une limite au doute. Un artiste, un écrivain, un chanteur, un peintre, s’il va au bout de sa logique du doute, ne présentera jamais rien au public. Si j’ai eu, par exemple, le plaisir de mettre Baudelaire, Villon, Apollinaire en musique, suis-je un vaniteux de travailler maintenant à monter un spectacle pour offrir au public en octobre prochain ? Suis-je un vaniteux de penser que cela vaut la peine d’être écouté ailleurs qu’en ma maison ?
La question est posée. Je n’ai pas la réponse. Seul le public la donnera, cruelle ou bien réconfortante. Mais, en tout cas, pour le savoir, il faudra bien que je lui pose.

Retirons maintenant la qualité de mes textes. Après tout, peut-être en sont-ils dénués. Reste alors ce plaisir que j’ai eu à lancer cette souscription et ce plaisir que j’aurais de voir ces textes inscrits dans un livre. Sophie dit qu’elle me donnerait bien 20 euros pour acheter du pain si j’en avais besoin, mais certainement pas pour me faire plaisir. Voilà donc, Sophie, une générosité bien populiste et très bien orientée ! Mais je te comprends et c’est là ton droit le plus élémentaire. Sache cependant que j’ai une autre idée de la générosité et de l’engagement personnel. D’ailleurs, demander à souscrire, n’est pas mendier. C’est associer des lecteurs éventuels à un projet qui ne se réalisera qu’avec eux et pour eux. Et je souris car je me rappelle, hors sujet, un jeune trimardeur à qui j’avais donné 20 francs pour qu’il aille s’acheter des clopes. Tu lui aurais donné, toi ? Moi, je ne regarde pas à l’utilisation qu’on fait de ce que je peux offrir. Quand je donne, je ne subventionne pas. Quand j’étais marchand de bois, j’ai laissé des chargements entiers à des familles qui n’avaient pas les moyens de se chauffer correctement. Par contre, ils picolaient oui, et la part du budget qui normalement aurait du être inscrite au chapitre «chauffage» était inscrite au sous-chapitre «alcoolisme». Donc, c’est un peu comme si je leur avais donné du vin. Tu te rends compte? Et pas 20 euros, Sophie. Mais 2 ou 3 mille francs...De quoi prendre de bonnes bitures !
Au début où j'étais en Pologne, avec un jean et un sac à dos, quelqu'un m'a aidé aussi. Spontanément. Quelqu'un que je n'ai jamais vu, jamais rencontré. Et qui ne m'a pas demandé ce que je voulais faire des sous. Aider. Point. Aider sans philosopher sur son aide. Une main tendue. C'est resté et ça restera inscrit dans mon coeur et dans ma tête. Cette personne se reconnaîtra si elle vient à passer par là.

Mais je répète : chacun a bien le droit de porter l’idée qu’il se fait d’un être généreux. Et je répète aussi que demander souscription n’est pas mendier, mais anticiper. Je crois même que c’est un système qui devrait se généraliser afin qu’entre les lecteurs et les auteurs, il y ait vraiment complicité, avec court-circuitage des malotrus qui se trouvent entre eux. Le souscripteur achète le livre qu'il veut et que lui propose un auteur, pas un intermédiaire...
Le problème de ma souscription, c’est qu’elle est trop coûteuse, d’accord. Je ferais tirer à 1000 exemplaires que ça ne coûterait que 500 zl. de plus et que ça ramènerait le prix du livre, expédition comprise, à 2,50 euros environ. Mais d’ici à trouver 1000 souscripteurs, il y a l’eau d’un océan à passer sous les ponts.
Par contre, Sophie, je te conteste avec force l’affirmation selon laquelle mon plaisir résiderait à voir mon nom sur une couverture. Là, quand même, c’est un peu en-dessous de la ceinture, comme coup. Et ça n’est plus de la vanité que tu m’attribues, mais de l’orgueil et de la bêtise crasse. Et ça, c’est blessant, vois-tu.
J’ai lu…Je suis reparti dans ma campagne. J’ai joué un peu de guitare - on réfléchit aux coups reçus avec des accords sous les doigts, on s’isole - et j’ai décidé de revenir. Je crois que c’est pour ça. Pour cette assertion blessante.
Alors que dire qui soit autre chose que « non, non je ne suis pas comme ça !!! » Dire que j’ai déjà eu mon nom sur la couverture de cinq ou six livres et que je ne suis pas tombé en transe ni n’ai eu d’intempestives érections ? Dire que j’ai déjà vu mon nom sur plein d’affiches à l’époque où je tournais régulièrement avec mon répertoire Brassens, que ce foutu nom a été cité maintes fois par des journaux locaux, voire nationaux (Marianne(1), Chorus), et des radios locales à propos de mon livre sur Brassens ? Dire aussi qu’à une époque où j’avais encore le courage de croiser le fer avec le système, où je me frottais au monde autrement qu’avec des mots, ce nom a été inscrit, bien trop souvent à mon goût, dans les colonnes des journaux ? Alors, lancer une souscription pour voir mon patronyme une nouvelle fois gravé sur le papier, non merci. J’ai une autre idée, une autre estime, une autre dimension, plus humaine, de mon propre plaisir. Si on me demandait d’inscrire sur la couverture du livre pour lequel j’ai lancé cette souscription Gilles DUPONT, je n’y verrais aucun inconvénient.

