17.12.2010
J'ai un problème avec les femmes : élargissement des contributions
Je choisis cette solution de réponse plutôt que le commentaire , parce-que c'est mieux. Voilà un argument - convenez-en - imparable et bien développé, n'est-il pas ?
C'est donc avec certain plaisir que j'ai lu vos divers commentaires (contributions) qui se penchaient sur ce que j'ai appelé plaisamment mon problème. Surtout de votre part, gentes dames, même si les réflexions de Stéphane et de Feuilly sont tout à fait pertinentes à mon goût et si le long commentaire de Nauher apporte de bien probantes précisions.
D'autant qu'on n'est pas là pour dire des choses nouvelles ou (et) époustouflantes, mais des choses qu'on ressent comme vraies, sans jurer qu'elle le sont, bien sûr.
J'avais fait allusion à Brassens - ça ne m'arrive pas souvent - dans lequel les petites paumées des matins féministes se plaisaient, et peut-être se plaisent encore, je n'en sais rien, à identifier un affreux mysogine moustachu, les connes !
Faudrait qu'elles lisent Schopenhauer (traité sur les femmes) pour pouvoir parler enfin de misogynie. Ou alors Baudelaire invectivant la femme Sand. Qu'on écoute "Une jolie fleur" ou " Concurrence déloyale" et qu'on dise que Brassens eut des velleités misogynes, ça d'accord. Mais qu'on écoute aussi, qu'on lise même, "La non-demande en mariage", " Saturne ", Bécassine", " Les Croquants" et qu'on me trouve, si on a bien compris, un poète qui ait parlé avec autant de délicatesse de sa compagne.
Bref, le problème chez moi, que je voulais signifier dans le texte précédent, c'est que je ne sais pas me mettre dans la peau d'une femme. Voilà. Quand j'essaie, je ne ressens rien de vibrant et qui m'appartienne. J'ai même l'impression de n'écrire que des balourdises. J'atteins ainsi les limites de la fiction, celle-ci se voulant quand même une réévaluation littéraire du réel, d'où un certain mépris fort contemporain pour le roman, d'ailleurs, mépris dont on pourrait parler longtemps, dont je reparlerai sans doute, car je commence - je commence seulement - à accumuler des expériences et observations qui ne vont pas vraiment dans le sens du vent.
Je trouve donc qu'il n'y a somme toute pas grand chose d'anormal dans cette difficulté à mettre en scène une ou des femmes. Faut du génie pour ça sans doute. D'ailleurs, vous aurez remarqué l'illustration que j'avais choisie et que je répète ici.
Mais je me demande quand même, contradictoirement à tout ce que je viens de dire : Est-ce que le bovarysme, cette insatisfaction permanente due, en partie, à des fantasmes romanesques et livresques, est un mal essentiellement féminin ?
Et Balzac, avec sa "Femme de trente ans", ne dresse t-il pas plus un échec de l'amour conjugal universel - en prenant comme tremplin la brutalité nocturne d'un médiocre soldat - qu'une déception sensible propre aux femmes ?
Est-ce que Balzac, tout comme Flaubert, étaient les mieux placés pour parler de la frustration et de la misère sexuelles féminines dans un couple et d'en décrire le dégoût psychologique qui s'ensuit ?
Donc : Y a-t-il quelque chose qui soit essentiellement féminin, que voudrait capter l'écriture sans vraiment y parvenir ? C'est là, peut-être le nœud gordien, que seule une réponse négative pourrait trancher.
Duras n'a t-elle écrit qu'au féminin, même si les grenouilles féministes l'ont prise à un moment donné pour leur chantre ? Mais que n'ont -elles pas pris - passons sous silence Gisèle Halimi- pour elles ou contre elles !
Enfin, tu dis, Michèle, que c'est de l'écriture, pas de la vie...Je ne suis point d'accord. L'écriture qui n'est que superstructure, essor artistique par-delà les tripes désordonnées de la vie, n'est, à mon sens, que bouillie pour gros chats de salon.
Illustration : Feuillets du manuscrit " Madame Bovary"
10:15 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : littérature | Facebook | Bertrand REDONNET
Commentaires
Bertrand, c'est toi qui donnes de l'écriture la définition de superstructure, d'essor éthéré (sourire). Je n'ai jamais dit cela.
