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12.05.2009

Cordial salut aux commentateurs

Avenir.jpgPreuve est une nouvelle fois faite que lorsqu’on écrit un coup de cœur ou un coup de gueule, par définition sans préméditation, la réalité se charge d’en souligner aussitôt les limites.
Car en écrivant le silence des « sites amis », je ne pensais ni à Feuilly, ni à Solko, ni à Michèle qui nous accompagne tous de sa lecture avisée, quoique j’aie employé un article défini, fautif. Il eût fallu écrire « des ».
Je vous prie de le croire.
Je me sens dès lors un peu gêné, comme si j’avais forcé la main : «  Oh, hé, les gars, mon livre ! »
Au nom de notre complicité sur la toile, je vous demande donc la faveur de ne vous faire l'écho de ce livre que si vous le  jugez  digne d'être relayé. De le traiter non pas comme le livre de Bertrand Redonnet, mais comme un livre quelconque qui aurait retenu votre attention.
C’est en ce sens qu’on devient plus humainement complices que partenaires et les complices sont toujours plus efficaces que les partenaires.

L’artiste croit le plus souvent à la qualité de son œuvre. Du moins lorsqu’elle est tout fraîchement sortie de son atelier. Après, avec le temps, il ne s'y reconnaît pas tout à fait et devient plus à même d’en corriger les défauts, de la réajuster, et ainsi de suite, tant la création n’est pas momifiée mais, frottée au monde, évolutive, toujours perfectible.

Il n’en va pas de même pour l’éditeur dont le choix est définitif et c’est en cela que je disais que je faisais confiance au « coup de cœur » de Georges Monti et que, donc, j’étais pour l’heure fier et satisfait de mon texte.
Un peu comme au billard quand on frappe la boule à gauche pour qu'elle aille à droite.

Ce que dit Solko est loin de participer du domaine de la banalité. Ce que j’ai ressenti par les tripes en évoluant parmi les gens de mon pays pendant ces dix jours, je le subodorais préalablement par la tête. Il y a en France, comme dans d’autres pays sans doute mais qui me sont moins chers, l'achèvement d’une décadence entamée au début des années 80.
Nous sommes entrés dans l’ère de l’épuisement des consciences dans ce qu’elles réclament, pour être des consciences, d’autonomie. L’accumulation des aliénations, l’acceptation de plus en plus d’entorses faites à l’éthique humaine, le recul progressif de l’exigence de jouir de sa vie et l’oreille de plus en plus consentante prêtée  à une foule de mensonges, de contrevérités, d'aberrations grotesques, bassement cruelles, presque infantiles de manichéisme et émanant de gens d'extrême droite déguisés en intellectuels puissants, supérieurs et précis, ont  fini par inverser totalement l’apparence et l’être.
En dépit des murmures, des grèves sporadiques parfaitement encadrées, tous les acteurs du pouvoir complices, des contestations désabusées à la chandelle des chaumières, l’idéologie dominante s’est faite la seule force matérielle.
Cet état désastreux, marécage de désespoir dans lequel a sombré l'individu, a forcément des influences néfastes sur les rapports dits amicaux, chacun ayant perdu le sens et le bonheur de l'affection au profit des faux intérêts de sa survie.
Je n'ai donc pas retrouvé mes amis mais des êtres extérieurs, abîmés et agitant les bras pour ne pas sombrer tout à fait.
Dans ces conditions, quand on est à 2500 km et qu'on n'apparaît pas quatre ans durant, il est dramatiquement normal que l'érosion ait été cruelle. La roche n'était pas assez dure.