Enfin, cette affirmation selon laquelle ce qui est publié sur blog est fait pour être éparpillé et non regroupé dans un volume…J’ai devant les yeux un livre que je feuillette souvent et que j’avais avalé d’un trait quand son auteur eut la gentillesse de me l’envoyer : RICHES HEURES, Jean-Louis Kuffer. Sans commentaires.
Et ceux qui te diront ce genre de sornettes d'une écriture à part, spéciale blog, éparse, courte, regarde-les bien dans les yeux si tu les as devant  toi. Ils seront en train de mentir et de transvaser leurs échecs côté victoires. De théoriser la défaite. D'embaumer la fatigue. Surtout s’ils sont des écrivant  du net.

Enfin pour conclure, tout ça était peut-être inutile. Si j’en crois le nombre de souscripteurs inscrits (tous écrivains publiés cependant) jusqu’à maintenant, cette souscription se dirige tout droit vers le bide. Un de plus…
Au moins ça fera, dans leur coin, plaisir à tous ceux qui me chérissent  tant !
En tout cas, je rends une nouvelle fois hommage, avec sincérité, au courage de ton engagement ici.

(1) Même si c'était pour me démolir.

14:52 | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

Ah! Je suis très contente de ton billet et moi aussi rends hommage à ta sincérité. Pour ce qui est de l'usage de l'argent donné , ouh!c'est le gros malentendu car j'avais failli écrire "pour picoler" et je l'ai enlevé mais oui ça m'est égal l'usage qui en est fait et loin de moi l'idée de dire quel serait le bon usage! ouh la la bonjour le malentendu! mais donc dissipons-le! Il m'est souvent arrivé de donner dans ma vie et souvent aussi qu'on me donne! Ce que je voulais dire c'est qu'il ne me choquerait pas que quelqu'un dise: "j'écris et après tout d'habitude vous payez quand vous achetez des livres eh bien là ça côutera 30 euros et il en restera dix pour moi"(pour clopes ou picoler ou ce qu'on veut!)
Malentendu pour malentendu, je crois que j'ai fait erreur avec cette histoire de nom.
C'est le risque de dire les choses. Qui ne s'exprime pas, ne risque pas les malentendus.
Mais comme je te le disais dans le 2eme commentaire et je le redis plus fort ici, je m'en veux d'avoir été blessante. Dans la vie en général j'essaie de ne pas l'être -sauf si on m'embête trop mais ce n'est pas ton cas.
Je crois que j'ai tatonné. Ressentant un malaise à la demande de souscription, j'ai cherché d'où il pouvait venir..et en fait je ne sais toujours pas. Je sais que ça tourne autour de l'argent. Je ne sais pas. Et ça m'intéresse. Et je suis prête à entendre des réponses qui me feraient mal mais m'éclaireraient.
Ce qui est certain c'est que peu aiment parler de ça. Comme peu parlent des attentes de commentaires, de ce que ça suscite le plaisir d'être lu et toi tu le fais souvent et aç me plait bien.
Je réfléchis à tout ça. je n'ai pas la réponse.
En même temps pour moi, la vanité est une faiblesse si humaine. Même pas une faiblesse, une caractéristique humaine. Moi par exemple je suis vaniteuse.On est vaniteux quand on écrit tous les jours, quand on met des photos de soi ou de chez soi ou de son chat ou je ne sais quoi, comme je le fais. Moi ça ne me choque PAS DU TOUT si on me dit que je suis vaniteuse. Pas du tout si on me dit que je fais mon intéressante. Ni que j'écris un blog par besoin d'être aimée.
Je ne crois pas que notre échange est inutile. je crois au contraire que avec ses maladresses il essaie cet échange d'aller un peu au-delà des choses convenues qui se disent ou ne se disent pas.
J'y trouve + de "vrai" que dans tant de mots factices.
Je trouve qu'on touche quand même à des sujets importants: l'écriture, l'argent, l'envie d'être lu, les questions économiques de diffusion de l'écriture.
Sinon, pour le succès ou non de la souscription tu es vachement impatient! Tu cries vite au bide! Fais un petit encart sur la page d'accueil où tu rappelles la souscription et attends quand même une semaine pour voir! Quelle impatience!!!!par exemple moi je suis d'accord finalement!!! je t'écris et ne boude pas, rôôô la la !!!!
à condition que tu acceptes mes excuses!
Bon moi

