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16.12.2010

J'ai un problème avec les femmes

madame-bovary-sur-le-net,M20869.jpgC’est ce qu’on appelle un titre accrocheur, cabotin, pour ne pas dire racoleur. Je crains, hélas, que les moteurs de recherche et les espions Google n’égarent alors sur L’Exil des lecteurs qui leur demandaient tout autre chose, de bien plus  urgent et poignant.
Ceci étant dit, si tous les hommes qui ont un problème avec les femmes - de quelque nature qu’il soit - viennent se fourrer là, mes statistiques d’épicier mensuel risquent d'exploser.
Je précise donc tout de suite, pour ne pas leur faire perdre plus longtemps un temps qui doit être précieux,  que j’ai un problème avec les femmes en écriture. Si j’en avais un ailleurs, ce n’est pas sur l’Exil que je serais tenter  de le résoudre car,  selon Le  Modeste :

... mettre en plein soleil
Son cœur ou son cul c’est pareil.

En écriture donc, chaque fois que j’ai voulu faire intervenir une dame dans mon récit, j’ai échoué.
Je ne sais pas faire.
Dans Brassens  poète érudit, si j’ai parlé des femmes, c’était bien évidemment à travers les chansons du poète.
Dans Chez Bonclou et autres toponymes, des dames interviennent parfois, notamment sur la controverse autour de Chanteloup, mais elles sont encadrées par leur passion de la toponymie et tiennent des propos  qui n’ont rien de spécifiquement féminins.
Dans Polska B Dzisiaj, si je parle des femmes, c’est sous le terme général de "Polonais", tout sexe confondu.
Dans Zozo, n’en parlons pas ! Il n’y a que Zozo ! Il prend toute la place, il tire toutes les couvertures à lui. Il y a bien sa femme  en  filigrane, comme une ombre qui ne dit jamais rien, qui cuisine toujours, qui est grosse en plus, à tel point qu’on m’a fait le reproche d’être un tantinet misogyne. Une femme, bien sûr.   Le genre de critique qui ne mange pas trop de pain.
La femme de Zozo, quand même, s’avère être plus maline que son épicurien de mari et se montre capable d’une stratégie à long terme, celle-ci fût-elle meurtrière.
Dans Géographiques, là, c’est le black-out complet. Parmi les géographes, météorologues, océanographes et autres climatologues, pas l‘ombre d’une présence féminine.

C’est hier soir que je dressai in petto cette espèce d'auto-bilan d'une plume discriminatoire.
J’écrivais une nouvelle. L’île de Ré à l’époque du bac. Tempête, bac du soir annulé, gens coincés, certains le prennent avec bonhommie, les autres avec fureur, des rapports nouveaux, spontanés, s’installent entre ces gens, comme à chaque fois dans des situations de brouhaha inhabituel, trains en grève, vol annulé dans un aéroport et tutti quanti.
Ça me plaisait bien.
Mais le narrateur devait y rencontrer une dame. C'était mon projet. J'ai fait une longue, très longue, trop longue introduction, avec grand plaisir. J'ai planté le décor, j'ai dit la mer, l'île et le vent, retardant toujours, avec mes détails, le moment où la dame entrerait en scène...
Puis il a bien fallu.
Elle est comment la dame ? Qu’est-ce qu’elle fait là ? Qu’est-ce qu’elle dit  ? Quel âge a-t-elle ? Qu’est-ce qu’il y a d’exceptionnel à rencontrer une dame et qui mérite d’être raconté, mis sur la place publique ?
Silence  complet. Blocage. Panne.Tarissement soudain de la fontaine clavier.
Un seule solution, la touche suppr.
Et ce sera un homme avec qui il entrera en commerce, mon narrateur.

Oui.
Il y a vraiment un problème.
Dans Le Silence des chrysanthèmes, j’avais pourtant  fait beaucoup parler ma mère.
Aie, ai, aie…Ça sent le roussi. Les psychanalystes, toujours en promotion en tête de gondole, ne manqueront pas de voir là  - Mais c'est bien sûr ! - comme un Oedipe  mal assumé.
Il n’y a pas plus rigolo qu’un imbécile qui se pique de psychologie profonde.
Il a, sinon la solution, du moins  l’explication de tous les problèmes.

Illustration  : Feuillets du manuscrit " Madame Bovary"

12:45 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

Ah ? Et pourquoi voudriez-vous vous fixer un objectif que vous avez du mal à satisfaire ?

Écrit par : ArD | 16.12.2010

Disons que c'était une idée, je voyais bien la situation dans ma tête..Mais ça n'était pas à proprement parler un objectif...

Écrit par : Bertrand | 16.12.2010

On m'a déjà dit que dans mes textes je faisais parler les femmes comme des hommes, avec la sensibilité d'un homme et pas d'une femme. Autrement dit je les ferais philosopher alors qu'elles auraient simplement dû penser à se recoiffer.

Je me suis toujours demandé si celui qui m'avait dit cela n'était quand même pas un peu misogyne...