Nous sommes muselés. Comme des oiseaux pris aux crins du rets, nous nous débattons encore, pas tout à fait morts, incapables cependant de reprendre notre envol à l’assaut des nuages.
Le piège a été patiemment tissé et ce, pour une bonne part, par l’acceptation quotidienne de plus en plus de concessions à la destruction programmée de la vie. Un peu comme dans « Matin brun ».
Le slogan de Mitterrand « Changer la vie », volé sans vergogne à la critique situ, avait sonné le glas des espérances de renversement de la falsification.  Ce désamorcement de la grenade situationniste* offert en pâture aux espoirs populaires s'était préalablement nourri des différentes  défaites et abdications de la guerre sociale …

Et ainsi de suite…Jusqu’à Sarkozy, bouffon politique au service de l’enfermement de l’individu dans les prisons de l’apparence.
C’est donc en France que j’ai ressenti cet accablement des personnes et je l’ai ressenti parce que je vis dans un pays qui n’est pas le mien, en vacances perpétuelles, uniquement préoccupé d’écriture et où, donc, les aliénations me sont beaucoup moins perceptibles, les agressions moins brutales.
Si vous lisez « Zozo », vous apercevrez  tout ça, dit complètement autrement et par un personnage fort simple.
Les gens de peu ruminent moins que les penseurs agréés,  vivent plus directement les contradictions et assument donc plus humainement et plus directement leur exigence de bonheur.
Un personnage comme il n’en existe plus.
Relevant plus de l’ethnologie que de la sociologie, participation descriptive et prospective au fonctionnement d'une ruche où le nec plus ultra est réservé à la Reine, gardienne de la conservation de l'espèce laborieuse.

Tout ça, c'est certainement encore et encore  du blabla :

La redécouverte de la vie devra forcément passer par un affrontement armé entre l’intelligence et la veulerie.
J’en suis certain. Nous serons alors, tous et toutes sans doute, déjà passés de l'autre côté des nuages. Notre responsabilité n'en demeurera pas moins entière.

* C'est hallucinant la multitude de gens qui, aujourd'hui, prétendent lire ou avoir lu Debord. Pire, l'avoir compris et adhérer à sa critique du monde. Debord est d'une lecture très difficile. Il y a seulement quarante ans (1967) nous n'étions qu'une poignée à vouloir entendre la brochure strasbourgeoise " De la misère en milieu étudiant considérée sous ses trois aspects....", elle même écho des thèses situationnistes. Georges Monti me disait, très justement à La Rochelle, qu'un Sollers, par exemple, écrivait sur Debord des choses qu'il n'aurait jamais osé écrire du vivant de ce dernier.
Bref, qu'il écrivait sur Debord à la lumière de son cadavre...Ce qui tend à prouver, une fois de plus, que pour les chiens de garde de la misère et du malheur, une bonne théorie, radicale, est une théorie morte.
Et quel dommage que tous les adeptes  d'aujourd'hui ne l'aient pas été quand cette théorie battait son plein de joie et d'espoir ! Que de déboires et de bassesses eussions nous évités !

Image : Philip Seelen

12:13 Publié dans Acompte d'auteur | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : littérature |  Facebook | Bertrand REDONNET

Commentaires

PETIT RAPPEL DE THEORIES PASSEES

Que veut dire le mot situationniste ?

Il définit une activité qui entend faire les situations, non les reconnaître, comme valeur explicative ou autre. Ceci à tous les niveaux de la pratique sociale, de l'histoire individuelle. Les situationistes remplacent la passivité existentielle par la construction des moments de la vie, le doute par l'affirmation ludique.

Jusqu'à l'apparition de l'Internationale Situationniste (IS), les philosophes et les artistes n'ont fait qu'interpréter les situations ; il s'agit maintenant de les transformer. Puisque l'homme est le produit des situations qu'il traverse, il importe de créer des situations humaines. Puisque l'individu est défini par sa situation, il veut le pouvoir de créer des situations dignes de son désir. Dans cette perspective doivent se fondre et se réaliser la poésie, (la communication comme réussite d'un langage en situation), l'appropriation de la nature, la libération sociale complète.