REPONSE BERTRAND :

Je te l'ai dit, Sophie, y'a pas d'excuses à formuler. Tu t'es exprimée avec sincérité et avec tes tripes, au vécu, au feeling et c'est ce qui, à mon sens, manque terriblement dans les commentaires des blogs qui jouent toujours, à peu près, sur la même musique..Bon, hein ? Ho !

Suis bien d'accord avec toi : discuter, là, n'est pas inutile. En filigrane, beaucoup de points qu'on ne discute jamais sont mis au jour...La gratuité des blogs dans un monde où les auteurs de ces blogs achètent tout, vendent tout d'eux-mêmes ailleurs, comptent leurs sous, a quelque chose d'incohérent, à un moment donné...Comme s'ils étaient récompensés, déjà, en étant lus...C'est ce que disent les éditeurs en ce moment aux auteurs, bravo, c'est du propre : Je t'ai publié, tu dois être fier et content ! Je vais pas, en plus, te payer ! Et ça marche...90 pour cent des auteurs marchent à reculons : a vot' bon coeur tapez où ça vous dit ! Quelle époque de merde où même les poètes sont prostitués dans l'ombre !
Tu vois Sophie, j'avais un des meilleurs éditeurs sur la place...Je pouvais contineur, certain que mes livres seraient distribués et lus avec un éditeur de cette qualité..Je n'ai pas accepté le marchandage tacite...Je n'ai pas accepté le silence : je n'ai plus d'éditeur...Tant mieux, même si c'est dur à vivre pour moi et que je me retouve comme au début, quasiment..Que faut-il ? Réussir et se taire ou échouer en l'ouvrant ? Pour moi, ce n'est même pas un choix. Ce n'est même pas du courage : c'est épidermique.
Qu'on instaure la gratuité partout et je serais le premier à voter des deux mains...Mais cette gratuité est falsifiée, faux-cul...
Regarde quand Bon demande (ou demandait, je ne vais plus chez ce Monsieur) un soutien financier pour son TL personne ne vient lui dire qu'il mendie ou piaille..
Mais je répète que là, c'est une souscription pour un livre et, si j'ai les souscripteurs, j'vais pas me barrer avec la caisse : les gens auront un livre... En fait, il me faut 99 souscripteurs car je souscrirai moi-même. Pour le mien.

Ah la la la la, que c'est compliqué, tout ça, tellement que c'est simple !

Écrit par : Sophie | 18.12.2011

Zut la fin de mon commentaire a sauté! je voulais dire: bon moi je souscris!