Écrit par : Feuilly | 16.12.2010

ah ben çà alors, il ne fallait pas du tout appuyer sur la touche suppr parce que j'ai vécu entre 12 et 17 ans les attentes interminables au bac de l'ile d'Oléron le 1er août; m'est avis que c'était du pareil au même et j'aurais savouré le récit de l'attente; mon seul souvenir précis: un mareyeur de La Cotinière nous distribuait un papier nous engageant à aller acheter des céteaux à l'arrivée du bateau le matin; elles étaient délicieuses, ces petites soles toutes fraiches, voilà, ensuite, ils ont fait un pont et le charme a été rompu

amitiés Anne-Marie(tu vois bien qu'il y avait des femmes!)

Écrit par : Anne-Marie Emery | 16.12.2010

Au moins avez-vous cette clairvoyance.
Le problème m'apparaît insoluble actuellement dans une certaine honnêteté.
J'ai eu deux fois de suite, récemment, à me confronter, en tant que lectrice, au problème du Je: Siri Hustvedt, dans «Elegie pour un Américain» (qui recueille le Journal de son père) n'est pas crédible dans son Je masculin. Comme Jim Harrisson, disant Je au féminin («Malva») laisse comme un malaise.
En sortant de l'histoire du Je, il y a celle du «Elle» dont vous nous parlez. Pendant des siècles les auteurs mâles n'ont pas eu d'hésitations, ils étaient Dieu, c'est tout.
Les femmes lectrices s'y sont habituées.
Je me suis souvent identifiée à un «Elle» totalement improbable.
Et voilà que les lecteurs, qui sont des lectrices, ont envie d'entendre une harmonie plutôt que le solo du ténor. Cela doit être difficile pour l'auteur mâle, mais tellement plus intéressant, foin de l'esbrouffe!
Je suis persuadée que vous pouvez dépasser l'obstacle. Peut-être en légèreté, en humour.
Dans «Géographiques», une femme aurait été bienvenue, c'est ce que j'ai pensé en le lisant, mais je préfère que la féminité soit absente, plutôt que représentée par Madame Pinson (concierge chez Tintin).
Le sujet est très vaste.
Votre question est en tous cas bien posée. J'ai l'impression que vous allez y répondre dans vos prochains écrits.
Et @Feuilly: bien tarte est celui qui peut nommer et décrire «la sensibilité d'une femme», qu'il soit lui ou elle.

Écrit par : Natacha S. | 16.12.2010

pareil pour moi. C'est intéressant. Dès que je fais parler des femmes on me traite de mysogine. Alors que je suis essentiellement misanthrope... Comme quoi !!!

Écrit par : stephane | 16.12.2010

Tes livres nous apportent un surcroît de vivre et un surcroît de langue. C'est ce qu'on attend d'un livre. Quelle importance ce qu'y sont les figures féminines et qu'il y en ait ou pas ? On est dans l'écriture, pas dans la vie.

Écrit par : Michèle | 16.12.2010

Si jamais une furie des gender studies si à la mode tombe sur votre billet, Bertrand, vous êtes cuit pour le panthéon de la littérature sectarisée (c'est-à-dire sexuée). De toute manière si vous parlez des femmes, on vous dira que vous ne savez pas, vous ne pouvez pas en parler avec intelligence puisque vous êtes un homme, et si vous n'en parlez pas, on dira que c'est bien là le signe de votre machisme, de votre phallocratie latente ou pire : de votre sidérante méconnaissance de la moitié de l'humanité. Je crois que votre interrogation sur le sujet est le signe insidieux que notre époque immisce dans la littérature des considérations qui n'ont justement rien à voir avec elle. Et même si nous voulons être imperméable à cette dialectique, elle est dans l'air et l'on finit par se demander pourquoi on n'est pas ci ou ça plutôt que de creuser le sillon de ce que nous voulons être. Qu'il n'y ait pas de femmes dans vos livres, quelle importance ! Je suis bien d'accord avec Michèle. Il n'y a pas de quotat en la matière. Je ne me suis pas étonné qu'il n'y en ait pas dans "Géographiques". Je n'y ai pas pensé. Ce que vous aviez écrit m'occupait suffisamment pour que je n'aille pas faire la liste de ce qui n'y était pas. Et pour être honnête, la littérature "féminine" française, lorsqu'elle se penche sur la "question de la femme", affiche une telle médiocrité d'ensemble que cela clôt le débat.
Continuez à écrire ce que vous voulez écrire : voilà qui suffira à notre bonheur...
PS : vous aurez remarqué que Marguerite Yourcenar, grand écrivain devant l'éternel, ne met en scène que des hommes. Est-ce louche ? Vite un procès en sorcellerie.

Écrit par : nauher | 17.12.2010

pitié pas de quota dans vos livres aussi ! bon, dans la pratique j'aurais aimé, plus jeune, qu'il ne soit pas, dans les esprits, aussi difficile d'être femme dans le bâtiment (mais ça change, un peu) mais à part ça et bien entendu la plus grande résistance et la maternité jamais compris quelle était la différence entre les genres - les seules qui existent ne proviennent que de la place faite dans la société, le fonctionnement des cellules grises et les aspirations ou non ne respectent pas cette soi-disant différence

Écrit par : brigitte Celerier | 17.12.2010

« les seules qui existent ne proviennent que de la place faite dans la société,(...)»

... ou de la place à prendre dans la société.

Écrit par : ArD | 17.12.2010

quota et non quotat. What a shame...

Écrit par : nauher | 17.12.2010

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