Notre temps va remplacer la frontière fixe des situations-limites que la phénoménologie s'est complue à décrire, par la création pratique des situations; va déplacer en permanence cette frontière avec le mouvement de l'histoire de notre réalisation. L'IS veut une phénoménopraxis. Nous ne doutons pas que ceci sera la banalité première du mouvement possible de libération de notre temps.

Que s'agit-il de mettre en situation ? A différents niveaux, ce peut être cette planète, ou l'époque, ou un moment de la vie individuelle. Allez la musique ! Les valeurs de la culture passée, les espoirs de réaliser la raison dans l'histoire, n'ont pas d'autre suite possible. Tout le reste se décompose. Le terme situationniste au sens de l'IS est exactement le contraire de ce qu'on appelle actuellement en portugais un "situationniste", c'est-à-dire un partisan de la situation existante, là donc du Salazarisme.

Les membres de l'IS sont des artistes par cela seulement qu'ils ne sont plus des artistes : ils viennent réaliser l'art.

Les positions situationnistes sont-elles utopiques ?

La réalité dépasse l'utopie. Entre la richesse des possibilités techniques actuelles et la pauvreté de leur usage par les dirigeants de tout ordre, il n'y a plus à jeter un pont imaginaire. Nous voulons mettre l'équipement matériel à la disposition de la créativité de tous, comme partout les masses s'efforcent de le faire dans le moment de la révolution. C'est un problème de coordination, ou de tactique, comme on voudra. Tout ce dont nous traitons est réalisable : soit immédiatement, soit à court terme, du moment que l'on commence à mettre en pratique nos méthodes de recherche, d'activités.

Quelle est l'originalité des situationnistes, en tant que groupe délimité ?

Il nous semble que trois points remarquables justifient l'importance que nous nous attribuons comme groupe organisé de théoriciens et expérimentateurs. Premièrement nous faisons, pour la première fois, une nouvelle critique, cohérente, de la société qui se développe actuellement, d'un point de vue révolutionnaire; cette critique est profondément ancrée dans la culture, et l'art de ce temps, en tient les clés (évidemment ce travail est loin d'être achevé).

Deuxièmement, nous pratiquons la rupture complète et définitive avec tous ceux qui nous y obligent, et en "chaîne". Ceci est précieux dans une époque où les diverses sortes de résignation sont subtilement imbriquées et solidaires. Troisièmement, nous inaugurons un nouveau style de rapports avec nos "partisans"; nous refusons absolument les disciples. Nous ne nous intéressons qu'à la participation au plus haut niveau; et à lâcher dans le monde des gens autonome.

Nos théories ne sont rien d'autres que la théorie de notre vie réelle, et du possible expérimenté ou aperçu en elle. Aussi parcellaires que soient, jusqu' à nouvel ordre, les champs d'activité disponibles, nous nous y comportons pour le mieux. Nous traitons l'ennemi en ennemi, c'est un premier pas que nous recommandons à tout le monde, comme apprentissage accéléré de la pensée.

Par ailleurs il va de soi que nous soutenons inconditionnellement toutes les formes de la liberté des moeurs, tout ce que la canaille bourgeoise appelle débauche. Il est évidemment exclu que nous préparions par l'ascétisme la révolution de la vie quotidienne.

La société des loisirs est une apparence qui recouvre un certain type de production-consommation de l'espace-temps social. Si le temps du travail productif proprement dit se réduit, l'armée de réserve de la vie industrielle va travailler dans la consommation. Tout le monde est successivement ouvrier et matière première dans l'industrie des vacances, des loisirs, du spectacle. Le travail existant est l'alpha et l'oméga de la vie existante. L'organisation de la consommation, plus l'organisation des loisirs, doit équilibrer exactement l'organisation du travail.

Le "temps libre" est une mesure ironique dans le cours d'un temps préfabriqué. Rigoureusement, ce travail ne pourra donner que ce loisir, tant pour l'élite oisive - en fait de plus en plus semi-oisive - que pour les masses qui accèdent aux loisirs momentanés. Aucune barrière de plomb ne peut isoler, ni un morceau du temps, ni letemps complet d'un morceau de la société, de la radioactivité que diffuse le tavail aliéné, ne serait-ce qu'en ce sens que c'est celui qui façonne la totalité des produits, et de la vie sociale, ainsi et pas autrement.