Écrit par : Sophie | 18.12.2011

Il s'en passe et il s'en dit des choses ici, dites ! Je viens de lire d'un coup les quatre derniers billets ainsi que les commentaires et je me demande ce que j'en pense moi-même de cette histoire d'être lu et payé ou pas. D'ailleurs quelqu'un m'a posé la question chez moi à propos d'une critique de livre, et je n'ai su y répondre.
D'abord, ne pas confondre littérature et édition. J'entendais ce matin un type présenter comme étant d'actualité littéraire une biographie de Jean Ferrat et l'autobiographie d'Aznavour. Bref. Quand on ne fait plus la différence entre littérature et édition, on ne la fait bientôt plus entre édition et journalisme, ni entre littérature et télé, critique et promotion, etc, etc...
Etre sûr ou non de soi en matière d'écriture, c'est aussi une question qu'un jour, j'ai refusé de continuer à me poser. Peut-être pour avoir lu beaucoup d'auteurs contemporains, édités, justement. C'est au fond une question de lecteur. Et puis, elle ne sert pas un projet d'écriture, cette question, se la poser est un truc qui vient de la critique universitaire (dégâts collatéraux du structuralisme et de ses petits). Il vaut mieux se fier à son goût d'artisan. Mon parrain, qui aime aller à la pêche se demande-t-il s'il est sûr de lui en la matière ? S'y connaître en bouchons et en asticots suffit, nul besoin de connaître qu'on s'y connaît.
Concernant la vanité,en revanche, je suis assez d'accord avec Sophie. Je crois oui qu'il y a vanité à vouloir se faire lire, oui, comme à se percher sur une scène. J'ai fait les deux, je sais. Mais où est le mal ? Vaniteux, comme le dit Sophie, qui ne l'est pas ? Vanité à vouloir se faire élire, entendre, comprendre, aimer, vanité, vanité, tout est vanité et poussière au vent, en ce sens que comme dit la chanson, "ça va pas changer le monde"... il faut assumer ça aussi. La vraie question est de savoir s'il n'y a que de la vanité. Il y a aussi du plaisir, des rencontres, une façon de s'inscrire dans du Réel, bref. Des choses positives aussi.
C'est l'heure des commentaires-dissertations sur l'Exil, dites-moi, et voilà que je tombe aussi dedans.
A propos des commentaires, c'est vrai qu'il y en a de moins en moins chez Solko aussi et que ça n'a rien à voir avec le nombre de lecteurs. D'ailleurs, j'en laisse moi aussi de moins en moins. Question de temps peut-être. Je me rends compte que je viens de récupérer mon retard avec un commentaire pour 4 billets. Je dis bonjour à Sophie au passage (commenterais-je ici en plus le billet sur "Absinthe qui pense" et qui m'a fait bien fait rire parce que moi aussi, il m'arrive de penser avec mon chat - mais qu'en dire qu'elle en'ait pas dit dans ce billet ?)
Pour la souscription j'en serai avec plaisir si le projet voit le jour. C'est peut-être une vanité de notre part de vouloir en être d'ailleurs, non ? Vanité vanité, tout est vanité disait l’Ecclésiaste et le neveu de Rameau rajoute dans une page que j'aime bien que c'est bien ça la question...
Amitiés à tout le monde là-dessus, après ce long post


REPONSE DE BERTRAND :

Cher Roland, je suis en dette : je vous dois au moins dix minutes de votre vie que vous avez brûléés à faire ce long post...Je vous rendrai, je vous rendrai...
Mais ce n'était pas inutile : je suis assez d'accord avec vous sur l'essentiel... Ele est un peu floue, cette expression "être assez d'accord". Bon, disons, que je ressens bien ce que vous dîtes.
Vous avez raison sur un point important qui est cette question lancinante du doute en écriture..Un écrivant ne devrait pas se poser cette question. Il fait ce qu'il aime, point, ça plaît ou ça ne plaît pas...Si je me la pose et si Marc Villemain l'a bien idéntifiée, ce n'est donc pas par modestie mais par vanité : je veux plaire à ceux qui me plaisent, à ceux et celles qui ont les mêmes goûts que mézigue en littérature ou en écriture, appelez ça comme vous voulez...
Toutes ces discussions ont mis le doigt là-dessus et m'ont éclairci. Elles n'étaient donc pas vaines.
Monter sur scène est de la vanité, certes. Mais, ce n'est pas que ça, heureusement... Il y a une grande recherche de l'amitié aussi. Du contact. Internet n'est-elle pas lui-même une scène où chacun monte à son gré ?
SI.
Littérature et édition, oui...Mais j'espère que vous ne pensez pas que je puisse vous contester cette différence. Suffit de voir dans les librairies le nombre d'étrons nauséabonds qui traînent sur les premières tables, aux entrées...Mais j'ai la vanité de penser que ma compilation - retravaillée - des textes de l'Exil sur la Pologne participeront plus de la littérature éditée que de l'édition galopante...
Je prends note de votre souscription, Roland, et vous en remercie...mais ça va évoluer, ça aussi...Je ne sais si ça ira au bout. On verra bien...Pour l'heure, votre livre porterait le numéro 12...Vous voyez, qu'il en manque pas mal avant l'accouchement !
Quant à la gratuité, la question me turlupine...Au point que je prépare un petit texte là-dessus.
Amitiés, à vous et bonjour au grand Lyon !