Quand je dis que l'écriture ce n'est pas la vie, je veux dire qu'une écriture n'explore pas tout de la vie. Je veux dire que chaque écrivain a ses territoires, ses lucarnes, ses angles sur le réel. Qu'il ne peut aller partout, en tout cas au moment où il le constate.
Quand je dis que l'écriture ce n'est pas la vie, je veux dire qu'est parfois (souvent) faite la confusion entre ce qu'écrit un auteur et ce qu'il est. Je prends un exemple :
Dans une émission de TV écoutée hier soir, la grande librairie sur la 5, dans laquelle des écrivains venaient présenter deux livres (l'un aimé, l'autre honni), René de Obaldia parla de "La philosophie dans le boudoir" comme d'un texte fasciste ; cette répétition, disait-il, de scènes atroces, où l'on mutile... Michel Quint ainsi qu'un auteur de BD dont je n'ai pas retenu le nom, expliquèrent que Sade ne faisait que montrer la nature de l'homme et qu'Hitler, lui, peignait des aquarelles, de jolies petites maisons...
Écrit par : Michèle | 17.12.2010
Petite erreur : J'ai corrigé mon texte avant de voir ton commentaire sur le terme " éthéré"...Comme quoi, on est bien d'accord sur le choix des termes ou leur non-choix, plutôt
Et comme quoi aussi, tu développes ici la phrase lapidaire due à l'espace restreint des commentaires " l'écriture n'est pas la vie" et que je me félicite alors d'avoir choisi cette formule de réponse par texte en ligne
je suis entièrement d'accord avec ce que tu dis là.
Écrit par : Bertrand | 17.12.2010
En lisant la très belle contribution de Philippe Nauher sur ton billet précédent, j'ai vu que ce que j'avais dit, c'est très exactement : On est dans l'écriture, pas dans la vie.
Je note donc qu'on est d'accord.
J'aime qu'on soit d'accord (sourire).
Écrit par : Michèle | 17.12.2010
Ben, ma foi, c'est pas plus mal...
Écrit par : Bertrand | 17.12.2010
Je croyais que tu étais parti. Je rajoute (parce que c'est vrai que les commentaires sont parfois lapidaires) que l'allusion à la contribution de nauher, c'est pour situer mon moment de relecture ; autrement toutes les contributions sont belles bien sûr, celles de ArD, Feuilly, Anne-Marie, Natacha, Brigitte (j'espère que je n'oublie personne).
Voilà qui s'appelle parler pour ne rien dire (de nouveau) :)
Bon week-end Bertrand.
Écrit par : Michèle | 17.12.2010
Sans compter tous les problèmes qui se présentent quand on a pas de problèmes avec les femmes...
Écrit par : heptanes fraxion | 20.12.2010
On doit le terme de bovarysme à Jules de Gaultier en 1892. Il est certain que l'assimilation des difficultés existentielles de l'héroïne flaubertienne à une sorte de pathologie procède d'une histoire de la médecine qui au XIXe a particulièrement chargé la femme de toutes les tares. Qu'elle soit la femme d'un médecin n'est pas sans intérêt. Sa lecture "déviante" des romans définie comme une maladie renvoie donc à une distinction qui marque du sceau indélébile de l'immaturité son sexe. Elle n'est qu'un exemple et en ce sens le si génial Flaubert ne fait que suivre la doxa de son époque (et sur ce point, je ne suis pas sûr qu'il use de l'ironie qu'on lui accorde si volontiers dans son œuvre en général).
Remarquons simplement qu'on en usa tout autrement quand des romantiques (hommes il est vrai) se suicidèrent après avoir lu le Werther de Goethe.
Quant à la récupération de certains textes de Duras par des féministes enragées, cela fait plutôt rire. Il suffit de (re)lire "Le Ravissement de Lol V. Stein" pour comprendre combien cet écrivain, comme Colette d'ailleurs (cf "La naissance de l'aube"), écrivait sans se préoccuper des bavardages politiques de celles qui allaient asseoir le pouvoir des très sinistres gender studies.
Écrit par : nauher | 20.12.2010
Pour revenir sur la question des gender studies, un article de Frédéric Garajay dans "sur le ring"
http://www.surlering.com/article/article.php/article/gender-studies-il-faut-les-queer
Écrit par : nauher | 26.12.2010
Petit correctif : Frédéric Gajaray (et non Garajay)
Écrit par : nauher | 26.12.2010
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