La Revue de l'IS. Numéro du 9 août 1964.



MON COMMENTAIRE

Depuis le 19ème siècle, l'Europe connaît le tribun populaire néoromain à moustache ou à menton relevé, l'intellectuel qui prend la parole au nom d'un prolétariat encore muet mais bientôt réveillé par lui, et aujourd'hui, nouvelle figure, produit de la crise actuelle, le tribun des catastrophes qui se charge d'indiquer à ses concitoyens les potentiels de malheurs latents que provoqueraient, selon lui, leurs comportement irresponsables.

Me voilà guère convaincu par tout ces fatras d'un autre temps qui n'est plus. Fatras qui sont heureusement restés à l'état de discours pour amphis enfumés... Je choisi le métier d'artiste imagier et d'écrivain pour susurrer à l'oreille de mes contemporains ce que j'ai envie de leur transmettre de mon expérience, de ce que je sens et de ce que je vis aujourd'hui.

Je me sens contemporain, et je dois fixer mon regard sur mon temps. Et je fixe mon regard sur ce temps, non pour en percevoir les lumières, mais l'obscurité. Tous les temps sont obscurs. Est contemporain celui qui sait voir cette obscurité, qui est en mesure d'écrire en trempant la plume dans les ténèbres du présent.

Ne nous laissons pas aveugler par les lumières du siècle, et parvenons à saisir en elles la part de l'ombre, leur sombre intimité. Percevoir l'obscurité de son temps, comme une affaire qui nous regarde, ne cesser de l'interpeller, tel est mon engagement d'aujourd'hui. Etre contemporain c'est être celui qui reçoit en plein visage le faisceau de ténèbres qui provient de son temps.

Paris le 13 mai 2009. Cordialement en retour. Philip Seelen.

Écrit par : Philip Seelen | 14.05.2009

Cher Philip,

Il semblerait que nous nous soyons mal compris. Ça m’arrive assez fréquemment ces temps-ci :

1) D’abord parce qu’il n’était pas utile de me rappeler la prose situ. Ma bibliothèque recèle toutes leurs éditions, sous formes de brochures, livres et autres revues, le tout recouvert de poussière, puisque jamais consulté désormais,
2) Parce qu'annoncer que cette théorie est d’un autre temps, c’est déjà proférer « situationnistement », la mort de cette théorie ayant été décrétée par les théoriciens eux-mêmes, il y a bien longtemps (Cf « la véritable scission » et « de la misère en milieu pro-situ »), ce qui ne veut pas dire qu’y faire allusion participe de l’idéologie d'un autre temps,
3) Parce que je n’annonce pas ici de catastrophe, je me contente de « d’intellectualiser », d’essayer de comprendre, quelques douleurs récentes éprouvées dans la redécouverte de mon pays. Je n’annonce pas : je dis du directement vécu et c’est là, pour moi, l’essentiel de l’écriture si elle prétend à autre chose qu’à des propos oiseux et d'ordre général qui ne mange pas de pain,
4) Parce que je me soucie comme d’une guigne d’être contemporain dans une époque que je méprise donc fondamentalement à bien des égards,
5) Parce que si je suis un artiste, si j’ai choisi l’écriture, c’est aussi parce que le monde dans lequel j’ai évolué m’a privé de parole et que ce que je fais le moins mal aujourd’hui, c’est de tenter de reprendre cette parole par l'écrit,
6) Parce que ça n’est pas dans l’obscurité que l’on voit le mieux, ça n’est pas l’obscurité que l’on tente de saisir, mais un amour intérieur, intime, ancré en nous par le désir de vivre, amour quotidiennement confronté au marasme dans lequel se débattent les intelligences et les remparts mis en place pour une inaccessibilité à la vie autre que strictement nécessaire,
7) Parce qu’un simple regard sur le chemin parcouru par l’histoire, suffit pour ne pas affirmer que les tribuns, moustaches et mentons relevés ou pas, n’ont pas dit que des conneries jusqu’alors, de même que dans les amphis enfumés il ne s’est pas proféré que des insanités. Il s'y est même dit quelques vérités dont notre sprit se nourrit encore aujourd'hui,
8) Parce qu’enfin, je m’en fous de tout ça . Je suis pressé de vivre et d’occulter ainsi la pensée du bout de la piste, dussé-je en cela rester seul parmi les loups, en tenue de loups ou suavement déguisés.