Écrit par : solko | 19.12.2011

Je sais bien que vous ne la contestez pas cette différence entre littérature et édition. Mais le public dans sa grande majorité ne la fait plus, et notre réaction face à ce public, qui est légitime parce que c'est à lui qu'on s'adresse, peut sans cesse nous égarer. C'est par là que l'éditeur -qui n'est jamais qu'un épicier, par obligation à la toute puissante pièce de cent sous- nous tient, et que tout cet univers qui nous fait fantasmer est à la fois nécessaire et faux. Je ne vois pas pour ma part de solutions claires et carrées.
Content d'être le douzième. Le treizième, brrrr...

REPONSE DE BERTRAND :

Je n'avais pas pensé à cela ! Vous l'avez échappé belle, Roland ! Le treizième sera non superstitieux ou ne sera pas...
Pour le reste, oui, j'ai un peu anticipé et partiellement répondu dans le texte ci-dessus...Des solutions claires et carrées, je n'en vois pas non plus. Je fais un état des lieux, mais ne sais pas excatement comment on pourrait habiter honnêtement la place.

Écrit par : solko | 20.12.2011

Bertrand,

J'ai lu les échanges sur l'Exil sur votre souscription. Les propos policés, à fleurets mouchetés n’empêchent pas les blessures. J'ai été éditeur, devrait l'être encore, ne le suis plus. Le métier était riche de rencontres,souvent étonnantes. Il allait de l'honneur d'un éditeur de vendre les livres de ses auteurs,d'éviter les soldeurs et le pilon.Il semblait normal de payer les droits d'auteur. En ce temps là, les tirages devaient être conséquents, l'éditeur finançait les stocks et était la mémoire de l’œuvre, il avait intérêt à garder vive, la réputation de l'écrivain, de l'encourager à produire pour que l'ancien ouvrage soit diffusé par le nouveau. Les pratiques ont changé, il est possible de faire des éditions limitées. Bien des éditeurs, pas tous, évaluent le potentiel économique et relationnel d'un postulant. S'il peut vendre dans son entourage , 300 ouvrages, en financer une partie , l'éditeur commence à trouver cet écrivain, intéressant si en plus, il a des introductions dans des foires aux livres et autres événementiels auxquels les cons courent, il a du prix.
Nombre d'auteurs,c'est fou ce qu'il y en a, vous n'imaginez, peut être pas, ressentent un besoin violent d'être édités, il faut beaucoup de psychologie pour trouver les mots du refus. Ces personnes sont prêtes à tout, et, en particulier , à être édité à compte d'auteur. J'aurais pu le faire, mais cela ne correspondait pas à la déontologie que je développais dans ce métier.
Des souscriptions étaient lancées auprès de la clientèle, par mailing, auprès de distributeurs...en même temps que le livre était mis en chantier. Les livres étaient chers. Il y a une quarantaine d'années de cela, le catalogue affichait des prix de 45O F, souvent plus. Il s'agissait d'édition ethnographique régionale et maritime, pour la conversion en euros,consultait votre ami Solko, il est expert,comme en bien des choses.
La première maison m'avait embauché pour la redresser, le cadavre était ,hélas, en tétanie presque absolue. Elle vivait en coma dépassé en pratiquant un remède de cheval, de la grosse cavalerie . Une souscription servait à financer un ouvrage , déjà, payé mais qui n'avait pas été produit. Mais l'intensité des liens, liés à la qualité des œuvres, créait une atmosphère où l'argent devenait relatif. Les fournisseurs, typographes, imprimeurs,relieurs, continuaient à travailler quoique les impayés s'accumulaient. Ils étaient fiers de ce client qui leurs apprenait le métier.