Cordialement

Écrit par : Bertrand | 14.05.2009

Ah bon ...

1),2),3),4),5),6),7),8) !

Parce qu'enfin je m'en fous de tout ça. Moi aussi et à la revoyure !

Froidement. Philip Seelen

Écrit par : Philip Seelen | 14.05.2009

Elle est vraiment étrange, ta réaction....
Glacialement

Écrit par : Bertrand | 14.05.2009

L'exil des sens et l'exil du sens ce ne sont pas mes exils préférés. Mais puisque le monopole du sens n'a pour moi aucun sens, je ne crois pas qu'il faille continuer ici cet échange de sens uniques.

Il serait dommage qu'un malentendu nous éloigne l'un de l'autre s'étant à peine connu et vu et revenant tous deux des courses chargés de projets communs. Mes commentaires ne sont pas des commentaires, justes des idées, et je ne donne de leçon à personne, ni ne désire en recevoir.

Quant à comprendre ma réaction, une lecture un peu chaleureuse, du même type de celle que j'ai toujours manifestée à l'égard de l'Exil des Mots, du signe philosophique que j' ai envoyé au nom de l'amitié sur "Retour", il y a quelques jours, devrait favoriser une certaine éclaircie.

Philip.

Écrit par : Philip Seelen | 14.05.2009

J'ai fait, Philip, une lecture chaleureuse de ce que tu écrivis sur l'amitié, même si je n'y ai pas fait écho, ni ici, ni en privé.
Il se trouve cependant que je viens de perdre tous ceux que j'avais depuis 25 ans, d'amis, et que, depuis mon retour en Pologne,je suis au milieu d'un désert avec, sauf ce que j'y vis au présent, tout à reconstruire de ma mémoire affective.
L'exil, Philip, comporte ce genre de risques : retrouver que le squelette de ce qu'on a vécu "avant".
Et puisque aussi bien tu sais les exils, donne-moi le temps de reconstruire.
ça n'est pas facile.

Quant à donner des leçons, je serais plus enclin à en recevoir en ce moment qu'à en donner. Ce n'est donc pas moi qui ai écrit :
...."le tribun des catastrophes qui se charge d'indiquer à ses concitoyens les potentiels de malheurs latents que provoqueraient, selon lui, leurs comportement irresponsables."
Un peu blessant quand même.

Mieux vaut reprendre cette discussion en privé, si tu le souhaites.
Je ne tiens pas à mettre trop de choses en pâture et en spectacle.

Écrit par : Bertrand | 14.05.2009

Incompréhension manifeste entre vous deux. Philip redonne simplement un texte à lire (pour les autres lecteurs). Et quand il parle de la partie sombre de l'époque que chaque artiste met en évidence, il a raison je crois. L'art est d'abord critique et contestataire. Forcément puisqu'il puise dans les valeurs intimes de l'individu. Vos positions respectives ne sont donc pas inconciliables.

Ne va pas, Bertrand, couper la dernière branche sur laquelle tu es assis dans un moment de noire mélancolie.

Écrit par : Feuilly | 14.05.2009

Mais comment peux tu penser, Bertrand, que je puisse penser que tu sois "un tribun des catastrophes" ce qui est à cent mille lieues de mes pensées à ton égard, à l'égard de tes idées ou de tes écrits, et d'ailleurs je ne t'ai même jamais entendu parler à un auditoire quelconque et par dessus tout je te considère comme un écrivain dont c'est la passion,le métier et sa vie artistique et créative.