Avec les souscripteurs, il y avait une connivence intense, Ils continuaient à souscrire malgré les retards accumulés dans l'édition des ouvrages. Certains, en début d'années, anticipaient, même,d'une souscription.il y avait là de la belle et bonne amitié, du respect pour le travail effectué. Dans la clientèle, il y avait de petits pécheurs qui se passaient de tabac pour acquérir le livre qui narrait leurs vies. Ils étaient impitoyables sur la véracité d'un récit ou d'une technique d'épissure. Ils étaient la vraie richesse de la maison, son cœur. Le rapport avec les auteurs étaient du même coup de tabac. Je me souviens d'un coup de fil tempétueux d'un auteur qui n'avait pas reçu ses droits d'auteur,quelle exigence. La secrétaire,chargée de l'éconduire en était si retournée que je pris la conversation. L'homme était fort riche,propriétaire d'un château sur le lac de Neuchâtel, il me demanda, il parlait au directeur, si je pouvais remédier à l'erreur du service comptable qui avait omis de lui régler son dû. Je lui rétorquais que le service avait agi sur ordre, j'avais ordonné de ne payer personne.Mon bonhomme me rassura, ce n'était pas une question d'argent, il ne voulait pas passé pour un con , c'est tout. Il s'enquit de nos difficultés,acquit pour 1O OOOF de souscriptions pour des collections qui avaient 4 ans de retard …Un réseau de souscripteurs se constitue par un travail de longues haleine, il est la reconnaissance par un agrégat d' individus de l'enrichissement que leurs apportent un travail artistique ou autre.Je crois que je serais réticent à me lancer dans l'aventure.
La vanité est une affaire trouble. Il y a la vanité superficielle que l'image du coq illustre à merveille, elle, peut être,exaspérante mais aussi nécessaire, la mise à nu de l'écriture est si décapante qu'il faut bien se protéger de quelques dérisoires feuilles de vigne, les lecteurs sont des cannibales inconscients. Il y a une vanité plus profonde,consubstantielle,comme la vacuité,à l'écriture ; Celle là
ne doit pas arrêter de se dire, de se transmuer, de se métamorphoser. Le chemin de l'une à l'autre est étroit. Il faut une armée d'écrivaillon humbles et fatigants, pour que surgisse un écrivain , un vrai, un de ceux qui jettent sur les flots bouillonnants de l'aventure humaine des barges qui,aussi, précaires,illusoires,désespérées,qu'elles puissent être, aident à vivre et à moins détester son semblable.
Les chemins sont tortueux, j'aurais pu être édité, chez Gallimard et consorts, il y a longtemps, maintenant, j'ai esquivé parce que je croyais sacrée ma liberté d'expression, pour des raisons plus mystérieuses,aussi. J'ai connu quelques succès, il m'est arrivé de désobéir à la loi parentale et de réussir malgré tous mes efforts. J'ai vécu dans ces moments là, une vanité apparente à laquelle succédait vite, une énorme lassitude et un fort sentiment de solitude. Maintenant, il me serait proposé d'être édité, je serais moins bégueule, plus cynique. Je ne risque rien, je n'écris pas d'ouvrage, je me contente, non sans gêne (entendez cette préposition dans ces deux sens) d'écrire des commentaires sur des blogs. Édité ou non, je ne me survivrai pas. Il faudrait parlé de l'anonymat, de sa simplicité, de la timidité, du doute, de l'envie de se fondre dans la foule,du plaisir intense de certaines reconnaissances inattendues, de l'estime qui ne se mesure pas aux nombres de livres publiés mais à se retrouver un bref instant pair de personnes, pierres de touche intimes des convictions vers lesquelles l'être se tend.

Bertrand, je ne sais pas si ce témoignage , te servira. Tu as un projet, je te souhaite de le mener à terme,avec ou sans souscription. Écris, mets en paroles, trouve des musiciens pour t'accompagner pour des lectures , grave un DVD, le livre peut être au bout du chemin...

REPONSE DE BERTRAND :

J'ai lu et j'ai appris beaucoup de toi, Patrick, dans ce commentaire, notamment ta connaissance du monde de l'édition et, aussi et surtout, l'esprit dans lequel tu as rencontré ce monde et as pratiqué le métier.
je te remercie beaucoup.
Ce qui est toujours d'actualité, c'est vrai, c'est cet acharnement à vouloir être édité; cet acharnement est légitime, Patrick, parce que c'est l'acharnement à vouloir être lu. Mais le monde ne l'ented pas de cette oreille.
Et peut-être, oui, que l'anonymat est source d'autant de plaisir. Quoique, tu sais, avec cinq livres à la clef, je suis tjs dans l'anonymat, on peut donc très bien vivre les deux.
Vouloir être édité ne signifie pas non plus vouloir être célèbre. Heureusement. Parce que le nombre de livres qui sont passés sous silence radio !
Bien à toi.

Écrit par : patrick verroust | 20.12.2011

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