Il se trouve que je suis comme par hasard en pleine lecture de deux petits bouquins passionnants.

- "La planète malade" de Guy Debord.

- "Catastrophisme, administration du désastre et soumission durable". Un livre à deux mains de René Riesel et Jaime Semprun.

Il m'arrive souvent de lire deux livres en parallèle qui ont un lien entre eux, même et surtout si leur parution ou leur écriture sont éloignée dans le temps. Dans ce cas là, ce qui rapproche ces deux livres, à part le thème, c'est Debord et René Riesel. Riesel a été membres actif de l'Internationale Situationniste avant d'en être exclu par Debord pour déviationnisme, ça rigolait pas avec la pureté de l'Idée déjà en ce temps là.

"La révolution ou la mort", selon Debord en 1971, c'était le dernier mot de la pensée scientifique de notre siècle."dans cette société où le suicide progresse comme on sait, les spécialistes ont dû reconnaître, avec un certain dépit, qu'il était retombé à presque rien en France en mai 1968. Ce printemps 68 obtint aussi, sans précisément y monter à l'assaut, un beau ciel, parce que quelques voitures avaient brûlé et que toutes les autres manquaient de d'essence pour polluer. Quand il pleut, quand il y a de faux nuages sur Paris, n'oubliez jamais que c'est la faute du gouvernement. La production industrielle aliénée fait la pluie. La révolution fait le beau temps."

Quant à René Riesel il a poursuivit sa voie dans la critique radicale à la Société industrielle et à son avenir. Il tente d'observer le monde tel qu'il est aujourd'hui, déplore et combat la soumission à l'ordre et aux ordres industriels et consuméristes et anime un courant de pensée écolo-critique contre la domination sans partage de l'industrie des biens de consommation sur nos esprits. Sa critique est une de mes sources d'inspiration, parmi tant d'autres, pour mes images.

Son dernier ouvrage propose une réflexion sur la catastrophe, le catastrophisme et ceux qui en jouent comme arme pour soit imposer le maintien du status en diffusant peur et angoisse devant un futur de pénuries, soit une fuite en avant vers un ascétisme paupérisant et romantique en diffusant le catastrophisme de l'hiver nucléaire ou du réchauffement climatique.

Son petit texte très enjoué peut paraître relever d'un anti-industrialisme et d'un libertarianisme forcenés. Mais son diagnostique s'impose comme un îlot de lucidité critique au sein d'un océan de déraison collective : ce sont tous les experts et les conseillers et les décideurs, mais aussi tous les contre-experts, militants et autres écolocrates qui apparaissent comme des forcenés aveuglés par les délire de notre modernité post-industrielle et globalisante.

Selon Riesel la véritable catastrophe que passent sous silence les spécialistes, est moins à situer dans "l'environnement dénaturé" des hommes que dans "l'esprit des hommes", dans l'acceptation mondialisée de l'horizon bureaucrato-consumériste qui écrase toute aspiration esthétique sous la pression du quantitativisme scientiste.

Tu vois, Bertrand, tout ceci motivait mes propos de deux heures du matin, je crois que c'est à peu près l'heure à laquelle je t'ai envoyé la définition situ par les situs et mon commentaire. Cela me faisait plaisir de te communiquer ce rappel d'un texte de 1964 que personne ne lit plus et qui contient toujours sa part de vrais et d'idéalisme romantique. Malheureusement mon intention peut-être mal rédigée, vu l'heure, mais intention toute amicale, a été saisie à bras le corps par mon correspondant vexé de se voir "comparé à des barbus vociférant des imprécations catastrophistes".

Quant à voir quelques choses de positif chez les potentas moustachus et dans les élucubrations entêtées des amphis enfumés auxquelles j'ai participés pendant plus de 10 ans, permets moi de ne pas te suivre sur cette appréciation. J'espère que ce malentendu se verra ainsi éclairci et que ces traces disparaîtrons avec la poursuite de nos échanges.

Désolé et empathie profonde. Philip Seelen.

Écrit par : Philip Seelen | 14.05.2009

Quelles lectures! Je comprends beaucoup mieux....
Tout est de ma faute...Je reagis ces jours-ci comme une bete blessee..
Je t'en parlerai demain.La, je suis sur un ordi pas confortable, pas d'accent...
Amitie toujours

Écrit par : Bertrand | 14.05.2009

SARKOZY, SOKRAZY vu de ma petite tête de SWISS FRANCAIS !

Sokrazy a été élu car il a réussi a se présenter comme le champion de la richesse et des privilèges français, contre la menace globale diffuse de la mondialisation. Il a conquis l'électorat de droite et séduit surtout l'électorat de gauche et de droite ouvrier, sans qui il n'aurait jamais été élu, en se fondant sur la peur et la paranoïa. Il a mené une campagne reposant sur l'effroi à l'égard des étrangers, des ouvriers, des immigrés, des jeunes des banlieues, des lycées et des universités, des terroristes, et de toutes sortes d'"autres", d'outsiders. Il a conjugué cette campagne d'effroi avec la détermination d'user de toutes les forces de répression et d'intimidation nécessaires pour les maintenir à distance.

Sa rivale Royale a perdu parce qu'elle n'avait rien d'autre à offrir que la "peur de la peur" et le développement d'un état policier plus proche de la population mais tout aussi agressif à l'égard des outsiders. Cette défaite a marqué la fin du clivage droite gauche né de la gauche d'Epinay tel que nous l'avons vécu jusqu'à l'élection de Ricrac Chirac en 2002 avec plus de 82% des voix, score de république de banana split. Une profonde désorientation des couches traditionnelles de l'électorat de gauche comme de droite marque la vie politique de l'après 2007, ce dont profitent les riches pour attaquer les pauvres et exclure les plus opprimés du système.

C'est l'habileté de Sarkozy à manipuler cet ensemble désorienté de la gauche et celui des réflexes politiques de droite bien enracinés dans la société française qui lui ont permis de présenter des mesures anti-ouvriers, anti-immigrés, anti-étrangers, anti-pauvres comme essentielles à la restauration d'une France "ré-energisée" à sa juste position d'influence privilégiée dans le monde.

Il est sûr que dans cette nouvelle conjoncture il s'agit de renouveler et de réinventer la figure de l'opposant, de l'opposition au pouvoir sans partage du Sarkozysme. L'arsenal de l'opposition de gauche du 20ème siècle, maintenant loin derrière nous, cet arsenal est devenu totalement inopérant. Le marxisme, le mouvement ouvrier, la démocratie de masse, le parti d'avant garde, le prolétariat, l'Etat socialiste nationalisant l'industrie et les banques, tout ce fatras qui a amené les catastrophes que l'on sait, est devenu absolument impraticable, totalement inutile, obsolète pour toute opposition garante d'une certaine réussite et qui se voudrait convaincante.

Quel que soit notre pays de résidence, il me semble de plus en plus claire et bientôt pour tous les européens que nous vivons dans le même monde de production, de consommation et de manifestations des rapports humains qui leurs sont liés. Nous pouvons donc plus facilement nous comprendre, échanger et dépasser les barrières nationales au profit de l'échange de nos intelligences, de nos cultures d'opposition, et de nos diverses compréhension et approche du monde global dans lequel nous vivons aujourd'hui.

Ce sont des grandes lignes,mais ce sont les miennes, j'aime à les discuter et elles me permettent de tenter de comprendre un peu mieux ce qui se passe autour de moi, de nous, cher Bertrand.

Fidèlement et énergiquement. Philip Seelen

Écrit par : Philip Seelen | 14.05.2009

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